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1ère Chambre
ARRÊT N° 262
N° RG 21/00667 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RJZR
Mme [G] [O] épouse [U]
M. [M] [O]
C/
Me [B] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Monsieur Pierre DANTON, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Mai 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré indiqué au 12 septembre 2023 à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [G] [O] épouse [U] es qualité d’héritière de Madame [H] [X], décédée le [Date décès 6] 2020
née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Dominique LE CHEVANTON, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
Monsieur [M] [O] es qualité d’héritier de Madame [H] [X], décédée le [Date décès 6] 2020
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 17]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Dominique LE CHEVANTON, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉ :
Maître [B] [F]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 10]
Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Carine PRAT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
****
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [X] et M. [O] se sont mariés le [Date mariage 3] 1976 à [Localité 21] en [Localité 23] sous le régime de la communauté légale.
De leur union sont nés deux enfants :
– [G] née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 17],
– [M] né le [Date naissance 14] 1982 à [Localité 17].
Par jugement du 10 juin 2011, faisant suite à l’ordonnance de non-conciliation du 25 mai 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Quimper a prononcé le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage de M. et Mme [O], décision confirmée par arrêt du 13 novembre 2012 de la cour d’appel de Rennes. La prestation compensatoire attribuée à Mme [X] a été fixée à la somme de 54.000 € et maître [B] [F], notaire à [Localité 16], a été désigné pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial.
Le 15 mars 2013, maître [F] recevait l’acte de liquidation-partage de la communauté de M. et Mme [O] dans les termes suivants :
* Mme [X] :
– moitié de l’actif net de communauté : 28.354,54 €
– indemnité d’occupation dû par M. [O] : 8.370,96 €
– prestation compensatoire dû par M. [O] sous déduction du trop-perçu sur pension alimentaire de 1.600 € dû par Mme [X] à M. [O] : 52.400 €
Total des droits de Mme [X] : 89.125,50 €
* M. [O] :
– moitié de l’actif net de communauté : 28.354,54 €
– récompense due par la communauté : 59.223,33 €
– excédent de dépenses de son compte d’administration : 4.067,58 €
– montant de l’indemnité d’occupation dû à Mme [X] : – 8.370,95 €
– montant de la prestation compensatoire dû à Mme [X] : – 52.400 €
Total des droits de M. [O] : 30.874,49 €.
La maison d’habitation appartenant au couple située [Adresse 5] (29) était évaluée à la somme de 120.000 € et attribuée à M. [O] à charge pour lui de verser à Mme [X] une soulte d’un montant de 89.125,50 €.
Considérant que son ex- mari avait abusé de sa faiblesse et l’avait trompée dans le cadre de la liquidation de communauté, Mme [X] a, par acte d’huissier du 17 avril 2018 enrôlé le 30 avril 2018, assigné M. [O] sur le fondement du recel de communauté. Par jugement du 21 février 2020, le juge aux affaires familiales a déclaré son action irrecevable en raison de la prescription et l’a condamnée au paiement de la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles, outre la charge des dépens.
Les consorts [O] indiquent que leur mère Mme [X] a interjeté appel de cette décision, sans toutefois préciser la date de cet appel, ni justifier de la déclaration d’appel.
En parallèle, estimant d’une part que ses facultés mentales étaient altérées lors de la signature de l’acte de liquidation de la communauté en raison d’un traitement psychiatrique en cours, d’autre part que la maison avait été sous-évaluée alors qu’elle était revendue avec une plus-value quelques temps plus tard par M. [O], ensuite que les meubles n’avaient pas été partagés et enfin que la récompense était indue à son ex-époux dès lors qu’il s’était réapproprié avant le partage les fonds issus de la succession de ses parents versés sur les comptes joints, Mme [X], après une mise en demeure adressée le 27 novembre 2015 à son ex-époux restée sans réponse, puis une mise en demeure adressée au notaire le 14 mars 2018 et une saisine de la chambre des notaires du 19 avril 2018 demeurées infructueuses, a, par exploit d’huissier du 29 novembre 2018, fait assigner maître [F], notaire, devant le tribunal de grande instance de Quimper en manquement aux obligations de conseil et de vérification et en réparation de ses préjudices financier et moral.
L’audience en responsabilité du notaire s’est tenue le 16 juin 2020.
Mme [X] est décédée le [Date décès 6] 2020.
Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Quimper, statuant dans l’instance relative à la responsabilité du notaire, a :
– déclaré irrecevables les demandes de Mme [X] dirigées contre maître [F] pour cause de prescription,
– condamné Mme [X] à verser à maître [F] la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles,
– condamné Mme [X] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.
