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N° RG 21/02508 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K464
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Pierre lyonel LEVEQUE
Me Guillaume PROUST
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 19 SEPTEMBRE 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/01976)
rendue par le Tribunal judiciaire de VALENCE
en date du 27 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 03 juin 2021
APPELANTS :
M. [X] [J]
né le 15 mai 1964 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Mme [D] [S] épouse [J]
née le 03 juillet 1967 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentés par Me Pierre Lyonel LEVEQUE, avocat au barreau de VIENNE
INTIMES :
M. [B] [C]
né le 17 avril 1954 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
Mme [V] [R] épouse [C]
née le 09 août 1952 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentés par Me Guillaume PROUST, avocat au barreau de VALENCE
Me Nicolas GILLES
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Olivier DORNE de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 juin 2023, Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Madame Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte authentique du 22 janvier 2019 reçu par Me [W] [I], notaire associé à [Localité 9], les époux [V] [R]/[L] [C] ont vendu aux époux [D] [S]/[X] [J] le lot n°9 du [Adresse 4] situé sur la commune de [Localité 5] (26).
Reprochant aux époux [C] la présence non signalée d’une servitude de passage de canalisations des eaux usées en tréfonds de leur propriété et le défaut de conseil de Me [I], les époux [J] les ont, suivant exploit d’huissier du 12 juillet 2019, fait citer en condamnation à leur payer diverses sommes.
Par jugement du 27 avril 2021, le tribunal judiciaire de Valence a :
rejeté les fins de non-recevoir élevées par les époux [C] et déclaré recevables les demandes des époux [J],
débouté les époux [J] de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre des époux [C] et de Me [I],
condamné in solidum les époux [J] à payer aux époux [C] une indemnité de procédure de 1.500€, à Me [I] la somme de 1.000€ à ce titre, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Suivant déclaration du 3 juin 2021, les époux [J] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 18 août 2021, les époux [J] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré, de rejeter l’ensemble des prétentions adverses, de condamner in solidum les époux [C] et Me [I] à leur payer des dommages-intérêts de 25.000€ en réparation du préjudice subi, de 5.000€ au titre de leur préjudice moral, outre une indemnité de procédure de 3.500€ et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Ils font valoir que :
sur la responsabilité des vendeurs
la présence d’une bouche d’égout et d’un regard ne pouvaient à eux seuls laisser augurer de la présence d’une canalisation en tréfonds de leur propriété,
c’est à tort que le tribunal a estimé que la simple remise du permis de construire et du plan de masse suffisaient à rendre cette servitude apparente,
la présence de canalisations en tréfonds emporte une moins-value d’environ 15.000€,
outre la dévaluation de la propriété, la présence de canalisations constitue une contrainte d’implantation de bâtiments ou d’une piscine,
ils ont dû sous dimensionner leur piscine,
ils subissent journellement le rappel de ces problèmes et ont subi beaucoup de tracasseries,
sur la responsabilité du notaire
le notaire est tenu d’une obligation de conseil,
il s’est contenté d’annexer le permis de construire et le plan de masse sans analyser les documents.
Au dernier état de leurs écritures du 7 octobre 2021, les époux [C] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré, rejeter les demandes adverses et condamner les époux [J] à leur payer une indemnité de procédure de 3.000€, outre aux dépens de l’instance.
Ils expliquent que :
les époux [J] ne contestent pas avoir eu connaissance avant l’achat de la présence d’une bouche d’égout sur le terrain litigieux et qu’ils reconnaissent avoir échangé avec l’agent immobilier à ce sujet,
la dite servitude est une servitude d’utilité publique qui s’impose aux acquéreurs successifs même dans le silence des titres de propriété,
les époux [J] ont été informés du cahier des charges retranscrivant le mécanisme des servitudes d’utilité publiques,
les époux [J] ont renoncé, dès l’avant-contrat, à faire établir un diagnostic du réseau d’assainissement et à faire inscrire une condition suspensive pour l’édification d’une piscine,
les époux [J] n’établissent pas l’existence d’un préjudice résultant de la dite servitude.
