Responsabilité du Notaire : 16 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06111

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Responsabilité du Notaire : 16 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06111
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06111 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNAO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 février 2021 – Tribunal judiciaire de Melun RG n° 19/00440

APPELANTE

Madame [P] [O] née le 08 Mars 1967 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée et assistée de Me Domitille GERNIGON, avocat au barreau de MELUN

INTIMES

Monsieur [A] [K] né le 15 Juin 1960 à Lisbonne (Portugal)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté et assistée de Me Isabelle DE BOURBON-BUSSET DE BOISANGER de la SELARL BOURBON- BUSSET – BOISANGER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

Madame [T] [H] épouse [K] née le 24 Juillet 1958 à [Localité 11] (77)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée et assistée de Me Isabelle DE BOURBON-BUSSET DE BOISANGER de la SELARL BOURBON- BUSSET – BOISANGER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

S.E.L.A.S. [R] [G], [M] [N], [B] [I] et [W] [D], notaires associés, immatriculée au RCS de Melun sous le numéro 313 028 367, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè,

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée et assistée de Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090 substituée par Me Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : E379

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, immatriculée au RCS Le Mans sous le numéro 775 652 126, agissant poursuites et diligences prise en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualitè audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090 substituée par Me Gérard SALLABERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : E379

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Claude CRETON, Président de chambre

Corinne JACQUEMIN, conseillère

Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Claude CRETON, Président de chambre, et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d’un acte authentique du 31 août 2009 reçu par Maître [J] [Z] [E], notaire au sein de la société civile professionnelle dénommée [F] [G] [F] [Y] et [J] [Z] [E] , Monsieur [A] [K] et son épouse Madame [T] [H] ont acquis de Madame [P] [O] une maison située [Adresse 2]).

La SELAS [G] [N] [I] Alliaire vient désormais aux droits de la société civile professionnelle dénommée ‘[F] [G] [F] [Y] et [J] [Z] [E]’ au sein de laquelle officiait Maître [J] [Z] [E].

Au mois de janvier 2017, l’alimentation en eau de leur maison a été coupée.

Faisant valoir que des travaux d’installation d’une alimentation en eau indépendante n’ont pas été réalisés par Mme [O] et qu’elle avait commis une réticence dolosive en n’informant pas les acquéreurs de ce point lors de la vente, M. et Mme [K] l’ont fait assigner ainsi que la SCP de notaires [F] [Y], [C] [U], [R] [G], [M] [N] et la compagnie d’assurances MMA IARD Assurances Mutuelles, par actes d’huissier de justice des 6 et 8 février 2019, aux fins de les voir condamnés solidairement au paiement des travaux de mise en conformité et en indemnisation de leurs préjudices moral et de jouissance.

Par jugement rendu le 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Melun a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir,

– condamné in solidum Madame [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. et Mme [K] les sommes de :

– 34791,60 € au titre des travaux,

– 10000 € au titre du trouble de jouissance,

– 5000 € au titre du préjudice moral,

– outre les intérêts au taux légal à partir de l’assignation du 8 février 2019,

– 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que dans les rapports entre eux, Mme [O] sera tenue à hauteur de 70 % des condamnations prononcées et la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à hauteur de 30% condamnations prononcées,

– condamné solidairement Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens qui seront recouvrés par la SELARL Bourbon conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté les parties de leur demandes plus amples ou contraires.

Pour juger ainsi le premier juge a retenu que :

– contrairement à ce qu’indique Mme [O], l’alimentation en eau depuis le fonds voisin était autorisée pour une période limitée à cinq années et ne résultait pas d’une servitude conventionnelle de puisage ;

– la réticence dolosive est établie dès lors qu’aucune mention relative à l’approvisionnement en eau de la maison n’est inscrite dans l’acte ;

– retenu en application des dispositions de l’article 1240 du Code civil que le notaire tenu d’une obligation particulière de conseil et d’information, a également une obligation de contrôle que l’efficacité de l’acte impose dès lors qu’ il a été en mesure d’accéder aux connaissances en cause ;

– la faute de l’étude de notaire qui a concouru au dommage est moindre et la responsabilité de Mme [O] est fixée à 70 % du dommage.