Mme [X] a interjeté appel par déclaration du 29 janvier 2021, intimant maître [F]. L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/637. Mme [X] était toutefois décédée à cette date et le mandat de représentation donné à son conseil était de ce fait devenu caduc.
[G] et [M] [O] (ci-après les consorts [O]) ont repris l’instance et ont interjeté appel par déclaration du même jour soit le 29 janvier 2021, intimant maître [F]. L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/667.
Par ordonnance du 9 février 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires en indiquant qu’elles se poursuivaient sous l’unique n° RG 21/667.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts [O] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 23 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
I. A l’égard de M. [O],
Avant dire droit :
– dire et juger qu’il y a lieu d’entendre les personnes suivantes au regard des articles 204 et suivants du code de procédure civile :
* maître [F] notaire rédacteur de l’acte querellé,
* maître [I], avocate de Mme [X] lors de la procédure de divorce,
* le docteur [E] [V], médecin de Mme [X],
* le directeur du Crédit agricole du Finistère, banque gestionnaire des livrets des deux ex-époux [O] de 2007 à 2010,
– surseoir à statuer dans l’attente de ces auditions,
– dire et juger que M. [O] doit communiquer les pièces suivantes : années 2007-2008-2009-2010-2011 de janvier à décembre pour chacun de ses comptes et livrets :
– Compte courant personnel du Crédit agricole du Finistère
– LEP du Crédit agricole du Finistère
– LDD du Crédit agricole du Finistère
– LCB du Crédit agricole du Finistère
– CSL du Crédit agricole du Finistère
En tout état de cause :
– juger l’appel de Mme [X] recevable,
– juger recevable la reprise d’instance par ses deux héritiers,
– juger leur appel recevable,
– dire et juger leur action non prescrite,
– annuler le jugement du tribunal judiciaire de Quimper (chambre de la famille) du 21 février 2020,
– juger l’action de Mme [X] non prescrite,
– juger que les lourds traitements médicamenteux qu’elle prenait en mars 2013 ont gravement affecté ses facultés mentales lors de la signature de l’acte de partage du 15 mars 2013,
– dire et juger que les 6 psychotropes que la défunte prenait en 2013 avaient des effets sur ses facultés mentales,
– dire et juger que suite à la signature de l’acte de partage querellé, elle a fait une tentative de suicide (juin 2013),
– dire et juger que de juin 2013 à juin 2014, elle a été suivie par une cellule psychiatrique,
– dire et juger que M. [O] a abusé de sa faiblesse, qu’il l’a trompée et spoliée, usé de man’uvres dolosives,
– dire et juger que lors des opérations de liquidation de communauté, Mme [X] n’avait pas de conseil et qu’elle n’a absolument pas compris ce qu’elle signait,
– juger que M. [O] en a profité pour détourner ou receler quelques effets de la communauté,
– juger qu’il a ainsi imputé de façon frauduleuse une récompense au passif de la communauté qui a tendu à diminuer l’actif commun partageable,
– dire et juger que dans ses écritures de premières instances et d’appel, il reconnaît avoir pu obtenir de façon anticipée le remboursement de la récompense qu’il a par la suite sollicitée dans le cadre de l’acte de partage,
– dire et juger que cette récompense ne pouvait donc être invoquée dans cet acte,
– dire et juger que la communauté en cause n’a pas pu tirer profit de l’héritage de M. [O],
– dire et juger qu’en effet cet héritage viré sur le compte indivis le 25/07/2007, a été placé dès le 08/08/2007 par M. [O] seul sur des livrets et comptes à son nom, et sur des livrets et comptes au nom de son épouse,
– dire et juger que les concluants à travers les pièces 17, 18, 78, 79 et 80 apportent la preuve que leur père avait obtenu dès mai 2010 le remboursement des sommes découlant de la succession de ses parents qu’il avait placées sur divers livrets au nom de son épouse dès le 08/08/2007 soit quelques jours après l’obtention de la succession de ses parents sur le compte indivis (soit le 25/07/2007),
– juger que l’acte de partage du 15 mars 2013 est donc entaché de nullité,
– juger qu’une masse active nette à partager devait être a minima de 115.932,42 € dont moitié revenant à chaque époux, soit la somme de 57.966,21 € et non de 28.354,54 €,
– juger que M. [O] n’a pas non plus partagé les biens mobiliers indivis,
– juger qu’il a volontairement sous-estimé le bien immobilier indivis,
– dire et juger qu’il a revendu ledit bien peu de temps après à un prix supérieur alors qu’il y avait une baisse des prix de l’immobilier,
– juger qu’à ce titre, il doit être puni perdant ainsi la totalité de ce qui lui revenait Le condamner à payer à chacun des appelants 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeter l’intégralité de ses demandes comme étant totalement infondées,
– le condamner aux entiers dépens.
