Responsabilité du Notaire : 14 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/05347

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Responsabilité du Notaire : 14 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/05347
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AFFAIRE :

SARL LE MAWUNA

C/

[G]

[Adresse 5]

AMALVY

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 14 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/05347 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PEFS

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 09 Juin 2021, enregistrée sous le n° G19-16.965 qui casse et annule partiellement l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 21 Février 2019, enregistrée sous le n° 16/21673 statuant sur appel du Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 18 Novembre 2016, enregistrée sous le n° 14/01086

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile ;

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SARL LE MAWUNA représentée en la personne de son gérant Monsieur [K] [D], domicilié es-qualité au dit siège social

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Stéphane GOUIN, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Autre qualité : Appelant devant la première cour d’appel

DEFENDEURS A LA SAISINE

Monsieur [I] [G]

né le 09 Septembre 1947 à [Localité 7] (69)

de nationalité Française

La Bastides des Baux

[Adresse 6]

[Localité 1]

Assigné à étude le 10/09/2021

Autrequalité : Intimé devant la première cour d’appel

Monsieur [O] [V]

né le 24 Juin 1967 à [Localité 3] (13)

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 14]

[Localité 3]

Représenté par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Isabelle BARACHINI-FALLET, avocat au barreau de TARASCON, avocat plaidant

Autre qualité : Intimé devant la première cour d’appel

Maître [E] AMALVY

né le 28 Novembre 1964 à [Localité 4] (84)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion CHOL, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Elvina DEJARDIN, avocatau barreau de MARSEILLE, substituant Me Thomas D’JOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Autre qualité : Intimé devant la première cour d’appel

Ordonnance de clôture du 10 janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 805 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier : Madame Audrey VALERO, Greffière lors des débats

ARRET :

– rendu par défaut ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SARL Ipac, au sein de laquelle [I] [G] et [O] [V] sont associés, exerçait une activité de marchand de biens ; elle a acquis la totalité des parts sociales de la SCI le Campus d'[8], propriétaire d’un terrain à bâtir, situé à [Localité 9], [Adresse 10] [Adresse 10], destiné à la construction d’une résidence étudiante.

MM. [G] et [V] et la société Ipac ont établi une reconnaissance d’honoraires le 23 juillet 2007 au profit de Monsieur [K] [D] au titre de l’opération immobilière le [Adresse 10]-[Localité 9] « pour la somme de : marge brute environ 190 000 euros ‘frais à déduire » (sic).

Le 15 juin 2009, la SARL le Mawuna, dont M. [D] est le gérant et l’unique associé, a établi une facture au nom de la SCI le Campus d'[8] pour la somme de 154 000 euros HT, soit 184 184 euros TTC, portant une mention manuscrite « bon à payer » suivie du cachet de la société Ipac et des signatures de MM. [G] et [V].

Cette facture a été comptabilisée dans le grand livre fournisseur de la SCI le Campus d'[8] dans le compte fournisseur le Mawuna : crédit le 16 juin 2009 : 184 184 euros et débit le 1er novembre 2009 : 34 184 euros avec un solde de 150 000 euros.

Par acte authentique, passé par [E] [X], notaire associé à [Adresse 13], en date du 26 juin 2009, la SCI le Campus d'[8] a vendu à la SNC le Major le terrain à bâtir, situé [Adresse 10] au prix de 1 250 000 euros HT, soit 1 495 000 euros TTC. Le prix devait être payé à concurrence de 800 000 euros au plus tard le 31 août 2009 sans intérêts et à concurrence de 695 000 euros au plus tard le 30 septembre 2009 sans intérêts.

Le 9 novembre 2009, la SCI le Campus d'[8] a autorisé irrévocablement le notaire à prélever sur le solde du prix de vente, détenu entre ses mains pour 395000 euros, les sommes suivantes :

– 34 184 euros pour la société le Mawuna,

– 34 184 euros pour la société Nicolas Immobilier, ayant pour gérant et associé majoritaire M. [V],

– 34 184 euros pour la société la Bastide des baux Immobilier, ayant pour associé majoritaire M. [G],

– 12 892,88 euros et 27 075,05 euros pour la société AT2A, société d’architectes.

Par jugement en date du 15 janvier 2010, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Ipac converti par jugement en date du 7 janvier 2011, en liquidation judiciaire.

