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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 02 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/01525 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FACS
Décision déférée à la Cour :
Saisie sur renvoi après cassation d’un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d’appel de NANCY rendu suite à l’appel d’un jugement du 25 janvier 2018 du tribunal de grande instance de BRIEY par arrêt de la cour de cassation (n° 28 F-D) en date du 05 janvier 2022,
DEMANDERESSE A LA SAISINE:
La société ‘[J] et PACHECO, notaires’
société civile professionnelle de notaires immatriculée au RCS BRIEY sous le n° 519 372 957, titulaire d’un office notarial dont le siège est sis [Adresse 10]
Représentée par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY
DEFENDEURS A LA SAISINE :
Monsieur [M] [F]
né le 14 Août 1941 à [Localité 22], demeurant [Adresse 8]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [E] [XF]
né le 11 Septembre 1974 à [Localité 11], demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [R] [W]
né le 06 Septembre 1975 à [Localité 17], demeurant [Adresse 6]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [RG] [X] épouse [XF]
née en à , demeurant [Adresse 7]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [G] [H] épouse [W]
née le 16 Septembre 1975 à [Localité 13], demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [B] [I]
née le 28 Septembre 1969 à [Localité 15], demeurant [Adresse 9]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [C] [I]
né le 23 Octobre 1965 à [Localité 18], demeurant [Adresse 9]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [O] [GZ]
né le 29 Novembre 1944 à [Localité 19], demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [P] [U] épouse [GZ]
née le 28 Décembre 1954 à [Localité 20], demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [L] [H]
né le 14 Août 1943 à [Localité 13], demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [D] [N] épouse [H]
née le 11 Décembre 1944 à [Localité 13], demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [C] [Y]
né le 21 Janvier 1961 à [Localité 12], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Madame [Z] [PL] épouse [F]
née le 30 Avril 1951 à [Localité 13], demeurant [Adresse 8]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16] à [Localité 21], représenté par son syndic la SARL AGENCE TRILOGIE inscrite au RCS BESANCON n° 398 436 113, dont le siège social est [Adresse 4]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
La Société Civile Immobilière RIO PANTANAL
inscrite au RCS de BESANCON sous le N° 490 342 920 dont le siège est [Adresse 2], représentée par son gérant en exercice Monsieur [F] [PL] [A], né le 20 novembre 1981 à [Localité 14] (Haute Saône)
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Christian PILATI, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, chargé du rapport,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 02 Février 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
La société civile de construction vente ‘[Adresse 16]’ a initié une opération de promotion immobilière en acquérant à [Localité 21] (54), le 23 décembre 2010, un terrain sur lequel devaient être édifiés deux bâtiments (A et B) de 14 logements chacun, 22 garages et 6 places de parking.
La SCI Rio Pantanal, M. et Mme [F], M. et Mme [XF], M. et Mme [W], M. et Mme [I], M. et Mme [GZ], M. et Mme [H] et M. [Y] (les acquéreurs) ont conclu avec la société civile de construction vente ‘[Adresse 16]’ (le vendeur) des contrats de réservation de plusieurs lots d’un bien immobilier (bâtiment B), en l’état futur d’achèvement avec garantie intrinsèque.
Les actes authentiques de vente ont été reçus par M. [JM] [J], notaire associé de la SCP [J]-[J], devenue la SCP [J] et Pacheco, aux dates suivantes :
– le 31 décembre 2010, au profit de M. [C] [Y], de M. et Mme [R] [W], de M. et Mme [O] [GZ], de M. et Mme [L] [H], M. et Mme [E] [XF] et de M. et Mme [C] [I],
– le 28 mars 2012, au profit de M. et Mme [M] [F] et de la SCI Rio Pantanal.
Le bien immobilier n’a toutefois pas été livré et le vendeur a été placé en redressement puis en liquidation judiciaire.
Reprochant au notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil et à son obligation d’assurer l’efficacité des actes par lui instrumentés en attestant, à tort selon eux, que les conditions de la garantie intrinsèque d’achèvement étaient réunies, les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires de la résidence ‘[Adresse 16]’ ont assigné la SCP notariale en responsabilité et indemnisation de leur préjudice.
Par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Briey a :
– constaté que la SCP [J]-Pacheco a commis une faute contractuelle,
– constaté l’existence d’un préjudice pour les acquéreurs,
– déclaré la SCP [J]-Pacheco responsable des préjudices subis par les acquéreurs,
Avant-dire droit,
– ordonné deux expertises,
– désigné M. [LF] [T], architecte, avec pour mission de fixer le montant du préjudice du syndic de copropriété en tenant compte des sommes déjà versées dans le cadre du contrat de construction litigieux et par chaque copropriétaire partie à la procédure, en expliquant les éléments de chiffrage retenus pour chacun de ses préjudices,
– désigné M. [S] avec pour mission d’évaluer tous les chefs de préjudices financiers subis par les demandeurs (pertes de loyers, absence de réduction d’impôts, frais d’assurance, coût des intérêts intercalaires, etc.) et d’indiquer de façon précise les éléments sur lesquels il s’est fondé pour évaluer chaque préjudice,
– sursis à statuer sur le surplus,
– réservé les dépens.
Dans ses motifs, le tribunal a considéré que le notaire en charge de la régularisation des actes de vente a commis une faute en ce qu’il a estimé que les ventes pouvaient être régularisées puisque le vendeur avait satisfait à ses obligations de garantie financière, alors que les actes de vente imposaient également, comme condition de leur régularisation, l’achèvement des fondations.
Il a précisé aussi que la seconde condition fixée par l’article R. 261-18 du code de la construction et de l’habitation n’était pas remplie, puisque seul le financement de 75% du bâtiment B était réalisé.
Le tribunal a également retenu un manquement au devoir de conseil des notaires dans la mesure où ces derniers n’ont pas informé les acquéreurs sur la teneur des garanties souscrites, éphémères en cas de défaillance du vendeur, et notamment sur les garanties extrinsèques à souscrire pour ce type de contrat, ce défaut de conseil ayant entraîné un défaut de garantie et, conséquemment, l’abandon du programme immobilier et un préjudice subi par chaque acquéreur.
Enfin, le tribunal a estimé que les préjudices subis ne pouvaient être évalués en l’état du dossier et a donc ordonné une mesure d’expertise confiée à un architecte pour la reprise de la construction de l’immeuble et à un expert comptable aux fins d’établir les préjudices financiers des demandeurs.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 13 février 2018, enregistrée le 14 février 2018, la SCP [J] et Pacheco a relevé appel de ce jugement.
La SCP [J] et Pacheco a demandé à la cour de :
– dire que M. et Mme [XF] et son épouse Mme [X], M. [W] et son épouse Mme [H], M. [I] et son épouse Mme [I], M. [GZ] et son épouse Mme [U], M. [H] et son épouse Mme [N] et M. [Y] sont irrecevables en leurs demandes, leur action étant prescrite,
Subsidiairement,
– dire et juger que la SCP [J]-Pacheco n’a commis aucune faute à l’égard des intimés, qui ne rapportent la preuve d’aucun préjudice certain en lien avec une prétendue faute de la SCP [J]- Pacheco,
– en conséquence, débouter les requérants de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la SCP [J]-Pacheco,
– en tout état de cause, les condamner solidairement aux dépens et à payer à la SCP [J]-Pacheco la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les intimés ont demandé à la cour d’appel de réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Briey le 25 janvier 2018 en ce qu’il a constaté que la SCP [J] Pacheco avait commis une faute contractuelle et de la requalifier en faute quasi délictuelle sur le fondement des dispositions de l’article 1240 et suivants du code civil, de confirmer le jugement pour le surplus ; à titre subsidiaire, de condamner la SCP [J] Pacheco à indemniser l’ensemble des copropriétaires demandeurs et de fixer la créance du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16] suite à la procédure collective ouverte à l’encontre de la SCCV [Adresse 16].
Par arrêt du 24 septembre 2019, la cour d’appel de Nancy a :
– rejeté l’irrecevabilité tirée de la prescription de l’action intentée par [E] [XF] et son épouse [RG] [X], [R] [W] et son épouse [G] [H], [C] [I] et son épouse [B] [I], [O] [GZ] et son épouse [P] [U], [L] [H] et son épouse [D] [N] et M. [C] [Y] ;
– déclaré recevable la demande ;
– infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Briey le 25 janvier 2018 et, statuant à nouveau :
– débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16] et les copropriétaires demandeurs de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la SCP [J] Pacheco ;
– condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16], et les copropriétaires demandeurs aux dépens ;
– rejeté la demande de la SCP [J] et Pacheco faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les intimés de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16] à [Localité 21], représenté par son syndic, la S.A.R.L. Agence Trilogie, la société civile immobilière Rio Pantanal, M. [M] [F], Mme [Z] [PL] épouse [F], M. [E] [XF], Mme [RG] [X] épouse [XF], M. [R] [W], Mme [B] [I], M. [C] [I], Mme [P] [U] épouse [GZ], M. [O] [GZ], Mme [D] [N] épouse [H], M. [L] [H] et M. [C] [Y] ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt du 24 septembre 2019.
