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16/05/2023
ARRÊT N°
N° RG 20/01935 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NUTV
MD/NB
Décision déférée du 28 Mai 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 15/03581
(Mme. TAVERNIER)
[P] [R]
[B] [W] épouse [R]
C/
S.A.R.L. [S]
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI-PYRENEES
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Monsieur [P] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [B] [W] épouse [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
S.A.R.L. [S], société à responsabilité limitée titulaire d’un Office Notarial, venant aux droits de la SCP [N] [S]-[I] [S], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège de la société
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE MIDI-PYRENEES prise en la personne de son Président du Directoire demeurant en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean COURRECH de la SCP COURRECH ET ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
S. LECLERCQ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : N. DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Sous l’impulsion du Conseil général de l’Ariège, le groupe Simbiosis, promoteur immobilier spécialisé dans la réalisation de résidences de tourisme, a été sollicité pour engager plusieurs opérations immobilières censées redynamiser l’activité touristique.
Le groupe Simbiosis, par ses filiales sous forme de sociétés civiles immobilières, s’est engagé dans la construction et la réhabilitation de plusieurs bâtiments sur la station de [Adresse 11], la réalisation d’un ensemble pavillonnaire sur la commune de [Localité 9], et la construction d’un ensemble immobilier à [Localité 7].
La Sci [Adresse 11] 2002 a ainsi entrepris la réalisation d’une résidence de tourisme dénommée « [Adresse 11] 1300 ”, sise au Iieudit [Adresse 11]-Neige à [Localité 17].
Cet ensemble immobilier devait être notamment constitué d’immeubles dénommés [Adresse 8], le [Adresse 14], [Adresse 16], [Adresse 10], [Adresse 13] 1, [Adresse 13] 2 et [Adresse 12].
Par acte notarié reçu le 20 avril 2004 par la Scp [S], la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] a acquis l’ensemble immobilier du Crédit agricole Sud Méditerranée.
Un permis de construire a été accordé à la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] le 24 octobre 2003 par la commune d'[Localité 17] pour I’édification de l’immeubIe [Adresse 12].
L’ensemble du programme immobilier a fait l’objet de ventes en l’état futur d’achèvement par l’intermédiaire de prescripteurs.
Ces ventes sont intervenues par lots, portant sur un appartement ou un studio, ainsi qu’un parking extérieur, placés sous le régime de la copropriété.
Elles devaient permettre aux acquéreurs de bénéficier du régime fiscal instauré par la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), dite « Demessine », destinée à favoriser l’investissement locatif dans des résidences de tourisme situées dans des zones rurales à « revitaliser ».
En contrepartie d’une réduction d’impôt répartie sur un nombre d’années maximum, chaque candidat à la défiscalisation devait s’engager à louer nus le ou les logements acquis pendant une durée au moins égale à neuf ans dans le cadre d’un bail commercial ne pouvant être consenti qu’à un exploitant unique de la future résidence de tourisme tenu de régler les loyers commerciaux convenus avec les copropriétaires-bailleurs.
Le 24 octobre 2005, la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées a consenti par acte sous-seing privé à la Sci [Adresse 11] 2002, une garantie d’achèvement extrinsèque sous la forme d’un cautionnement.
Cette convention prévoyait I’ouverture d’un compte courant centralisateur auprès de la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, par lequel devait transiter I’ensemble des paiements parvenant à la Sci [Adresse 11] 2002.
La Sci [Adresse 11] 2002 a proposé à I’ensemble des acquéreurs, concomitamment à leur acquisition en I’état futur d’achèvement des biens et droits immobiliers formant I’immeubIe [Adresse 12], la souscription d’un bail commercial, suivant les termes duquel un preneur unique, la Sarl de gestion de la [Adresse 15], était chargé de l’expIoitation d’un fonds de commerce au sein de la résidence pendant une durée de douze années, en contrepartie du versement d’un loyer annuel.
Suivant acte notarié du 27 décembre 2005, M. [P] [R] et Mme [B] [W] épouse [R] ont ainsi acquis en I’état futur d’achèvement, un appartement de type T2, un parking et une cave au sein du bâtiment [Adresse 12], moyennant le versement du prix de 212 307 euros toutes taxes comprises.
La livraison de leurs biens avait été fixée contractuellement au troisième trimestre 2005 pour le parking et au quatrième trimestre 2006 pour l’appartement.
Pour financer cette acquisition, M. et Mme [R] ont conclu un contrat de prêt d’un montant de 217 362 euros avec le Crédit immobilier de France pays de la Loire.
Conformément à l’économie de la vente en I’état futur d’achèvement, M. [C], architecte, maître d”uvre du programme, a établi les attestations suivantes :
– le 30 novembre 2005, achèvement des fondations,
– le 25 mai 2006, plancher haut avant charpente,
– le 13 juiIlet 2006, achèvement du premier plancher bas,
– le 9 novembre 2006, 3ème plancher bas,
– le 24 mai 2007, charpente en cours,
– le 6 juillet 2007, immeuble hors d’eau,
– le 12 octobre 2007, cloisons terminées,
– le 30 janvier 2008, plomberie terminée.
Le 11 avril 2008, Mme [K] a émis une attestation d’achèvement des travaux.
Les acquéreurs ont, dans la majorité des cas, versé une somme de I’ordre de 95 % du prix de vente correspondant au montant contractuel prévu au stade de l’achèvement des travaux.
M. et Mme [R] ont versé 100% du prix de vente, soit la somme de 212 307 euros.
La Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, en sa qualité de garant d’achèvement, a visité le chantier le 12 septembre 2008, et a constaté à cette occasion un avancement des travaux de I’ordre de 80 % seulement.
Par courrier du 16 décembre 2008, l’avocat des acquéreurs de l’immeuble [Adresse 12] a écrit à la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées pour la mettre en demeure de lui indiquer si la garantie d’achèvement a été mise en ‘uvre et dans l’affirmative de préciser l’auteur de cette action et la position en réponse adoptée par elle, indiquant qu’à défaut de réponse, il ne manquera pas de l’assigner devant la juridiction compétente afin de mettre en ‘uvre sa garantie bancaire.
Par ordonnance du 17 juin 2009, le président du tribunal de grande instance de Foix, sur saisine de la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées, a désigné en qualité d’administrateur provisoire de la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] la Scp Caviglioli ‘ Baron ‘ Fourquie avec mission générale de gérer et administrer ladite société, accomplir tous les actes nécessaires à la poursuite de son activité et à la réalisation de son objet social et en particulier prendre connaissance des pièces relatives à l’immeuble [Adresse 12], constater les travaux déjà réalisés, déterminer ceux restant à réaliser, arrêter les modalités de réalisation des travaux, les faire exécuter et les suivre jusqu’à achèvement.
Par exploit d’huissier du 29 septembre 2009, la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Foix d’une demande en rétractation de son ordonnance du 17 juin 2009.
Par ordonnance du 24 novembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Foix a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance au motif que la Sci était injoignable à l’adresse déclarée et aucun travaux n’était plus réalisé sur le site depuis 2008, que des irrégularités ont été relevées dans l’avancement des travaux et l’emploi des fonds reçus des acquéreurs et que seule la désignation d’un administrateur provisoire était de nature à garantir au garant d’achèvement et aux acquéreurs l’emploi des fonds mis à disposition pour l’achèvement des travaux.
L’administrateur provisoire a sollicité I’intervention de M. [U], expert, aux fins de déterminer et chiffrer les travaux à exécuter. Il a remis son rapport le 3 novembre 2009 et chiffré les travaux restant à faire à 926 186,80 euros hors taxes.
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Par actes d’huissier des 2 et 9 juillet 2009, vingt-et-un acquéreurs dont M. [P] [R] et Mme [B] [W] épouse [R], ont fait assigner la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] et la Scp [S] aux fins de voir notamment :
– constater le non-respect de la date d’achèvement des travaux contractuellement prévue ;
– constater que la Scp [S] a commis de nombreuses fautes dans I’exercice de son activité professionnelle ;
– condamner in solidum la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] et la Scp [S] à les indemniser de leurs préjudices.