La créance de la société le Mawuna a été admise au passif de la société Ipac à hauteur de 150 000 euros à titre chirographaire par un jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 27 mai 2013 au vu d’un rapport d’expertise judiciaire du 26 mars 2012, établi par Monsieur [N], préalablement désigné par ordonnance du juge-commissaire du 16 février 2011.

Les opérations de liquidation judiciaire de la société Ipac ont été clôturées pour insuffisance d’actif par un jugement du 20 septembre 2013.

Par jugement en date du 12 mars 2010, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI le Campus d'[8] et par jugement du 22 avril 2011, les opérations de liquidation judiciaire ont été clôturées pour insuffisance d’actif.

Saisi par acte d’huissier en date du 14 juin 2014 délivré par la société Mawuna afin que la facture rectifiée et l’autorisation irrévocable de versement lui soient déclarés inopposables et que MM. [G] et [V] ainsi que M. [X], notaire, soient condamnés solidairement à lui verser la somme de 150000 euros avec intérêts de droit à compter du 26 novembre 2009, outre 15000 euros au titre du préjudice moral, le tribunal de grande instance de Tarascon a, par jugement du 18 novembre 2016, débouté la société le Mawuna de toutes ses demandes, rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [X], condamné la société le Mawuna à payer 1 500 euros à M. [G] et à M. [V] et 3 000 euros à M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 21 février 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé ce jugement, mais par un arrêt en date du 9 juin 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a partiellement cassé cet arrêt, en ce que confirmant le jugement, il a rejeté les demandes de la société Mawuna et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, aux motifs que

« Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

– Pour rejeter la demande fondée sur l’article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, larrêt retient que la société Mawuna n’ayant pas attrait à la procédure les personnes morales bénéficiaires des virements dont elle poursuivait l’inopposabilité, cette demande ne peut qu’être rejetée par application de l’article 14 du code de procédure civile,

– En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d’appel, la société Mawuna ne demandait pas que lui soient déclarées inopposables les virements effectués au profit des sociétés La Bastide des Baux et Nicolas Immobilier, la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes, a violé le principe susvisé.»

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par la société le Mawuna par déclaration reçue le 30 août 2021.

La société le Mawuna demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, de :

‘- Vu l’article 1240 du Code Civil, vu le principe selon lequel la fraude corrompt tout, vu l’article 1231-7 du Code Civil,

– Accueillir son appel,

– Y faisant droit, infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tarascon du 18 novembre 2016,

– Statuant à nouveau, juger que Messieurs [I] [G], [O] [V] et Maître [E] [X] ont commis des fautes source de préjudice à son égard de nature à engager leur responsabilité extracontractuelle,

– En conséquence, condamner Messieurs [I] [G], [O] [V] et Maître [E] [X], in solidum, à lui porter et payer la somme de 180 000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2009 jusqu’à parfait paiement,

– Condamner Messieurs [I] [G], [O] [V] et Maître [E] [X] in solidum, à lui porter et payer la somme de 19 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouter Monsieur [O] [V] et Maître [E] [X] de toutes leurs demandes (‘) notamment comme étant mal fondées et/ou non démontrées,

– Condamner Messieurs [I] [G], [O] [V] et Maître [E] [X] in solidum, aux entiers dépens tant de première instance que d’appel’.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– M. [D], M. [G] et M. [V] avaient constitué une société Paca Invest, qui devait réaliser l’opération immobilière de la résidence étudiante située [Adresse 10], celle-ci a été dissoute sans que M. [D] n’en soit informé et c’est la société Ipac, dans laquelle il n’est pas associé, qui a réalisé l’opération, la reconnaissance d’honoraires du 23 juillet 2007 visant à le remplir de ses droits,

– M. [G] a lui-même effectué sur une feuille de papier libre le calcul de la marge sur cette opération immobilière, soit 464 828,86 euros, à partager en 3 (=154 942,25 euros arrondie à 154 000 euros),

– la SCI le Campus d'[8] devait lui verser la somme de 184 184 euros, ainsi que le montrent cette répartition des sommes établie par M. [G], la facture qu’elle a émise le 15 juin 2009 et la comptabilité de la SCI, or elle n’a versé que 34 184 euros,

