Responsabilité du Notaire : 16 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03139

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Responsabilité du Notaire : 16 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/03139
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2024

N° 2024/ 14

Rôle N° RG 20/03139 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVY4

[Z] [A]

C/

Mutuelle UNION MUTUALISTE MF PRECAUTION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Hubert ROUSSEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 23 Janvier 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/02795.

APPELANT

Maître [Z] [A] Notaire, membre de la SCP [A]-JOASSIN

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidanrt Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Stefano CARNAZZA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

MF PRECAUTION UNION MUTUALISTE,

demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]/FRANCE

représentée par Me Hubert ROUSSEL de l’ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Novembre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme DE BECHILLON, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant compromis de vente sous-seing-privé en date des 1er et 15 novembre 2012, les époux [G] se sont engagés à vendre à M.[W] [K] et Mme [T] [S] un pavillon sis” [Adresse 6]” à [Localité 8], moyennant le prix de 358 000 euros, sous diverses conditions suspensives, dont l’obtention par les acquéreurs d’un ou plusieurs prêts bancaires, l’acte mentionnant que l’acquisition serait financée sans aucun apport personnel des acquéreurs.

Les consorts [K] / [S] ont sollicité et obtenu deux prêts bancaires de deux banques différentes, pour financer cette acquisition. Le premier était consenti par la Banque Populaire de l’Ouest, suivant offre de prêt sous-seing-privé , acceptée le 18 mai 2013, d’un montant de 295 820 euros, consenti sans inscription hypothécaire mais garanti en totalité par le cautionnement sous seing-privé de la MFPrécaution.

Le second l’était par le Crédit Coopératif, par acte authentique du 17 juin 2013, dressé par Me [A], notaire à [Localité 5], d’un montant de 280 000 euros.

Les deux banques ont viré le montant des prêts, le même jour, le 17 juin 2013, en l’étude de Me [A], notaire chargé de la réitération de la vente en la forme authentique.

Par acte authentique en date du 21 juin 2013 , dressé en double minute par Me [V], notaire à [Localité 7], en concours avec Me [A], notaire à [Localité 5], les consorts [K] / [S] ont fait l’acquisition de la maison sise à Montsurs, objet du compromis de vente de novembre 2012, au prix de 358 000 euros, stipulé payé à hauteur de 78 000 euros de leurs deniers personnels, et pour le surplus de 280 000 euros, au moyen du prêt consenti à cet effet par le Crédit Coopératif, par acte reçu par Me [A], le 17 juin 2013.

Le relevé de compte de l’étude notariale fait apparaître que Me [A] a versé le 18 juin 2013, la somme de 396 583 euros à la Scp [V], notaire chargé de la rédaction de la vente en concours avec lui, et le 24 juin 2013, le trop perçu de 177 271,04 euros aux consorts [K] / [S].

En raison de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement du prêt contracté auprès de la Banque Populaire de l’Ouest, la MFPrécaution a dû, en vertu de son cautionnement, régler à cette banque la somme de 280 981 euros, dont la banque lui a délivré quittance subrogative, le 7 juillet 2015.

À la découverte d’un double financement de l’acquisition, des poursuites pénales ont été engagées à l’encontre des consorts [K] / [S], et par jugement du 24 mars 2016, le tribunal correctionnel de Laval a, notamment déclaré M.[W] [K] coupable, d’escroquerie au préjudice de la Banque Populaire de l’Ouest et de MFPrécaution, ainsi que de plusieurs autres établissements bancaires, et Mme [T] [S] coupable de recel de biens obtenus à l’aide d’une escroquerie et les a condamnés respectivement à 4 ans d’emprisonnement avec mandat d’arrêt, et à 12 mois d’emprisonnement avec sursis.

Il a en outre déclaré recevables les constitutions des diverses parties civiles et condamné solidairement M.[W] [K] et Mme [T] [S] à verser à MFPrécaution, la somme de 280 981 euros, en réparation de son préjudice.

Les démarches et diligences entreprises par la MFPrécaution pour tenter d’exécuter cette décision et recouvrer sa créance à l’encontre des consorts [K]/[S] sont demeurées vaines, l’état hypothécaire ayant révélé l’inscription d’un privilège de prêteur de deniers au profit du Crédit Coopératif, le 21 juin 2013, pour un montant principal de 280 000 euros et les débiteurs étant insolvables.

Plusieurs tentatives de règlement amiable du litige avec Me [A] étant restées infructueuses, la MFPrécaution, celle-ci a fait attraire Me [A] devant le tribunal judiciaire de Nice, en responsabilité civile professionnelle et indemnisation de son préjudice.

Par jugement en date du 23 janvier 2020, ce tribunal a :

– dit que Me [A], notaire, a engagé sa responsabilité professionnelle en prêtant son concours à un double financement frauduleux d’une même opération immobilière,

– condamné, en conséquence, Me [A] à payer à l’Union Mutualiste MFPrécaution, subrogée dans les droits de la Banque Populaire de l’Ouest:

– la somme de 177 271,04 euros (cent soixante-dix-sept mille deux cent soixante et onze euros et quatre centimes) ,à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– et celle de 2 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamné Me [A] aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré en substance que Me [A] avait commis une faute à l’égard de la Banque Populaire de l’Ouest en prêtant son concours à un double financement frauduleux d’une même opération immobilière et en se dessaisissant de l’excédent des fonds entre les mains des acquéreurs, celui-ci ne pouvant ignorer que le double financement excédait largement le montant du prix de vente.

Le tribunal a par ailleurs estimé que le préjudice subi devait être évalué à la somme de 177 271,04 euros, restituée aux consorts [K]/[S], alors qu’elle était destinée au règlement du prix de vente.

Par déclaration en date du 28 février 2020, Me [A] a interjeté appel de cette décision en toutes les dispositions le condamnant et le déboutant.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées par voie électronique en date du 2 novembre 2020, Me [Z] [A] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu des manquements à son encontre lors des actes qu’il a instrumentés les 17 et 21 juin 2013 ;

– dire et juger qu’il n’a pas commis de faute relativement à un crédit souscrit en application des articles L 312-1et suivants du Code de la Consommation directement par les consorts [K]/[S] auprès de la Banque Populaire de l’Ouest, qui n’a pas été négocié, ni authentifié par lui, et dont les conditions d’octroi et de délivrance des fonds ont été effectués avec une grande légèreté, sans contrôle de la réalisation des conditions aptes à déclencher cette délivrance,

– dire et juger que le préjudice invoqué par la MFPrécaution provient exclusivement de la légèreté de la Banque Populaire de l’Ouest dans la délivrance du prêt, qu’il n’avait pas à vérifier,

– dire et juger qu’il n’a pas commis de manquement tenant à prêter son concours à un double financement, n’ayant participé en aucune manière au prêt de la Banque Populaire de l’Ouest et n’ayant pas eu à en vérifier les conditions,

– dire et juger qu’il n’a pas commis de manquement en restituant le surplus des fonds apportés par les acquéreurs, fussent-ils obtenus par un prêt à la consommation souscrit directement par eux, à ces derniers qui en étaient propriétaires pour en avoir reçu la délivrance par la banque au titre d’un contrat de prêt définitif,

– dire et juger que la MFPrécaution est fautive d’avoir fourni un cautionnement pour un crédit accordé et délivré par la Banque Populaire de l’Ouest sans contrôle sérieux et d’avoir réglé la créance de la banque en exécution dudit cautionnement sans aucun contrôle, en juillet 2015, soit plus de deux ans après le premier impayé de la part des emprunteurs, à une date à laquelle l’ action en paiement de la banque contre ces derniers était vraisemblablement prescrite,

– débouter la MFPrécaution de son action et de ses demandes contre lui,

Subsidiairement,

– dire et juger que les manquements reprochés lors des actes instrumentés les 17 et 21 juin 2013 sont sans lien causal direct avec le préjudice invoqué par la MFPrécaution, qui a pour seule origine les conditions dans lesquelles la Banque Populaire de l’Ouest a apprécié le dossier de crédit et la solvabilité des emprunteurs, le fait qu’elle n’ait pas garanti son concours par une inscription de sureté sur le bien acquis, le fait qu’elle ait délivré les fonds sans vérifier les conditions contractuelles prévues, le fait qu’elle soit restée inactive dans le recouvrement du prêt avant 2016, et le fait que les emprunteurs soient à présent insolvables, autant d’éléments qui échappent au contrôle du notaire et dont il n’a pas à répondre,

– Débouter en conséquence la MFPrécaution de toutes ses demandes contre lui,

Très subsidiairement,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le préjudice ne pouvait être équivalent au montant résiduel de la créance de 280.981 euros cautionnée par la MFPrécaution mais devait être limité au seul montant restitué par le notaire et en ce qu’il a exclu de la réparation l’indemnité article 475-1 allouée par le Tribunal correctionnel et les frais d’exécution forcée,

– débouter la MFPrécaution deson appel incident de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la MFPrécaution à lui régler une somme de 4000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Me [A] expose ne pas être intervenu dans les négociations de souscription de crédit entre les acquéreurs et les établissements bancaires. Il relève, à l’inverse, que la Banque populaire, soumise à une obligation de renseignement sur les capacités financières doit être alertée par des anomalies grossières ou des informations manifestement inexactes.

Il estime que la banque a donc commis une faute en ne vérifiant pas que les emprunteurs disposaient de l’apport personnel de 100 000 euros déclaré dans leur demande de crédit, alors que le compromis de vente ne mentionnait aucun apport personnel et contrairement aux stipulations prévoyant que les emprunteurs s’engageaient à justifier de cet apport.

Il ajoute qu’il s’agit d’un prêt ‘habitat’ destiné au financement de travaux sur le bien, et qu’en dépit des stipulations contractuelles, les emprunteurs n’ont remis aucune facture de travaux et que les fonds ont été versés au notaire alors qu’il n’était pas chargé de réitérer ce contrat de prêt.

Enfin, l’appelant ajoute que la Banque populaire n’a assorti ce concours d’aucune garantie hypothécaire, ce dont il déduit que le préjudice invoqué par la MFPrécaution a pour seule origine la légèreté dont a fait preuve la Banque Populaire dans la délivrance des fonds, considérant donc que la faute de la victime constitue une cause exonératoire de l’engagement de sa propre responsabilité civile.

A titre subsidiaire, rappelant qu’il n’a pas été chargé de réitérer par acte authentique ce prêt accordé sous seing privé, il estime n’avoir été tenu d’aucune obligation à l’égard de la MFP, tiers à l’acte passé par lui

Il ajoute que c’est la délivrance des fonds par la Banque populaire qui constitue le double financement reproché, alors qu’il n’y a pas participé, et rappelle qu’il n’avait pas à préciser, dans l’acte authentique, que la somme de 78 000 euros d’apport personnel était financée au moyen d’un prêt.

Me [A] ajoute que la condamnation des emprunteurs par le tribunal correctionnel de Laval est fondée sur la production de pièces falsifiées et non un financement frauduleux.

Enfin, il expose que le lien de causalité fait défaut, la MFPrécaution ayant été contrainte de régler les sommes empruntées alors que les emprunteurs n’ont jamais été actionnés en paiement, relevant que la caution a été activée par la Banque populaire alors que la créance était prescrite.

Enfin, il sollicite le rejet de l’appel incident formé par la BFM.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées par voie électronique en date du 7 décembre 2020, MFPrécaution union mutualiste demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le principe de la responsabilité de Me [A],

– débouter ce dernier des mérites de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger qu’en mentant sur l’origine des fonds et en détournant les fonds de la BPO de leur destination, le notaire commet une faute engageant sa responsabilité,

– dire et juger qu’il n’est pas établi que la BPO ait elle-même engagé sa responsabilité en octroyant le crédit et rejeter de ce fait les demandes du notaire visant à amoindrir sa responsabilité du fait de soi-disant fautes de la banque,

– dire et juger que le lien de causalité est direct et certain entre la faute du notaire et le préjudice subi par la demanderesse,

– dire et juger en effet qu’en n’affectant pas les fonds à la vente tout en prenant sans le dire à la BPO un privilège de deniers pour un tiers, le notaire est directement à 1 ‘origine du préjudice, – réformer le jugement en ce qu’il a limité l’indemnisation aux sommes dépassant le prix de vente,

– dire et juger en effet que les fautes du notaire ont permis aux consorts [K]/[S] de réaliser l’escroquerie consistant notamment en un double financement fautif,

– dire etjuger que sans l’action du notaire le prêt n’aurait pas été accordé,

– dire et juger que le préjudice de la concluante venant aux droits de la banque est pleinement établi et correspond à la créance résiduelle augmentée des frais de recouvrement,

– Réformant le jugement dont appel sur le quantum, condamner en conséquence Me [A] à lui payer les sommes de :

– 280 981 euros outre les intérêts légaux depuis le 24/03/2016 etjusqu’à complet paiement,

– 400 euros au titre de la condamnation correctionnelle selon l’article 475-1 du CPC

– 680,54 euros au titre des frais d’exécution

– la condamner à lui payer la somme de 6000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

La MFPrécaution expose qu’elle ne recherche pas la responsabilité du notaire au titre d’un devoir de conseil dont elle admet qu’il n’était pas débiteur à l’égard de la Banque Populaire, mais en raison des fautes commises au préjudice d’un tiers, en prêtant son concours et son nom à un double financement frauduleux.

Elle ajoute que le notaire n’ignorait pas l’existence de deux prêts, puisqu’il a effectué les demandes de déblocage des fonds le même jour aux deux organismes de crédit et précise que de ce fait, il savait parfaitement que la déclaration de l’emprunteur, quant à l’origine des deniers, invoquant la somme de 78 000 euros d’apport personnel et un emprunt de 280 000 euros, était fausse.

En réponse à un moyen adverse, elle expose que le compromis remis à la Banque Populaire ne contenait pas la mention du financement bancaire intégral, laquelle a été apposée postérieurement à la remise de son exemplaire.

Elle conteste toute faute face à la fraude de son adversaire, relevant que la Banque Populaire a versé les fonds à la demande de Me [A], pour la vente et non pour des travaux de rénovation.

Elle estime ainsi la responsabilité du notaire engagée, pour n’avoir pas vérifié que les fonds étaient utilisés conformément à leur destination, et avoir ensuite viré le surplus du prêt à l’acquéreur.

Quant au lien de causalité, la MFPrécaution estime que son préjudice découle directement de la faute du notaire, celui-ci ayant demandé les fonds pour passer la vente, et conteste avoir été actionnée alors que la créance était prescrite.

Enfin, la MFPrécaution conteste le raisonnement du tribunal quant à l’évaluation de son préjudice, estimant que la faute commise doit entraîner la résolution du contrat de prêt, et indiquant que si le notaire n’avait pas commis de faute, la banque n’aurait pas libéré les fonds et la caution n’aurait rien eu à prendre en charge.

MOTIFS

Sur le droit à indemnisation

La responsabilité civile délictuelle du notaire, pour être engagée à l’égard d’un tiers, suppose la triple démonstration d’une faute commise dans l’exercice de sa mission, d’un préjudice directement causé par ce manquement.

Au cas d’espèce, Me [A], notaire des consorts [K]/[S], qui était en concours avec un autre confrère pour l’acte de vente du bien immobilier, a établi l’acte authentique de prêt du Crédit Coopératif le 17 juin 2013, après avoir sollicité cet établissement ainsi que la Banque Populaire de l’Ouest par courrier du 6 juin 2013, pour que les deux organismes bancaires débloquent les fonds en vue de la vente sur le compte de son étude.

Le notaire était donc parfaitement informé de l’existence de deux prêts pour financer un même bien immobilier, dont le montant global excédait largement le prix. Aucun élément versé au dossier ne démontre que le prêt objet du présent litige était destiné à des travaux de réfection du bien et à l’inverse, la rédaction du courrier du 6 juin 2013, identique pour les deux établissements bancaires, indique que le déblocage des fonds a pour but la réitération de l’acte authentique.

En outre, ledit acte, co-rédigé par Me [A], indique au titre de la déclaration d’origine des deniers (rédigée par le notaire appelant) que le paiement a été fait à concurrence de 78 000 euros par apport personnel des acquéreurs et 280 000 euros par le prêt consenti par le Crédit Coopératif.

Le notaire a donc omis de mentionner le crédit de la Banque Populaire de l’Ouest, dont il avait pourtant sollicité le déblocage par le courrier susmentionné.

La MFPrécaution justifie par ailleurs avoir reçu un exemplaire du compromis de vente ne contenant pas mention d’un plan de financement pour la somme totale de l’acquisition, de sorte qu’il ne peut lui être reprochée de ne pas avoir prêté attention au double financement envisagé.

Le contenu du courrier adressé par Me [A], sollicitant les fonds en vue de passer la vente,exclut toute légèreté blâmable de la part de la Banque Populaire qui, en outre, n’avait en main qu’un compromis de vente non conforme à la réalité du financement envisagé, et par ailleurs, n’avait pas connaissance de l’existence d’un prêt concurrent.

Il appartenait au notaire, officier ministériel, chargé d’assurer l’efficacité, la sécurité et la légalité des actes passés, de rédiger une déclaration d’origine des deniers conforme à la réalité du financement.

Or, par sa légèreté, Me [A] a permis un double financement de cette acquisition, avant de restituer une partie du prêt aux acquéreurs.

Ces faits doivent être qualifiés de fautifs.

Ces manquements commis par Me [A] sont de telle ampleur qu’ils doivent conduire à écarter toute légèreté ou erreur commise par l’organisme bancaire dans l’attribution de ce prêt. En effet, aucun élément ne lui permettait d’avoir connaissance du double financement, et donc de l’existence d’une garantie hypothécaire sur le bien par un autre organisme à l’occasion de la vente.

Il est en outre justifié par l’intimée que la dette n’était pas prescrite lorsque MFPrécaution l’a réglée à la Banque populaire, la déchéance du terme ayant été prononcée le 28 janvier 2015, de sorte qu’il convient encore d’écarter la faute de Mfprécaution de ce chef.

Il est donc établi qu’en l’absence de tels manquements de la part du notaire, si la Banque Populaire avait eu connaissance de l’existence concomitante d’un autre prêt, celle-ci n’aurait pas accordé son prêt aux consorts [K]/[S], de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité son évaluation du préjudice au montant qui a été reversé par le notaire aux acquéreurs, considérant pour le surplus que l’affectation des fonds était conforme aux prévisions contractuelles.

En effet, comme indiqué plus avant, l’intégralité de la transaction aurait été annulée si la Banque Populaire de l’Ouest avait eu connaissance de la réalité du financement et donc de la fraude opérée.

Il convient donc de condamner Me [A] à régler à la MFPrécaution la somme de 280 981 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020, date du jugement de première instance, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

En revanche, c’est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale, Me [A] n’ayant pas été attrait devant la juridiction correctionnelle de Laval, ainsi que le remboursement des frais d’exécution restés infructueux à l’encontre des acquéreurs, en l’absence de lien direct avec les manquements retenus à l’encontre du notaire.

Sur les frais du procès

Succombant Me [A] sera condamné aux entiers dépens de l’instance.

Il sera par ailleurs condamné à régler la somme de 3 000 euros à MFPrécaution Union Mutualiste en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour à l’exception de la disposition condamnant Me [A] à régler à l’Union Mutualiste MFPrécaution, subrogée dans les droits de la Banque Populaire de l’Ouest, la somme de 177 271,04 euros ;

Statuant à nouveau,

Condamne Me [A] à payer à l’Union Mutualiste MFPrécaution, subrogée dans les droits de la Banque Populaire de l’Ouest, la somme de 280 981 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2020 ;

Y ajoutant,

Condamne Me [A] aux entiers dépens de l’instance ;

Condamne Me [A] à régler à l’Union Mutualiste MFPrécaution la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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