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Par jugement du tribunal de commerce de Foix du 1er décembre 2008 la Sarl de gestion [Adresse 15] a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de grande instance de Foix du 25 novembre 2009, la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du tribunal de grande instance de Foix du 3 février 2010, la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 15 mars 2010, la Sarl Eurodome a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 19 avril 2010, la Sas Simbiosis properties a été placée en liquidation judiciaire.
Par arrêt du 8 novembre 2011, la cour d’appel de Toulouse a annulé le jugement du 25 novembre 2009 prononçant le redressement judiciaire du promoteur.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 3 septembre 2012, la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 26 juin 2014, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société a été prononcée pour insuffisance d’actif.
Le mandataire liquidateur commun désigné était Maître [V].
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Courant 2010, la Scp notariale a appelé dans la cause les diverses banques ayant prêté des fonds aux acquéreurs, la Sarl agence d’architecture et d’urbanisme [C], les différents prescripteurs, la Sa banque Fortis, en sa qualité d’étabIissement teneur de comptes courants de la Sci [Adresse 11] 2002 ainsi que la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, aux fins notamment de se voir garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre.
Par acte du 10 mai 2010, la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et les acquéreurs ont fait assigner la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse afin qu’il donne acte à l’établissement bancaire de ce qu’il accepte de préfinancer les travaux d’achèvement du bâtiment [Adresse 12] et pour faire désigner un expert afin de régulariser avec la Sas Akerys promotion retenue par la Caisse d’épargne un marché de travaux afin qu’elle procède à l’achèvement des constructions sous la responsabilité du garant d’achèvement, suivre la bonne exécution des travaux, les réceptionner.
Par ordonnance du 24 juin 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à mieux se pourvoir au motif que la Caisse d’épargne n’a pas besoin de l’accord des mandataires ou du juge des référés pour mettre en ‘uvre sa garantie d’achèvement des travaux et signer pour ce faire tout contrat utile.
Par courrier du 19 juillet 2010 envoyé à M. et Mme [R], la Caisse d’épargne a indiqué qu’en conséquence de l’ordonnance du 24 juin 2010 elle se savait libre d’agir pour reprendre les travaux et indiquait poursuivre la mission entreprise depuis plusieurs semaines avec un promoteur national pour qu’il finalise les contrats avec les entreprises en vue d’un redémarrage des travaux au mois de septembre 2010.
Suivant ordonnance du 24 décembre 2010, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’instruction en désignant en qualité d’experts M. [H] et M. [O].
D’autres investisseurs sont intervenus volontairement à I’instance, et, ont également été appelés dans la cause, la Sa Thelem assurances et la Sa Allianz iard, en qualité d’assureurs de la Sarl Just a lau ainsi que la Mutuelle des architectes français, en sa qualité d’assureur de la Sarl [C], auxquelles la mesure d’expertise a été déclarée commune.
Les travaux ont été terminés en juin 2011.
Par ordonnance de mise en état du 27 septembre 2011, les acquéreurs, qui invoquaient diverses non conformités de leurs biens ont été autorisés à consigner le solde du prix de vente qui leur était réclamé par la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées sur un compte carpa.
Dans le courant du mois de novembre 2011, les acquéreurs ont été livrés de leurs biens avec des réserves.
Au mois d’août 2012, les acquéreurs ont appelé dans la cause la Sas Akerys promotion, aux fins notamment de la voir condamnée à supporter le coût financier de la levée des réserves émises sur le procès-verbal de livraison.
Ils ont également fait assigner Maître [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Eurodome et de la Sas Simbiosis properties, associées de la Sci [Adresse 11] 2002.
Ils ont enfin appelé dans la cause I’Eurl [D] [K], sollicitant notamment qu’eIIe soit condamnée in solidum avec la Sci [Adresse 11] 2002 et la Scp notariale à les indemniser de I’intégralité de leurs préjudices.
Les réserves faites par les acquéreurs sur les biens réceptionnés ont été levées après la réunion organisée par les experts le 23 novembre 2012.
Par ordonnance du 15 janvier 2015, le juge de la mise en état a rejeté la demande de déconsignation des fonds mis en carpa, présentée par la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées au motif que la conformité administrative de l’immeuble n’était pas constatée, ce qui constituait une difficulté sérieuse.
La Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées a interjeté appel de l’ordonnance et par arrêt du 11 avril 2016, la cour d’appel de Toulouse a confirmé l’ordonnance d’incident au motif que la demande de déconsignation se heurtait à des contestations sérieuses.
Les experts judiciaires ont déposé leur rapport le 10 avril 2015.
Suivant ordonnance du 26 novembre 2015, le juge de la mise en état a procédé à une disjonction de la procédure, la scindant du chef de chaque acquéreur.
Par jugement rendu le 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– déclaré irrecevable la demande de M. et Mme [R] visant à voir inscrire au passif de la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] une créance d’un montant de 203 314,98 euros à actualiser au jour de la décision,
– rejeté la fin de non-recevoir et déclaré recevables les prétentions de M. et Mme [R] à l’encontre de la Sa Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la Sa Crédit immobilier de France pays de la Loire, sur le fondement des versements effectués en dehors du compte centralisateur,
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclaré recevables les prétentions indemnitaires formulées par M. et Mme [R] à l’encontre de l’Eurl [K],
– débouté M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes,
– dit que les demandes récursoires formées par les défendeurs sont devenues sans objet,
– débouté les parties de leurs plus amples demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [R] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d’expertise, mais à l’exception du coût des appels en cause de la Sarl d’architecture et d’urbanisme [C], de la Sa Bnp paribas venant aux droits de la banque Fortis et de la société Edelis qui resteront à la charge de l’étude notariale,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
S’agissant de la responsabilité du garant d’achèvement, le premier juge a considéré qu’aucune faute ne pouvait lui être imputée dans la mise en ‘uvre de sa garantie, ni un comportement dilatoire, les délais d’exécution des travaux découlant de la pertinence de faire désigner un administrateur compte tenu de l’inaction du promoteur, du délai de deux ans et quatre mois qui s’est écoulé avant que les acquéreurs ne mettent en ‘uvre la garantie après dépassement du délai contractuel de livraison de l’immeuble et de la procédure collective du promoteur. Il a également retenu que les préjudices allégués ne découlaient pas de manquements de la Caisse d’épargne qui a financé les travaux sans solliciter de fonds des acquéreurs au-delà de ce qu’il restait à débloquer, qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée dans la gestion du compte centralisateur qui fonctionnait dans son intérêt, outre que l’immeuble a été achevé donc la gestion du compte n’est pas à l’origine de leurs préjudices.
S’agissant de la responsabilité du notaire, le tribunal a considéré qu’il n’avait pas à procéder à des vérifications particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée, sur la solvabilité des parties, ni à surveiller le bon déroulement de l’opération immobilière et ne devait informer l’acquéreur d’un risque d’échec du programme immobilier qu’en présence d’éléments lui permettant de le suspecter.
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Par déclaration du 21 juillet 2020, M. [P] [R] et Mme [B] [W] épouse [R] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– rejeté les demandes formées à l’encontre de la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et de la Scp [S] de 203 314,98 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs entiers préjudices, à actualiser au jour du jugement à intervenir,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [R] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d’expertise.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, M. [P] [R] et Mme [B] [W] épouse [R], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil et 564 du code de procédure civile de :
– accueillir favorablement l’appel interjeté, le déclarer recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement du 28 mai 2020 en ce qu’il :
‘ a rejeté les demandes formées par M. et Mme [R] à l’encontre de la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et de la Scp [S] de 203 314,98 euros, à titre de dommages- intérêts, en réparation de leurs entiers préjudices, à actualiser au jour du jugement à venir,
‘ a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ a condamné M. et Mme [R] aux dépens, comprenant le coût de la mesure d’expertise,
– déclarer irrecevable la demande de la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées relative au déblocage du solde du prix à son profit en ce qu’elle constitue une demande nouvelle formulée, pour la première fois, en cause d’appel,
‘ Subsidiairement, et en tout état de cause, rejeter la demande de déblocage du solde des prix de vente comme étant infondée,
Statuant à nouveau,
– condamner in solidum la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et la Sarl [S] à avoir à verser à M. et Mme [R] les sommes suivantes :
o 203 314,98 euros au titre de leur entier préjudice,
o 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Très subsidiairement, et dans l’éventualité où la Cour n’entrerait pas en voie de condamnation in solidum à l’égard de la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et de la Sarl [S],
– condamner la Sarl [S] à avoir à verser à M. et Mme [R] la somme de 100.845,83 euros au titre de leur perte de chance,
– condamner la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées à avoir à verser à M. et Mme [R] la somme de 68 677,68 euros au titre des frais bancaires et des pertes de loyers consécutifs au retard de livraison,
– condamner la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées à avoir à verser à M. et Mme [R] une somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
En tout état de cause,
– condamner in solidum la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et la Sarl [S] à avoir à verser à M. et Mme [R] la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeter les demandes, fins et conclusions formulées par la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et par la Sarl [S],
– condamner in solidum la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et la Sarl [S] au paiement des dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Monferran Carriere Espagno, avocats associés.