– M. [G] et M. [V] en leur qualité de dirigeants et associés, ont empêché l’exécution de ce paiement en donnant l’ordre au notaire le 9 novembre 2009 de lui verser la somme de 34 184 euros à l’appui de la même facture avec un bon à payer de 34 184 euros, dans le cadre d’un manquement engageant leur responsabilité extra-contractuelle en qualité de tiers-complice,

– elle a subi un préjudice égal à la somme non perçue et un préjudice moral via son gérant, M. [D], qui a souffert d’un syndrome anxieux réactionnel,

– sa demande n’est pas prescrite, car l’action en paiement qu’elle a introduite le 4 juin 2014 avait le même but et a interrompu la prescription,

– le comportement de M. [G] et de M. [V] est également frauduleux, ainsi que l’a retenu la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; la SCI ayant encaissé directement hors la vue du notaire une somme de 300 000 euros lors de la cession du 26 juin 2009, qui a été partagée entre les sociétés la Bastide des baux Immobilier et Nicolas immobilier, et n’ayant donné ordre au notaire de ne payer que la somme de 34 184 euros en dépit du montant du solde suffisant (252 480 euros ) après imputation des autres factures,

– cette fraude, qui a permis à M. [G] et M. [V] d’encaisser indirectement la somme de 307 424 euros (= 150 000 euros + 34 184 euros + 126 500 euros) est constitutive d’une faute et a généré le même préjudice que la responsabilité extra-contractuelle des dirigeants et associés de la SCI,

– le notaire a engagé sa responsabilité sur un fondement délictuel en sa qualité de séquestre,

– elle était une partie intéressée au séquestre, n’ayant pas été payée au sens de l’article 1960 du code civil,

– il était averti d’une difficulté, ayant été destinataire de la facture de juin 2009 et d’un bon à payer d’un montant de 34 184 euros s’agissant de la même facture,

– elle n’a pu former opposition sur le prix de vente, n’ayant pas été informée de l’ordre de paiement du 9 novembre 2009 et l’absence d’opposition sur le paiement du prix n’est pas la cause exclusive de son préjudice,

– les fautes du notaire ont concouru au même préjudice, y compris moral,

– elle n’impute aucune fraude ou collusion frauduleuse au notaire.

Formant appel incident, M. [X] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 16 décembre 2022

‘-vu l’article 1240 du Code civil anciennement 1382 du Code civil, vu l’article 1956 du Code civil,

– Confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2016 (…) en ce qu’il a débouté la société Mawuna de toutes ses demandes (…) à son encontre et l’a condamnée au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dirigée à l’endroit de la société Mawuna, et statuant à nouveau, condamner cette dernière à lui verser la somme de 5000 euros au titre de dommages et intérêts,

– A titre subsidiaire, si contre toute attente et par extraordinaire, la Cour de céans retenait sa responsabilité, condamner in solidum Messieurs [O] [V] et [I] [G] à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son endroit,

– En tout état de cause, condamner la société Mawuna à lui verser une somme de 15000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner la société Mawuna aux entiers dépens d’instance avec distraction.’

Il expose en substance que :

– il est intervenu en qualité de séquestre conventionnel, le liant à la société cédante et la société cessionnaire ; la société le Mawuna est un tiers à la convention,

– le fait de détenir une créance contre la société cédante ne lui confère pas la qualité de partie contractante, ni de cliente,

– le séquestre conventionnel ne peut se départir des fonds au profit d’un tiers qu’avec l’accord du vendeur (auquel le montant séquestré est supposé revenir), débiteur de la créance ou en exécution d’un titre, telle qu’une opposition à paiement (non effectuée), ou une décision de justice,

– il n’a reçu qu’un ordre de paiement à hauteur de 34 184 euros à l’appui d’une facture du 15 juin 2009 de 184 184 euros, il n’a jamais reçu un autre bon à payer pour la somme de 184 184 euros,

– les autres demandes de paiement au profit des sociétés la Bastide des baux Immobilier et Nicolas Immobilier étaient d’un même montant pour des factures également plus élevées,

– la société le Mawuna n’était pas un tiers intéressé au sens de l’article 1960 du code civil, puisqu’il n’avait nullement été informé d’une contestation,

– les versements dénoncés (les 30 juin et 1er juillet) ont eu lieu hors de sa comptabilité, avant le versement de la première partie du prix (le 30 juillet),

– le prix de cession à partager n’était pas de 1 495 000 euros, qui correspond au prix avec la TVA,

– la société le Mawuna n’indique pas si elle a été désintéressée dans la procédure collective de la société Ipac,

– seule la société Ipac, qui n’a pas honoré la facture, ses dirigeants qui lui ont donné l’ordre de payer la somme de 34 184 euros, et la société le Mawuna elle-même, qui n’a pas formé opposition ou sollicité une décision de justice, sont à l’origine d’un préjudice,

– une personne morale ne peut se prévaloir d’un préjudice moral aux lieu et place de son dirigeant,

– les allégations de la société le Mawuna à son encontre ternissent sa réputation.

M. [V] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter la société le Mawuna de toutes ses demandes comme irrecevables et infondées et de la condamner à lui payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 10 000 euros et aux dépens de première instance et d’appel avec distraction.

Il expose en substance que :

– si la créance a bien été admise au passif de la société Ipac, elle ne peut lui être réclamée,

– M. [D] ne produit aucun élément relatif à la société Paca Invest,

– la société le Mawuna a obtenu satisfaction dans le cadre de la procédure collective de la société Ipac, sans jamais avoir soulevé la moindre fraude,

– ni le tribunal, ni la cour ayant précédemment statué, n’ont retenu de fraude et le moyen de cassation pris en sa troisième branche ne visait pas l’existence d’une fraude,

– l’action paulienne doit être dirigée contre le débiteur et le tiers contractant, puisqu’il s’agit pour le créancier d’attaquer les actes faits par le débiteur en fraude de ses droits, alors que ni les sociétés la Bastide des baux Immobilier et Nicolas Immobilier, ni la SCI le Campus d'[8] n’ont été attraites ; les conditions requises pour l’application de l’action paulienne ne sont pas réunies,

– le fondement de la responsabilité délictuelle est nouveau et porte atteinte au principe de concentrations des moyens,

– cette action en responsabilité est prescrite ; l’assignation du 4 juin 2014 n’est pas fondée sur cette responsabilité,

– aucune faute ne peut lui être imputée ; le rapport d’expertise de M. [N] n’en fait pas état, aucune action en comblement de passif n’a eu lieu (la société le Mawuna ne justifie pas avoir sollicité le liquidateur en ce sens),

– la fraude retenue par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix est celle de la société Ipac et non la sienne,

– il n’était ni gérant, ni cogérant des sociétés Ipac et Campus d'[8],

– les remboursements des sociétés la Bastide des baux Immobilier et Nicolas Immobilier étaient fondés,

– il n’a pas bénéficié de sommes.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à bref délai à l’audience dans les conditions de l’article 905 du code de procédure civile, conformément à l’article 1037-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 891-2017 du 6 mai 2017.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 10 janvier 2023.

M. [G], destinataire, par acte d’huissier en date du 10 septembre 2021 déposé à l’étude, de la déclaration de saisine, n’a pas constitué avocat.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur l’étendue de la saisine de la cour de renvoi :

Le jugement du tribunal de grande instance de Tarascon en date du 18 novembre 2016, ayant rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [E] [X], notaire et l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 21 février 2019, ayant confirmé ces dispositions tandis que l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 9 juin 2021, n’a cassé cet arrêt qu’en ce que confirmant le jugement, il a rejeté les demandes de la société Mawuna, la présente cour de renvoi n’est pas saisie et ne peut statuer sur les demandes d’indemnisation formées par M. [X], qui sont, dès lors, irrecevables.

Par ailleurs, eu égard aux dispositions de l’article 1037-1 du code de procédure civile, la société le Mawuna n’ayant pas signifié ses conclusions déposées le 19 décembre 2022 à M. [G], intimé défaillant, et le litige n’étant pas indivisible, celles-ci sont irrecevables à l’égard de ce dernier, la présente cour de renvoi n’étant saisie le concernant, que par les conclusions qu’elle avait déposées le 3 janvier 2017 devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence aux termes desquelles elle présentait des prétentions identiques, sauf quant aux montants réclamés (150 000 euros au titre de sa créance et 15 000 euros au titre d’un préjudice moral) sur le fondement des articles 1134, 1167 alinéa 1 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Enfin, en application des dispositions de l’article 634 du code procédure civile, M. [G] est réputé s’en tenir aux moyens et prétentions soumis par conclusions déposées le 20 février 2017 à la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

2- sur la responsabilité de M. [G] et de M. [V] :

Selon les dispositions des articles 632 et 633 de ce même code, les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l’appui de leurs prétentions et la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.

Si M. [V] soulève le caractère nouveau de la demande de la société appelante, fondée sur la responsabilité extracontractuelle, et sa prescription, l’assignation introductive d’instance en date du 4 juin 2014 ainsi que les conclusions déposées le 3 janvier 2017 par la société le Mawuna tendaient à la condamnation «solidaire» de M. [G] et de M. [V] ainsi que du notaire instrumentaire, au titre de leur comportement frauduleux dans le non-paiement de la facture du 15 juin 2009, de sorte qu’aucun caractère nouveau, ni prescription, les demandes tendant manifestement aux mêmes fins, ni aucune violation des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, qui ne s’appliquent qu’aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 alors que la cour d’appel d’Aix-en-Provence a été saisie le 5 décembre 2016, ne sont établis. Les fins de non-recevoir tirées du caractère nouveau des demandes et de la prescription seront rejetées.

Le gérant de société engage sa responsabilité personnelle dès lors qu’il commet une faute détachable de ses fonctions de dirigeant, à savoir une faute intentionnelle, d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal desdites fonctions.

L’admission au passif de la société Ipac, société mère de la SCI, de la somme de 150 000 euros ne prive pas la société le Mawuna de la possibilité de rechercher la responsabilité extracontractuelle de MM. [V] et [G].

La fraude invoquée par la société le Mawuna au soutien de la mise en cause de la responsabilité de ces derniers ne vise pas à fonder une action paulienne, telle que prévue par l’article 1167 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et à lui rendre inopposable l’autorisation irrévocable de versement en date du 9 novembre 2009, adressée à M. [X], mais seulement à démontrer le caractère fautif du comportement des deux associés, et gérant pour l’un, de la société Ipac, et indirectement de la SCI le Campus d'[8], de sorte que l’absence de mise en cause des sociétés Nicolas immobilier et la Bastide des baux, bénéficiaires desdits ordres à payer, est indifférente.

M. [G] a établi, concomitamment à l’opération de cession du terrain de la SCI le Campus d'[8], un décompte, intitulé « [Localité 9] [Adresse 10] » (dénommé « planche de calcul » par l’expert judiciaire), du profit devant ressortir de cette opération, qui mentionne une somme de 464 828,86 euros à partager en trois, soit trois parts de 154 942,95 euros, arrondies à 154 000 euros (pièce n° 4 du dossier de la société le Mawuna).

La SCI le Campus d'[8] était débitrice de la somme de 184 184 euros TTC à l’égard de M. [D], auquel la société le Mawuna s’est substituée (sur la base d’un accord manifeste des parties), ayant, à ce titre, établi une reconnaissance d’honoraires le 23 juillet 2007. Cette créance figure dans ses livres comptables.

La facture émise le 15 juin 2009 par la société le Mawuna, à hauteur de la somme de 184 184 euros, qui correspond à une prestation de ‘recherche du foncier ; aide à la conception de permis pour une résidence étudiants ; démarches auprès de divers promoteurs pour la réalisation du projet’, porte la mention «bon à payer», suivie du cachet de la société Ipac et des signatures de M. [G], gérant et associé et M. [V], associé de cette société. Elle correspond à l’apport à la SCI le Campus d'[8] d’un terrain situé à [Adresse 10], susceptible d’être revendu dans le cadre d’une opération de création d’une résidence étudiante et reflète la volonté initiale des associés de la SCI d’opérer un partage tripartite.

Cette même facture a été présentée au notaire, détenant le prix de vente dans le cadre de la cession le 26 juin 2009 de l’immeuble détenu par la SCI le Campus d'[8] à la SNC le Major, avec un « bon à payer » portant la somme de 34 184 euros et une autorisation de versement de ce montant en date du 9 novembre 2009, signée par M. [G] et M. [V].

M. [G], gérant et associé et M. [V], associé de la SCI le Campus d'[8] n’indiquent nullement les motifs de la modification de la somme à payer, qui tiendrait compte, par exemple, d’un règlement intervenu dans l’intervalle.

Il est établi qu’ils ont, par le biais des sociétés la Bastide des Baux Immobilier et la société Nicolas Immobilier qu’ils dirigent ou dans lesquelles ils sont associés majoritaires, perçu la somme de 300 000 euros hors de la comptabilité du notaire (pièce n°4 du dossier de M. [X]), puis chacun, en exécution de l’autorisation de versement, adressée au notaire instrumentaire, la somme de 34184 euros (sur la base de factures initialement d’un montant respectif de 184184 euros).

Le prix de vente du terrain lors de la cession le 26 juin 2009 permettait le paiement de la facture du 15 juin 2009 portant le bon à payer initial, le notaire ayant remis à M. [G] la somme de 253 000 euros (pièce n°4 du dossier de M. [X]).

Ces versements confirment la volonté de M. [G] et de M. [V] de partager les fruits de l’opération de cession du terrain situé à Marseille, mais sont contraires au partage tripartite initialement décidé et à l’engagement de la SCI le Campus d'[8], qu’ils sont seuls à représenter au travers de la société Ipac, de rémunérer M. [D] à hauteur de la somme de 184 184 euros pour avoir apporté ledit terrain.

A défaut d’expliciter les motifs d’un ordre de paiement ne correspondant pas au montant de la facture acceptée et ayant sollicité l’ouverture d’une procédure collective des sociétés mère et fille après avoir partagé les actifs de la société fille, M. [G] et M. [V], associés directs ou indirects, au sein des sociétés débitrices, gérant pour le premier et en qualité de co-gérant de fait pour le second, ayant, chacun, contracté pour ces dernières, un engagement de payer, ont fait obstacle par la remise au notaire instrumentaire de l’autorisation de versement litigieuse, au règlement dû dans l’intention de priver, à leur profit, la société le Mawuna de sa part, caractérisant, ainsi, un comportement fautif, à l’origine pour cette dernière d’un préjudice égal à la somme détournée, qu’ils seront condamnés à restituer.

La société le Mawuna ayant déjà perçu la somme de 34 184 euros, M. [G] et M. [V] seront condamnés in solidum, ayant tous deux concouru au dommage, à lui verser la somme de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil tandis que le préjudice moral sollicité, qui concerne M. [D] et non la société le Mawuna, avec laquelle il ne se confond pas, n’est pas rapporté.

3- sur la responsabilité du notaire :

Le notaire instrumentaire, M. [X], est intervenu en qualité de séquestre conventionnel dans la vente liant la SCI le Campus d'[8] et la SNC le Major, à laquelle la société le Mawuna est un tiers.

A défaut d’établir qu’il avait connaissance d’une contestation concernant sa créance, cette dernière ne peut se prévaloir de la qualité de tiers intéressé.

En effet, elle ne démontre pas qu’il a été destinataire de la facture, en date du 15 juin 2009, portant le bon à payer pour la somme de 184 184 euros de sorte qu’en exécutant l’autorisation irrévocable de versement en date du 9 novembre 2009 relative à cette même facture portant un bon à payer à hauteur de la somme de 34 184 euros, il n’a commis aucune faute.

Il en résulte que les demandes de la société le Mawuna à son égard devront être rejetées.

Par ces motifs, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la société le Mawuna de ses demandes formées à l’encontre de M. [G] et de M. [V] et l’a condamnée à leur payer la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et confirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes à l’encontre de M. [X].

4- sur les autres demandes :

M. [G] et M. [V], qui succombent principalement, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 5 000 euros, les demandes de M. [V] et de M. [X] sur ce fondement étant rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,

Statuant sur renvoi de cassation dans la limite de sa saisine,

Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société le Mawuna le 19 décembre 2022 à l’égard de M. [G],

Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. [W] à l’encontre de la société le Mawuna,

Rejette les fins de non-recevoir, tirées du caractère nouveau des demandes et de la prescription, formées par M. [V],

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Tarascon en date du 18 novembre 2016 en ce qu’il a débouté la société le Mawuna de ses demandes formées à l’encontre de M. [G] et de M. [V] et l’a condamnée à payer la somme de 1 500 euros à chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne in solidum [I] [G] et [O] [V] à payer à la SARL le Mawuna la somme de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Rejette le surplus de la demande d’indemnisation formée par la société le Mawuna,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions non atteintes par la cassation,

Condamne in solidum [I] [G] et de [O] [V] à payer à la SARL le Mawuna la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de M. [V] et de M. [W] fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [G] et de M. [V] aux dépens de première instance et d’appel.

le greffier, le président,

 


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