Par arrêt rendu le 5 janvier 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 24 septembre 2019, sauf en ce qu’il a rejeté l’irrecevabilité de l’action intentée par M. [E] [XF], Mme [RG] [X] épouse [XF], M. [R] [W], Mme [B] [I], M. [C] [I], Mme [P] [U] épouse [GZ], M. [O] [GZ], Mme [D] [N] épouse [H], M. [L] [H] et M. [C] [Y].
La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel de Nancy avait statué par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs.
La Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Nancy autrement composée.
Par conclusions déposées le 20 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 16], représenté par son syndic, la S.A.R.L. Agence Trilogie, la société civile immobilière Rio Pantanal, M. [M] [F], Mme [Z] [PL] épouse [F], M. [E] [XF], Mme [RG] [X] épouse [XF], M. [R] [W], Mme [B] [I], M. [C] [I], Mme [P] [U] épouse [GZ], M. [O] [GZ], Mme [D] [N] épouse [H], M. [L] [H] et M. [C] [Y] demandent à la cour de :
– réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Briey le 25 janvier 2018 en ce qu’il a constaté que la SCP [J] et Pacheco a commis une faute contractuelle et, en conséquence, dire que la SCP [J] et Pacheco a commis une faute quasi délictuelle sur le fondement des dispositions de l’article 1240 et suivants du code civil,
– condamner la SCP [J] et Pacheco à régler à :
– M. et Mme [F] la somme de 175 017€,
– la SCI Rio Pantanal la somme de 194 750€,
– M. et Mme [GZ] la somme de 209 462€,
– M. et Mme [H] la somme de 231 832€,
– M. et Mme [XF] la somme de 274 299€,
– M. et Mme [I] la somme de 274 945€,
– M. et Mme [W] la somme de 206 553€,
– condamner la SCP [J] et Pacheco à régler à chaque requérant une somme de 6 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCP [J] et Pacheco à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– à titre subsidiaire, désigner tel expert qu’il plaira afin d’analyser et vérifier les demandes de préjudice de chacune des parties et de donner son avis sur le préjudice réellement subi par ces derniers,
– condamner la SCP [J] et Pacheco aux entiers dépens.
A l’appui de leur appel, ils exposent :
– que c’est la responsabilité quasi-délictuelle du notaire qu’ils invoquent depuis l’introduction de l’instance, de sorte que le tribunal a commis une erreur en retenant sa responsabilité contractuelle,
– que le notaire qui a régularisé les ventes a considéré que les conditions de la garantie intrinsèque étaient remplies, alors qu’aucune des deux conditions cumulatives exigées (fondations achevées et financement assuré à concurrence de 75% du prix de vente prévu) n’était remplie,
– qu’il résulte en effet de l’acte qu’à la date du 29 décembre 2010, les fondations n’avaient pas encore été coulées,
– qu’en outre, seul le financement de 75% des lots du bâtiment B était assuré, alors que c’est 75% des lots des deux immeubles (A et B) compris dans le même programme qui devait être assuré,
– que le notaire est responsable de la vérification de l’existence des éléments de la garantie intrinsèque, ce qui n’a pas été fait par la SCP [J] et Pacheco, dont la faute ainsi constituée a un lien direct avec le préjudice subi par les copropriétaires et leur syndicat,
– que le notaire a manqué à son devoir de conseil en s’abstenant d’attirer l’attention des acquéreurs sur la teneur des garanties souscrites, éphémères en cas de défaillance financière du vendeur,
– que la défaillance financière de la SCCV [Adresse 16] a entraîné l’abandon de son programme immobilier, ce qui a eu pour eux des conséquences dramatiques dont la SCP [J] et Pacheco leur doit réparation.
