Responsabilité du Notaire : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05546

·

·

Responsabilité du Notaire : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05546
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/05546 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-NAMK

[C] [H] [I] [Z] épouse [G]

c/

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA IARD

S.A.R.L. ULARIUS IMMOBILIER

S.C.P. CATHERINE BOURGOIN, BÉNÉDICTE FAUCHEREAU, CHARLES RAGEY

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d’un arrêt rendu le 26 octobre 2022 (Pourvoi N° S 21-21.213) par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 16 mars 2021 (RG 18/03671) par la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel de POITIERS en suite d’un jugement du Tribunal de grande instance de LA ROCHELLE du 06 novembre 2018 (RG 16/00741), suivant déclaration de saisine en date du 06 décembre 2022

DEMANDERESSE :

[C] [H] [I] [Z] épouse [G]

née le 17 Octobre 1974 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

Représentée par Me Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE

et assistée de Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDERESSES :

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

S.A. MMA IARD

Société Anonyme, immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 440 048 882, ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 11], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

en qualité d’assureur de la SCP BOURGOIN-[J]-FAUCHEREAU

S.C.P. CATHERINE BOURGOIN, BÉNÉDICTE FAUCHEREAU, CHARLES RAGEY

notaires associés, titulaire d’un office notarial dont le siège social se situe [Adresse 8] à [Localité 16], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me MALBY substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocats au barreau de POITIERS

EURL ULARIUS IMMOBILIER,

exerçant sous l’enseigne AGENCE DELILLE, au capital de 104000 € immatriculée au RCS de LA ROCHELLE sous le numéro 422 007 989, ayant son siège social [Adresse 9] à [Localité 16], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège social

Représentée par Me YOUCEF substituant Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 juin 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [Z] épouse [G] a, par compromis en date 7 juillet 2011 établi par l’entremise de l’agence immobilière Ularius Immobilier exerçant sous l’enseigne Agence Delitte, convenu de l’acquisition auprès des époux [T] [M] et [L] [P], au prix de 145.000 euros, d’une parcelle de terrain à bâtir non viabilisée située [Adresse 15] au [Localité 10] (Charente-Maritime), cadastrée section BD n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 4] pour une contenance totale de 1.605 m².

Ce compromis a été établi sous la condition suspensive de la constructibilité de la parcelle. Un certificat d’urbanisme opérationnel a été délivré le 7 juillet 2011 par arrêté du maire de [Localité 10]. Il précise que ‘L’opération sollicitée à savoir la construction d’une habitation pourra être autorisée sous réserve du respect du règlement de la zone NB du POS et de la Charte Architecturale du Pays [Localité 12]’.

Par acte du 15 octobre 2011 reçu par Maître [W] [J], notaire associé de la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau, la vente a été réitérée en la forme authentique au profit d'[C] [Z]. Le certificat d’urbanisme a été annexé à l’acte qui en a rappelé les termes.

Un nouveau certificat d’urbanisme a été délivré le 15 octobre 2012. Ce certificat négatif indiquait que ‘l’opération sollicitée à savoir la construction d’une habitation, ne pourra être autorisée car la parcelle est située en zone NB sur une partie délimitée sur une profondeur de 7 m à partir des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 5] soit une superficie de 140 m² plus la superficie du passage soit 390m² soit un total de 530m²’, alors que ‘en zone NB, pour être constructible, le minimum parcellaire exigé est 1000m², l’arrière de la parcelle soit une superficie de 1075m² est située en zone NAa, zone d’urbanisation future habitat pavillonnaire où tout secteur doit faire l’objet d’un schéma d’aménagement d’ensemble agrée par le Conseil municipal toute construction ou opération autorisée devra respecter ce schéma’ et que ‘sur ces parcelles ce document n’existe pas’.

Par acte du 2 mars 2016, Mme [Z] a assigné devant le tribunal de grande instance de La Rochelle les époux [T] [M] et [L] [P], la société Ularius Immobilier et la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau en annulation de la vente et en responsabilité.

Par acte du 9 mai 2017, elle a mis en cause la société MMA Iard, assureur de la Scp Bourgoin-[J]-Fauchereau et la société MMA Iard Assurances Mutuelles. Les procédures ont été jointes.

Mme [Z], à titre principal, a demandé de prononcer la nullité de la vente pour dol, les vendeurs ayant dissimulé l’inconstructibilité du terrain, subsidiairement pour erreur sur la substance, la constructibilité du bien étant une qualité substantielle de la chose vendue. Elle a en tout état de cause demandé de condamner les vendeurs à l’indemniser de son préjudice (perte de valeur du terrain, trouble de jouissance). Subsidiairement, elle a soutenu que l’agence immobilière et le notaire avaient engagé leur responsabilité et étaient tenus de l’indemniser de son préjudice.

Les défendeurs ont conclu au rejet de ces demandes.

Par jugement rendu le 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de La Rochelle a:

– rejeté le moyen d’irrecevabilité pour défaut de publication de l’assignation ;

– annulé la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue intervenue par acte authentique du 15 octobre 2011 reçu par Maître [W] [J], notaire associé de la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau entre Monsieur [M] et Madame [P] et Mme [Z] épouse [G] portant sur une parcelle de terrain non viabilisée situé au [Localité 10] – [Adresse 14] cadastré :

– Section BD [Cadastre 1] pour 00ha 07 a et 54 ca

– Section BD [Cadastre 2] pour 00ha 03a et 40 ca réglementation

– Section BD [Cadastre 4] pour 00ha 05a et llca .

– condamné [T] [M] et [L] [P], à rembourser à Mme [C] [Z] épouse [G] la somme de cent quarante cinq mille euros (145 000 euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

– condamné in solidum l’Eurl Ularius Immobilier avec la garantie de la SA MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles et la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau et son assureur la SA MMA Iard à garantir Monsieur [M] et Madame [P] du montant de cette condamnation à concurrence de la somme de 50 000 euros ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné in solidum [T] et [L] [M], L’Eurl Ularius Immobilier et la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau aux dépens de l’instance et à payer à Mme [C] [G] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-condamn l’Eurl Ularius Immobilier et la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau à garantir

[T] et [L] [M] du montant de cette condamnation et à leur payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique en date du 6 décembre 2018, la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau et la société MMA Iard ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par arrêt rendu le 16 mars 2021, la Cour d’appel de Poitiers a :

Infirmé le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal de grande instance de La Rochelle et statuant à nouveau,

– débouté [C] [Z] de sa demande de nullité de la vente par les époux [T] [M] et [L] [P] d’une parcelle de terrain à bâtir non viabilisée située [Adresse 15] au [Localité 10] (Charente-Maritime), cadastrée section BD n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 4] pour une contenance totale de 1.605 m² ;

– débouté [C] [Z] de ses demandes formées à l’encontre de la société Ularius Immobilier, de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, de la scp Bourgoin-[J]-Fauchereau et de la société MMA Iard ;

– condamné [C] [Z] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de :

– 3 000 euros aux époux [T] [M] et [L] [P] ;

– 1 500 euros à la société Ularius Immobilier ;

– 1 500 euros à la scp Bourgoin-[J]-Fauchereau et à la société MMA Iard ;

– condamné [C] [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

Mme [Z] a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision.

Par arrêt rendu le 26 octobre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de Mme [Z] à l’encontre de la société Ularius Immobilier, de la société MMA Iard assurances Mutuelles, de la société civile professionnelle Bourgoin-[J]-Fauchereau et de la société MMA Iard, l’arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ;

– remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

– mis hors de cause M. et Mme [M] ;

– dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause les sociétés Ularius Immobilier, MMA Iard assurances mutuelles, MMA Iard et la société civile professionnelle Bourgoin-[J]-Fauchereau ;

– condamné les sociétés Ularius Immobilier, MMA Iard assurances mutuelles, MMA Iard et la société civile professionnelle Bourgoin-[J]-Fauchereau aux dépens ;

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par les sociétés Ularius Immobilier, MMA Iard Assurances mutuelles, MMA Iard et la société civile professionnelle Bourgoin-[J]-Fauchereau et les a condamné in solidum à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros.

Par déclaration électronique en date du 6 décembre 2022, Mme [Z] a saisi la cour d’appel de renvoi.

Elle y a intimé la SA MMA Iard, l’Eurl Ularius Immobilier, la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau et al compagnie d’assurance MMA Iard Assurances Mutuelles.

La société Ularius Immobilier a déposé et signifié des conclusions le 28 avril 2023.

Mme [C] [Z] épouse [G], dans ses dernières conclusions d’appelante en date du 6 juin 2023, demande à la cour de :

– déclarer Mme [Z] recevable et bien fondée en son appel.

– déclarer irrecevables les conclusions signifiées par la société Ularius Immobilier.

– déclarer Mme [Z] recevable en ses demandes.

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [Z] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts formées contre les sociétés Ularius Immobilier et SCP Bourgoin – Fauchereau- Ragey.

– condamner in solidum les sociétés Ularius Immobilier et SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey à payer à Mme [Z] la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts.

– condamner in solidum les sociétés Ularius Immobilier et SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey à payer à Mme [Z] la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner in solidum les sociétés Ularius Immobilier et SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey aux entiers dépens d’instance et d’appel.

– autoriser la Selarl Jurica à poursuivre le recouvrement des frais dont elle aura fait l’avance sans avoir reçu provision dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

La société SCP Bourgoin-Fauchereau-Ragey et la SA MMA Iard, dans leurs dernières conclusions d’intimées en date du 8 juin 2023, demandent à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, de :

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle en ce qu’il a débouté Madame [Z] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre la SCP désormais dénommée Bourgoin- Fauchereau- Ragey, la MMA Iard Assurances Mutuelles et la SA MMA Iard.

– débouter en conséquence Mme [Z] de ses demandes visant à voir prononcer la condamnation de la SCP Bourgoin-Fouchereau-Ragey, in solidum avec la société Ularius Immobilier, à lui payer :

– 400 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

– 15 000 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les entiers dépens d’instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl Jurica.

Subsidiairement,

Pour le cas impossible où un manquement de la SCP Catherine Bourgoin Bénédicte Fouchereau Ragey serait retenu,

– dire et juger que la perte de chance de ne pas contracter que pourrait invoquer Madame [Z] est limitée à 15% ;

– dire et juger, toujours dans cette hypothèse de raisonnement, que cette perte de chance ne pourrait porter que sur la différence entre le prix d’acquisition du terrain litigieux, soit 145 000 euros, et celle de 10 000 euros procédant de l’évaluation de l’agence Human Immobilier sise au [Localité 10].

En tout état de cause,

– condamner Madame [Z] à payer à la SCP Bourgoin-Fauchereau -Ragey la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– la condamner en tous les frais et dépens tant de première instance que d’appel dont distraction au profit de la SCP Laydeker-Sammarcelli-Mousseau, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2023.

Mme [C] [Z] a déposé de nouvelles conclusions le 16 juin 2023.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la procédure :

A -Sur la recevabilité des conclusions après clôture de Mme [Z] :

Alors que les parties avaient été avisées dès le 10 janvier 2023 que l’affaire serait plaidée à l’audience du 26 juin 2023 et la clôture de l’instruction fixée au 12 juin 2023, qu’elles avaient échangé leurs dernières conclusions le 6 juin 2023 pour Mme [Z] et le 8 juin 2023 pour la SCP Bourgoin-Fauchereau-Ragey, Mme [Z] a de nouveau déposé des conclusions au fond le 16 juin 2023, sans solliciter la révocation de l’ordonnance de clôture.

En l’absence d’accord des parties sur la révocation de la clôture, les conclusions de Mme [Z] déposées après la clôture seront déclarées d’office irrecevables.

B – Sur la recevabilité des conclusions de la société Ularius :

Mme [Z] demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions de la société Ularius Immobilier comme ayant été déposées tardivement hors délai de l’article 1037-1 du code de procédure civile.

La société Ularius n’a pas pris de conclusions de procédure en réponse sur ce point.

Conformément aux dispositions de l’article 1037-1 alinéa 3 et 4 du code de procédure civile, les conclusions de l’auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration. Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’auteur de la déclaration. Et selon l’alinéa 6, les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.

Si ces dispositions donnent compétence au président de la chambre ou au magistrat désigné par le premier président, ce magistrat ne dispose pas, à l’instar du conseiller de la mise lorsqu’il est désigné, d’une compétence exclusive.

Or, il apparaît que les conclusions de l’auteur de la déclaration de saisine ont été remises au greffe dans le respect du délai qui lui était imparti par les dispositions de l’alinéa 3, le 2 février 2023, ce qui imposait à la société Ularius Immobilier de conclure pour le 2 avril 2023 au plus tard, en sorte que la société Ularius ayant déposé ses conclusions le 28 avril 2023 est réputée s’en tenir aux conclusions qu’elle avait signifiées devant la cour d’appel de Poitiers dont l’arrêt a été cassé, à savoir ses conclusions du 25 octobre 2019.

Il convient d’écarter des débats les conclusions de la société Ularius Immobilier du 28 avril 2023 et de retenir les conclusions de la société Ularius Immobilier du 25 octobre 2019 déposées devant la cour de Poitiers, selon lesquelles il était demandé par la société Ularius Immobilier à la cour, au visa des dispositions de l’article 1382 et 1147 (anciens) du Code civil, de l’article 564 du Code de Procédure civile, de :

– déclarer irrecevable comme étant nouvelle la demande présentée par Mme [Z] épouse [G] visant la condamnation de l’Eurl Ularius Immobilier et son assureur à lui payer la somme de 35.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à l’impossibilité de faire construire son pavillon de vacances ainsi qu’à lui rembourser le prix de vente,

– dire et juger recevable l’appel de la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau ;

– dire et juger recevable et bien fondé l’appel incident de la Société Ularius Immobilier et de la SA MMA Iard ;

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 6 novembre 2018 rendu par le tribunal de grande instance de la Rochelle ;

Par suite:

– dire et juger que Madame [Z] ne rapporte pas la preuve que le terrain acquis est inconstructible,

– dire et juger que l’Eurl Ularius Immobilier n’a commis aucune faute,

– débouter Madame [Z], ainsi que Monsieur [M] et Madame [P] de l’ensemble des demandes présentées à l’encontre de la Société Ularius Immobilier et de la SA MMA Iard,

A titre subsidiaire,

– voir minorer le préjudice de Madame [Z],

– condamner la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau à garantir la Société Ularius Immobilier de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre

– débouter Madame [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– débouter Monsieur et Madame [M] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner Madame [Z] ou tous succombants à payer à la Société Ularius Immobilier à la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

C – Sur la portée de la cassation :

La cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers, au visa des dispositions des articles 1382 devenu 1240 du code civil, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de Mme [Z] à l’encontre de la société Ularius Immobilier et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles, de la société civile professionnelle Bourgoin-[J]-Fauchereau et de la société MMA Iard, ayant par ailleurs mis hors de cause les vendeurs, M et Mme [M].

Alors que les moyens du pourvoi qui a été accueilli ne remettaient en cause que le débouté des demandes indemnitaires à l’encontre du notaire et de l’agent immobilier au titre de leur responsabilité professionnelle, la cour n’est donc plus saisie que de l’action indemnitaire en responsabilité contre ces professionnels, à l’exception de toute demande d’annulation de la vente, aucune demande n’étant plus formulée par Mme [Z] à l’encontre des assureurs.

II – Sur le fond :

A – Sur la responsabilité du notaire

Le tribunal a retenu la responsabilité du notaire au motif qu’il ‘ne pouvait se retrancher derrière l’annexion à l’acte authentique du certificat d’urbanisme positif sous certaines conditions et du règlement du POS pour considérer qu’il avait satisfait à son obligation de conseil’ et que ‘Dès lors que l’acte portait sur un terrain à bâtir, il était de ses obligations de vérifier que la configuration particulière du terrain à vendre composé de trois parcelles assises sur deux zones différentes du POS permettait concrètement la réalisation d’un projet constructif’.

Ayant mis hors de cause les vendeurs, considérant que leur erreur était excusable, le tribunal a ensuite jugé que ‘la seule lecture de l’article NB5 du POS devait l’alerter sur la nécessité de disposer d’une superficie minimale en zone NB et de procéder à toutes vérifications sur ce point. Ce manquement à cette vérification primordiale caractérise la faute qui engage la responsabilité délictuelle de l’officier ministériel avec la garantie de son assureur MMA IARD’.

La Cour d’appel de Poitiers à infirmé le jugement sur ce point comme étant la conséquence nécessaire de son infirmation du jugement sur l’annulation de la vente dès lors qu’il n’existait à la date de la signature de l’acte authentique aucune erreur sur la constructibilité du terrain, laquelle résultait de la délivrance d’un certificat d’urbanisme positif ayant pour objet la construction d’un bâtiment à usage d’habitation, puis de son renouvellement à deux reprises, en sorte que la condition suspensive stipulée au compromis de vente se trouvait ainsi réalisée, Mme [Z] ne pouvant dès lors soutenir avoir cru acquérir un terrain constructible, qui ne l’était pas, les éléments intervenus ultérieurement n’ayant eu aucune incidence sur la validité de la vente.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers pour avoir rejeté les demandes fondées sur la responsabilité du notaire, au visa de l”article 1382, devenu 1240 du code civil, pour n’avoir pas recherché, comme il le lui était demandé, si, indépendamment de la nullité de la vente, le notaire, en possession du certificat d’urbanisme positif émis sous réserve du respect du règlement de la zone NB du POS, n’avait pas manqué à son obligation d’information et de conseil, en n’attirant pas l’attention de l’acquéreur sur le contenu et la portée de ce certificat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision’.

L’appelante demande la confirmation du jugement entrepris à défaut pour le notaire, tenu d’un devoir de conseil et d’une obligation d’efficacité de ses actes, d’avoir attiré son intention sur le fait que la constructibilité du terrain ‘à bâtir’ n’était pas acquise et de n’avoir pas recherché si le terrain était constructible en regard du POS en vigueur.

Le notaire demande l’infirmation du jugement entrepris dès lors que la vente n’a pas été annulée en regard de ce que le terrain était constructible au jour de l’acte authentique, n’étant tenu que d’une obligation de moyen, étant fondé à se fier aux actes administratifs, sauf à établir qu’il disposait d’éléments de nature à faire douter de leur véracité, ce qui n’était pas le cas en l’espèce où au jour de la vente le terrain avait fait l’objet de trois certificats d’urbanisme opérationnels préalables à la vente de l’immeuble litigieux, en date des 11 février 2009, 17 août 2010 et 7 juillet 2011, qui ont été annexés à l’acte de vente, indiquant que le terrain était constructible.

Il n’est pas contesté qu’en tant qu’officier public ministériel le notaire instrumentaire engage sa responsabilité civile extra contractuelle pour les actes qu’il rédige étant redevable d’un devoir d’information et de conseil et d’une obligation d’efficacité de ses actes.

Si de manière générale, il n’est tenu que d’une obligation de moyen, obligeant le demandeur à rapporter la preuve d’un manquement à son obligation, s’agissant cependant du devoir de conseil, il incombe au notaire d’établir qu’il a rempli son obligation.

A ce titre, il appartient au notaire d’éclairer et d’attirer l’attention des parties sur la portée de leurs engagements ainsi que sur les effets et les risques des actes auxquels ils prêtent leur concours et de mettre tout en oeuvre pour assurer l’efficacité de ses actes.

S’agissant de son obligation d’efficacité des actes, c’est à juste titre que le notaire observe qu’il n’est pas tenu d’instruire contre le contenu des actes administratifs, en l’absence d’éléments permettant de les mettre en doute.

Il est constant que le compromis de vente sous condition suspensive en date du 7 juillet 2011 portait sur la vente ‘d’une parcelle de terrain à bâtir non viabilisée de 1 605 m2 située en zone Naa et NB du POS du [Localité 10]’.

L’acte contenait notamment les ‘conditions suspensives suivantes stipulées au profit de l’acquéreur, lequel pourra toujours y renoncer :

1- l’immeuble , objet des présentes, est destiné :

-à la construction d’un bâtiment à usage d’habitation ; en conséquence il devra être délivré un certificat d’urbanisme valide duquel devra résulter que le dit immeuble est en zone constructible suivant la réglementation de la commune concernée.

2- les documents d’urbanisme en cours de validités délivrés par l’administration ne devront révéler aucune servitude ou charge quelconque rendant l’immeuble impropre à sa destination.

Il est précisé que le seul alignement ne sera pas considéré comme une condition suspensive, à moins qu’il ne rende l’immeuble impropre à sa destination.’

Il n’est pas allégué que Mme [Z] aurait renoncé à cette condition suspensive.

Le dernier certificat d’urbanisme dont le notaire avait connaissance pour l’avoir annexé à l’acte authentique est celui du 7 juillet 2011 ainsi rédigé ‘l’opération sollicitée à savoir la construction d’une habitation pourra être autorisée sous réserve du respect du règlement de la zone NB du POS et de la charte architecturale du pays [Localité 12]’. Il était délivré au visa des POS en vigueur dont le dernier en date du 23/12/2010.

Quant au certificat d’urbanisme qui a été délivré à Mme [Z] le 15 décembre 2012, soit plus d’un an après la signature de l’acte authentique, le 15 octobre 2011, à la suite d’une nouvelle demande de certificat d’urbanisme opérationnel formulée après la vente, il mentionnait finalement ‘l’opération sollicitée à savoir la construction d’une habitation ne pourra être autorisée car la parcelle est située en zone NB du POS sur une partie délimitée sur une profondeur de 7 m à partir des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 5] soit une superficie de 140 m² plus la superficie du passage soit 390m² soit un total de 530m² ; en zone NB, pour être constructible, le minimum parcellaire exigé est 1000m², l’arrière de la parcelle soit une superficie de 1075m² est située en zone NAa, zone d’urbanisation future, habitat pavillonnaire où tout secteur doit faire l’objet d’un schéma d’aménagement d’ensemble agrée par le Conseil municipal toute construction ou opération autorisée devra respecter ce schéma. Sur ces parcelles ce document n’existe pas’. Il était cependant délivré notamment au visa d’un POS du 17 juin 2011, qui n’était pas applicable au précédent certificat d’urbanisme et qui constitue l’élément nouveau intervenu entre ces deux certificats contraires.

Or, contrairement à ce que soutient Mme [Z], l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers n’a pas été cassé pour n’avoir pas recherché si le notaire avait contrôlé la constructibilité du terrain au regard du POS en vigueur, mais uniquement pour n’avoir pas recherché si le notaire n’avait pas manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention de Mme [Z] sur le caractère conditionnel de la constructibilité du terrain.

Il a au contraire rejeté le pourvoi qui remettait en cause le débouté de la demande de Mme [Z] d’annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles du terrain motivé par le fait qu’il n’y avait pas erreur sur la qualité substantielle de constructibilité du terrain au moment de la vente dès lors que le terrain était alors constructible en regard du certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011.

En effet, ainsi qu’il le fait justement valoir, le notaire n’avait pas l’obligation au regard d’un certificat d’urbanisme positif, alors qu’il n’apparaissait pas qu’un nouveau POS avait été pris en compte pour l’établissement du certificat du 7 juillet 2011 et que Mme [Z] ne justifie pas que le POS en vigueur à la date de sa demande de certificat rendait alors le terrain inconstructible, de procéder à des investigations complémentaires contre le contenu de l’acte pour s’assurer de la constructibilité du terrain alors que sa constructibilité au jour de l’acte authentique n’est pas utilement remise en cause.

Cependant, en l’état du certificat d’urbanisme délivré le 7 juillet 2011 annexé à l’acte de vente, conditionnant la constructibilité du terrain au respect de la réglementation applicable à la zone NB du POS et de la charte architecturale du pays [Localité 12], le notaire se devait, quand bien même le terrain était alors constructible et indépendamment de la validité de la vente, d’attirer l’attention de Mme [Z] sur les réserves contenues au certificat d’urbanisme, sur le fait qu’il ne valait pas permis de construire et que la situation du terrain pouvait évoluer pour l’avenir en cas de modification du POS.

Or, le notaire ne justifie pas avoir mis en garde Mme [Z] contre un risque de non constructibilité du terrain tenant à la formulation avec réserves du certificat d’urbanisme en cas d’évolution du POS, ce en quoi, indépendant de la validité de la vente, il a manqué à son devoir de conseil et le jugement entrepris mérite confirmation sur ce point.

B – Sur la responsabilité de l’agence immobilière :

Dans ses conclusions du 25 octobre 2019 devant la cour de Poitiers, la société Ularius demandaient de déclarer irrecevables comme nouvelles en appel les demandes indemnitaires dirigées à son encontre par Mme [Z] en ce qu’elles visaient une demande de dommages et intérêts à hauteur de 35 000 euros en indemnisation de son préjudice lié à l’impossibilité de faire construire son pavillon de vacances et à lui rembourser le prix de vente.

Mme [Z] soutient que ses demandes indemnitaires ne sont pas nouvelles, mais qu’elles ont augmenté dans leur montant.

Il résulte des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Selon les article 565 et 566, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Enfin, selon l’article 567, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Devant le tribunal de grande instance de La Rochelle, Mme [Z] qui mettait en cause la responsabilité professionnelle de l’agence Ularius Immobilier pour manquement à son devoir de conseil renforcé, sollicitait dédommagement à hauteur de 100 000 euros au titre de la perte de valeur du terrain et 50 000 euros pour un préjudice de jouissance, outre le remboursement des intérêts du prêt.

Devant la cour de renvoi, Mme [Z] porte ses demandes indemnitaires in solidum contre l’agent immobilier et le notaire à la somme de 400 000 euros constituée par :

-la perte de valeur du terrain acquis,

-la perte de chance de pouvoir faire construire une maison,

-les frais exposés pour la réalisation de la vente.

Dès lors, les demandes formulées par Mme [Z] devant la cour de renvoi tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir, obtenir l’indemnisation de son entier préjudice résultant d’un défaut d’information et de conseil, quand bien même les montants diffèrent ou la demande formulée en termes de perte de chance procède d’un fondement différent.

Les demandes indemnitaires formulées par Mme [Z] contre la société Ularius Immobilier sont donc recevables.

Le tribunal de grande instance de La Rochelle a retenu un manquement de l’agent immobilier à son devoir d’information et de conseil.

Pour les mêmes motifs que s’agissant de la responsabilité du notaire, la Cour d’appel de Poitiers a infirmé le jugement sur ce point par voie de conséquence du débouté de la demande d’annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, dès lors qu’à la date de la vente le terrain était constructible, peu important le nouveau certificat d’urbanisme intervenu ensuite sur la base d’une nouvelle demande de certificat opérationnel.

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [Z] dirigée à l’encontre de l’agence immobilière, au visa de l’article 1382, devenu 1240, du code civil, pour les mêmes motifs que s’agissant de la responsabilité du notaire, pour n’avoir pas recherché ‘comme il le lui était demandé, si, indépendamment de la nullité de la vente, l’agence immobilière, compte tenu du certificat d’urbanisme positif renouvelant de précédents certificats, émis le jour de la promesse de vente, sous réserve du respect du règlement de la zone NB du POS, n’avait pas manqué à son obligation d’information et de conseil, en n’attirant pas l’attention de l’acquéreur sur le contenu et la portée de ce certificat renouvelé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision’.

L’appelante soutient que l’agent immobilier a engagé sa responsabilité pour n’avoir pas vérifié si le terrain vendu respectait la réglementation de la zone NB du POS et de la charte architecturale du Pays de [Localité 12], alors qu’ayant rédigé le compromis de vente par lequel Mme [Z] s’engageait à acquérir un terrain à bâtir, elle était tenu d’une obligation de résultat.

C’est de manière inexacte que la société Ularius prétendait devant la cour de Poitiers n’être tenue d’aucune obligation envers l’acquéreur, Mme [Z], avec laquelle elle n’était pas en lien contractuel, alors qu’il est constant que l’agent immobilier peut être tenu responsable du dommage subi par toute partie à l’opération de vente dont l’échec ou l’inefficacité est en lien direct avec ses fautes professionnelles, le fondement de sa responsabilité étant selon le cas, contractuel ou délictuel, en sorte que dans ce dernier cas, Mme [Z] doit pour rechercher sa responsabilité, mettre en évidence l’existence d’une faute et d’un dommage en lien de causalité entre eux.

Devant la cour d’appel de Poitiers, la société Ularius observait à bon droit qu’il n’était pas établi qu’au moment de la signature du compromis de vente elle disposait alors du dernier certificat d’urbanisme qui a été délivré à Mme [Z] le même jour et il apparaît que l’agent immobilier a effectivement rappelé à l’acte la nature du terrain objet du compromis, soit un terrain à bâtir, et y a opportunément inséré une condition suspensive d’obtention d’un certificat d’urbanisme.

Pour autant, s’il appartenait au notaire instrumentaire qui disposait du certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011 au jour de l’acte authentique d’attirer l’attention de Mme [Z] sur les termes du dit certificat, le devoir de conseil de l’agent immobilier ne s’arrêtait pas à la signature du compromis, celui ci étant tenu d’un devoir de mise en garde sur les circonstances entourant l’opération dans son ensemble, jusqu’à la signature de l’acte authentique chez le notaire et, n’ayant pas eu en sa possession le certificat d’urbanisme au jour de la rédaction du compromis, la société Ularius Immobilier se devait d’y être particulièrement attentive.

Dès lors, au regard des termes mêmes du certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011 annexé à l’acte authentique, elle se devait également de mettre en garde Mme [Z] sur les réserves qu’il contenait et sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une autorisation de construire et que la situation pouvait évoluer en cas de modification du POS.

Ne justifiant pas avoir rempli pleinement son obligation de conseil sur ce point le jugement est confirmé en ce qu’il a également retenu un manquement de l’agence immobilière de ce chef.

C – Sur le montant des préjudices

Le tribunal avait condamné les vendeurs, par voie de conséquence de l’annulation de la vente, à rembourser à Mme [Z] le prix de vente, soit la somme de 145 000 euros et le notaire et l’agence immobilière, ainsi que leurs assureurs respectifs, in solidum, à verser aux vendeurs la somme de 50 000 euros, la faute respective de l’agent immobilier et du notaire ayant participé du préjudice des vendeurs et non pas de l’acquéreur qui était remis dans ses droits par suite de l’annulation de la vente.

L’arrêt de la cour d’appel de Poitiers qui n’a pas été cassé en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande en annulation de la vente et qui est dès lors définitif sur ce point a nécessairement modifié la situation de Mme [Z] et des consorts [K], puisque la première ne se trouve pas remise dans sa situation antérieure à la vente et qu’elle est en conséquence en droit de faire valoir un préjudice résultant du manquement des professionnels à leur devoir de conseil, au contraire des vendeurs pour lesquels la vente a été définitivement validée leur donnant droit à récupérer le prix de vente.

Il convient de préciser que le manquement de l’agence Ularius et du notaire n’est pas à l’origine de l’inconstructibilité du terrain qui l’est devenu par suite d’une nouvelle demande de permis de construire formulée par Mme [Z] qui s’est trouvée alors soumise au POS du 17 juin 2011 qui n’était pas applicable au précédent certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011, en regard de la date de la demande et qui a rendu inconstructible les parcelles de Mme [Z] situées en zone NB et NAa.

Contestant tout lien de causalité entre sa faute et le dommage, le notaire insiste au contraire sur le fait que Mme [Z] est à l’origine de son propre préjudice pour avoir sollicité un nouveau certificat d’urbanisme alors que si elle s’était contentée de solliciter le renouvellement du précédent elle aurait bénéficié du principe de cristallisation du droit attaché au certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011, tel que prévu par l’article L410’1 du code de l’urbanisme selon lequel ‘lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.’

Cependant, mieux conseillée sur les réserves émises au certificat d’urbanisme du 7 juillet 2011, Mme [Z] n’aurait probablement pas sollicité un nouveau certificat d’urbanisme et n’aurait pas perdu le bénéfice du précédent, le manquement du notaire et de l’agent immobilier à leur devoir de conseil et de mise en garde lui ayant incontestablement fait perdre une chance de conserver le bénéfice de la constructibilité du terrain telle que résultant du certificat du 7 juillet 2011.

Il ne s’agit pas ici d’indemniser la perte de valeur du terrain nu qui s’avère finalement inconstructible, ainsi que le sollicite Mme [Z], ni la perte de la plus value qu’elle n’aurait pas manqué de réaliser en regard de la valeur actuelle du terrain, alors que la réalisation d’une plus value n’était pas entrée dans le champ contractuel, mais d’apprécier, non la perte de chance de ne pas conclure puisque la vente en elle même n’est pas remise en cause, mais de conserver le bénéfice de la constructibilité du terrain laquelle consistant en la perte de chance d’un événement favorable ou d’un avantage n’est jamais équivalente au montant de l’avantage perdu.

En formulant une demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de faire construire une maison et au titre de la perte de valeur du terrain, Mme [Z] ne réclame finalement autre chose que l’indemnisation de la perte de chance de conserver le bénéfice d’un terrain constructible, laquelle doit s’apprécier, ainsi que le conclut le notaire, sur la base de la différence entre la valeur d’achat du terrain et sa valeur non constructible, somme à laquelle est ajoutée le montant des frais de notaire et d’agence que Mme [Z] sollicite, soit pour la valeur d’achat du terrain,164 042 euros (145 000 + 11 042 + 8 000) et pour la valeur du terrain non constructible de 10 000 euros selon l’estimation maximum versée aux débats par l’appelante, augmentée des frais au prorata, soit la somme de 1 313,24 (19 042/145 000 X 10 000), soit 11 313,24 euros au total pour le terrain avec les frais et une différence de 152 728,76 euros (164 042-11 313,24) qui constiue la base de calcul de la perte de chance.

Quant à apprécier le quantum de la perte de chance, il doit l’être au regard de la probabilité qu’avait Mme [Z] de conserver le bénéfice du certificat d’urbanisme positif si elle avait été mieux conseillée laquelle apparaît très importante dès lors que cela était juridiquement possible ainsi que l’énoncent précisément les intimés, en ne sollicitant pas un nouveau certificat d’urbanisme, en sorte que la chance perdue par Mme [Z] sera fixée à 90 % de la perte financière résultant de l’inconstructibilité du terrain, soit la somme de 137 455,88 euros (152 728,76 X 90%).

Pour le surplus, Mme [Z] qui demande à être indemnisée de ‘frais bancaires’ pour un montant de 90 129 euros ne détaille pas le montant de cette demande globale alors qu’il ne saurait être fait droit à une demande d’indemnisation à hauteur du montant du capital de l’emprunt contracté pour la réalisation d’une vente qui n’est pas remise en cause.

De même, le manquement au devoir de conseil du notaire et de l’agent immobilier n’a pas fait perdre à Mme [Z] une chance de ne pas acquérir le terrain puisqu’aucun élément ne permet de remettre en cause sa constructibilité à la date de l’acte authentique.

Il s’ensuit que le notaire et l’agent immobilier qui ont, du fait de leur manquement à leur devoir d’information et de mise en garde, indissociablement contribué à la réalisation de l’entier préjudice de Mme [Z], seront tenus in solidum à payer à Mme [Z] la somme de 137 455,88 euros.

D – Sur le recours en garantie de la société Ularius Immobilier contre la SCP Bourgoin-Fauchereau-Ragey :

Seule la société Ularius Immobilier concluait devant la cour d’appel de Poitiers à être relevée et garantie par la SCP notariale, cette dernière ne formant finalement aucun recours contre l’agence Ularius Immobilier.

Si chacun a contribué par sa faute à la réalisation de l’entier dommage, il a été sus observé que l’agent immobilier avait parfaitement rédigé le compromis de vente en l’état des informations dont il disposait, mais qu’il avait manqué à mettre en garde Mme [Z] sur les termes du certificat d’urbanisme lors de l’acte authentique et sur les risques que présentait un tel certificat émis avec réserves en cas de modification du POS, même s’il appartenait au notaire instrumentaire, dont la faute apparaît prépondérante, de ne pas passer l’acte en l’état, sans y insérer la mention de la mise en garde de Mme [Z] sur les risques résultant des réserves afférentes au certificat d’urbanisme.

Au vu des fautes respectives commises par le notaire et l’agent immobilier, le premier devra relever indemne le second à hauteur de 70% du montant des condamnations prononcées in solidum.

Au vu de l’issue du présent recours, les mêmes en supporteront les dépens et seront condamnés in solidum à payer à Mme [Z] une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la SCP Bourgoin-Fauchereau-Ragey, supportant, dans ses rapports avec la société Ularius Immobilier, 70% du montant total de ces condamnations.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi de cassation dans la limite de sa saisine :

Déclare irrecevables les conclusions déposées par Mme [C] [Z] épouse [G] le 16 juin 2023,

Ecarte des débats les conclusions de la société Ularius Immobilier du 28 avril 2023,

Dit que la société Ularius Immobilier est réputée s’en remettre à ses conclusions du 25 octobre 2019 prises devant la cour d’appel de Poitiers,

Déclare recevables devant la cour d’appel de renvoi les demandes indemnitaires de Mme [C] [Z] épouse [G].

Infirme partiellement le jugement entrepris des chefs déférés :

Statuant à nouveau

Condamne in solidum les sociétés Ularius Immobilier et la SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey, venant aux droits de la SCP Bourgoin-[J]-Fauchereau, à payer à Mme [C] [Z] épouse [G] la somme de 137 455,88 euros en dédommagement de sa perte de chance de conserver le bénéfice de la constructibilité du terrain.

Condamne in solidum les sociétés Ularius Immobilier et la SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey, venant aux droits de la SCP Bourgoin- [J]- Fauchereau, à payer à Mme [C] [Z] épouse [G] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum les sociétés Ularius Immobilier et SCP Bourgoin- Fauchereau- Ragey, venant aux droits de la SCP Bourgoin-[J]- Fauchereau, aux dépens du présent recours avec distraction au profit de la Selarl Jurica.

Dit que dans leurs rapports entre elles, la SCP Bourgoin-[J]- Fauchereau supportera 70 % du montant des condamnations prononcées in solidum avec la société Ularius Immobilier.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain DESALBRES, conseiller en remplacement de Mme Paule POIREL, président légitimement empêché et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x