Mme [O] a interjeté appel de cette décision le 31 mars 2021 sauf en sa disposition qui rejette la fin de non-recevoir.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 24 janvier 2023 , Mme [O] demande à la cour d’infirmer les dispositions du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun du 16 février 2021 suivantes :

– sa condamnation in solidum avec la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. et Mme [K] les sommes de :

* 34 791,60 € au titre des travaux,

* 10 000 € au titre du trouble de jouissance,

* 5 000 € au titre du préjudice moral,

* outre les intérêts au taux légal à partir de l’assignation du 8 février 2019,

* 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la répartition des condamnations prononcées, pour elle à 70 % ;

– sa condamnation solidaire aux dépens la SELAS [G] [N] [I] [D] la SELAS et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens.

L’appelante conteste avoir commis un dol, expliquant que M. et Mme [K] ont visité les lieux et qu’elle leur a donné toutes les informations, dont celles relatives à l’alimentation en eau qui s’effectuait à partir du fonds voisin, situé de l’autre côté de la route nationale ; elle précise que l’absence de raccordement d’eau direct était visible puisqu’il n’y avait pas de compteur ; qu’à aucun moment la commune de [Localité 12] n’a envisagé et n’envisage toujours pas de desservir en eau la propriété qui est très éloignée du réseau existant.

Elle fait également valoir qu’elle était titulaire de la création, par destination du père de famille, d’une servitude de puisage et que seul le refus de M. et Mme [K] de signer la convention de servitude, proposée par le notaire, avec l’intervention de la commune de [Localité 12], a conduit à l’interruption de l’alimentation en eau, en novembre 2017, soit après 15 années, avec deux propriétaires successifs.

Mme [O] ajoute que le tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences du fait que tous les actes ont été signés dans la même étude notariale de 1992 à 2014, par le même notaire, Maître [J] [Z], seul responsable de la situation avec M. et Mme [K].

Par conclusions du 3 avril 2023, M. et Mme [K] requièrent de la cour, au visa des articles 1137, 1138 et 1240 du Code civil et de l’article L 124-3 du code des assurances, d’infirmer le jugement déféré sur le quantum des condamnations prononcées et, statuant à

nouveau de ces chefs :

– condamner in solidum Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à leur verser les sommes de :

* 36,967,80 € TTC au titre des travaux nécessaires à l’habitabilité de leur maison,

* 75.000 € au titre de leur préjudice de jouissance, à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir,

* 20.000 € au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral et psychologique ;

ou à titre subsidiaire :

* 36,967,80 € TTC au titre des travaux nécessaires à l’habitabilité de leur maison,

* 37.500 € au titre de leur préjudice de jouissance, à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir,

* 20.000 € au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral et psychologique ;

– dire que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de

l’assignation ;

– ordonner l’anatocisme ;

– débouter Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles de toutes demandes, fins ou prétentions contraires ;

À titre infiniment subsidiaire :

confirmer purement et simplement le jugement déféré ;

En tout état de cause :

– condamner solidairement Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à leur verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Bourbon Busset Boisanger.

Les intimés, également appelants incidents sur le montant des sommes allouées, font valoir que :

– ils ont été victimes d’un dol dès lors que Mme [O] a délibérément omis de les informer de ce qu’elle n’avait pas fait réaliser les travaux de mise en conformité de l’alimentation de la maison en eau lorsqu’elle l’avait acquise en 1992 ;

– ils sont attachés à la maison acquise et ne souhaitent pas obtenir de résolution de la vente mais entendent obtenir la réparation intégrale de leur préjudice.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 4 avril 2022, la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles forment également appel incident et prient la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SCP notariale et l’a condamné avec la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à supporter 30 % des préjudices subies par les époux [K] ;

Ils demandent de débouter M. et Mme [K] de leur appel incident et, statuant à nouveau, debouter Mme [O] de son appel en garantie et de condamner tout succombant en tous les dépens.