II. A L’égard de maître [F]
– juger recevable la reprise d’instance par ses deux héritiers,
– juger leur appel recevable,
– dire et juger leur action non prescrite,
– dire et juger non prescrite l’action de leur mère Mme [X],
– annuler le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 22 septembre 2020,
– rejeter les conclusions et demandes de maître [F] comme non fondées
– dire et juger que les concluants apportent la preuve que leur mère a eu un suivi psychiatrique de 1988 à sa mort,
– dire et juger que ce suivi existait bien au 15 mars 2013,
– juger que les lourds traitements médicamenteux que Mme [X] prenait ont affecté ses facultés mentales lors de la signature de l’acte de partage du 15 mars 2013,
– dire et juger que les effets des 6 psychotropes, pris par jour par la défunte, en 2013 avaient des conséquences directes sur ses facultés mentales,
– dire et juger qu’en juin 2013, suite à la signature de l’acte de partage litigieux, elle a fait une tentative de suicide,
– dire et juger que cet acte démontre l’état de santé de Mme [X] en 2013 et ce, peu de temps après la signature de l’acte de partage contesté,
– dire et juger que lors des opérations de liquidation de communauté Mme [X] n’avait pas de conseil et qu’elle n’a absolument pas compris ce qu’elle signait,
– dire et juger que maître [I] déclare bien ne pas être intervenue aux côtés de Mme [X] lors de liquidation de communauté litigieuse,
– dire et juger que Mme [X] n’était pas une professionnelle du droit et que seule, sans conseils, elle ne pouvait pas comprendre les aspects techniques du partage litigieux,
– dire et juger que seule elle ne pouvait pas comprendre le terme de ‘récompense’ et ses conséquences,
– dire et juger que les concluants à travers les pièces 17 (17a à 17z), 18 (18a à 18g), 78, 79 et 80 apportent la preuve précise que leur père avait obtenu dès mai 2010 le remboursement des sommes découlant de la succession de ses parents qu’il avait placées sur divers livrets et comptes au nom de son épouse,
– dire et juger que dès le 8 août 2007, il avait placé le montant de son héritage, viré sur le compte indivis le 25 juillet 2007, sur des livrets et comptes à son nom et au nom de Mme [X],
– dire et juger que la communauté n’a donc pas pu tirer profits de ces sommes placées,
– dire et juger que maître [F] qui avait en sa possession les relevés du compte indivis des ex-époux avait clairement connaissance de ces divers placements effectués dès le 8 août 2007 (pièce jointe n° 3 adverse),
– dire et juger qu’il n’a pas fait les vérifications d’usage quant à l’utilisation de ces divers placements au bénéfice de la communauté,
– dire et juger que l’acte de partage du 15 mars 2013 est donc entaché de nullité,
– juger qu’une masse active nette à partager devait être a minima de 115.932,42 € dont moitié revenant à chaque époux, soit la somme de 57.966,21 € et non de 28.354,54 €,
– dire et juger que maître [F] n’a pas rempli ses obligations de vérifications des actes et pièces qui lui étaient transmis,
– dire et juger que la pièce n° 3 qu’il verse au débat démontre bien qu’il avait connaissance au moment de la rédaction de l’acte de partage des placements opérés par M. [O] dès le 8 août 2007,
– dire et juger qu’au moment de la rédaction de l’acte de partage, il n’a pas demandé le devenir et les justificatifs de ces placements,
– dire et juger qu’il n’a pas attiré l’attention de Mme [X] sur ce point,
– juger que la transcription du divorce au moment de la liquidation de communauté n’était pas réalisée,
– juger par voie de conséquence que maître [F] ne pouvait pas en l’état liquider la communauté, d’autant que M. [O] est de nationalité étrangère,
– dire et juger que la liquidation de communauté est intervenue de façon extrêmement rapide suite à l’arrêt de la cour d’appel de Rennes,
– dire et juger que maître [F] a failli à son obligation de conseil à l’égard de Mme [X],
– dire et juger qu’il a failli à son obligation d’impartialité,
– dire et juger qu’il n’a pas respecté le principe du contradictoire,
– dire et juger que dès le 20 février 2013, il écrivait à Mme [X] pour lui indiquer que son ex-mari allait faire un prêt pour lui payer la soulte et la prestation compensatoire,
– dire et juger qu’à cette date, de façon implicite, il considérait son acte de partage prêt puisque M. [O] avait sollicité un prêt sur le fondement de celui-ci,
– dire et juger qu’il a commis une faute,
– dire et juger que maître [F] a menti devant le premier juge en indiquant que Mme [X] était assistée d’un conseil,
– dire et juger qu’un tel mensonge est extrêmement grave,
– dire et juger qu’il persiste dans ce mensonge devant la cour de céans,
– dire et juger que ces fautes sont à l’origine des préjudices moral et financier des concluants,
– dire et juger que ce préjudice est d’autant plus grave que Mme [X] s’est laissé mourir en juin 2020,
– le condamner à la somme de 25.000 € à titre de réparation de leur préjudice financier,
– le condamner à leur payer à chacun la somme de 5.000 € à titre de réparation de leur préjudice moral,
– le condamner à payer à chacun des concluants la somme de à 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Maître [F] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 13 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de :
– déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [X],
– en tout état de cause, débouter M. [M] [O] et Mme [G] [U] de leurs demandes à son encontre,
– condamner M. [M] [O] et Mme [G] [U] à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [X] aux entiers dépens de l’instance.
MOTIFS DE L’ARRÊT
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur les demandes dirigées contre [K] [O]
La présente instance fait suite aux deux appels interjetés le 29 janvier 2021 respectivement par Mme [X], d’une part, (en réalité par celui qui était son conseil avant son décès) et par les consorts [O], d’autre part, à l’encontre du jugement du 22 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Quimper ayant statué sur mise en cause de la responsabilité de maître [F] dans les opérations de liquidation de la communauté ayant existé entre Mme [X] et M. [O].
M. [O] n’a pas été attrait à la présente instance qui ne concerne pas le litige ayant donné lieu au jugement du juge aux affaires familiales du 21 février 2020 ayant statué sur le recel de communauté reproché par Mme [X] à M. [O]. Il n’a donc pas constitué avocat ni conclu.
En réalité, la cour n’est pas ici saisie du litige concernant le recel de communauté ni de la demande subséquente de nullité du partage, demandes qui font l’objet d’une procédure distincte laquelle n’est, par ailleurs, nullement concernée par la décision de jonction ci-dessus rappelée.
En effet, il n’y a pas eu de jonction entre la présente instance relative à la responsabilité du notaire et le prétendu appel contre le jugement ayant tranché le recel successoral.
La cour ne peut, en conséquence, que déclarer irrecevables les demandes présentées dans le cadre de la présente procédure contre M. [O] du chef du recel successoral.
2) Sur la prescription
Il résulte des dispositions de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’article 2234 du même code dispose que ‘La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.’
Il est de jurisprudence établie que le point de départ de la prescription quinquennale est la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation ou la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Il appartient à celui qui se prévaut d’une impossibilité d’agir de l’établir. En ce cas, la prescription ne commence à courir que du jour où l’impossibilité cesse.
Enfin, il incombe aux juges du fond de rechercher, par une appréciation souveraine, si les troubles dont souffrait un cocontractant ne constituait pas pour lui une impossibilité d’agir.
En l’espèce, les consorts [O] considèrent que maître [F] a commis une faute en recevant le 15 mars 2013 l’acte de liquidation de la communauté de leurs parents alors que leur mère Mme [X] était traitée depuis plusieurs années pour une dépression grave avec un traitement médicamenteux lourd qui altérait ses facultés mentales.
Maître [F] répond que Mme [X] était présente à la signature de l’acte, qui lui a été lu et expliqué et qu’elle a signé sans émettre de réserves. Il ajoute qu’il avait, préalablement au rendez-vous de signature pris le soin de lui adresser un projet d’acte de liquidation.
Ceci étant exposé :
Il résulte des pièces médicales versées aux débats par les consorts [O] que :
– le médecin traitant de Mme [X], le docteur [E] [V], exerçant en médecine générale à [Localité 10], atteste le 21 janvier 2010 de ce que sa patiente était sous traitement psychotrope depuis janvier 1988, présentant un état de stress permanent et des épisodes de dépression véritable, décrivant un tableau de mal-être depuis de nombreuses années et les rapportant au comportement pathologique de son mari vis-à-vis d’elle et des enfants, le docteur [V] précisait que la situation n’était plus tolérable et nécessitait une évolution rapide et positive sauf à risquer l’apparition d’une décompensation anxiodépressive sévère,
– il avait précisé dans une attestation du 19 avril 2019 la liste des psychotropes prescrits à Mme [X] pour la période du 2 octobre 1987 au 14 décembre 2018, à raison de 60 prescriptions sur ladite période, en indiquant que ces médicaments pouvaient potentiellement altérer la cognition de sa patiente,
– Mme [X] était transportée en ambulance le 16 juin 2013 à 22 h au CHU [20] à l’hôpital de [26] (facture de transport) puis hospitalisée le 17 juin 2013 à l’hôpital psychiatrique de [Localité 25] (bulletin d’entrée), pour une durée de 4 jours, consécutivement à une tentative de suicide par voie médicamenteuse,
– elle faisait un séjour psychiatrique en janvier 2016 à la clinique [19] de [Localité 10], où le docteur [J], médecin affecté à l’observation médicales des entrées, relevait un tendance dépressive et anxieuse ancienne avec prise de traitements antidépresseurs depuis 1988 et notait deux crises dépressives en 1994 avec un traitement en ambulatoire et, surtout, en 2013 avec une tentative de suicide médicamenteuse avec bref séjour de 4 jours à [Localité 18] après le divorce, le médecin relevait une ‘symptomatologie réactionnelle à un mariage malheureux avec un réquisitoire contre le mari coupable de l’avoir infériorisée, manipulée, trompées, humiliée isolée et finalement volée à l’occasion du règlement du divorce’, une surveillance étroite était préconisée ainsi que l’administration d’antidépresseurs, dont ‘forte dose de Kaleorid 1000 (3/jour associé à Aldactone)’,
– Mme [X] était toujours en protocole de soins en 2019 ainsi que cela résulte de la feuille de maladie du 2 février 2019 faisant apparaître une prescription notamment de Lexomil, Laroxyl, Seroplex.
La prescription de psychotropes en rapport avec une dépression était rappelée dans le jugement de divorce du 11 juin 2011 tandis que l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 13 novembre 2012 rappelait que la situation de Mme [X] était beaucoup plus précaire que celle de M. [O] (fonctionnaire territorial avec un traitement net de 1566 €) puisque, s’étant consacrée à l’éducation des enfants, elle n’avait aucune qualification ni expérience professionnelle, hormis quelques missions d’aide-ménagère à temps partiel et des contrats de remplacement comme ouvrière de production, cette situation justifiant l’allocation d’une prestation compensatoire de 54.000 €.
Mme [X] est décédée le [Date décès 6] 2020 sans que les causes exactes de son décès aient été médicalement explicitées.
L’ensemble de ces éléments établit sans contestation possible que Mme [X] était atteinte de dépression grave depuis plusieurs années, au moins depuis fin 1987, et qu’en juin 2013, elle a connu un épisode paroxystique la conduisant à l’autolyse nécessitant une hospitalisation, le tout caractérisant une insanité d’esprit en cours depuis plusieurs mois de nature à faire obstacle au jeu de la prescription quinquennale à compter du jour de l’acte de partage.
Celui-ci a précisément été signé le 15 mars 2013, soit 3 mois avant la tentative de suicide, à une période où Mme [X] se trouvait, du fait de sa maladie invalidante sur le plan mental, dans l’impossibilité d’agir pour la défense de ses droits.
Il est, par ailleurs, confirmé par maître [Z] [I], avocate à [Localité 25], dans un courriel du 2 décembre 2020, qu’elle n’a pas, contrairement à ce qui a été retenu par le premier jugement, assisté Mme [X] au stade de la liquidation de la communauté, l’ayant assistée seulement dans le cadre de la procédure de divorce pour laquelle une aide juridictionnelle avait été obtenue le 18 janvier 2010 en première instance puis le 10 novembre 2011 en case d’appel. Ainsi, l’impossibilité d’agir de Mme [X] n’a-t-elle pu être palliée par la présence d’un professionnel du droit à ses côtés laquelle eut été de nature à préserver ses intérêts le jour de la signature de l’acte litigieux.
Le point de départ de la prescription, qui ne peut se situer au jour de la signature de l’acte de partage, doit être situé au jour où cet état d’impossibilité a cessé pour Mme [X].
Or, ainsi qu’il l’a été noté par le premier juge, c’est par courrier du 27 novembre 2015 que maître [S], avocat intervenant au soutien des intérêts de Mme [X], a adressé une réclamation d’un montant de 50.000 € à M. [O], signifiant qu’à compter de cette date, Mme [X] n’était plus dans l’impossibilité absolue d’agir.
C’est à cette date que doit se situer le point de départ de la prescription.
Sous le bénéfice de ces observations, l’action de Mme [X] intentée le 29 novembre 2018 et reprise par les consorts [O] se situe bien dans le délai quinquennal imparti de sorte qu’elle sera déclarée recevable et le jugement infirmé sur ce point.
3) Sur la faute du notaire
Le notaire est tenu à l’égard des parties d’un devoir d’information et de conseil. Il doit éclairer celles-ci et appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée et les effets des actes qu’il rédige et sur les risques qu’elles encourent. Il est enfin tenu d’assurer l’efficacité juridique de ses actes.