À l’appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :
S’agissant de la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées,
‘ Elle n’a pas été diligente dans la mise en ‘uvre de sa garantie d’achèvement :
– la première mise en demeure à l’encontre de la Caisse d’épargne date du 16 décembre 2008 et elle a attendu quatre mois pour mettre en ‘uvre sa garantie,
– elle a entrepris des démarches inutiles et a attendu un an avant d’entreprendre les travaux une fois reçu le rapport de M. [U], ce qui a retardé l’achèvement des travaux,
– les travaux ont été achevés en juin 2011 mais les biens n’ont été livrés aux acquéreurs que les 25 et 26 novembre 2011, en raison de la demande de la Caisse d’épargne d’obtenir le paiement, contestable, du solde du prix de vente,
‘ Elle n’a pas été diligente dans la gestion du compte centralisateur :
– la convention de cautionnement renferme une stipulation pour autrui au bénéfice des acquéreurs dont elle assure la protection,
– la Caisse d’épargne détenait dès 2006 des informations suffisantes pour connaître les difficultés du chantier, les difficultés financières du promoteur et sa malhonnêteté, la Sci [Adresse 11] 2002 ayant reversé sur le compte centralisateur des fonds perçus directement des acquéreurs,
– la Caisse d’épargne aurait dû réaliser que tous les fonds n’avaient pas été versés sur le compte centralisateur,
– la Caisse d’épargne a versé des fonds à des sociétés sans lien avec la réalisation des travaux,
– la Caisse d’épargne aurait dû savoir que le chantier prenait un retard anormal, et se substituer au promoteur comme la convention de cautionnement le lui permettait, ou au moins, alerter les acquéreurs et bloquer le compte centralisateur,
S’agissant de la responsabilité de la Sarl [S],
‘ Le notaire a manqué au devoir de conseil sur l’opportunité de l’opération :
– le notaire qui dispose d’éléments d’appréciation de l’opportunité économique de l’opération projetée est tenu d’un devoir de conseil à l’encontre des acquéreurs, a fortiori en présence d’une opération particulière de défiscalisation sur le fondement de la loi Demessine, et alors que le bail commercial annexé à l’acte de vente était d’une durée exceptionnelle de 12 ans et les loyers annoncés comme garantis sans aucune assurance ou caution bancaire, le notaire devait donc informer les acquéreurs du caractère aléatoire des loyers et surévalués compte tenu de la localisation de l’opération immobilière,
– le notaire connaissait globalement le prix du marché puisqu’il a reçu l’acte authentique d’achat de l’ensemble immobilier par le promoteur immobilier, il était le notaire exclusif de l’opération immobilière, et connaissait l’absence de marché locatif local,
– le notaire ne justifie pas avoir exécuté son obligation de conseil et d’information sur les risques juridiques de la volatilité de l’opération commerciale,
– les prix de vente des biens immobiliers étaient surévalués et le notaire devait informer les acquéreurs à ce propos, comme le démontre le rapport de Mme [L],
‘ Le notaire connaissait les difficultés rencontrées par le programme :
– l’acte notarié fait état d’une date d’achèvement du parking expirée au jour de la signature de l’acte sans avoir réclamé au promoteur de pièce justificative,
– la date d’achèvement de l’immeuble a été fixée au quatrième trimestre 2006 dans l’acte notarié, de manière incohérente,
– le notaire aurait dû solliciter une attestation d’avancement des travaux plus récente rendant possible une livraison des biens à la fin de l’année 2006,
– le notaire doit rédiger des actes authentiques fiables permettant d’assurer la sécurité des transactions juridiques et informer et conseiller les acquéreurs quant au risque d’échec du programme immobilier qu’elle pouvait objectivement suspecter,
– le permis de construire n’autorisait que 26 logements et le notaire a conclu 30 actes de vente, de sorte que des celliers ont été transformés en logement alors qu’ils avaient été vendus à des acquéreurs, le notaire n’a donc pas garanti l’efficacité de son acte,
– les actes authentiques de vente contiennent des clauses contradictoires,
– si le notaire avait rempli son devoir de conseil, les acquéreurs n’auraient pas conclu les contrats de vente,
S’agissant des préjudices,
– M. et Mme [R] soutiennent que les fautes du notaire et du garant d’achèvement sont à l’origine du paiement de frais bancaires générés par le retard de livraison qui est de 5 ans entre la date de livraison conventionnelle et la date de livraison des biens, de la différence entre le loyer réellement perçu et le loyer stipulé à l’origine ainsi que la surévaluation des biens lors de l’achat,
S’agissant de la demande reconventionnelle de la Caisse d’épargne,
– la demande de déblocage du solde des prix de vente consignés est formulée pour la première fois en appel, cette demande nouvelle est donc irrecevable, et M. et Mme [R] ont totalement payé le prix de vente.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 29 septembre 2022, la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, intimée, demande à la cour, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– ordonner la déconsignation à son profit des fonds consignés en application de l’ordonnance du juge de la mise en état du 7 septembre 2011,
– condamner les appelants au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
À l’appui de ses prétentions, l’intimé soutient que :
– le courrier des acquéreurs de décembre 2008 ne demande pas la mise en ‘uvre de la garantie d’achèvement, qui résulte d’un courrier d’avril 2009,
– immédiatement la Caisse d’épargne a sollicité la désignation d’un administrateur provisoire, puisqu’elle ne doit pas se comporter en promoteur mais seulement payer les travaux,
– la liquidation judiciaire du promoteur a bloqué la démarche d’achèvement des travaux que le liquidateur judiciaire a refusé d’accomplir, la Caisse d’épargne a donc recherché un professionnel de l’immobilier en mesure de se substituer à l’administrateur judiciaire et au liquidateur,
– les acquéreurs ont attendu deux ans à compter de la date de livraison prévue dans les contrats de vente pour mettre en ‘uvre la garantie d’achèvement,
– la Caisse d’épargne a proposé de livrer les appartements en juillet 2011, ce que les acquéreurs ont refusé,
– les acquéreurs informés du délai contractuel d’achèvement des travaux devaient s’interroger sur le retard pris par le chantier,
– la Caisse d’épargne n’est pas destinataire des actes de vente et ne connaît pas les délais contractuels de livraison, ni des attestations d’avancement du chantier de l’architecte,
– la Caisse d’épargne n’est pas débitrice d’une obligation de vérification de l’état d’avancement du chantier,
– le retard pris par le chantier n’est pas démonstratif de l’abandon du chantier, qui s’est poursuivi en l’espèce jusqu’en avril 2008,
– le versement de fonds par le promoteur depuis un autre compte caractérise une faute contractuelle envers le garant mais pas nécessairement la déconfiture du promoteur,
– ce n’est qu’en 2008 lors d’avis à tiers détenteur que la Caisse d’épargne s’est interrogée sur la gestion de M. [A],
– même si le compte centralisateur n’était pas alimenté comme il aurait dû l’être, les travaux ont été effectués à hauteur de 80 %,
– les fonds versés sur le compte centralisateur sont détenus pour le compte du garant et les sommes payées à partir du compte centralisateur n’étaient pas étrangères au programme,
– la Caisse d’épargne a utilisé ses fonds propres pour terminer l’immeuble,
– le comportement attribué à la Caisse d’épargne n’est pas à l’origine des frais supportés par les acquéreurs en raison du retard de livraison ni de la perte des loyers dont elle ignorait le montant, pas plus que de la surévaluation des biens lors de l’achat,
– le déblocage du solde du prix n’est pas une demande mais une application des décisions de justice antérieures.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 août 2022, la Sarl [S], venant aux droits de la Scp [S], intimée, demande à la cour, au visa de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, de :
Au principal,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 28 mai 2020 en ce qu’il a écarté la responsabilité civile professionnelle de la Sarl [S] et condamné M. et Mme [R] aux dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise,
– débouter en conséquence M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes, en ce compris leur demande subsidiaire tendant à obtenir l’indemnisation d’une « perte de chance de ne pas contracter et de payer 95% du prix de vente »,
– les condamner aux entiers dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire,
– débouter M. et Mme [R] de l’ensemble de leurs demandes en ce compris leur demande subsidiaire tendant à obtenir l’indemnisation d’une « perte de chance de ne pas contracter et de payer 95% du prix de vente », en ce que les manquements reprochés ne sont pas, en toute hypothèse, en relation de causalité avec les préjudices invoqués, lesquels ne sont pas constitués pour n’être ni nés, ni actuels, ni certains,
– les condamner aux entiers dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
À titre très subsidiaire,
‘ pour le cas où il serait fait droit, en tout ou partie aux demandes de condamnation in solidum de M. et Mme [R] et dans les rapports entre les coobligés :
– condamner la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées à relever et garantir la société notariale indemne à concurrence de 95 % de toutes sommes qui pourraient être mises ou rester à sa charge,
‘ pour le cas où il ne serait pas fait droit en tout ou partie aux demandes de condamnation in solidum de M. et Mme [R] et pour le cas où la société notariale serait dès lors en tout ou partie condamnée à leur profit,
– condamner la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées à relever et garantir la société notariale indemne à concurrence de 95 % de toutes sommes qui pourraient être mises ou rester à sa charge,
– condamner la Sa Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées au paiement des dépens de première instance et d’appel à hauteur de 95% de leur montant.
À l’appui de ses prétentions, l’intimée soutient que :
– le notaire n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité économique d’opérations de défiscalisation, par nature aléatoires, en l’absence d’éléments d’appréciation à sa disposition,
– le notaire a assuré l’efficacité des actes authentiques puisque l’immeuble a été achevé,
– le notaire n’a pas participé au montage de l’opération immobilière engagée par le promoteur, ni à l’élaboration du produit fiscal, et n’a pas rédigé les baux commerciaux,
– il n’avait pas à vérifier si le montant des loyers convenus dont il n’a pas eu connaissance était en rapport avec l’activité projetée,
– tout acquéreur normalement diligent doit procéder à la vérification élémentaire qui lui incombe de se renseigner sur le prix moyen au mètre carré à la location comme à la vente dans le secteur du bien qu’il projette d’acquérir,
– si le notaire a à sa disposition des éléments qu’il n’a pas à rechercher, qui lui permettent de considérer que l’opportunité économique de l’opération présente des risques sérieux d’échecs de nature à la remettre en cause, il doit en informer les acquéreurs, or tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’opération projetée était inédite et l’étude se trouve à plus de 130 kilomètres du site,
– les acquéreurs savaient que les loyers commerciaux n’étaient pas garantis,
– avant la régularisation de la vente de M. et Mme [R] le 27 décembre 2005, le notaire n’avait pas de raisons de soupçonner des difficultés du promoteur,
– il n’y avait rien d’anormal à ce que le promoteur ne produise pas de nouvelles attestations d’avancement des travaux puisqu’il n’en avait l’utilité que si ses besoins financiers le lui imposaient,
– le notaire qui n’est pas un professionnel de la construction n’avait de toute façon aucune compétence pour déterminer le temps nécessaire pour l’accomplissement des différentes étapes de construction,
– M. et Mme [R] ne justifient pas du montant des intérêts intercalaires qu’ils auraiant été amenés à supporter, or l’indemnisation ne saurait être forfaitaire,
– M. et Mme [R] ne justifient pas du montant des loyers perçus par la Sarl de gestion du [Adresse 15] avant le 1er janvier 2008 ni des loyers commerciaux reçus depuis, outre que le projet comporte une part d’aléa,
– la Caisse d’épargne a par son inaction, sa passivité, sa gestion défaillante, sa négligence et sa déloyauté, contribué à la survenance des préjudices des acquéreurs.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l’affaire a été examinée à l’audience du 25 octobre 2022.
MOTIVATION
– Sur la responsabilité de la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées :
1. L’obligation du garant d’achèvement consiste à pallier les difficultés financières du promoteur et à financer l’achèvement de l’immeuble. À ce titre, il est tenu d’une obligation de résultat au paiement des sommes nécessaires à cet effet dès lors que sa garantie est mise en ‘uvre.
Il n’est pas tenu de garantir l’achèvement de l’immeuble dans un délai déterminé et, n’est pas tenu de faire achever les travaux dans le délai contractuellement prévu entre le promoteur et les acquéreurs. Il ne doit cependant pas adopter un comportement négligent et tarder, sans raison, à accomplir son obligation, en vue par exemple d’entraîner la péremption du permis de construire et ne pas être tenu à garantie.
La Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées a conclu avec la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] une convention de cautionnement le 24 octobre 2005 portant garantie d’achèvement relativement à l’immeuble [Adresse 12] comprenant 30 appartements, 23 caves, 10 celliers, 74 parkings et 2 locaux commerciaux.
Le contrat de cautionnement prévoit comme date indicative d’achèvement des travaux de construction le 30 septembre 2006.
Par l’article 1er, la Caisse d’épargne « s’oblige, envers les acquéreurs conventionnels en l’état futur d’achèvement, solidairement avec la partie cautionnée, à payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l’ensemble immobilier sus-désigné ».
Par l’article 3, il est prévu que pour se prévaloir du cautionnement, les acquéreurs doivent justifier « d’un arrêt des travaux de construction pendant plus de 15 jours ininterrompus, arrêt dû exclusivement à la défaillance financière de la partie cautionnée, laquelle aura été mise en demeure de s’exécuter par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse pendant plus de 15 jours. (‘) La Caisse d’épargne, appelée en sa qualité de caution solidaire, effectuera les versements sur justificatifs de situation des travaux, dans la limite des dépenses prévues au plan de financement ».
Cette convention emporte obligation non d’achever l’immeuble mais de financer ledit achèvement.
Il n’appartenait donc pas au garant d’achèvement de se substituer au maître de l’ouvrage même défaillant dans les opérations administratives, juridiques et matérielles de construction, de s’immiscer dans les opérations de construction ou se substituer au constructeur.
Il avait seulement l’obligation de payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.
Seuls les acquéreurs bénéficiaires du cautionnement peuvent solliciter auprès du garant la mise en ‘uvre de la garantie d’achèvement, ce que les acquéreurs ont fait en avril 2009, le courrier envoyé 16 décembre 2008 demandant seulement à la Caisse d’épargne si, et le cas échéant par qui, la garantie d’achèvement avait été mise en ‘uvre, afin, à défaut de réponse, de mettre en ‘uvre sa garantie bancaire.
Le fait, pour le garant d’achèvement, de solliciter la désignation d’un administrateur provisoire pour le promoteur dans les mois qui suivent la mise en ‘uvre de sa garantie d’achèvement ne saurait s’analyser comme une faute de sa part mais comme une diligence bienvenue destinée à permettre de constater les travaux réalisés, relever les désordres, déterminer les travaux restant à effectuer, arrêter les modalités de réalisation des travaux et entreprendre leur exécution.
En outre, la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées s’est heurtée à la résistance du promoteur qui a critiqué la désignation de l’administrateur ad hoc et elle a fait preuve de prudence dans l’achèvement des travaux qui ne saurait lui être imputée à faute en attendant le rapport d’expertise amiable sur les travaux restant à réaliser et en demandant au juge de régulariser le contrat d’entreprise avec la Sas Akerys pour achever les travaux.
Le différend relatif à la réception des biens achevés et au paiement du solde du prix de vente par les acquéreurs ne constitue pas un comportement abusif du garant d’achèvement susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard des acquéreurs dans la mesure où ayant achevé l’immeuble, le garant d’achèvement a droit au paiement du solde du prix et les acquéreurs ayant réservé des désordres à la livraison sont en droit de conserver une partie du prix jusqu’à leur reprise.
La Sa Caisse d’épargne qui a financé les travaux et permis l’achèvement de l’immeuble [Adresse 12], sans que le délai d’achèvement depuis la mise en ‘uvre de sa garantie puisse être attribué à un comportement fautif, n’engage pas sa responsabilité civile à l’encontre de M. et Mme [R] sur ce fondement, qui seront, en conséquence débouté de leur demande en paiement de dommages et intérêts dirigée contre elle à ce titre.
2. Il est reproché par M. et Mme [R] à la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées d’avoir commis des fautes dans la gestion du compte centralisateur, fautes qui seraient à l’origine de divers préjudices.
Le vendeur d’immeuble en l’état futur d’achèvement dans le secteur protégé (locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation) doit souscrire, avant la vente, soit une garantie financière d’achèvement de l’immeuble, soit une garantie de remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement.
La garantie d’achèvement donnée par les établissements financiers prend la forme soit d’une ouverture de crédit, soit d’une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s’oblige envers l’acquéreur à payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.
Il est demandé à la cour de retenir la responsabilité du garant d’achèvement à l’encontre des acquéreurs pour des fautes qui ne consistent pas en l’inexécution de son engagement de caution, mais d’une obligation de vigilance et d’information dont est débiteur le garant d’achèvement envers les acquéreurs et qui est de nature à assurer l’efficacité et l’effectivité de sa garantie au profit des acquéreurs que le législateur a entendu protéger en les faisant bénéficier d’un cautionnement bancaire.
La charge de la preuve de la faute du garant d’achèvement pèse sur ceux qui s’en prétendent victimes.
Compte tenu de son rôle dans le mécanisme de protection mis en ‘uvre par le législateur en matière de vente d’immeubles à construire, le garant d’achèvement est particulièrement bien placé pour connaître la défaillance financière du vendeur, et incontestablement mieux que l’acquéreur.
La Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées a constaté, lors de sa visite des programmes le 12 septembre 2008, que 80% seulement des travaux avaient été effectués.
C’est à cette date qu’elle prétend avoir eu la certitude des difficultés affectant le programme immobilier relatif à l’immeuble [Adresse 12].
Cependant, il convient de déterminer si la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées aurait dû avoir connaissance du retard des travaux avant le 12 septembre 2008.
Si les acquéreurs affirment sans le démontrer que la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées a eu connaissance des dates d’achèvement du programme immobilier par la communication des actes de vente par le notaire, il est en revanche précisé dans la convention de cautionnement que la date indicative d’achèvement des travaux est le 30 septembre 2006.
Cependant, l’absence d’achèvement des travaux à cette date n’est pas nécessairement de nature à alerter le garant d’achèvement dès lors qu’elle peut découler d’un simple retard des travaux. La seule interruption des travaux n’est en effet pas admissible comme date de référence pour apprécier les diligences du garant d’achèvement puisque cette interruption peut être causée par des motifs qui ne suffisent pas à démontrer la défaillance financière du vendeur ; par ailleurs, l’interruption peut se révéler momentanée si elle n’est pas due à l’impécuniosité de celui-ci.
Il faut donc que soit le retard dure dans le temps, soit que d’autres éléments soient de nature à alarmer le garant d’achèvement et lui faire soupçonner la défaillance du promoteur ou l’adoption d’un comportement frauduleux.
Avant le décret n° 2010-128 du 27 septembre 2010, ayant créé l’article R.261-18-1 du code de la construction et de l’habitation, qui disposait in fine que : « Les sommes payées par l’acquéreur ne peuvent être versées que sur le compte prévu à l’article R. 261-18 ouvert auprès d’un établissement de crédit », cette centralisation existait en pratique pour la mise en ‘uvre des garanties extrinsèques, à l’initiative des banques, comme tel était le cas en l’espèce.
En effet, dans la « convention de cautionnement portant garantie d’achèvement d’immeuble à construire » conclue avec la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées le 24 octobre 2005 avec la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15], l’article 6 stipule « l’intégralité des prix de vente devra obligatoirement être versée à la caisse d’épargne (‘). Toutes les sommes à provenir des ventes seront donc portées au crédit du compte courant n°[XXXXXXXXXX01] ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne au nom de la partie cautionnée ».
En se dotant, sans y être obligé, d’un outil de centralisation financière du programme de construction envisagé, le garant d’achèvement s’est mis en mesure de contrôler le financement de l’opération de construction et de s’assurer que les fonds versés par les acquéreurs au promoteur immobilier sont bien utilisés pour le programme immobilier visé dans l’acte de cautionnement, aux fins d’assurer sa sécurité et d’éviter ou limiter la mise en jeu de son engagement de caution.
Cet outil, auquel il est fait référence dans le contrat de vente en l’état futur d’achèvement de M. et Mme [R] en page 15, oblige le garant d’achèvement à une surveillance du compte unique et au contrôle de l’intégration des appels de fonds à ce compte.
Le garant d’achèvement s’est ainsi rendu débiteur à l’égard des acquéreurs d’une obligation de diligence et de vigilance de l’opération de construction et des mouvements de fonds sur le compte centralisateur.
Ainsi mis en mesure d’exercer un contrôle des mouvements de fonds sur le compte centralisateur, le garant d’achèvement devait être alerté du comportement potentiellement frauduleux du promoteur en présence de débits sans aucun lien avec l’opération de construction.
À ce titre, il ne peut être reproché au garant d’achèvement de ne pas avoir été alerté par le débit depuis le compte centralisateur afférent au programme de l’immeuble [Adresse 12] de sommes correspondant aux frais de commercialisation facturés par la Sarl Eurodome dans la mesure où ces dépenses, certes étrangères à l’exécution des travaux de construction, se rapportent à des éléments du prix de revient du programme.
En revanche, la rémunération de la Sarl de gestion de l’immeuble, alors que l’immeuble n’est pas encore achevé, payée pour « avance sur loyers et participation à armement de la résidence », d’après les constatations des experts, ne correspond pas à un élément relatif au programme, commercialisation, gestion de la construction, ou construction elle-même mais concerne une activité postérieure. Elle ne constitue pas « un élément du prix de revient du programme de construction » tel que visé par l’article 2 de la convention de cautionnement, et n’aurait donc pas dû être payée depuis le compte centralisateur.
Ce paiement aurait dû alerter la Caisse d’épargne, sans qu’elle puisse refuser le débit compte tenu des règles applicables aux comptes de dépôt et de la libre disposition des fonds par le dépositaire, le garant d’achèvement n’exerçant qu’une surveillance de l’affectation des fonds, sans pouvoir de contrainte.
Alertée, la Caisse d’épargne aurait dû accroître sa vigilance et informer les acquéreurs de mouvements de fonds douteux.
En outre, le contrat de cautionnement indique dans son article 6 que « la partie cautionnée a remis à la Caisse d’épargne, afin qu’il soit annexé au présent acte, un tableau précisant les prix de vente des lots qu’elle s’engage à respecter » et que « l’intégralité des prix de vente devra obligatoirement être versée à la Caisse d’épargne ».
Si la Caisse d’épargne ne produit pas l’annexe à la convention de cautionnement qui précise les prix de vente minimum à respecter par le promoteur, le rapport d’expertise révèle que ce sont 2 094 020,59 euros qui ont été reversés sur le compte centralisateur alors que le prix total des biens acquis hors frais d’actes s’élève à 5 687 000 euros, et compte tenu de l’interruption des travaux au stade de la plomberie terminée c’est 5 119 000 euros qui auraient dû être versés sur le compte centralisateur.
Comme cela a été relevé par les experts judiciaires, si le notaire a reversé le montant du premier acompte sur le compte centralisateur, les versements suivants ont été payés par virement ou chèque au nom de la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] et les premiers chèques reçus ont été déposés par la Sci sur le compte centralisateur.
Ils ont constaté que 247 601,79 euros par remise de chèque délivrés à la Sci [Adresse 11] 2002 entre janvier et mars 2006 sur le compte centralisateur et 37 116,23 euros ont été reversés par virement par la Sci [Adresse 11] 2002 sur le compte centralisateur depuis un compte ouvert auprès de la banque Fortis crédité en janvier et février 2006.
Cependant, si la Caisse d’épargne avait les moyens de savoir dès le premier trimestre 2006 que la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] ne respectait pas ses obligations contractuelles en recevant des fonds sur un autre compte bancaire ouvert auprès d’une autre banque, ce versement ne saurait être considéré, à lui seul, comme un élément suffisamment alarmant pour rendre la Caisse d’épargne vigilante et mettre en garde les acquéreurs, dans la mesure où les fonds ont été reversés sur le compte centralisateur.
En revanche, une fois dépassée la date indicative d’achèvement des travaux fixée au 30 septembre 2006, et après la conclusion du dernier acte de vente le 26 septembre 2006 et du reversement de l’acompte perçu par le notaire sur le compte centralisateur, la Caisse d’épargne devait s’inquiéter de ne plus avoir reçu aucuns fonds des acquéreurs ou du promoteur alors que la perception sur un autre compte des fonds des acquéreurs combiné à des débits sans lien avec l’opération de construction devaient alarmer le garant d’achèvement sur un risque de détournement de fonds par le promoteur ou de défaillance financière.
À ce titre, il convient de retenir le délai d’un an après le dernier versement de fonds sur le compte centralisateur des appels de fonds des acquéreurs, soit fin septembre 2007, et alors que la date indicative d’achèvement était dépassée de plusieurs mois, à l’issue duquel la Caisse épargne aurait dû vérifier l’état du chantier, contrôler les versements de fonds auprès des acquéreurs et les alerter des éléments soupçonneux dont elle avait connaissance.
La Caisse d’épargne a donc commis deux négligences dans la surveillance du compte centralisateur d’une part et en n’informant pas les acquéreurs des agissements du promoteur d’autre part, engageant ainsi sa responsabilité à leur endroit.
Le préjudice qui pourrait découler de telles fautes consisterait dans le fait d’avoir payé des fonds au promoteur qu’il a détourné et qui n’ont pu être utilisés pour réaliser les travaux, ce qui se traduit concrètement par le non-achèvement du bâtiment, fonds dont l’acquéreur ne peut obtenir restitution en raison de la liquidation judiciaire du promoteur.
Or, en l’espèce l’immeuble a été achevé et la Caisse d’épargne n’a pas, pour ce faire, réclamé aux acquéreurs le paiement des sommes détournées par le promoteur, ni des sommes que les acquéreurs n’ont pas versés sur le compte centralisateur malgré l’obligation qui leur était faite par le contrat de vente.
En l’espèce, M. et Mme [R] allèguent avoir subi plusieurs préjudices tenant aux frais bancaires supportés du fait du retard de livraison consistant dans le paiement d’intérêts intercalaires malgré la suspension de leur prêt. Ils ont calculé forfaitairement ce montant à hauteur de 5% sur la base de 95% du prix de vente.
Cependant, d’une part, dans la mesure où le retard pris dans l’achèvement de l’immeuble n’est pas imputable à faute à la Caisse d’épargne, un tel préjudice, à le supposer caractérisé ne permet pas d’engager la responsabilité du garant d’achèvement, et d’autre part, M. et Mme [R] n’établissent pas avoir eu à supporter des frais bancaires malgré la suspension de leur prêt et se contentent d’une évaluation forfaitaire sans produire aucun justificatif.
Ils seront donc déboutés de la demande présentée à ce titre.
M. et Mme [R] soutiennent avoir subi un préjudice consistant dans le fait de ne pas avoir perçu les loyers commerciaux garantis initialement et prétendent que la valeur de leur bien a été surévaluée à l’achat.
De tels préjudices ne découlent pas des fautes imputées à la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et sont sans lien aucun avec le retard dans l’achèvement de l’immeuble et l’utilisation frauduleuse par le promoteur des fonds versés par les acquéreurs.
M. et Mme [R] n’allèguent donc ni ne démontrent avoir subi des préjudices en lien avec les fautes imputées au garant d’achèvement.
Les acquéreurs demandent à la cour d’indemniser le préjudice moral qu’ils prétendent avoir subi. M. et Mme [R] ont été indemnisés pour un préjudice moral par le tribunal correctionnel de Toulouse dans son jugement du 17 décembre 2014 dans le cadre de l’instance pénale dirigée contre M. [A], M. [Z], M. [J] [T] et Mme [K] à hauteur de 5 000 euros.
S’il s’agit de préjudices moraux distincts, celui indemnisé par le tribunal correctionnel résultant de l’infraction retenue à l’encontre des prévenus, tandis que celui dont il est fait état devant la cour résultant potentiellement du manquement de la Caisse d’épargne à son devoir de vigilance et d’information, il n’est pas démontré en l’espèce l’existence d’un préjudice moral subi par les acquéreurs en lien avec des conséquences patrimoniales imputables au garant d’achèvement.
Sur la demande de déconsignation des fonds présentée par la Caisse d’épargne:
3. Il sera rappelé que par ordonnance de mise en état du 27 septembre 2011, les acquéreurs, qui invoquaient diverses non conformités de leurs biens ont été autorisés à consigner le solde du prix de vente qui leur était réclamé par la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées sur un compte Carpa. M. et Mme [R] ont été dispensés de consignation pour cause de libération intégrale du prix.
Dans le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse, il n’est pas indiqué que dans leurs dernières conclusions M. et Mme [R] présentent de demandes relative au solde du prix de vente consigné en Carpa et la Caisse d’épargne ne présentait aucune demande en ce sens. Il est d’ailleurs indiqué dans le rapport d’expertise judiciaire il est indiqué que M. et Mme [R] ont réglé 100% du prix de vente, et qu’ils n’ont en conséquence, consigné aucune somme en Carpa.
La demande présentée par la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées en appel d’ordonner la déconsignation à son profit des fonds consignés en application de l’ordonnance du juge de la mise en état du 27 septembre 2011 doit en conséquence rejetée.
Sur la responsabilité de la Sarl [S] :
4. Le notaire qui prête son concours à l’établissement d’un acte doit veiller à son efficacité et doit préalablement procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour l’assurer, sans toutefois être dans l’obligation de vérifier les informations d’ordre factuel fournies par les parties en l’absence d’éléments de nature à faire douter de la véracité des renseignements donnés.
S’agissant d’une obligation de moyen, son obligation d’investigation n’est pas illimitée et dépend des possibilités effectives de contrôle et de vérification et notamment de l’existence d’un doute, d’éléments de soupçon, de circonstances particulières justifiant une vigilance accrue.
Lorsqu’il prête son concours à une vente en l’état futur d’achèvement, il doit vérifier l’exactitude des renseignements que le vendeur a l’obligation légale de fournir sur l’état d’avancement des travaux, auquel sont subordonnés d’une part, le bénéfice de la garantie d’achèvement et, d’autre part, le montant du prix à reverser lors de la signature de l’acte de vente.
Pour réaliser tant le premier paiement que la stipulation de la date d’achèvement, le notaire doit disposer d’un document fiable, telle qu’une attestation d’avancement rédigée par le maître d”uvre du programme immobilier, ce qui est bien le cas en l’espèce.
Dans l’acte authentique de vente rédigé par Maître [N] [S], notaire associé au sein de la Scp [S], et conclu entre la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] et M. et Mme [R] le 27 décembre 2005, il est stipulé (p. 9) s’agissant de l’état d’avancement des travaux « pour le bâtiment [Adresse 12] : ouverture de chantier suivant déclaration déposée en mairie le 11 avril 2005 » et que les parkings de l’immeuble [Adresse 12] devront être achevés pour être livrés au plus tard le troisième trimestre 2005 et pour le surplus du bâtiment, le quatrième trimestre 2006.
Il a été exigé conformément au paragraphe relatif au paiement du prix un déblocage des fonds par palier, le paiement de 25% du prix de vente pour cause de paiement de 20% à la régularisation de l’acte authentique en sus de 5% à la réservation et conformément au fait que l’ouverture de chantier a été déclarée en mairie le 11 avril 2005, soit 8 mois avant la signature de l’acte authentique de vente.
En rédigeant l’acte de vente à partir d’une déclaration d’ouverture de chantier établie huit mois avant la signature de l’acte authentique de vente et alors qu’à compter de la signature de l’acte authentique, le chantier devait être achevé sous douze mois, la Sarl [S] a commis une faute en acceptant de mentionner dans l’acte de vente une date d’achèvement de l’immeuble fixée au quatrième trimestre 2006 sans préalablement s’enquérir auprès du promoteur de l’état l’avancement du chantier.
Egalement, s’agissant des parkings, dont la date d’achèvement prévue dans l’acte est le troisième trimestre 2005, soit au plus tard le 30 septembre alors que le contrat de vente date du 27 décembre 2005, le notaire aurait dû s’enquérir de l’état d’avancement des travaux relatifs aux parkings qui auraient dû être achevés à la date de signature de l’acte authentique de vente.
Il résulte des pièces du dossier que si le notaire s’était rapproché du promoteur avant le 27 décembre 2005, date de signature de l’acte authentique, il aurait été en mesure de mentionner que les fondations étaient achevées au 30 novembre 2005 selon attestation rédigée par M. [C], architecte du programme. Il en découle également que les parkings à tout le moins dans leur structure, qui se situent en sous-sol étaient également achevés.
Toutefois, entre le 27 décembre 2005 et l’achèvement de l’immeuble tel que mentionné dans l’acte de vente au quatrième trimestre 2006, il devait s’écouler 12 mois.
Or, il ressort du réglement de copropriété et l’état descriptif de division dressé le 31 mars 2005 et déposé au rang des minutes de Maître [N] [S] (p.33 et s.) que le bâtiment [Adresse 12] doit comporter 6 niveaux (du R-3 au deuxième étage), 30 appartements répartis sur 4 niveaux (du R-1 au deuxième étage), 74 parkings, 10 celliers, 23 caves, 2 locaux à usage de réserve, 2 locaux commerciaux.
Informé au 27 décembre 2005 que les fondations venaient d’être achevées, le notaire n’aurait pu raisonnablement penser que les travaux qui nécessitaient l’achèvement du premier plancher bas, l’édification de deux étages supplémentaires et la réalisation de 20 appartements situés du rez-de-chaussée au deuxième étage allaient pouvoir être achevés dans les onze mois à venir.
Le notaire a donc commis une faute en indiquant dans l’acte de vente la date d’achèvement communiquée par le promoteur alors qu’elle était, à la date de conclusion de l’acte authentique, et compte tenu des informations dont il aurait dû avoir connaissance s’il avait été diligent, peu vraisemblable. Il aurait dû à ce titre, a minima, interroger le promoteur sur le maintien de la date d’achèvement initialement prévue, exiger, le cas échéant, la fourniture de justificatifs pour ce faire, et mettre en garde les acquéreurs sur le respect incertain du délai d’achèvement. Ce qu’il ne démontre pas avoir fait.
Il peut en découler pour les acquéreurs un préjudice consistant en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter en connaissance de cause et une perte de chance de ne pas s’exposer à des frais ou des pertes du fait du retard de construction dont ils n’ont pas été dûment informés.
Les acquéreurs soutiennent que le notaire aurait dû les alerter du retard pris par le chantier et qu’il en découlait un risque d’échec du programme immobilier que le notaire pouvait objectivement suspecter.
Cependant, informé du retard pris par rapport à la date d’achèvement de l’immeuble initialement prévue par le promoteur, le notaire n’aurait pu en déduire que le promoteur était défaillant mais simplement que le chantier prenait du retard, ce dont le notaire aurait dû informer les acquéreurs en modifiant la date d’achèvement des travaux ou les informant du risque de non-respect de cette clause compte tenu de l’avancement actuel du chantier.
En l’espèce, M. et Mme [R] allèguent avoir subi plusieurs préjudices tenant aux frais bancaires supportés du fait du retard de livraison consistant dans le paiement d’intérêts intercalaires malgré la suspension de leur prêt. Il a calculé forfaitairement ce montant à hauteur de 5% sur la base de 95% du prix de vente.
Cependant, d’une part, dans la mesure où le retard pris dans l’achèvement de l’immeuble n’est pas imputable à faute au notaire, un tel préjudice, à le supposer caractérisé ne permet pas d’engager la responsabilité du notaire, et d’autre part, M. et Mme [R] n’établissent pas avoir eu à supporter des frais bancaires malgré la suspension de leur prêt et se contentent d’une évaluation forfaitaire sans produire aucun justificatif.
Ils seront donc déboutés de la demande présentée à ce titre.
M. et Mme [R] soutiennent avoir subi un préjudice consistant dans le fait de ne pas avoir perçu les loyers commerciaux garantis initialement et prétendent que la valeur de leur bien a été surévaluée à l’achat.
De tels préjudices ne découlent pas des fautes imputées au notaire et sont sans lien aucun avec la stipulation d’une date d’achèvement des parkings incertaine.
Les acquéreurs demandent à la cour d’indemniser le préjudice moral qu’ils prétendent avoir subi. M. et Mme [R] ont été indemnisés pour un préjudice moral par le tribunal correctionnel de Toulouse dans son jugement du 17 décembre 2014 dans le cadre de l’instance pénale dirigée contre M. [A], M. [Z], M. [J] [T] et Mme [K] à hauteur de 5 000 euros.
S’il s’agit de préjudices moraux distincts, celui indemnisé par le tribunal correctionnel résultant de l’infraction retenue à l’encontre des prévenus, tandis que celui dont il est fait état devant la cour résultant potentiellement du manquement du notaire à son devoir de vigilance et d’information, il n’est pas démontré en l’espèce l’existence d’un préjudice moral subi par l’acquéreur en lien avec des conséquences patrimoniales imputables au notaire.
M. et Mme [R] n’allèguent donc ni ne démontrent avoir subi des préjudices en lien avec les fautes imputées au notaire.
5. Le notaire rédacteur de l’acte ne peut être tenu pour responsable du retard pris par le chantier, et n’est pas tenu d’une obligation d’assurer le suivi des opérations de construction. Si en revanche, il a connaissance, par des éléments qu’il n’a pas à rechercher, de la défaillance financière du promoteur, il est tenu, en vertu du devoir de bonne foi, d’en informer les acquéreurs.
Les acquéreurs ne démontrent nullement que l’étude notariale avait connaissance de difficultés rencontrées par le programme de construction et allèguent notamment qu’en même temps qu’il rédigeait les actes de vente authentique, le notaire était chargé de rédiger des compromis de résolution de vente.
Si le notaire a été chargé de rédiger l’acte authentique de vente entre le Crédit agricole Sud Méditerranée et la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] le 20 avril 2004, il n’est cependant pas établi que le notaire avait connaissance de difficultés rencontrées par le programme immobilier.
En effet, les pièces produites aux débats ne démontrent pas qu’à la date de signature de l’acte authentique de vente le 27 décembre 2005 le groupe Simbiosis ait connu des difficultés dans la commercialisation et la mise en ‘uvre de ce programme ou d’autres programmes immobiliers sur le territoire national.
Il n’est pas démontré l’existence de faits portés à la connaissance de l’étude notariale avant la régularisation de cet acte permettant de soupçonner des difficultés objectives de nature à la conduire à alerter les acquéreurs sur les risques de retard ou d’inachèvement pesant sur l’opération autres que ceux inhérents aux aléas de toute opération immobilière.
De sorte qu’aucun manquement à son devoir de vigilance et d’information ne peut lui être reproché à ce sujet.
6. M. et Mme [R] soutiennent que l’acte authentique de vente contient des clauses contraires, et estiment qu’elles ne leur ont pas permis d’identifier la clause qu’ils devaient respecter et que cette faute du notaire est à l’origine de leurs préjudices.
Le notaire, tenu d’assurer l’efficacité de l’acte doit le rédiger en termes clairs et dépourvus de contradictions, a fortiori s’agissant des obligations principales des parties, comme le paiement du prix par les acquéreurs.
Dans l’acte authentique de vente conclu entre M. et Mme [R] et la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] le 27 décembre 2005, Maître [N] [S] a rédigé les clauses suivantes :
– p. 15 la clause « lieu du paiement ‘ compte financier centralisateur » : « le paiement de l’intégralité du prix, pour être libératoire, devra être effectué sur le compte suivant (‘) ouvert au nom de la Sci [Adresse 11] 2002 [Adresse 15] à la Caisse d’épargne »,
– p. 15 la clause « engagement de l’acquéreur » : « toutes les sommes dues par l’acquéreur au titre du présent contrat devront, pour être libératoires, être impérativement versées sur le compte d’opération ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne par virement bancaire ou chèque adressé et libellé à l’ordre de la banque sur le compte ci-dessus référencé »,
– p. 21 la clause « application de la loi du 13 juillet 1979 » : « l’acquéreur confirme le mandat irrévocable donné au vendeur d’encaisser directement et hors sa présence, sur présentation des justificatifs d’avancement des travaux, les fonds à provenir des prêts ci-dessus visés ».
En stipulant ces clauses contradictoires, le notaire n’a pas permis aux acquéreurs de savoir avec certitude à qui et en quel lieu effectuer le paiement du prix de vente et a pu les conduire à se croire légitimes de payer directement les appels de fonds au promoteur.
Le notaire, par sa négligence dans la rédaction du contrat de vente, a donc commis une faute à l’égard de M. et Mme [R], susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Cependant, M. et Mme [R] n’établissent pas que ce manquement soit à l’origine des préjudices allégués dès lors, d’une part, que le bâtiment a été achevé sans que le garant d’achèvement ne demande à M. et Mme [R] de lui reverser le montant des sommes payées directement au promoteur, et d’autre part, qu’il n’est pas démontré que le bâtiment aurait été achevé et les biens livrés sans retard si les fonds avaient été versés exclusivement sur le compte centralisateur par M. et Mme [R] compte tenu des agissements frauduleux du promoteur immobilier.
7. M. et Mme [R] soutiennent que le notaire a réalisé 30 actes authentiques alors que le permis de construire portait sur 26 appartements ce qui aurait conduit à transformer en logements des celliers pourtant vendus à des acquéreurs.
Dans le cahier des conditions générales de vente (pièce 14) reçu par la Scp [S] le 31 mars 2005, il est indiqué (p.21) que le promoteur envisage de rénover et agrandir un ensemble immobilier autorisé par le permis de construire comprenant pour le bâtiment [Adresse 12] notamment la réalisation de 30 appartements et 10 celliers.
Le réglement de copropriété déposé au rang des minutes de la Scp [S] le 31 mars 2005 indique pour le bâtiment [Adresse 12] 30 appartements et 10 celliers.
Cependant, dans le cahier des conditions générales de vente, il est précisé qu’ont été déposés au rang des minutes du notaire (p.29) les permis de construire et leurs annexes dont les plans de situation, de masse et les plans des différents bâtiments. Or, le notaire ne produit pas ces annexes en l’espèce.
Alors que 30 logements et 10 celliers ont été vendus, en pratique, ce sont 30 logements qui ont été réalisés et 6 celliers.
S’il est exact que le permis de construire n’indique pas avoir été délivré pour un nombre déterminé d’appartements, il est donné sur la base des documents produits par le demandeur à l’appui de sa demande, documents qui détaillent la surface, la composition de la construction telle que le nombre d’étages, le nombre de logements. Ces documents circonscrivent donc le contenu et les limites de l’autorisation de construction.
D’après le rapport d’expertise, M. [C] décrivait 26 logements au titre de la demande de permis de construire.
Les experts judiciaires constatent la nécessité de faire état d’un permis de construire modificatif en cours de chantier en raison de la construction d’un niveau supplémentaire ainsi que 4 logements. Ils indiquent avoir relevé la transformation des 4 celliers manquants en logements.
Les experts ont indiqué qu’une demande de permis de construire modificatif établie entre le syndicat des copropriétaires et le cabinet [C] n’était pas acquise en raison de la modification de la destination des celliers qui ont été transformés en logement et de la modification de la typologie des logements passant de 26 à 30.
Il en découle que le permis de construire avait été délivré pour 26 logements et 10 celliers, mais il résulte du rapport d’expertise judiciaire que 4 celliers sur 10 n’ont pas été réalisés.
En l’état des constatations de la cour, telles que résultant du rapport d’expertise, il ressort que le notaire a rédigé des actes de vente d’appartements dont le nombre dépassait celui autorisé par le permis de construire portant sur la réalisation de seulement 26 logements, or du fait de ces ventes en surnombre, les 4 celliers manquants ont été transformés en appartements.
Manquant à son obligation lui imposant d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il instrumente, le notaire a commis une faute en permettant la signature d’un nombre supérieur de ventes à celui maximum autorisé.
Cependant, M. et Mme [R] n’ayant pas acquis de cellier, il n’en découle pour eux aucun préjudice.
8. M. et Mme [R] soutiennent que le notaire aurait dû les mettre en garde contre la surévaluation des loyers du bail commercial et la surévaluation de la valeur du bien à l’achat.
Si le notaire instrumentaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des stipulations convenues dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties, il n’a pas à porter d’appréciation sur l’opportunité économique de l’opération (3e Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-12.301, 21-12.340).
L’acte authentique indique que l’ensemble immobilier devait être affecté à un usage de résidence de tourisme et donné à bail, à titre commercial, à la Sarl de gestion de la [Adresse 15], tel que cela est précisé en pages 9 et 21.
Cependant, le notaire qui n’est pas requis en qualité de conseiller en gestion de patrimoine mais de rédacteur d’acte de vente, qui n’est pas intervenu dans la constitution du montage financier mêlant vente et défiscalisation, qui n’a pas procédé à la rédaction du bail commercial, n’est pas tenu ni d’apprécier l’opportunité économique de l’opération et notamment la cohérence du montant du loyer stipulé par rapport à la réalité du marché locatif local, ni d’informer les acquéreurs sur les stipulations du bail commercial, ses effets et ses risques.
La circonstance que le bail commercial conclu par M. et Mme [R] soit d’une durée de onze ans et onze mois n’est pas de nature à faire naître une obligation d’information à la charge du notaire qui n’a pas à communiquer une information due par un autre professionnel, en l’occurrence le conseiller en gestion de patrimoine ainsi que le promoteur tenus de renseigner les acheteurs investisseurs sur les conditions de la défiscalisation et les causes et conséquences d’un allongement de la durée du bail en l’espèce.
En outre, M. et Mme [R] ont consenti au bail commercial le 22 juillet 2005, et pouvaient à ce titre se renseigner d’une part sur la durée stipulée et d’autre part sur la réalité du marché locatif local pour apprécier l’opportunité économique de l’opération projetée, en contactant, localement des agents immobiliers, en se renseignant par le biais de l’internet sur le coût moyen des locations dans le secteur ou encore en se renseignant sur les tarifs pratiqués au sein de résidences dans d’autres régions au profil similaire à [Adresse 11].
Maître [N] [S] n’était donc nullement débiteur d’une obligation d’information, de conseil ou de mise en garde à l’égard de M. et Mme [R] s’agissant de la conclusion du bail commercial, ses stipulations, qu’il s’agisse de sa durée ou du loyer convenu.
En outre, le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’est pas un conseiller financier des parties aux actes qu’il constate et il n’a pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération d’investissement immobilier et notamment sur le prix de vente stipulé librement entre les parties ou de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs.
C’est donc en vain que M. et Mme [R] recherchent la responsabilité de la Sarl [S] pour manquements à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.
Ils seront donc déboutés des demandes dirigées à l’encontre de la Sarl [S].
Sur les dépens et frais irrépétibles :
9. M. et Mme [R], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens d’appel.
Il convient de confirmer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse qui a condamné M. et Mme [R] aux dépens de première instance.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties qui les ont exposés, les frais non compris dans les dépens.
Elles seront déboutées de leur demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse.
Et y ajoutant,
Déboute la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées de sa demande de déconsignation du solde du prix.
Condamne M. [P] [R] et Mme [B] [W] épouse [R] aux dépens d’appel.
Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier, Le Président,
N. DIABY M. DEFIX
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