Par conclusions déposées le 1er septembre 2022, la SCP [J] et Pacheco demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
– débouter les appelants de toutes leurs demandes formées contre elle,
– de condamner solidairement les appelants aux dépens et à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCP [J] et Pacheco fait valoir :
– que la responsabilité du notaire est de nature quasi-délictuelle et non contractuelle,
– que les actes de vente du 31 décembre 2010 ont été signés sous la condition suspensive de la justification de la constitution de la garantie intrinsèque dans les six mois de l’achèvement des fondations de l’immeuble,
– que le promoteur a apporté la preuve de la réalisation des fondations à la date du 26 janvier 2011,
– que le 31 janvier 2011, il était constaté que plusieurs lots du bâtiment B avaient été vendus pour un montant total de 1 239 000 euros, la SCCV [Adresse 16] justifiant par ailleurs d’un financement bancaire à hauteur de 600 000 euros, de sorte que les 75% du prix de vente du bâtiment B (soit 1 332 000 euros = 0,75 x 1 776 000 euros) étaient largement atteints,
– que les bâtiments A et B constituaient chacun un programme distinct, de sorte que seul le prix du bâtiment B doit être pris en compte pour déterminer si 75% du financement était acquis, ce qui était incontestablement le cas,
– qu’elle a rappelé aux acquéreurs les textes légaux, le montant des garanties constituées et a constaté qu’étaient réunies les conditions de la garantie intrinsèque, alors prévue par les textes et parfaitement licite, de sorte qu’aucun manquement ne peut lui être reproché dans l’exécution de son devoir de conseil.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties s’accordent pour reconnaître que le tribunal a commis une erreur en invoquant la responsabilité contractuelle de la SCP [J] et Pacheco, alors que le notaire ne peut engager que sa responsabilité quasi-délictuelle lorsqu’il intervient comme rédacteur d’un acte de vente entre deux parties. Il convient donc de réformer le jugement déféré sur ce point.
Sur l’existence des fautes reprochées à la SCP [J] et Pacheco
Les appelants reprochent deux fautes à la SCP [J] et Pacheco : avoir régularisé les ventes sans que la garantie intrinsèque soit constituée et avoir manqué à son devoir de conseil.
1°/ La constitution de la garantie intrinsèque
L’article R. 261-18 du Code de la Construction et de l’Habitation, dans sa rédaction applicable en l’espèce, dispose que :
« La garantie d’achèvement résulte de l’existence de conditions propres à l’opération lorsque cette dernière répond à l’une ou à l’autre des conditions suivantes :
a) Si l’immeuble est mis hors d’eau et n’est grevé d’aucun privilège ou hypothèque ;
b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 p. 100 du prix de vente prévu :
– par les fonds propres au vendeur ;
– par le montant du prix des ventes déjà conclues ;
– par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.
Toutefois, le taux de 75 p. 100 est réduit à 60 p. 100 lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 p. 100 du prix de vente par les fonds propres du vendeur.
Pour l’appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l’achèvement des fondations ».
En l’espèce, par actes authentiques conclus le 31 décembre 2010 devant M. [JM] [J], notaire, la SCCV [Adresse 16] a vendu divers lots du bâtiment B, sous la condition suspensive que dans un délai devant expirer six mois après l’achèvement des fondations de l’immeuble, le vendeur justifie avoir à sa disposition le financement nécessaire pour constituer, en application de l’article R261-18 b du code de la construction et de l’habitation, la garantie d’achèvement de l’immeuble résultant des conditions propres à l’opération.
Par acte du 31 janvier 2011, Me [ZT], notaire de la SCP [J], a constaté la réalisation des conditions suspensives :
– ‘Les fondations du bâtiment sont achevées à la date du 26 janvier 2011, ainsi qu’il résulte d’une attestation du maître d’oeuvre en date du 26 janvier 2011″ et d’un PV de constat de M. [V] [K], huissier de justice ;
– le prix de vente prévu pour le bâtiment B est de 1 776 000 euros ; le financement doit être assuré à hauteur de 75%, soit 1 332 000 euros, et la SCCV dispose d’une somme de 600 000 euros représentant le montant du crédit que lui a consenti le Crédit Agricole et d’une somme de 1 239 000 euros représentant le montant global du prix des ventes d’ores et déjà conclues, soit un total de 1 839 000 euros excédant largement les 75% requis.
Les appelants soutiennent que les fondations n’étaient pas coulées à la date du 29 décembre 2010. Toutefois, cette circonstance est sans conséquence, puisque les ventes avaient été conclues sous condition suspensive de la réalisation des fondations.
Les fondations étant réalisées à la date du 26 janvier 2011, le vendeur devait justifier que ‘le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans le même programme était assuré à concurrence de 75 p. 100 du prix de vente prévu’. La SCP [J] et Pacheco rapporte la preuve que cette condition était remplie au 31 janvier 2011 si l’on prend en compte le prix du seul bâtiment B, ce que contestent les appelants qui considèrent que c’est l’ensemble des bâtiments A et B qu’il faut prendre en compte car ces deux bâtiments ne formaient qu’un seul et même programme.
Or, le programme, au sens de l’article R261-18 précité, doit être défini comme toute entité viable en elle-même, d’un ou plusieurs bâtiments, disposant de fondations autonomes, réunissant toutes les conditions d’habitabilité et ayant une autonomie de financement ; si une même opération est constituée par plusieurs entités ainsi définies et réalisées successivement, le financement dont il doit être tenu compte pour chacune de ces parties, est calculé en fonction du seul programme considéré, sans tenir compte de la quote-part de terrain et des travaux de superstructure et d’infrastructure afférents aux autres éléments de l’opération.
En l’occurrence, l’opération de promotion immobilière ‘Résidences [Adresse 16]’ portait sur la construction de deux bâtiments, les bâtiments A et B, chacun de ces deux bâtiments disposant de ses propres fondations, réunissant toutes les conditions d’habitabilité et ayant une autonomie de financement.
Dès lors, chacun des deux bâtiments était constitutif d’un programme autonome au sens de l’article R261-18 précité.
Par conséquent, lors de la rédaction de l’acte du 31 janvier 2011, le financement de l’immeuble était bien assuré à hauteur de 75%.
Il apparaît ainsi que les deux conditions de la garantie intrinsèque étaient remplies et que c’est à juste titre que le notaire a pu, par acte du 31 janvier 2011, constater que les conditions suspensives de la vente étaient réalisées, rendant parfaites les ventes de lots du bâtiment B effectuées le 31 décembre 2010.
Dès lors, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de la SCP [J] et Pacheco en ce qui concerne la constitution de la garantie intrinsèque.
2°/ Le devoir de conseil
La garantie intrinsèque était, au moment des faits de l’espèce, une option ouverte par la loi au vendeur et, si elle ne présentait pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n’en était pas moins licite.
En l’occurrence, le notaire instrumentaire avait constaté que toutes les conditions d’application de la garantie intrinsèque étaient réunies.
Les appelants ne démontrent nullement que, lors de la conclusion des actes de vente de 2010 ou 2012, le notaire avait connaissance de difficultés pouvant mettre en péril l’opération de promotion immobilière dont s’agit, de sorte que rien ne pouvait laisser supposer que la garantie intrinsèque fournie, qui existait bien, ne pourrait être utilement mise en oeuvre.
Dès lors, il ne peut être reproché au notaire d’avoir manqué à son devoir de conseil en s’étant abstenu ‘d’attirer l’attention des acquéreurs sur la teneur des garanties souscrites, éphémères en cas de défaillance financière du vendeur’.
Par conséquent, aucune des deux fautes que les appelants reprochent à la SCP [J] et Pacheco n’est constituée. Ils doivent donc être déboutés de leurs demandes tendant à voir dire que la SCP [J] et Pacheco a commis des fautes et qu’elle doit être condamnée à réparer les préjudices en résultant. Aussi le jugement déféré sera-t-il infirmé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les appelants, qui sont les parties perdantes, supporteront les dépens de première instance et d’appel et ils seront déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais de justice irrépétibles. Toutefois, en équité, il n’y a pas lieu de les condamner sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
DIT que la SCP [J] et Pacheco n’a commis aucune faute engageant sa responsabilité,
DEBOUTE la SCI Rio Pantanal, M. et Mme [F], M. et Mme [XF], M. et Mme [W], M. et Mme [I], M. et Mme [GZ], M. et Mme [H] et M. [Y] de leurs demandes d’indemnisation de leurs préjudices,
DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à la SCI Rio Pantanal, M. et Mme [F], M. et Mme [XF], M. et Mme [W], M. et Mme [I], M. et Mme [GZ], M. et Mme [H] et M. [Y] la charge des dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en onze pages.