Ils font valoir que Maître [J] [Z] [E] ne pouvait imaginer que :

* douze ans après la date butoir prévue à son acte, Mme [O] n’avait toujours pas réalisé les travaux de raccordement de la maison en eau ;

* Mme [O] procéderait à la vente du bien sans avertir les acquéreurs et le notaire de ladite difficulté ;

* lesdits travaux s’analysent en une réduction de prix qui ne constitue pas, en vertu d’une jurisprudence constante, un préjudice indemnisable par le notaire.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

Sur la responsabilité de Mme [O]

L’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que ‘le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son contractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter’.

Ainsi le vendeur, tenu à un devoir général de loyauté, ne peut dissimuler à son cocontractant un fait dont il avait connaissance et qui aurait empêché l’acquéreur, s’il l’avait connu, de contracter aux conditions prévues.

L’acte authentique de vente du 9 mars 1992 entre la société Établissements [L], venderesse et Mme [O] et son mari, acquéreurs, prévoyait expressément ce qui suit :

« Aux termes de la promesse de vente intervenue entre les parties en date du 20 décembre

1991, suivant acte reçu par Me [F] [Y] sus-nommé, il a été stipulé ce qui suit littéralement rapporté, dispositions auxquelles les parties entendent se référer entièrement et sans réserve :

Le promettant déclare que cette propriété est actuellement alimentée en électricité et en eau par une canalisation souterraine traversant la Route Nationale.

Cette canalisation est elle-même alimentée par la propriété industrielle appartenant à la société « ETABLISSEMENTS [L] » et sise de l’autre côté de la Route Nationale.

Le promettant s’engage à autoriser le « bénéficiaire » à maintenir cette situation pendant un délai limité à cinq ans à compter du jour de la régularisation de l’acte de vente en ce qui concerne l’alimentation en eau, le promettant ne sera aucunement responsable en cas d’assèchement ou de pollution du puits. En ce qui concerne l’électricité, le bénéficiaire devra se brancher au réseau EDF. A l’expiration de ce délai, « le bénéficiaire » devra avoir fait le nécessaire pour avoir alimenté sa propriété en eau.» (pièce n ° 4 du dossier de M. et Mme [K]).

Il est constant que ces travaux n’ont pas été réalisés.

Mme [O] ne justifie par aucune pièce avoir informé M. et Mme [K] de ce que l’alimentation en eau potable de leur maison était soumise au seul bon vouloir de la société Établissements [L], dès lors que le délai de cinq ans qui lui était imparti était expiré.

De plus, l’appelante ne peut utilement faire valoir qu’il était annexé à l’acte une demande de certificat d’urbanisme en date du 29 mai 2009, signée par la SCP notarialesur laquelle est cochée la case « non » pour la question « le terrain est-il desservi par eau potable ‘» ; dès lors que d’une part, dans l’acte, s’il est bien précisé qu’il n’existe pas de raccordement à l’assainissement collectif ni d’installation de gaz, aucune mention relative à l’approvisionnement en eau n’est inscrite, permettant aux acquéreurs d’avoir connaissance de la situation, laquelle d’autre part, devait être explicité quant à l’accord temporaire donné par le propriétaire du fonds voisin.

Les acquéreurs établissent qu’ils ont été confrontés à la difficulté lors de la vente du fonds par la société Établissements [L] à la SCI MANUCAR 3 qui n’a pas accepté de maintenir le système précédent et a également refusé tout accord avec M. et Mme [K] pour établir une servitude conventionnelle ( courriers pièces n° 5 et 17 du dossier de M. et Mme [K]).

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le tribunal a retenu l’existence d’une réticence dolosive de Mme [O] .

S’agissant de l’alimentation en eau courante du pavillon vendu à usage d’habitation, c’est-à-dire de l’habitabilité même du bien, il apparaît que ladite réticence dolosive portait sur une qualité essentielle du bien vendu dont la dissimilation était de nature à influer sur le consentement des acquéreurs qui destinaient le bien à leur habitation personnelle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce chef.