En dernier lieu, le 16 novembre 2021, Me [I] demande à la cour de confirmer le jugement déféré, débouter les parties de leurs demandes à son encontre et condamner les époux [J] à lui payer la somme de 3.000€ au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens de la procédure.
Il expose que :
n’ayant pas à vérifier sur les lieux la conformité des éléments en sa possession, il n’a commis aucune faute,
le notaire n’a pas à aller au delà des vérifications d’usage,
les parties, qui ont visité les lieux, ne l’ont pas alerté et il ne disposait d’aucun élément lui permettant de connaître l’existence de ce regard,
les époux [J] ne justifient d’aucun préjudice indemnisable par le notaire,
les époux [J] ne produisent aucun élément au soutien de leurs demandes,
les époux [J], qui ont parfaitement pu édifier leur piscine, sont de mauvaise foi.
La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2023.
MOTIFS
1/ sur les demandes de M. et Mme [J]
à l’encontre des vendeurs
Aux termes de l’article 1638 du code civil, si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait déclaration, de servitudes non apparentes et qu’elles soient de telle importance qu’il y a lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité.
Outre que le vendeur est tenu d’un obligation de loyauté contractuelle tenant à l’information précise de l’acquéreur sur les caractéristiques du bien vendu, il appartient au dit vendeur d’informer l’acquéreur de l’existence des servitudes occultes et non à l’acquéreur de se renseigner à cet égard.
Ainsi, la présence d’une bouche d’égout et d’un regard dont l’agent immobilier, interrogé par les acquéreurs, leur a indiqué, après renseignements auprès des vendeurs, qu’ils ne correspondaient pas à une servitude d’égout ainsi que cela ressort de l’attestation produite en pièce 30, ni la production du plan de masse mentionnant l’implantation de la bouche d’égout et du regard ne suffisent à caractériser l’apparence de la servitude de canalisations.
L’implantation des canalisations litigieuses imposent une contrainte voire une impossibilité à construction qui justifient de condamner les époux [C] à payer aux époux [J] des dommages-intérêts de 10.000€.
En l’absence de démonstration d’un préjudice moral distinct de celui réparé par la précédente indemnisation, il convient de débouter les époux [J] de cette prétention.
à l’encontre du notaire
Le notaire, avant de dresser un acte, doit procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité du dit acte.
Néanmoins, le notaire, recevant un acte en l’état de déclarations erronées d’une partie quant aux faits rapportés, n’engage sa responsabilité que s’il est établi qu’il disposait d’élément de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude.
La responsabilité du notaire, pour être retenue, suppose la démonstration d’une faute de celui-ci en lien de causalité avec les préjudices allégués.
En l’espèce, Me [I], qui ne disposait d’aucun élément lui permettant de suspecter l’existence d’une servitude de passage de canalisation et n’a pas l’obligation de se rendre sur place pour vérifier la conformité des éléments en sa possession, n’a commis aucune faute susceptible de voir engager sa responsabilité.
Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a débouté les époux [J] de leurs demandes à l’encontre de Me [I].
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
2/ sur les mesures accessoires
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des époux [J] et de Me [I].
Enfin, M. et Mme [C] supporteront les entiers dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré uniquement sur le rejet des demandes de M. [X] [J] et de Mme [D] [S] épouse [J] à l’encontre de Me [W] [I] et leur condamnation à lui payer une indemnité de procédure,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum M. [L] [C] et Mme [V] [R] épouse [C] à payer à M. [X] [J] et Mme [D] [S] épouse [J] des dommages-intérêts de 10.000€ pour défaut d’information sur la servitude de canalisations,
Déboute M. [X] [J] et Mme [D] [S] épouse [J] de leur demande au titre d’un préjudice moral,
Déboute M. [L] [C] et Mme [V] [R] épouse [C] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [L] [C] et Mme [V] [R] épouse [C] à payer, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-à M. [X] [J] et à Mme [D] [S] épouse [J], unis d’intérêts, la somme de 3.000€
-à Me Nicolas Gilles la somme de 1.500€,
Condamne in solidum M. [L] [C] et Mme [V] [R] épouse [C] aux dépens tant de première instance qu’en cause d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT