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16/05//2023
ARRÊT N°
N° RG 20/01627
N° Portalis DBVI-V-B7E-NTXA
MD/
Décision déférée du 28 Mai 2020 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE
14/03747
(Mme. [W])
[P] [V]
C/
S.A.R.L. [L]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [P] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. [L], société à responsabilité limitée titulaire d’un Office Notarial, venant aux droits de la SCP [O] [L] – Olivier [L], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège de la société
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
S. LECLERCQ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : N. DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Sous l’impulsion du Conseil général de l’Ariège, le groupe Simbiosis, promoteur immobilier spécialisé dans la réalisation de résidences de tourisme, a été sollicité pour engager plusieurs opérations immobilières censées redynamiser l’activité touristique.
Le groupe Simbiosis, par ses filiales sous forme de sociétés civiles immobilières, s’est engagé dans la construction et la réhabilitation de plusieurs bâtiments sur la station de [5], la réalisation d’un ensemble pavillonnaire sur la commune de [Localité 4], et la construction d’un ensemble immobilier à [Localité 3].
La Sci Guzet 2002 a ainsi entrepris la réalisation d’une résidence de tourisme dénommée « Guzet 1300 ”, sise au [Adresse 6].
Cet ensemble immobilier devait être notamment constitué d’immeubles dénommés Bethmale, le Papallau, Roc blanc, Club house, Merens 1, Merens 2 et le Valier.
Par acte notarié reçu le 20 avril 2004 par la Scp [L], la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a acquis l’ensemble immobilier du Crédit agricole Sud Méditerranée.
Un permis de construire a été accordé à la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans le 24 octobre 2003 par la commune d’Ustou (09140) pour I’édification de l’immeubIe Le Valier.
Des permis de construire lui ont été accordés le 18 avril 2003 et le 7 octobre 2003 par la commune d’Ustou (09140) pour la rénovation d’anciens bâtiments devant former l’ensembIe Papallau-Roc blanc-Club house.
L’ensemble du programme immobilier a fait l’objet de ventes en l’état futur d’achèvement par l’intermédiaire de prescripteurs.
Ces ventes sont intervenues par lots, portant sur un appartement ou un studio, ainsi qu’un parking extérieur, placés sous le régime de la copropriété.
Elles devaient permettre aux acquéreurs de bénéficier du régime fiscal instauré par la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), dite « Demessine », destinée à favoriser l’investissement locatif dans des résidences de tourisme situées dans des zones rurales à « revitaliser ».
En contrepartie d’une réduction d’impôt répartie sur un nombre d’années maximum, chaque candidat à la défiscalisation devait s’engager à louer nus le ou les logements acquis pendant une durée au moins égale à neuf ans dans le cadre d’un bail commercial ne pouvant être consenti qu’à un exploitant unique de la future résidence de tourisme tenu de régler les loyers commerciaux convenus avec les copropriétaires-bailleurs.
Le 24 octobre 2005, la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées a consenti par acte sous-seing privé à la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans, une garantie d’achèvement extrinsèque sous la forme d’un cautionnement pour le bâtiment Le Valier et le 22 mars 2005 pour le bâtiment Le Papallau.
Ces conventions prévoyaient I’ouverture d’un compte courant centralisateur auprès de la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, par lequel devait transiter I’ensemble des paiements parvenant à la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans.
La Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a proposé à I’ensemble des acquéreurs, concomitamment à leur acquisition en I’état futur d’achèvement des biens et droits immobiliers, la souscription d’un bail commercial, suivant les termes duquel un preneur unique, la Sarl de gestion de la Résidence Haut Couserans, était chargé de l’expIoitation d’un fonds de commerce au sein de la résidence pendant une durée de douze années, en contrepartie du versement d’un loyer annuel.
Suivant acte notarié du 27 juin 2005, M. [P] [V] a ainsi acquis en I’état futur d’achèvement un appartement de type T2 au sein du bâtiment Le Papallau et un parking au sein du bâtiment Le Valier, moyennant le versement du prix de 159 186,07 euros toutes taxes comprises.
La livraison des biens avait été fixée contractuellement au troisième trimestre 2005 s’agissant du bâtiment Papallau ainsi que du parking au sein du bâtiment Le Valier.
Pour financer cette acquisition, M. [V] a conclu un contrat de prêt d’un montant de 159 186 euros avec la Sa Lyonnaise de banque.
Conformément à l’économie de la vente en I’état futur d’achèvement, M. [F] [G], architecte, maître d’oeuvre du programme, a établi les attestations suivantes relativement au bâtiment Papallau :
– le 22 juin 2005, fin de l’édification des cloisons,
– le 13 juillet 2005, réalisation de la plomberie,
– le 2 novembre 2005, achèvement des travaux,
– le 16 novembre 2005, le stade de la livraison était atteint.
L’acquéreur a été livré de son bien situé dans l’immeuble Le Papallau mais pas du parking situé dans l’immeuble Le Valier.
Conformément à l’économie de la vente en I’état futur d’achèvement, M. [G], architecte, maître d”uvre du programme, a établi les attestations suivantes dans le cadre du bâtiment Le Valier :
– le 30 novembre 2005, achèvement des fondations,
– le 25 mai 2006, plancher haut avant charpente,
– le 13 juiIlet 2006, achèvement du premier plancher bas,
– le 9 novembre 2006, 3ème plancher bas,
– le 24 mai 2007, charpente en cours,
– le 6 juillet 2007, immeuble hors d’eau,
– le 12 octobre 2007, cloisons terminées,
– le 30 janvier 2008, plomberie terminée.
Le 11 avril 2008, Mme [K] a émis une attestation d’achèvement des travaux.
La Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, en sa qualité de garant d’achèvement, a visité le chantier le 12 septembre 2008, et a constaté à cette occasion un avancement des travaux de I’ordre de 80 % seulement.
Par ordonnance du 17 juin 2009, le président du tribunal de grande instance de Foix, sur saisine de la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées, a désigné en qualité d’administrateur provisoire de la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans la Scp Caviglioli ‘ Baron ‘ Fourquie avec mission générale de gérer et administrer ladite société, accomplir tous les actes nécessaires à la poursuite de leur activité et à la réalisation de leur objet social et en particulier prendre connaissance des pièces relatives à l’immeuble Le Valier, constater les travaux déjà réalisés, déterminer ceux restant à réaliser, arrêter les modalités de réalisation des travaux, les faire exécuter et les suivre jusqu’à achèvement.
Par exploit d’huissier du 29 septembre 2009, la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Foix d’une demande en rétractation de son ordonnance du 17 juin 2009.
Par ordonnance du 24 novembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Foix a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance au motif que la Sci était injoignable à l’adresse déclarée et aucun travaux n’était plus réalisé sur le site depuis 2008, que des irrégularités ont été relevées dans l’avancement des travaux et l’emploi des fonds reçus des acquéreurs et que seule la désignation d’un administrateur provisoire était de nature à garantir au garant d’achèvement et aux acquéreurs l’emploi des fonds mis à disposition pour l’achèvement des travaux.
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Par actes d’huissier des 1er et 8 décembre 2009, 43 acquéreurs, dont M.[P] [V], ont fait assigner la Sci Guzet 2002 Résidence du haut couserans et la Scp [L] aux fins de voir notamment constater que le notaire a commis de nombreuses fautes dans I’exercice de son activité professionnelle et la défaillance contractuelle de la Sci Guzet 2002 Résidence du haut couserans et les condamner in solidum à les indemniser de leurs préjudices.