La jurisprudence ajoute au devoir de conseil l’obligation pour le notaire de procéder à des investigations et contrôles que l’efficacité de l’acte impose afin qu’il soit conforme à la réalité et à l’intention des parties.
Si le notaire recevant un acte en l’état de déclarations erronées d’une partie quant aux faits rapportés n’engage sa responsabilité que s’il est établi qu’il disposait d’éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est cependant tenu de vérifier par toutes investigations utiles les déclarations faites par l’une des parties et qui par leur nature ou leur portée juridique conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte qu’il instrumente.
Sa responsabilité peut être recherchée sur le fondement quasi délictuel. Celle-ci est soumise aux règles du droit commun qui supposent la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
En l’espèce, il résulte de l’acte de liquidation de communauté signé le 15 mars 2013 dans ses dispositions contestées par les consorts [O] que :
– en page 2 :
S’agissant de Mme [X] : ‘Ayant pour avocat Maître [Z] [I], [Adresse 2]’,
– en page 4 :
‘ARTICLE TROIS – ACTIFS MOBILIERS
Monsieur [K] [O] et Madame [H] [X] déclarent avoir dès avant ce jour procédé au partage entre eux de l’ensemble de leurs liquidités et avoirs, titres et placements bancaires en tous genres, et de leurs véhicules automobiles.
Ils se reconnaissent l’un et l’autre en possession des éléments qui leur ont été respectivement attribués et s’obligent mutuellement à ne jamais remettre en cause ce partage ainsi effectué entre eux.
Concernant le partage du mobilier meublant le logement ci-dessus désigné, les époux reconnaissent pareillement en avoir dès avant ce jour arrêté les modalités entre eux et dispensent le notaire de procéder au partage du mobilier et même de relater son existence, déclarant se satisfaire de la situation actuelle de localisation de celui-ci et des attributions qu’ils se sont respectivement concédées.
Les parties dispensent le notaire de procéder au partage du mobilier et même de relater son existence, déclarant se satisfaire de la situation actuelle de localisation de celui-ci.’
– en page 4 :
‘- Le terrain : Acquisition suivant acte reçu par Maître [Y] [R], Notaire à [Localité 15], suppléant désigné par jugement du Tribunal de Grande Instance de QUIMPER en date du 26 février 1985 pour assurer provisoirement la gestion de l’Etude de Maître [A] [P], Notaire à [Localité 10], décédé notaire à [Localité 10] le [Date décès 11] 1985, dont une expédition a été publiée au Bureau des Hypothèques de [Localité 10] le 15 novembre 1985, volume 2650, numéro 17.
– Et les constructions, pour les avoir faites édifier, au cours, pour le compte et des deniers de la communauté.
Ledit bien évalué à la somme de CENT VINGT MILLE EUROS
Ci……………………………………………………………………………….120.000,00 €’
– en page 6 :
‘2°) Biens recueillis par donation, succession ou legs pendant le mariage
a) Monsieur [O] déclare avoir recueilli au cours du mariage, en deux versements, l’un effectué le 19 juillet 2007 et le second effectué le 14 janvier 2008, la somme globale de 59.223,33 Euros correspondant à la quote-part lui revenant dans les successions de Monsieur [N] [O], décédé à [Localité 22] le [Date décès 9] 2006, et Madame [T] [W], son épouse, décédée à [Localité 24], le [Date décès 12] 2001, ses père et mère.
Cette somme a été encaissée par la communauté qui doit donc une récompense à Monsieur [O] pour ledit montant de 59.223,33 Euros conformément aux dispositions de l’article 1469 alinéa 2 du Code civil.
Monsieur [O] déclare n’avoir recueilli aucun autre bien par succession, donation ou legs au cours du mariage.
b) Madame [X] déclare n’avoir recueilli aucun bien par succession, donation ou legs au cours du mariage.’
3.1) Sur la mention d’un mandat d’assistance par un avocat
Ainsi que confirmé par un courriel de maître [I] du 1er décembre 2020, celle-ci n’est pas intervenue aux côtés de Mme [X] au cours des opérations de liquidation du régime matrimonial mais seulement dans l’instance en divorce pour laquelle une aide juridictionnelle a été obtenue. Elle n’était pas présente le jour de la signature de l’acte de partage le 15 mars 2013.
Maître [F] excipe d’un courrier qu’il a adressé à maître [I] le 31 janvier 2013 aux termes duquel il lui fournissait des explications sur la récompense d’un montant de 59.223,33 €. Il ne produit toutefois pas le courrier que lui avait préalablement adressé maître [I], de sorte qu’il ne peut être tiré du propre courrier du notaire la conclusion qu’elle assistait Mme [X].