Sur la responsabilité du notaire et la garantie de son assureur

Il résulte de l’article 1382 du Code civil, devenu 1240 du même code, que seul ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute imputée au notaire qui est tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il instrumente.

A ce titre, le notaire est tenu d’une obligation particulière d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; qu’il doit s’assurer que les parties ont pleinement conscience des conséquences des actes qu’elles sont sur le point de réaliser.

En l’espèce, Maître [J] [Z] [E] est l’auteur de l’acte de vente du 9 mars 1992 dans lequel il a pris soin de rappeler la particularité relative à l’approvisionnement de la maison en eau et a rédigé la clause par laquelle Mme [O] et, à l’époque, son époux, devaient avoir effectué les travaux pour alimenter la maison en eau dans les cinq ans de leur acquisition.

Toutefois, bien qu’ayant régulièrement visé dans l’acte du 31 août 2009, l’acte translatif de propriété précédent pour rédiger la nouvelle cession avec M. et Mme [K], le notaire a cependant annexé une demande de certificat d’urbanisme du 29 mai 2009, sur laquelle est cochée la case « non » pour la question « le terrain est-il desservi par eau potable ‘ », sans interroger Mme [O] sur cette situation et notamment sur l’absence de réalisation des travaux mis à sa charge en 1992.

Le notaire a donc manqué par cette omission à son obligation de vigilance sur un point important de la vente et par voie de conséquence d’information des acquéreurs sur le problème de l’alimentation de la maison en eau qui n’était pas pérenne et donc non conforme à ce qui avait été prévu dans l’acte précédent passé dans la même étude.

Cette faute délictuelle est ainsi en lien direct avec le préjudice subi par M. et Mme [K], notamment matérialisé par des coûts non prévus pour la réalisation des travaux nécessaires, et ce, même si le notaire n’avait pas pris part au dol.

Les fautes conjuguées de Mme [O] et du notaire ayant concouru au même dommage, le jugement entrepris est par conséquent confirmé en ce que la SELAS [G] [N] [I] [D] a été condamnée in solidum avec Mme [O] à réparer le préjudice de M. et Mme [K].

La compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles dont la garantie n’est pas contestée est condamnée solidairement avec la SELAS [G] [N] [I] [D] au paiement de la totalité des sommes qui seront mises à sa charge au profit de M. et Mme [K] qui disposent d’une action directe contre l’assureur de responsabilité civile.

Sur les responsabilités des défendeurs entre eux

Le juge, saisi des recours réciproques entre codébiteurs in solidum, a l’obligation de déterminer, dans leurs rapports entre eux, la contribution de chacun dans la réparation du dommage.

Il ressort des faits de la cause que la faute de l’étude de notaire a concouru au dommage dans la même mesure que la réticence dolosive de Mme [O] à l’égard des acquéreurs de sorte que le partage de responsabilité doit être fixé à 50 % pour chacun d’entre eux.

Il y a donc lieu de réformer le jugement sur ce point le partage de responsabilité devant s’effectuer de la manière fixée ci-dessus et, ajoutant, de débouter Mme [O] de sa demande en garantie de la SELAS [G] [N] [I] Alliaire qu’elle présentait en cause d’appel à hauteur de 90 %.

Sur l’évaluation du préjudice

S’agissant du préjudice matériel,

Sont versés aux débats par M. et Mme [K] les deux devis présentés en première instance pour une somme totale de 34.791,60 € TTC, concernant pour l’un la réalisation d’un forage d’une profondeur de 65 mètres et, pour le second devis, l’installation d’un système de pompage (pièces n°11 et 12 du dossier de M. et Mme [K] : devis de la SARL LE POTIER MARCEL), soit au total un montant de 34.791,60 € TTC, actualisé à la somme de 36,967,80 € TTC (pièce 32).

Si Mme [O] verse en cause d’appel un devis de la société DONEDDU pour un coût moindre (pièce n°30 : devis forage du 6/3/2021) , d’une part, il n’est pas détaillé poste par poste et, d’autre part, l’appelante ne justifie pas que la société qui l’a établi s’est bien rendue sur place et a pris connaissance des réalités techniques et géographiques des lieux.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré sur le montant de dommages et intérêts alloués au titre du préjudice matériel sauf à l’actualiser à la somme de

36 967,80 € TTC.

S’agissant du préjudice de jouissance,

M. et Mme [K] font valoir que la somme allouée de 10.000 € est très faible dès lors que cela fait plus de 6 ans, au jour des plaidoiries en appel, qu’ils ne peuvent pas jouir de leur bien qui est leur résidence secondaire peu éloigné de leur domicile situé en zone urbaine, c’est-à-dire :

– ni en profiter eux-mêmes comme maison de vacances,

– ni la prêter à la famille ou aux amis,

– ni en faire profiter leurs enfants et petits-enfants,

– ni en tirer un quelconque revenu locatif, qu’il s’agisse d’une location de longue durée

ou de locations saisonnières.

Il est exact que la maison est inhabitable du fait de l’absence d’alimentation en eau.

Compte tenu du temps écoulé depuis la survenue du trouble lié au caractère inhabitable du fait de l’absence d’alimentation en eau, le jugement dont appel mérite infirmation sur le montant des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice de jouissance.

Il convient d’allouer à M. et Mme [K] la somme de 20 000 euros.

S’agissant du préjudice moral,

Il est certain que pendant six ans, M. et Mme [K] ont subi les troubles et tracas liés à la procédure judiciaire. Ils n’ont pu continuer à profiter de leur résidence secondaire. Ils ont ainsi subi un préjudice moral lié au stress attesté médicalement (pièce n° 22 : attestation médicale de traitement anti dépresseur de M. [K] en date du 10/11/2017, pièce n° 28 : certificat de traitement anti-dépresseur du Dr P. du 3 juin 2020).

En considération de ces éléments, il convient de leur allouer la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum alloué.

Sur les intérêts

En application de l’article 1231-7 du Code civil ‘En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.’.

En l’espèce, il y a lieu de dire que les intérêts au taux légal courent à compter du jugement déféré pour les sommes qui y sont portées et à compter du présent arrêt pour les sommes complémentaires.

Par ailleurs, en application de l’article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande, en l’espèce.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles succombant entièrement en cause d’appel, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel et à payer, in solidum , la somme de 5000 € à M. et Mme [K] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Ils seront déboutés de leur propre demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf :

– sur le partage de responsabilité entre Mme [O] et la SELAS [G] [N] [I] Alliaire ,

– à actualiser le préjudice matériel,

– sur le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral ;

Statuant des seuls chefs infirmés :

Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera à hauteur de 50 % entre Mme [O] et la SELAS [G] [N] [I] Alliaire ;

Condamne, in solidum, Mme [P] [O] et la SELAS [G] [N] [I] Alliaire à payer à M. [A] et Mme [T] [K] la somme de 36,967,80 € TTC au titre du préjudice matériel ;

Condamne, in solidum, Mme [P] [O], la SELAS [G] [N] [I] Alliaire et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles dans le cadre de sa garantie due à la SELAS [G] [N] [I] [D], à payer à M. [A] et Mme [T] [K] la somme de 20 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

Condamne, in solidum, Mme [P] [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles dans le cadre de sa garantie due à la SELAS [G] [N] [I] [D], à payer à M. [A] et Mme [T] [K] la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral ;

Y ajoutant :

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré pour les sommes qui y sont portées et à compter du présent arrêt pour les sommes complémentaires ;

Prononce la capitalisation des intérêts ;

Déboute Mme [P] [O] , la SELAS [G] [N] [I] [D] et Mme [O] de sa demande en garantie du notaire, présentée en cause d’appel à hauteur de 90 % ;

Condamne, in solidum, Mme [P] [O] , la SELAS [G] [N] [I] [D] et la condamne in solidum Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [A] et Mme [T] [K] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [O], la SELAS [G] [N] [I] [D] et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d’appel.

dont distraction au profit de la SELARL Bourbon Busset Boisanger 

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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