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Par jugement du tribunal de commerce de Foix du 1er décembre 2008 la Sarl de gestion Résidence du Haut Couserans a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de grande instance de Foix du 25 novembre 2009, la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du tribunal de grande instance de Foix du 3 février 2010, la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 15 mars 2010, la Sarl Eurodome a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 19 avril 2010, la Sas Simbiosis properties a été placée en liquidation judiciaire.
Par arrêt du 8 novembre 2011, la cour d’appel de Toulouse a annulé le jugement du 25 novembre 2009 prononçant le redressement judiciaire du promoteur.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 3 septembre 2012, la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans a été placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 26 juin 2014, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société a été prononcée pour insuffisance d’actif.
Le mandataire liquidateur commun désigné était Maître [N].
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Courant 2010 et 2011, la Scp notariale a appelé dans la cause les diverses banques ayant prêté des fonds aux acquéreurs, outre la Sa Caisse d’épargne Midi-Pyrénées, la Sarl agence d’architecture et d’urbanisme [G], les différents prescripteurs, la Sa Banque Fortis, en sa qualité d’établissement teneur de comptes courants de la Sci Guzet 2002, aux fins notamment de se voir garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre.
D’autres investisseurs sont intervenus volontairement à l’instance.
Par acte du 10 mai 2010, la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et les acquéreurs ont fait assigner la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse afin qu’il donne acte à l’établissement bancaire de ce qu’il accepte de préfinancer les travaux d’achèvement du bâtiment Le Valier et pour faire désigner un expert afin de régulariser avec la Sas Akerys promotion retenue par la Caisse d’épargne un marché de travaux afin qu’elle procède à l’achèvement des constructions sous la responsabilité du garant d’achèvement, suivre la bonne exécution des travaux, les réceptionner.
Par ordonnance du 24 juin 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a dit n’y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à mieux se pourvoir au motif que la Caisse d’épargne n’a pas besoin de l’accord des mandataires ou du juge des référés pour mettre en ‘uvre sa garantie d’achèvement des travaux et signer pour ce faire tout contrat utile.
Suivant ordonnance du 27 mai 2011, Ie juge de la mise en état a ordonné une mesure d’instruction en désignant en qualité d’experts M. [Z] [S] et M. [R] [D].
Les travaux relatifs au bâtiment Le Valier ont été terminés en juin 2011 et les acquéreurs ont été livrés de leur bien dans le courant du mois de novembre 2011.
Les experts judiciaires ont déposé leur rapport le 4 juillet 2014 et, suivant ordonnance du 27 novembre 2014, Ie juge de la mise en état a procédé à une disjonction de la procédure, la scindant du chef de chaque acquéreur.
Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– constaté que la demande tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture partielle est devenue sans objet,
– déclaré irrecevable la demande de M. [V] visant à voir inscrire sa créance au passif de la Sci Guzet 2002 Résidence du haut Couserans,
– débouté M. [V] de l’ensemble de ses demandes,
– dit que les demandes récursoires formées par les défendeurs sont devenues sans objet,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [V] aux dépens à I’exception du coût des appels en cause de la Sarl d’architecture et d’urbanisme [G], de la Sa Bnp Paribas venant aux droits de la banque Fortis et de la Sa Société générale qui resteront à la charge de l’étude notariale,
– ordonné I’exécution provisoire de la présente décision.
S’agissant de la responsabilité du notaire, le tribunal a considéré qu’il n’avait pas à procéder à des vérifications particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée, sur la solvabilité des parties, ni à surveiller le bon déroulement de l’opération immobilière et ne devait informer l’acquéreur d’un risque d’échec du programme immobilier qu’en présence d’éléments lui permettant de le suspecter, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
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Par déclaration du 7 juillet 2020, M. [P] [V] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– rejeté les demandes formées à l’encontre de la Scp Malbosc Dagot de 204 043,04 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses entiers préjudices, à actualiser au jour du jugement à venir,
– condamné M. [V] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, transmises par voie électronique le 28 septembre2022, M. [P] [V], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
– accueillir favorablement l’appel interjeté par M. [V] à l’encontre du jugement du 28 mai 2020, le déclarer recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il :
* a rejeté les demandes formées par M. [V] à l’encontre de la Scp Malbosc Dagot, de 204.043,04 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses entiers préjudices, à actualiser au jour de la décision à intervenir,
* a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* a condamné M. [V] aux dépens,
Statuant à nouveau,
– condamner la Sarl Malbosc Dagot à avoir à verser à M. [V] les sommes suivantes :
* 204 043,04 euros au titre de son préjudice,
* subsidiairement, 142 830,13 euros au titre de sa perte de chance,
En tout état de cause,
– condamner la Sarl Malbosc Dagot à avoir à verser à M. [V] la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* les dépens de première instance et d’appel, comprenant le coût de la mesure d’expertise, dont distraction au profit de la Scp Monferran Carriere Espagno, avocats associés,
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions dirigées par la Sarl Malbosc Dagot à son encontre.
À l’appui de ses prétentions, l’appelant soutient que :
‘ Le notaire a manqué au devoir de conseil sur l’opportunité de l’opération :
– le notaire qui dispose d’éléments d’appréciation de l’opportunité économique de l’opération projetée est tenu d’un devoir de conseil à l’encontre des acquéreurs, a fortiori en présence d’une opération particulière de défiscalisation sur le fondement de la loi Demessine, et alors que le bail commercial annexé à l’acte de vente était d’une durée exceptionnelle de 12 ans et les loyers annoncés comme garantis, le notaire devait donc informer les acquéreurs du caractère aléatoire des loyers et surévalués compte tenu de la localisation de l’opération immobilière,
– le notaire connaissait globalement le prix du marché puisqu’il a reçu l’acte authentique d’achat de l’ensemble immobilier par le promoteur immobilier, il était le notaire exclusif de l’opération immobilière, et connaissait l’absence de marché locatif local,
– le notaire ne justifie pas avoir exécuté son obligation de conseil et d’information sur les risques juridiques de la volatilité de l’opération commerciale,
– les prix de vente des biens immobiliers étaient surévalués et le notaire devait informer les acquéreurs à ce propos,
‘ Le notaire connaissait les difficultés rencontrées par le programme :
– l’acte notarié fait état d’une date d’achèvement du parking au troisième trimestre 2005 alors que le seul élément dont le notaire disposait attestait de l’ouverture administrative du chantier,
– la date d’achèvement du parking a été fixée de manière incohérente dans l’acte notarié,
– le notaire doit rédiger des actes authentiques fiables permettant d’assurer la sécurité des transactions juridiques, informer et conseiller les acquéreurs quant au risque d’échec du programme immobilier qu’il pouvait objectivement suspecter,
– de ces fautes découlent plusieurs préjudices pour l’acquéreur : un manque à gagner locatif constitué par une perte de chance de ne pas bénéficier des loyers garantis, la perte de chance de ne pas pouvoir bénéficier de la promesse de rachat, la surévaluation des biens lors de l’achat, un préjudice moral, et que la présence de trois immeubles (Merens 1 et 2 et Bethmale) à peine démarrés constitue un danger et rend le site moins attractif et dévalorise le montant des loyers versés.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 13 octobre 2022, la Sarl [L], venant aux droits de la Scp [L], intimée, demande à la cour, au visa de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil, de :
– confirmer le jugement du 28 mai 2020 en ce qu’il a écarté la responsabilité civile professionnelle de la Scp Malbosc Dagot aux droits de laquelle vient désormais la Sarl Malbosc Dagot,
– débouter en conséquence M. [V] de l’ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande subsidiaire présentée au titre de la réparation de sa prétendue perte de chance,
– le condamner aux entiers dépens de l’instance d’appel, en ce compris le coût de la mesure d’expertise ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 500 du code de procédure civile.
À l’appui de ses prétentions, l’intimée soutient que :
– le notaire n’est pas tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde concernant l’opportunité économique d’opérations de défiscalisation, par nature aléatoires, en l’absence d’éléments d’appréciation à sa disposition,
– le notaire a assuré l’efficacité des actes authentiques puisque l’immeuble a été achevé,
– le notaire n’a pas participé au montage de l’opération immobilière engagée par le promoteur, ni à l’élaboration du produit fiscal, et n’a pas rédigé les baux commerciaux,
– il n’avait pas à vérifier si le montant des loyers convenus dont il n’a pas eu connaissance était en rapport avec l’activité projetée,
– le notaire n’a pas eu connaissance d’une prétendue promesse de rachat alors que le contrat de réservation évoquait seulement un pacte de préférence, et que la promesse n’a été signée que le 30 décembre 2006, soit 16 mois après la vente,
– si le notaire a à sa disposition des éléments qu’il n’a pas à rechercher, qui lui permettent de considérer que l’opportunité économique de l’opération présente des risques sérieux d’échecs de nature à la remettre en cause, il doit en informer les acquéreurs, or tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’opération projetée était inédite, l’étude se trouve à plus de 130 kilomètres du site,
– tout acquéreur normalement diligent doit procéder à la vérification élémentaire qui lui incombe de se renseigner sur le prix moyen au mètre carré à la location comme à la vente dans le secteur du bien qu’il projette d’acquérir,
– la surévaluation du bien et du loyer doivent être établis à la date de conclusion de la vente et non pas dix ans plus tard,
– avant la régularisation de la vente, le notaire n’avait pas de raisons de soupçonner des difficultés du promoteur,
– il n’y avait rien d’anormal à ce que le promoteur ne produise pas de nouvelles attestations d’avancement des travaux puisqu’il n’en avait l’utilité que si ses besoins financiers le lui imposaient,
– le notaire qui n’est pas un professionnel de la construction n’avait de toute façon aucune compétence pour déterminer le temps nécessaire pour l’accomplissement des différentes étapes de construction,
– s’agissant du parking, la déclaration d’ouverture du chantier Le Valier date du 11 avril 2005 et le délai de livraison des parkings souterrains était fixé 6 mois plus tard.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l’affaire a été examinée à l’audience du 25 octobre 2022.
MOTIVATION
– Sur l’action en responsabilité à l’encontre de la Sarl [L] :
1. M. [V] soutient que le notaire aurait dû le mettre en garde contre la surévaluation des loyers du bail commercial et la surévaluation de la valeur du bien à l’achat.
Si le notaire instrumentaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des stipulations convenues dans la limite des possibilités de contrôle et de vérification qui lui sont offertes, des informations connues des parties, il n’a pas à porter d’appréciation sur l’opportunité économique de l’opération (3e Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 21-12.301, 21-12.340).
L’acte authentique indique que l’ensemble immobilier devait être affecté à un usage de résidence de tourisme et donné à bail, à titre commercial, à la Sarl de gestion de la Résidence du Haut Couserans tel que cela est précisé en pages 9 et 19.
Cependant, le notaire qui n’est pas requis en qualité de conseiller en gestion de patrimoine mais de rédacteur d’acte de vente, qui n’est pas intervenu dans la constitution du montage financier mêlant vente et défiscalisation, qui n’a pas procédé à la rédaction du bail commercial, n’est pas tenu ni d’apprécier l’opportunité économique de l’opération et notamment la cohérence du montant du loyer stipulé par rapport à la réalité du marché locatif local, ni d’informer les acquéreurs sur les stipulations du bail commercial, ses effets et ses risques.
Il ressort du dossier du contrat de vente produit aux débats par le notaire et plus précisément d’un courrier, que le notaire a transmis à l’acquéreur en vue de la signature de l’acte authentique de vente, un modèle de bail commercial qui devait être renvoyé signé.
Il ressort de la clause ‘Propriété et jouissance’ de l’acte authentique de vente que ‘le contrat de bail sera établi en la forme sous seing privé, directement entre l’acquéreur et ladite société gestionnaire, sans la participation du notaire soussigné’.
Le contrat de bail n’a fait que transiter par le notaire sans faire naître , de ce seul fait, d’obligation de conseil à sa charge.
En outre, la circonstance que le bail commercial conclu par M. [V] soit d’une durée de onze ans et onze mois n’est pas de nature à faire naître une obligation d’information à la charge du notaire qui n’a pas à communiquer une information due par un autre professionnel, en l’occurrence le conseiller en gestion de patrimoine ainsi que le promoteur tenus de renseigner les acheteurs investisseurs sur les conditions de la défiscalisation et les causes et conséquences d’un allongement de la durée du bail en l’espèce.
En outre, M. [V] pouvait se renseigner d’une part sur la durée stipulée et d’autre part sur la réalité du marché locatif local pour apprécier l’opportunité économique de l’opération projetée, en contactant, localement des agents immobiliers, en se renseignant par le biais de l’internet sur le coût moyen des locations dans le secteur ou encore en se renseignant sur les tarifs pratiqués au sein de résidences dans d’autres régions au profil similaire à Guzet.
Maître [O] [L] n’était donc nullement débiteur d’une obligation d’information, de conseil ou de mise en garde à l’égard de M. [V] s’agissant de la conclusion du bail commercial, ses stipulations, qu’il s’agisse de sa durée ou du loyer convenu.
En outre, le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’est pas un conseiller financier des parties aux actes qu’il constate et il n’a pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération d’investissement immobilier et notamment sur le prix de vente stipulé librement entre les parties ou de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs.
C’est donc en vain que M. [V] recherche la responsabilité de la Sarl [L] pour manquements à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.
Il sera donc débouté de cette demande dirigée à l’encontre de la Sarl [L].
2. Le notaire rédacteur de l’acte ne peut être tenu pour responsable du retard pris par le chantier, et n’est pas tenu d’une obligation d’assurer le suivi des opérations de construction. Si en revanche, il a connaissance, par des éléments qu’il n’a pas à rechercher, de la défaillance financière du promoteur, il est tenu, en vertu du devoir de bonne foi, d’en informer les acquéreurs.
Si le notaire a été chargé de rédiger l’acte authentique de vente entre le Crédit agricole Sud Méditerranée et la Sci Guzet 2002 Résidence du Haut Couserans le 20 avril 2004, il n’est cependant pas établi qu’il ait eu connaissance de difficultés rencontrées par le programme immobilier.
En effet, les pièces produites aux débats ne démontrent pas qu’à la date de signature de l’acte authentique de vente le 27 juin 2005 le groupe Simbiosis ait connu des difficultés dans la commercialisation et la mise en ‘uvre de ce programme ou d’autres programmes immobiliers sur le territoire national.
Il n’est pas démontré l’existence de faits portés à la connaissance de l’étude notariale avant la régularisation de cet acte permettant de soupçonner des difficultés objectives de nature à la conduire à alerter les acquéreurs sur les risques de retard ou d’inachèvement pesant sur l’opération autres que ceux inhérents aux aléas de toute opération immobilière.
De sorte qu’aucun manquement à son devoir de vigilance et d’information ne peut lui être reproché à ce sujet.
3.Le notaire qui prête son concours à l’établissement d’un acte doit veiller à son efficacité et doit préalablement procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour l’assurer, sans toutefois être dans l’obligation de vérifier les informations d’ordre factuel fournies par les parties en l’absence d’éléments de nature à faire douter de la véracité des renseignements donnés.
S’agissant d’une obligation de moyen, son obligation d’investigation n’est pas illimitée et dépend des possibilités effectives de contrôle et de vérification et notamment de l’existence d’un doute, d’éléments de soupçon, de circonstances particulières justifiant une vigilance accrue.
Lorsqu’il prête son concours à une vente en l’état futur d’achèvement, il doit vérifier l’exactitude des renseignements que le vendeur a l’obligation légale de fournir sur l’état d’avancement des travaux, auquel sont subordonnés d’une part, le bénéfice de la garantie d’achèvement et, d’autre part, le montant du prix à reverser lors de la signature de l’acte de vente.
Pour réaliser tant le premier paiement que la stipulation de la date d’achèvement, le notaire doit disposer d’un document fiable, telle qu’une attestation d’avancement rédigée par le maître d”uvre du programme immobilier, ce qui est bien le cas en l’espèce.
Dans l’acte notarié de vente conclu le 27 juin 2005 par la Sci Guzet 2002 Résidence du haut couserans et M. [V], et rédigé par Maître [O] [L], notaire, il est indiqué :
– p. 8 que ‘les biens objet de la présente devront être achevés au sens de l’article R.261-11 du code de la construction et de l’habitation pour être livrés au plus tard le troisième trimestre 2005 pour les bâtiments Papallau, Roc Blanc, Papallau et annexe du Papallau; le troisième trimestre deux mille cinq pour les parkings du bâtiment Le Valier’;
– p. 9 : ‘attestation d’avancement des travaux pour le bâtiment Papallau : d’une attestation délivrée par M. [F] [G] (…) en date du 24 novembre 2004, il résulte que les travaux ont atteint le stade mise hors d’eau pour les bâtiments Roc blanc, Liaison, Papallau et Papallau. Pour le bâtiment Le Valier : ouverture du chantier selon déclaration déposée en mairie le 11 avril 2005″.
Les biens de l’immeuble Papallau ont été livrés aux acquéreurs à la suite de l’établissement d’une attestation de M. [G] indiquant que la construction avait atteint le stade de la livraison le 16 novembre 2005.
S’agissant des mentions des dates d’achèvement et des attestations utilisées, l’acquéreur n’évoque la faute du notaire que relativement au parking.
À ce titre, il a été exigé, s’agissant du parking, conformément au paragraphe relatif au paiement du prix un déblocage des fonds par palier, le paiement de 25% du prix de vente pour cause de paiement de 20% à la régularisation de l’acte authentique en sus de 5% à la réservation et conformément au fait que l’ouverture de chantier a été déclarée en mairie le 11 avril 2005, soit 2 mois avant la signature de l’acte authentique de vente.
Il ne peut donc être reproché au notaire de ne pas avoir demandé au promoteur de produire un document d’avancement du chantier plus récent.
L’achèvement du parking était prévu au troisième trimestre 2005, et donc au plus tard le 30 septembre 2005, soit 3 mois après la conclusion de l’acte de vente.
Il ressort du réglement de copropriété déposé au rang des minutes de Maître [O] [L] que les parkings du bâtiment le Valier devaient se situer en sous-sol et allaient donc être construits en premier lieu et lors de la construction des fondations.
Le notaire pouvait donc estimer que l’achèvement des parkings du bâtiment Le Valier sous trois mois, à tout le moins dans leur structure, était vraisemblable.
Aucune faute ne saurait donc être retenue à l’encontre du notaire s’agissant de la date d’achèvement des parkings mentionnée à l’acte.
M. [V] ne démontre aucune faute imputable à la Sarl [L] en lien avec les préjudices qu’il allègue avoir subi. Sa demande d’engagement de la responsabilité du notaire doit en conséquence être rejetée.
– Sur les dépens et frais irrépétibles :
4. M. [V], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamné aux dépens d’appel.
Il convient de confirmer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse qui a condamné M. [V] aux dépens de première instance.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties qui les ont exposés, les frais non compris dans les dépens.
Elles seront déboutées de leur demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse.
Et y ajoutant,
Condamne M. [P] [V] aux dépens d’appel.
Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX
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