Maître [F] a ainsi reporté une mention d’assistance de Mme [X] par un avocat au jour de la signature de la liquidation de la communauté sans toutefois en vérifier l’effectivité et qui de fait s’est avérée contraire à la réalité.
L’absence de l’avocat le 15 mars 2013 au rendez-vous de signature aurait dû le conduire à interroger Mme [X] sur la réalité de ce mandat et, dans le doute, à reporter l’acte afin de s’assurer préalablement de l’effectivité de l’assistance et, en conséquence, de la présence du conseil aux côtés de sa cliente ce jour-là.
En n’opérant pas ces vérifications et en portant une mention erronée dans un acte authentique, maître [F] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle.
3.2) Sur le contrôle du sort des actifs mobiliers
Pour fournir à M. [O] le montant de ses droits, l’acte de liquidation a institué M. [O] attributaire de la maison d’habitation située à [Localité 16] tandis qu’une soulte était octroyée à Mme [X] à due concurrence et sous condition suspensive de l’obtention par M. [O] d’un prêt pour la financer.
En réalité, Mme [X] avait quitté le domicile conjugal en 2010 et elle justifie, par des factures d’achat datant des années 2010 et 211, avoir du racheter le mobilier nécessaire à sa réinstallation dans un nouveau logement : buffet cuisine, enfilade, table, lit, sommier, matelas, chevet, armoire, commode, téléviseur, banquette, aspirateur, nécessaire de cuisine (torchons, poubelle, …), lave-vaisselle, radiateur, réfrigérateur, tondeuse thermique, lave-linge, congélateur.
En présence d’une attribution intégrale du logement familial à l’un des deux conjoints, le notaire se devait de s’assurer que les déclarations d’un partage des meubles selon ‘des attributions qu’ils se sont respectivement concédées’ correspondaient à une réalité tangible.
Maître [F] n’a pas procédé à ce contrôle mais s’est contenté de reproduire une déclaration supposée émaner des deux conjoints sans s’assurer de son caractère exact et alors qu’elle était contraire à la situation de fait qui voyait l’intégralité des meubles meublants demeurer dans l’habitation attribuée à M. [O], ce qui se traduisait par l’expression selon laquelle les époux déclaraient ‘se satisfaire de la situation actuelle de localisation’, expression qui s’avérait, à l’examen, incompatible avec celle immédiatement ajoutée ‘des attributions […] respectivement concédées’.
La formulation incohérente de ce paragraphe, voire alambiquée, traduit en vérité une absence de tout contrôle par le notaire d’une situation de partage inexistante des meubles meublants imposée en défaveur de Mme [X] qui se voyait privée de tous ces biens, dont la moitié était censée lui revenir, tout en lui faisant signer le contraire, à savoir qu’elle en avait bénéficié.
Le notaire ne saurait se retrancher derrière une dispense de contrôle telle qu’elle a été retranscrite dans l’acte de liquidation laquelle ne peut être destinée à couvrir des torsions de la réalité.
La faute du notaire, détenteur de prérogatives d’officier public ministériel, est caractérisée, d’autant plus que Mme [X] n’était, on le rappelle, pas assistée par un conseil lors des opérations de partage de la communauté.
3.3) Sur le contrôle du droit à récompense de M. [O]
La perception par M. [O] de la somme de 59.223,33 € issue de la succession de ses parents n’est pas contestée et son virement sur un compte joint du couple [X]/[O] non plus, lequel est intervenu le 25 juillet 2007 à concurrence de la somme de 58.500 €.
Ainsi que cela résulte des relevés de comptes produits, cette somme a ensuite été placée le 8 août 2007 pour partie sur différents livrets plafonnés ouverts au nom de M. et Mme [O], à savoir :
‘ 08/08/2007 ouverture LEP 7700,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture LDD 6000,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture LCB 4600,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture LDD 6000,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture LCB 4600,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture CSL 3400,00 €
‘ 08/08/2007 ouverture CSL 500,00 €
Tandis qu’un virement a été opéré en direction d’un compte ouvert au nom de Mme [X] pour 7184,88 € et que deux prêts ont été remboursés pour des montants de 3006,52 € et 9.561,64 €.
D’où un total de mouvements de 52.553,04 €.
Les relevés bancaires versés aux débats font toutefois apparaître des virements en direction de M. [O] sous le libellé ‘VIR. [O] A FONDS PROPRES’ notamment de :
– 5.275,94 € le 11 mai 2010,
– 6.852,49 € le 11 mai 2010.
Ces écritures effectuées 14 jours avant le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation devaient conduire le notaire à vérifier, en dépit du caractère fastidieux de la tâche, les mouvements opérés en faveur de l’un ou de l’autre des époux afin de reconstituer les masses active et passive exactes de la communauté.
En se contentant de reproduire les déclarations de M. [O] portant encaissement par la communauté de fonds issus de la succession à hauteur de la somme de 59.223,33 € sans rechercher si, par la suite, ces fonds étaient intégralement demeurés dans la communauté ou avaient été réappropriés par M. [O] sur ses comptes personnels, et sans reporter dans l’acte de liquidation aucun des avoirs et comptes bancaires de la communauté à la date d’effet du divorce, ce qui a eu pour conséquence de fausser la présentation des masses active et passive de la communauté, maître [F] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle.
3.4) Sur le contrôle de l’évaluation de la valeur du bien immobilier
Les consorts [O] reprochent à maître [F] de ne pas avoir fait évaluer le bien immobilier indivis de façon contradictoire et de l’avoir sous-évalué.
Maître [F] répond qu’il n’était pas chargé d’assurer une visite des lieux ou de rechercher la valeur réelle du bien, qui n’était pas manifestement dérisoire et qui a été fixée d’un commun accord entre les parties à la somme de 120.000 €.
De fait, l’acte de liquidation retient une valeur de la maison d’habitation de M. et Mme [O] à hauteur de 120.000 €, terrain compris, se fondant sur une attestation de l’agence Orpi en date du 11 juin 2010 qui retenait une estimation entre 120.000 € et 130.000 € pour une maison de 1985 et précisant tenir compte du secteur géographique, de l’aménagement intérieur et du marché immobilier actuel.
Cette attestation n’a pas été actualisée pour l’acte de liquidation signé 3 années plus tard le 15 mars 2013.
Si le bien a été revendu deux années plus tard avec une plus-value de 30.000 € pour M. [O], les consorts [O] ne produisent aucune pièce permettant d’étayer leur thèse d’une sous-évaluation en 2013, le secteur immobilier ayant connu d’importantes fluctuations après la crise immobilière de 2008.
Aucune faute du notaire ne peut être retenue à cet égard.
4) Sur les préjudices et le lien de causalité
Les consorts [O] réclament les indemnisations de 25.000 € au titre d’un préjudice financier et 5.000 € chacun au titre de leur préjudice moral.
Ils sont toutefois totalement défaillants dans l’administration de la preuve d’un tel préjudice financier, ni les écritures ni les pièces n’en faisant la démonstration.
Leur demande à ce titre ne peut en conséquence prospérer quel qu’en soit le fondement.
Il est, en revanche, indéniable que l’absence de défense des intérêts de Mme [X] en raison de son impossibilité d’agir liée à son état de santé au moment des opérations de liquidation de la communauté a conduit celle-ci puis ses héritiers à engager et soutenir des démarches multiples pour tenter de la rétablir dans ses droits, démarches effectuées tant à l’égard de M. [O] que du notaire et des banques pour reconstituer, au moins partiellement, la chronologie de la séparation, son contexte ainsi que l’état du patrimoine et des comptes du couple.
Ces troubles et tracas seront justement indemnisés à hauteur d’une somme de 3.000 € octroyée aux consorts [O] unis d’intérêt et mise à la charge de maître [F].
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, maître [F] supportera les dépens d’appel.
Le jugement sera infirmé s’agissant des dépens de première instance qui seront mis à sa charge.
Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de condamner maître [F] à payer aux consorts [O] unis d’intérêt la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par eux tant en première instance qu’en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Le jugement sera infirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de maître [F] de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevables les demandes relatives au recel de communauté et à la nullité de l’acte du 15 mars 2013 portant liquidation de la communauté présentées par les consorts [O] contre M. [O] dans le cadre de la présente instance dont l’objet ne concerne que l’action en responsabilité civile professionnelle intentée par Mme [X] puis reprise par les consorts [O] contre maître [F], notaire ayant procéder à la liquidation de la communauté [X]/[O],
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 22 septembre 2020,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l’action en responsabilité civile professionnelle intentée par Mme [X] et reprise par les consorts [O] contre maître [F], notaire ayant procédé à la liquidation de la communauté [X]/[O] par acte du 15 mars 2013,
Dit que maître [F] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle à l’occasion de la réception de l’acte de liquidation de la communauté [X] / [O] le 15 mars 2013,
Déboute de la demande au titre du préjudice financier,
Condamne maître [F] à payer aux consorts [O] la somme de 3.000 € euros au titre de leur préjudice moral,
Condamne maître [F] aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne maître [F] à payer aux consorts [O] la somme de 3.000 € euros au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT