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ARRET N°
RG 22/00001
N°Portalis DBWA-V-B7G-CI5J
M. [E] [Y]
Mme [T] [L] [X] épouse [Y]
C/
– SCP MODOCK-LEPELLETIER BEAUFOND DUVAL-LAGUARIGUE DE SU RVILLIERS & UNN TOC MUSTIS
– Me [N] UNN-TOC-MUSTIS
S.A. MMA IARD
– S.A.R.L. BEL’AIR IMMOBILIER
– S.C. MMA IARD ASSURANCES
S.A. MMA IARD
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
– Mme [H] [Z]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 21 MARS 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de
Fort de France, en date du 23 Novembre 2021, enregistré sous le
n° 19/02092 ;
APPELANTS :
Monsieur [E] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 14]
Représenté par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Myriam GOBBÉ, de la SCP AVOCATSLIBERTE GLON – GOBBÉ- BROUILLET- AUBRY – TESSIER, avocat plaidant au barreau de RENNES
Madame [T] [L] [X] épouse [Y]
[Adresse 2]
[Localité 14]
Représentée par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Myriam GOBBÉ, de la SCP AVOCATSLIBERTE GLON – GOBBÉ- BROUILLET- AUBRY – TESSIER, avocat plaidant au barreau de RENNES
INTIMES :
S.C.P. MODOCK-LEPELLETIER BEAUFOND DUVAL-LAGUARIGUE DE SURVILLIERS & UNN TOC MUSTIS, devenue la SCP OFFICE NOTARIAL DU PETIT MANOIR, prise en la personne de ses dirigeants sociaux domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 5]
[Adresse 16]
[Adresse 18]
[Localité 11]
Représentée par Me Frédérique GOURLAT-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARTINIQUE
Maître [N] UNN-TOC-MUSTIS, Notaire associé de la SCP OFFICE NOTARIAL DU PETIT MANOIR
[Adresse 5]
[Adresse 16]
[Adresse 18]
[Localité 11]
Représenté par Me Frédérique GOURLAT-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARTINIQUE
SA MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, es qualité d’assureur RCP de l’Office Notarial du Petit Manoir et de Maître UNN TOC MUSTIS
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Frédérique GOURLAT-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARTINIQUE
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, es qualité d’assureur RCP de l’Office Notarial du Petit Manoir et de Maître UNN TOC MUSTIS
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique GOURLAT-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARTINIQUE
S.A.R.L. BEL’AIR IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.
[Adresse 15]
[Adresse 21]
[Localité 9]
Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Benjamin PORCHER, de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
LA SOCIETE MMA IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domicilié audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER, avocat au barreau de MARTINIQUE
Me Benjamin PORCHER, de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
LA SOCIETE MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domicilié audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER, avocat au barreau de MARTINIQUE
Me Benjamin PORCHER, de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
Madame [H] [Z]
[Adresse 19]
[Adresse 20]
[Localité 10]
Représentée par Me Eve BOURRIE de la SELARL BOURRIE-LATOUR, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Janvier 2023 sur le rapport de Madame Nathalie RAMAGE, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Beatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 21 Mars 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte de vente du 29 septembre 2017 régularisé par acte notarié de Me Unn-Toc-Mustis, Mme [H] [M] [I] [Z] a vendu à M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] une maison d’habitation située [Adresse 1], parcelle cadastrée section [Cadastre 13].
La S.A.R.L Bel air immobilier, assurée par la S.A. MMA IARD et par la S.A.M.C.F. MMA IARD assurances mutuelles, était en charge de mettre en vente le bien immobilier et d’effectuer la transaction immobilière.
Faisant grief à Mme [Z] d’avoir caché l’empiétement de la maison acquise sur les parcelles voisines, M. [Y] et Mme [L] [X] ont assigné, par acte du 28 septembre 2019, devant le tribunal de grande instance de Fort de France, Mme [Z], Me Unn-Toc-Mustis et la SCP Office notarial du petit manoir, ainsi que leurs assureurs la MMA IARD, la S.A.M.C.F IARD assurances mutuelles, la S.A.R.L. Belair immobilier et ses assureurs aux fins de les voir, notamment, solidairement condamnés au paiement de sommes en raison du vice caché causé par l’empiétement subi et de la responsabilité du notaire et de l’agent immobilier qu’ils estimaient engagée.
Par jugement contradictoire du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Fort de France a :
– débouté M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] de leur demande formée au titre des vices cachés à l’encontre de Mme [H] [M] [I] [Z],
– débouté [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] de leur demande formée à l’encontre de Me [N] Unn-Toc-Mustis et la S.C.P. Office notarial du petit manoir et leurs assureurs,
-débouté M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] de leur demande formée à l’encontre de la S.A.R.L. Bel air immobilier et de son assureur,
– déclaré irrecevable la demande formée par Mme [H] [M] [I] [Z] au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] à payer à Mme [H] [M] [I] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] à payer à Me [N] Unn-Toc-Mustis, la S.C.P.Office notarial du petit manoir et leurs assureurs la S.A. MMA IARD et la S.A.M.C.F. MMA IARD assurances mutuelles la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la S.A.R.L. Belair immobilier et ses assureurs la S.A. MMA IARD et la S.A.M.C.F. MMA IARD assurances mutuelles à payer à Mme [H] [M] [I] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M.[E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 03 Janvier 2022, Mme [L] [X] et M. [Y] ont interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués.
La SARL Bel air et ses assureurs (MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles) ont constitué avocat le 19 janvier 2022.
Mme [Z] a constitué avocat le 24 janvier 2022.
Me [N] Unn-Toc-Mustis, notaire associé de la SCP Office notarial du petit manoir, la SCP Modock-Lepelletier Beaufond Duval-Lagarigue de Survilliers-Unn Toc Mustis devenue la SCP Office notarial du petit manoir, MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles ont constitué avocat le 10 février 2022.
Les appelants ont communiqué leurs premières conclusions le 30 mars 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 13 septembre 2022, ils demandent de :
– réformer le jugement précité en ce qu’il les a :
*déboutés de leurs demandes formées au titre des vices cachés à l’encontre de Mme [H] [M] [I] [Z],
*déboutés de leurs demandes formées à l’encontre de Me [N] Unn Toc Mustis et de la SCP Office notarial du petit manoir et leurs assureurs,
*déboutés de leurs demandes formées à l’encontre de la SARL Bel air immobilier et de son assureur,
*condamnés in solidum à payer à Mme [H] [M] [I] [Z] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamnés in solidum à payer à Me [N] Unn Toc Mustis et l’office notarial du petit manoir et la SA MMA IARD, la SA MCF MMA IARD assurances mutuelle, la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamnés in solidum à payer à la SARL Bel air immobilier et ses assureurs la SA MMA IARD et la SA MCF MMA IARD assurances mutuelle la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamnés in solidum aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
A titre principal,
– condamner Mme [H] [Z] à garantir les époux [Y] au titre des vices cachés ;
A titre subsidiaire,
– condamner Mme [H] [Z] à indemniser les époux [Y] titre de sa réticence dolosive ;
A titre infiniment subsidiaire,
– condamner Mme [H] [Z] à indemniser les époux [Y] au titre de l’éviction ;
En tout état de cause :
– condamner Me [N] Unn Toc Mustis et l’Office Notarial du petit manoir in solidum avec Mme [Z] et l’agence Bel air immobilier ainsi que leurs assureurs, au titre du manquement à leur obligation de conseil, d’information et de vérification,
– condamner l’agence Bel air immobilier in solidum avec Mme [Z], Me [N] Unn Toc Mustis et l’Office Notarial du petit manoir et leurs assureurs respectifs, au titre de manquement à son obligation de conseil, d’information et de vérification,
– condamner in solidum Mme [Z], Me [N] Unn Toc Mustis, l’Office Notarial du petit manoir, l’agence immobilière BEL AIR, ainsi que leurs assureurs à payer à Monsieur et Mme [Y] les sommes suivantes :
‘ 91 700 € à titre de restitution partielle du prix de vente ;
‘ 75 562, 13 € à titre de dommages et intérêts ;
Total : 167 262,13 € avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 11.09.2019 ;
– condamner in solidum Mme [Z], Me [N] Unn Toc Mustis, l’Office notarial du petit manoir, l’agence immobilière Bel air, ainsi que leurs assureurs à prendre en charge les conséquences fiscales de la régularisation des surfaces auprès des services fonciers de l’acte de vente jusqu’à ce que la décision à intervenir soit définitive,
– condamner in solidum Mme [H] [Z], Me [N] Unn Toc Mustis, l’Office notarial du petit manoir, la SARL Bel air immobilier et leurs assureurs à la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais et honoraires engagés en première instance et une même somme de 5 000 € pour les frais et honoraires engagés en cause d’appel,
– condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront le coût de l’intervention du géomètre expert,
– les condamner in solidum à prendre en charge les frais de bornage à venir,
– débouter Me Unn Toc Mustis, l’Office notarial du petit manoir, Mme [H] [Z], la SARL Bel air immobilier et leurs assureurs de toutes leurs demandes plus amples et contraires.
Par premières et dernières conclusions du 19 mai 2022, Mme [Z] demande de :
A titre principal, :
– confirmer le jugement querellé en toutes ces dispositions ;
Par conséquent :
– constater l’absence totale de vice caché,
– constater l’absence de préjudice des époux [Y] ;
En tout état de cause,
– débouter les époux [Y] de l’ensemble de leur demandes, fins et prétentions contre elle ;
– condamner les époux [Y] au paiement de la somme de 1.500 euros tel que résultant du jugement du 23 novembre 2021 et à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais et honoraires engagés en cause d’appel,
– condamner les époux [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 25 mai 2022, Me Unn Toc Mustis, la SCP Office notarial du petit manoir, la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation des appelants au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
La SARL Belair immobilier et ses assureurs, par conclusions du 19 mai 2022, demandent de :
A titre principal, de :
– déclarer, in limine litis, irrecevable la demande formulée par les époux [Y] tendant à la condamnation de l’agence Bel’air à la restitution partielle du prix de vente,
– confirmer en toute ses dispositions le jugement du 23 novembre 2021,
– constater l’absence de faute de l’agence Bel’air immobilier,
– débouter en conséquence les époux [Y] de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de l’agence Bel’Air immobilier et ses assureurs MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles ;
A titre subsidiaire, de :
– constater l’absence de préjudice indemnisable et de lien de causalité entre la prétendue faute prêtée à l’agence Bel’Air immobilier, et le préjudice mis en avant par les époux [Y],
– débouter en conséquence les époux [Y] de toutes leurs demandes formulées à l’encontre de l’agence Bel’air immobilier et ses assureurs MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles ;
A titre infiniment subsidiaire, de :
– réduire les demandes des époux [Y] à de plus justes proportions,
– déclarer que la condamnation hypothétique pesant sur MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles ne pourra s’entendre que dans les limites des garanties du contrat (plafond et franchise) opposables à toutes les parties ;
En tout état de cause, de :
– condamner les époux [Y] au paiement d’une somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me Celcal.
Par ordonnance du 07 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable la prétention formulée par les appelants tendant à la condamnation in solidum des intimés à leur payer la somme de 91 700€ à titre de restitution partielle du prix de vente.
La clôture de l’instruction est intervenue le 17 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.
MOTIFS :
A titre liminaire, il sera rappelé à la SARL Bel’ air immobilier qu’il a déjà été statué sur la recevabilité de la demande de restitution partielle du prix de vente par ordonnance du conseiller de la mise en état, laquelle n’a fait l’objet d’aucun déféré.
Il n’y a donc plus lieu de statuer sur l’irrecevabilité soulevée par l’intimée.
1/ Sur la responsabilité du vendeur :
Le tribunal, au visa de l’article 1641 du code civil, a écarté le vice caché allégué par les acheteurs après avoir relevé :
– qu’ils avaient visité plusieurs fois le bien et que la forme du terrain aurait dû attirer leur attention en ce qu’il existe une inadéquation flagrante avec la forme de la parcelle telle que figurant sur l’extrait cadastral annexé à l’acte de vente,
– que par courrier du 13 février 2019, ils indiquaient avoir signalé au notaire en charge de l’acte d’achat une divergence entre le plan cadastral présenté et les limites du terrain clôturé par des murs et des grillages mis en place par Mme [Z] et que l’explication qu’ils avançaient pour expliquer cette phrase n’était justifiée par aucune pièce,
– qu’en l’absence de réclamation des voisins relatives aux empiétements sur leurs terrains, le préjudice des époux [Y] n’était pas établi.
Les appelants font valoir que la responsabilité de l’agence immobilière, qui avait pourtant un mandat de vente et s’était déplacée à de nombreuses reprises sur les lieux, ayant été écartée par le tribunal, « au motif qu’elle n’avait disposé d’aucun élément lui permettant d’avoir connaissance du vice », ils ne pouvaient qu’ignorer la situation, quand bien même ils avaient visité le bien à deux reprises, lequel était au surplus entouré d’une clôture, posée par Mme [Z], et qu’ils n’ont jamais envisagé que le terrain puisse être d’une superficie inférieure aux clôtures posées.
Ils prétendent que le simple fait qu’ils aient pu signaler une divergence entre le plan cadastral et les limites du terrain clôturé par des murs et grillages ne démontre pas qu’ils avaient connaissance du vice, encore moins de son étendue.
Les appelants affirment que Mme [Z], qui a réalisé les travaux portant empiétement et la clôture, leur a volontairement dissimulé l’empiétement.
Ils soutiennent par ailleurs subir un préjudice dès lors que Mme [Z] leur a vendu un terrain dont elle n’était pas propriétaire.
Ils indiquent également que les voisins souhaitent une régularisation de la situation et qu’ils vont donc être contraints d’acheter la surface correspondant à l’empiétement.
Subsidiairement, ils invoquent l’existence d’un dol par la dissimulation de l’empiétement.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la garantie d’éviction du vendeur.
Mme [Z] conteste le caractère caché du vice allégué, les acheteurs ayant relevé avant la régularisation de la vente une divergence entre le plan cadastral et les limites du terrain clôturé et ayant par ailleurs procédé à plusieurs visites du bien.
Elle affirme ne pas avoir elle-même clôturé le terrain.
Elle nie tout dol, la surface acquise correspondant à celle proposée et vendue.
En l’absence de revendication des voisins, elle conclut à l’absence de préjudice subi par les appelants.
L’article 1642 du code civil énonce que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
D’une part, comme l’a retenu le tribunal, les acheteurs indiquent dans un courrier du 13 février 2019 adressé à la représentante de l’agence immobilière, qu’ils avaient signalé « avant la signature chez le notaire en charge de l’acte d’achat…une divergence entre le plan cadastral présenté et les limites du terrain clôturé … ».
S’ils prétendent que la difficulté avait été évoquée avec le notaire après la signature de l’acte, à l’occasion d’un rendez-vous ayant pour objet la rédaction de leurs testaments respectifs, force est de relever que le courrier du 13 février 2019 vise « la signature chez le notaire en charge de l’acte d’achat » et fait donc clairement référence à la signature de cet acte.
D’autre part et en tout état de cause, ils ne contestent pas que l’acte comportait en annexe un extrait cadastral à l’examen duquel il pouvait être aisément relevé que la forme de la parcelle qui y figurait ne correspondait pas à celle visitée.
Le vice allégué était ainsi décelable par tout acheteur moyennement diligent et ne peut être qualifié de caché.
Aux termes de l’article 1137 du code civil, constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Mme [Z] avait connaissance a minima de l’empiétement réalisé sur la propriété de l’usine du [Localité 14] (parcelle [Cadastre 12]) après l’édification par les services de la Mairie d’un mur, étant observé que si elle se prévaut d’une autorisation donnée par celle-ci d’occuper la
partie située entre sa parcelle et le mur, elle ne justifie pas de cet accord, qu’elle ne pouvait ignorer en tout état de cause que cette partie de terrain n’appartenait pas à la Mairie et n’a jamais sollicité l’accord de son véritable propriétaire pour l’occuper.
Il se déduit par ailleurs de ses écritures qu’elle avait conscience que le mur édifié par ses voisins était à l’origine d’un empiètement de sa propriété sur la parcelle [Cadastre 17].
Il n’est pas contesté qu’elle n’a jamais donné aux acheteurs d’information sur l’empiétement litigieux.
Les parties litigieuses représentant 88+ 42 m2, leur transfert de propriété était manifestement déterminant pour les acheteurs au regard de la superficie vendue, soit 547 m2 dès lors qu’elle en représentait près d’un quart.
Il en résulte que Mme [Z] est à l’origine d’une réticence dolosive et voit, à ce titre, sa responsabilité de vendeur engagée.
En l’absence de demande de nullité de l’acte de vente, le préjudice matériel des acheteurs se limite toutefois à la perte de chance d’avoir pu négocier l’achat à meilleur prix, à l’exclusion d’un préjudice de jouissance.
Les autres préjudices invoqués par les appelants, liés aux travaux qu’ils prétendent devoir « nécessairement » réaliser, les « frais de régularisation », « frais de bornage à régulariser »… étant en l’état hypothétiques, la cour ne peut considérer qu’ils auraient justifié une meilleure négociation du prix d’achat.
La perte de chance sus-évoquée doit être fixée, au regard des éléments de l’espèce, à 90% et la différence entre le prix payé et celui auquel les appelants pouvaient acheter ne peut être calculée que sur la base des réclamations effectives des voisins.
A cet égard, les appelants ne justifient que de la demande de dédommagement de la société Usine du [Localité 14], propriétaire de la parcelle [Cadastre 12] et la SA le Lareinty, propriétaire de la parcelle [Cadastre 17] impactées par les empiétements.
A la lecture des courriers de ces deux propriétaires, réclamant un dédommagement, il apparaît que les acheteurs ont perdu la chance de négocier leur acquisition au prix minoré de 88 m2 X 150€ = 13 200€ (pièce n° 44 des appelants) + 42 m2 X 10€ = 420€ ( pièce n° 23), soit 13 620€.
Le préjudice matériel correspondant à la perte de chance doit en conséquence être réparé par l’allocation de la somme de 13 620 X 90%= 12 258€, somme que Mme [Z] devra verser aux appelants.
Il convient de relever que la demande de restitution partielle du prix de vente fait double emploi avec le préjudice ainsi indemnisé, lequel au demeurant ne saurait être calculé sur la base du prix du m2 construit comme le font les demandeurs, les empiétements litigieux portant sur des parties non construites.
2/ Sur la responsabilité de l’agence immobilière :
Le tribunal a écarté cette responsabilité en ce que :
– la situation matérielle de l’immeuble vendu, clôturé, ne laissait pas présager d’empiétement,
– il n’appartenait pas à l’agent immobilier de solliciter un extrait cadastral et de vérifier par lui-même sa conformité avec la réalité des limites de propriété en l’absence d’indices permettant de douter de la régularité de la situation cadastrale,
– les acheteurs échouaient à démontrer une quelconque faute de l’agence immobilière.
Les appelants prétendent que la responsabilité de l’intimée est engagée dès lors qu’elle n’a pas vérifié que l’immeuble vendu était conforme à la description qui leur en était faite.
Ils soutiennent également que l’agence a manqué à son obligation de conseil en ne vérifiant pas les dires de Mme [Z], s’agissant notamment des revenus fonciers déclarés.
L’agence immobilière soutient n’avoir commis aucune faute, n’ayant pas été informée par Mme [Z] de l’existence d’un empiétement et la parcelle étant clôturée par trois murs.
Subsidiairement, elle considère que le lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et l’éventuel préjudice, qui n’est ni actuel, ni direct, ni certain, fait défaut.
Son assureur invoque quant à lui les plafonds et franchise contractuelle applicables.
Si, en principe l’agent immobilier, rédigeant un acte en l’état de déclarations erronées d’une partie quant aux faits rapportés, n’engage pas sa responsabilité, sauf s’il est établi qu’il disposait d’éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est en revanche tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par son mandant et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte qu’il dresse. A cet égard, il lui appartient de consulter le cadastre.
En l’espèce, l’intimée n’a pas vérifié les dires de Mme [Z] quant aux limites de sa propriété alors que la consultation du cadastre lui aurait permis de déceler les empiétements litigieux.
Elle a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité quasi délictuelle à l’égard des appelants.
S’agissant en revanche du « certificat de rentabilité » établi par elle, force est de relever que l’agence n’a remis aux acquéreurs qu’une « attestation, projection de rentabilité locative », laquelle ne permet pas à ces derniers de prétendre que la rentabilité réelle devait nécessairement correspondre à la rentabilité « projetée ».
Le préjudice causé par la seule faute retenue supra réside, lui aussi, dans la perte de chance pour les acquéreurs de pouvoir mieux négocier, à l’exclusion de tout préjudice demeurant hypothétique à ce jour, ou d’un préjudice de jouissance qui n’est d’ailleurs confirmé dans son quantum par aucune pièce objective.
L’intimée et ses assureurs seront donc condamnés, in solidum avec Mme [Z], à indemniser les appelants de cette perte de chance, telle que sa réparation a été précédemment évaluée, étant observé que ces derniers ne justifient par aucune pièce des plafonds et limites qui seraient opposables à des tiers.
3/ Sur la responsabilité du notaire :
Le tribunal a également écarté cette responsabilité en retenant que si le notaire devait assurer l’efficacité de l’acte qu’il recevait, il n’avait aucune obligation de se déplacer pour vérifier les déclarations des parties ; qu’en l’espèce, Me Unn-Toc-Mustis ne pouvait, sans se déplacer, savoir que les limites de la parcelle n’étaient pas en adéquation avec celles figurant sur l’extrait cadastral.
Il a ainsi exclu toute faute du notaire, mais aussi tout préjudice certain des acquéreurs.
Ces derniers font grief au notaire d’avoir omis de les mettre en garde contre l’existence d’un risque au vu de l’incohérence des pièces dont il disposait.
Ils soutiennent que l’empiétement pouvait être révélé à l’examen du plan cadastral et du plan de bornage dont le notaire aurait dû solliciter la communication.
Me Unn-Toc-Mustis et l’office notarial du petit manoir, en réplique, mettent en exergue les limites du devoir d’investigation du notaire et sollicitent la confirmation du jugement aux termes duquel aucun élément concret ne permettait à celui-ci de pouvoir connaître de l’empiétement.
Ils invoquent également l’absence de préjudice dès lors que les propositions de limites de la propriété ne sont pas définitives.
La cour relève que le bornage n’était pas un préalable obligatoire à la vente de la parcelle en cause en l’absence de tout projet de construction.
Aussi, en l’état du plan cadastral dont disposait le notaire, seul le déplacement de ce dernier sur les lieux lui aurait permis de prendre connaissance des empiétements déplorés.
Or, comme l’a retenu à juste titre le tribunal, le notaire n’a pas l’obligation de vérifier sur place l’exactitude des déclarations du vendeur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a écarté toute faute du notaire et, partant, sa responsabilité.
4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [Y] aux dépens et à payer à Mme [Z], ainsi qu’à la société Bel’air immobilier (nonobstant l’erreur matérielle affectant le dispositif du jugement sur ce point) la somme de 1 500€ au titre des frais irrépétibles.
Mme [Z] et la SARL Bel’air immobilier, qui succombent, supporteront la charge des dépens de première instance et d’appel.
Le sens de la décision et l’équité justifient la condamnation in solidum de Mme [Z], de la SARL Bel’air immobilier et de ses assureurs à verser à M. et Mme [Y] la somme de 3 000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et une somme identique au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Fort de France du 23 novembre 2021 sauf en ce qu’il a :
– débouté M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] de leur demande formée au titre des vices cachés à l’encontre de Mme [H] [M] [I] [Z],
– débouté [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] de leur demande formée à l’encontre de Me [N] Unn-Toc-Mustis et la S.C.P. Office notarial du petit manoir et leurs assureurs,
– condamné in solidum M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] à payer à Me [N] Unn-Toc-Mustis, la S.C.P. Office notarial du petit manoir et leurs assureurs la S.A. MMA IARD et la S.A.M.C.F. MMA IARD assurances mutuelles la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
DIT que la responsabilité de Mme [H] [M] [I] [Z] est engagée au titre de sa réticence dolosive lors de la vente du 29 septembre 2017 ;
DIT que la responsabilité extra-contractuelle de la SARL Bel’air immobilier est engagée à l’égard de M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] ;
CONDAMNE in solidum Mme [H] [M] [I] [Z], la SARL Bel’air immobilier et ses assureurs la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, à payer à M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] la somme de 12 258€ (douze mille deux cent cinquante-huit euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance causée par le dol, somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DÉBOUTE M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] du surplus de leurs demandes d’indemnisation ;
CONDAMNE in solidum Mme [H] [M] [I] [Z] et la SARL Bel’air immobilier et ses assureurs la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens de première instance ;
CONDAMNE in solidum Mme [H] [M] [I] [Z] et la SARL Bel’air immobilier et ses assureurs la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] la somme de 3 000€ (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles de première instance, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Mme [H] [M] [I] [Z], la SARL Bel’air immobilier et ses assureurs la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens d’appel ;
CONDAMNE in solidum Mme [H] [M] [I] [Z], la SARL Bel’air immobilier et ses assureurs la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [E] [Y] et Mme [T] [L] [X] épouse [Y] la somme de 3 000€ (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,