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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01030 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FPNT
Minute n° 23/00063
[N]
C/
[X], S.C.P. [Y] [X] & [O] [R]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 11 Mars 2021, enregistrée sous le n° 16/03972
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [L] [N], décédé
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Maître [Y] [X] Notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X],
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
S.C.P. [Y] [X] & [O] [R] , représentée par son représentant légal,
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
PARTIES INTERVENANTES:
Madame [I] [N], es qualité d’héritier de Monsieur [L] [N]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Serge DUPIED, avocat plaidant au barreau de Nancy
Monsieur [P] [N], es qualité d’héritier de Monsieur [L] [N]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Serge DUPIED, avocat plaidant au barreau de Nancy
Monsieur [S] [F], es qualité d’héritier de Monsieur [L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Serge DUPIED, avocat plaidant au barreau de Nancy
Monsieur [W] [N], es qualité d’héritier de Monsieur [L] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie VOGIN, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Serge DUPIED, avocat plaidant au barreau de Nancy
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 13 Décembre 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 14 Mars 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR:
PRÉSIDENT : Mme BIRONNEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme DEVIGNOT, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme BIRONNEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte notarié reçu par Maître [X], notaire, le 19 mai 2008, Monsieur [W] [A] a reconnu devoir à [L] [N] la somme de 230 000 euros remboursable au plus tard le 19 mai 2010, somme augmentée d’intérêts conventionnels au taux de 9,45 % l’an. En garantie du remboursement de la dette, le débiteur a consenti une hypothèque sur un bien situé à [Localité 10] (Vosges) et une hypothèque sur un bien à [Localité 5] (Moselle).
L’acte faisait mention de l’existence, sur le bien de [Localité 5], d’une inscription en premier rang au profit du Crédit Agricole et de deux inscriptions subséquentes prises au profit de Mme [V] veuve [U]. Aux termes de l’acte authentique du 19 mai 2008, le débiteur a pris l’engagement de faire radier ces deux dernières inscriptions dans un délai de trois mois à compter de la signature, afin de procurer le deuxième rang à l’hypothèque consentie à M. [N], de sorte que ce dernier ne soit primé que par le Crédit Agricole.
La défaillance du débiteur a entraîné la vente forcée des biens situés à [Localité 5] suivant procès-verbal d’adjudication du 22 mars 2011 pour un prix de 200 000 euros.
Aux termes de l’état de collocation établi par Maître [X] le 9 novembre 2011, [L] [N] est finalement apparu en qualité de créancier hypothécaire de troisième rang, après le Crédit Agricole et Mme [U], celle-ci ayant fait valoir les deux inscriptions mentionnées ci-dessus et voyant sa créance couverte à hauteur du montant qu’elle avait déclaré soit 62 705 euros.
[L] [N] a contesté cette situation par courriers du 14 novembre, 15 décembre et 16 décembre 2011 adressés à l’étude notariale, prétendant au deuxième rang au lieu et place de Mme [U] et réclamant, en sus de sa part acquise dans la distribution soit 43 155,83 euros, l’attribution de la somme de 62 705 euros. Il a réitéré cette contestation aux termes du procès-verbal de clôture de l’état de collocation établi le 16 décembre 2011.
Aux termes d’un courrier du 6 janvier 2012, il a demandé à la SCP [Y] [X] & B. [R] à être indemnisé par elle de la somme en principal de 62 705 euros.
Par acte d’huissier signifié le 15 décembre 2016 et au visa de l’article 1382 du code civil, [L] [N] a fait assigner la SCP [Y] [X] & B. [R], notaires associés et d’autre part, M. [X] devant le tribunal de grande instance de Metz, pour obtenir la réparation de son préjudice.
Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
– rejeté le moyen tiré de la prescription présenté par M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et par la SCP JC [X] et B. [R] ;
En conséquence,
– déclaré recevable l’action en responsabilité civile professionnelle exercée par [L] [N]’;
– débouté [L] [N] de son action en responsabilité et de ses demandes de condamnation solidaire pour un montant de 62 705 euros outre intérêts à l’encontre de M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et de la SCP J.C [X] et B. [R] ;
– débouté [L] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour réticence abusive’;
– condamné [L] [N] aux dépens ainsi qu’à payer à M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et à la SCP J.C [X] et B. [R] une somme de 1 200 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Sur la recevabilité, le tribunal a retenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au plus tôt le 16 décembre 2011, jour de clôture de l’état de collocation, car c’est la date à laquelle [L] [N] a eu connaissance du caractère définitif de son rang hypothécaire. La juridiction en a déduit que l’action en responsabilité civile professionnelle exercée par [L] [N] et entamée selon assignation signifiée le 15 décembre 2016 est bien recevable.
Sur le fond, le tribunal a considéré qu’il ressortait des termes de l’acte notarié en litige que Maître [X] n’était que le rédacteur de la convention, que le notaire n’avait pas de mandat exprès ou tacite concernant la mainlevée hypothécaire à réaliser afin que M. [N] soit créancier hypothécaire de second rang, que les démarches sur ce point incombaient à l’emprunteur, que le demandeur avait lui-même envisagé la difficulté en demandant une clause de déchéance en l’absence de preuve des démarches pour la mainlevée de l’hypothèque de Mme [U] et qu’en définitive, M. [N] ne rapportait pas la preuve d’une faute commise par le notaire.
Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour le 22 avril 2021, [L] [N] a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Metz aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de son action en responsabilité et de ses demandes de condamnation solidaire pour un montant de 62 705 euros outre intérêts à l’encontre de M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et de la SCP J.C [X] et B. [R], en ce qu’il a débouté [L] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour réticence abusive, en ce qu’il a condamné [L] [N] aux dépens ainsi qu’à payer à M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et à la SCP J.C [X] et B. [R] une somme de 1 200 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a débouté [L] [N] de ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
[L] [N] est décédé le [Date décès 8] 2021.
Madame [I] [G], veuve d'[L] [N], Monsieur [P] [N], Madame [S] [N] épouse [F] et Monsieur [W] [N] sont intervenus à l’instance en qualité d’héritiers de [L] [N].
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions déposées le 07 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Madame [I] [N], Monsieur [P] [N], Madame [S] [F] et Monsieur [W] [N], intervenants volontaires, demandent à la cour, au visa des articles 1217 et 1231-1 du code civil, de l’article 1240 du code civil, de l’article 12 du code de procédure civile, de’:
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 11 mars 2021 en ce qu’il a été déclarée recevable l’action en responsabilité civile professionnelle exercée par [L] [N] ;
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 11 mars 2021 en toutes ses autres dispositions
Et statuant à nouveau,
– déclarer bien fondée l’action en responsabilité entreprise par [L] [N], aux droits et obligations duquel interviennent dorénavant M. [P] [N], Mme [N] épouse [F] et M. [W] [N] à l’encontre de M. [X] et de la SCP [X]-[R]-[X]-[T] ;
– constater que Mme [I] [N] se déporte de toute demande ;
– condamner solidairement M. [X] et la SCP [X]-[R]-[X]-[T] à devoir verser à M. [W] [N], Mme [N] épouse [F] et M. [P] [N] en leur qualité d’héritiers d'[L] [N], la somme de 62 705 euros avec intérêts légaux à compter du 06 janvier 2012 ;
– condamner solidairement M. [X] et la SCP [X]-[R]-[X]-[T] à devoir verser à M. [P] [N], Mme [N] épouse [F] et M. [W] [N] en leur qualité d’héritiers d'[L] [N], la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter M. [X] et la SCP [X]-[R]-[X]-[T] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires’;
– condamner enfin solidairement M. [X] et la SCP [X]-[R]-[X]-[T] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.
Sur la confirmation du jugement de première instance en ce qu’il a rejeté le moyen de prescription, les appelants font valoir qu'[L] [N] ne pouvait avoir connaissance du caractère définitif de son rang hypothécaire appliqué dans la procédure de distribution que le 16 décembre 2011, date à laquelle l’état de collocation a été clôturé.
Sur le fond, les appelants exposent que M. [X], notaire, avait l’obligation contractuelle par application des articles 1217 et 1231-1 du code civil de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l’efficacité de l’acte de reconnaissance de dette négocié et établi par lui le 19 mai 2008. Les appelants estiment qu’en remettant à M. [A] le montant dudit prêt de 230 000 euros sans l’accord d'[L] [N] et sans désintéresser Mme [U] du montant de sa créance de 62 705 euros, ni faire régulariser à cette dernière la mainlevée des inscriptions hypothécaires prises à son profit, ce qui aurait permis de placer au deuxième rang l’hypothèque d'[L] [N], M. [X] a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d'[L] [N]. Ils ajoutent que cette faute est à l’origine d’un dommage direct et certain pour un principal de 62 750 euros correspondant au montant encaissé par Mme [U] aux lieu et place d'[L] [N], par application du procès-verbal de clôture de l’état de collocation dressé par M. [X] le 16 décembre 2011.
Les appelants rappellent que le notaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu’il s’est borné à donner la forme authentique aux déclarations reçues, puisque l’acte de reconnaissance de dette négocié et établi le 19 mai 2008 a été dressé par M. [X] après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, de sorte que l’obligation de donner mandat à M. [X] pour obtenir la radiation du créancier de deuxième rang afin de procurer à [L] [N] le deuxième rang garanti par M. [X] selon courrier du 17 avril 2008 était inexistante.
Les appelants ajoutent que compte tenu du décès d'[L] [N], les condamnations devront être prononcées au bénéfice des consorts [N], Mme [I] [N] entendant préciser se déporter de toute demande dans le cadre de ce dossier.
Par conclusions déposées le 24 octobre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, les intimés M. [X] et la SCP [Y] [X] & B [R] demandent à la cour de :
– constater l’irrecevabilité de l’intervention de Mme [I] [N] pour défaut de qualité à agir’;
– débouter les consorts [N] de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de M. [X] notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] ;
– faire droit à l’appel incident de M. [X] notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et de la SCP [Y] [X] & [O] [R] ;
– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la prescription présenté par M. [X] notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] ;
Statuant à nouveau,
– vu l’article 2224 du code civil, juger irrecevables comme prescrites les demandes des consorts [N] en tant que dirigées à l’encontre de M. [X] notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] ;
Subsidiairement,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
À titre infiniment subsidiaire,
– pour le cas où il serait retenu une faute à l’encontre de M. [X] et de la SCP [Y]. [X] & B. [R], juger que les consorts [N] ne pourraient prétendre qu’à une perte de chance de venir en second rang, cette probabilité pouvant, au vu des faits de la cause, être fixée au maximum à 5% de la somme réclamée (62 705 euros) ;
En tout état de cause,
– condamner les consorts [N] in solidum aux entiers dépens d’instance et d’appel et à verser à M. [X] notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et à la SCP [Y] [X] & [O] [R] la somme de 2 000 chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre liminaire, M. [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] contestent la qualité à agir de Mme [I] [N], dans la mesure où l’acte d’affirmation sacramentelle concernant la dévolution successorale d'[L] [N] mentionne le fait qu’elle est privée de tout droit dans la succession y compris le droit viager au logement.
Sur la prescription de l’action d'[L] [N], M. [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] font valoir qu'[L] [N] avait reçu communication de l’état de collocation du 9 novembre 2011 et qu’il avait demandé le 14 novembre 2011 des précisions sur les deux créances hypothécaires le primant. Ils en déduisent qu’il connaissait dès le 10 novembre 2011 les faits lui permettant d’exercer son action à l’encontre du notaire, puisqu’il a reconnu avoir reçu l’état de collocation à cette date. Ils estiment donc qu'[L] [N] disposait d’un délai s’étendant jusqu’au 10 novembre 2016 pour assigner, en déduisent que son assignation du 15 décembre 2016 est hors délai et ses demandes irrecevables comme étant prescrites.
Sur l’absence de faute de Maître [X], les intimés font valoir que les consorts [N] tentent d’assimiler le notaire à un mandataire ou un intermédiaire de ses activités, alors que M. [X] n’a jamais négocié quoi que ce soit. Les intimés soutiennent qu'[L] [N] et M. [A] ont été mis en contact par M. [T], agent immobilier qui se chargera d’ailleurs ultérieurement de la vente du bien situé à [Localité 5].
S’agissant de la validité et l’efficacité de l’acte rédigé par M. [X], les intimés rappellent que la nullité de l’acte n’a jamais été invoquée, qu’il a été inséré dans l’acte notarié une clause spécifique de déchéance du terme si le rang promis par le débiteur n’était pas obtenu dans un délai de trois mois à compter de la signature de l’acte, de sorte qu’à aucun moment le notaire ne s’est engagé à garantir le rang promis par le débiteur, d’autant que de convention expresse entre les parties, il appartenait à M. [A] de faire les démarches pour purger les hypothèques de Mme [U].
S’agissant de l’affectation alléguée des fonds au désintéressement du créancier de deuxième rang, M. [X] et la SCP [Y] [X] & [O] [R] exposent qu'[L] [N] n’a jamais demandé au notaire de conserver ou de consigner le montant du prêt entre ses mains jusqu’à la justification de la levée des hypothèques de Mme [U]. Ils ajoutent que M. [X] ne s’est jamais engagé à inscrire une hypothèque de second rang et qu’il s’agissait d’une obligation contractée par le seul emprunteur et sanctionnée par la déchéance du terme.
S’agissant du préjudice et du lien de causalité, les intimés font valoir que les consorts [N] ne démontrent pas que le recouvrement de la créance serait irrémédiablement compromis à hauteur du montant qui est revenu au créancier de deuxième rang, de sorte qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les fautes invoquées formellement contestées et le préjudice allégué.
Les intimés font valoir que pour le cas où il serait retenu une faute à l’encontre de M. [X] et de la SCP [Y]. [X] & B. [R], les consorts [N] ne pourraient prétendre qu’à une perte de chance de venir en rang souhaité, cette chance étant au vu des faits de la cause tout à fait infime.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur le défaut d’intérêt à agir de Mme [I] [N]
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l’affirmation sacramentelle du 4 mars 2022, les ayants droit de [L] [N] sont [P] [N], [S] [N] et [W] [N]. Il y est aussi précisé que selon testament authentique du 10 décembre 2004, la personne décédée avait privé son conjoint séparé de biens, non divorcé, Mme [I] [B] [G] épouse [N] de tout droit dans sa succession, en ce compris le droit viager au logement.
Ainsi Mme [I] [N] n’est pas héritière de [L] [N] et n’a donc pas intérêt à agir.
En conséquence, la cour déclare irrecevable l’action de Mme [I] [N] à l’encontre de M. [X] et de la SCP [Y]. [X] & B. [R].
II- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action des consorts [N]
L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte de cet article que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Le courrier adressé par [L] [N] à la SCP [X] & [R] le 14 novembre 2011 démontre que [L] [N] avait pris connaissance, à la date du 10 novembre 2011, de l’état de collocation au terme duquel son hypothèque se trouvait à un rang inférieur à celles de Mme [U], en dépit de l’engagement de M. [A] dans l’acte notarié du 19 mai 2008 de faire procéder à la mainlevée des inscriptions hypothécaires au profit de cette dernière.
Toutefois, l’état de collocation faisait mention, au terme de ce document, que conformément aux dispositions de l’article 201 de la loi du 1er juin 1924, il serait tenu à la disposition des intéressés qui pourraient en prendre communication et que les contestations contre cet état devraient être produites au plus tard le 16 décembre 2011 à 15 heures.
Les courriers de [L] [N] adressés à l’étude notariale le 14 novembre 2011 et le 15 décembre 2011 établissent qu’il entendait user du délai de contestation ouvert par l’état de collocation et contester le rang des hypothèques de Mme [U].
Le procès-verbal de clôture de l’état de collocation, daté du 16 décembre 2011, fait mention de ce que ce document est approuvé, «’sauf les contestations ci-dessus’», à savoir notamment celles de [L] [N] concernant la créance du Crédit Agricole et son rang dans les inscriptions hypothécaires par rapport à celui de Mme [U]. Maître [X] mentionne en prendre acte mais constater que le rang de l’inscription hypothécaire profitant à Mme [U] a un rang antérieur à l’hypothèque prise au profit de [L] [N].
Le courrier du 6 janvier 2012 de [L] [N] fait manifestement suite à un entretien tenu le jour-même avec Maître [X]. [L] [N] y indique prendre acte de la saisine par le notaire de sa compagnie d’assurances, en raison de l’absence de radiation des hypothèques [U] contrairement aux énonciations de la reconnaissance de dette du 19 mai 2008.
Il en résulte qu’entre le 14 novembre 2011 et le 16 décembre 2011, [L] [N] entendait élever une contestation et faire valoir la priorité de son rang hypothécaire sur celui de Mme [U] et que ce n’est qu’à la date du 16 décembre 2011, jour de clôture de l’état de collocation, qu’il a eu connaissance du caractère définitif de son rang hypothécaire, que le dommage lui a été révélé et qu’il a pu envisager d’engager la responsabilité du notaire concernant la reconnaissance de dette du 19 mai 2008.
Le délai pour agir expirait donc le 16 décembre 2016.
L’assignation a été délivrée dans le délai quinquennal, le 15 décembre 2016.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la prescription présenté par M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et par la SCP [Y] [X] et [O]. [R] et en conséquence, a déclaré recevable l’action en responsabilité civile professionnelle exercée par [L] [N].
III- Sur la responsabilité du notaire
Les consorts [N] fondent leur recours sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil, c’est-à-dire sur la responsabilité contractuelle de Maître [X] et de la SCP [Y] [X] et B. [R]. Compte tenu de la date de la reconnaissance de dette notariée, c’est l’article 1147 du code civil dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1er octobre 2016 qui est en réalité applicable.
Ils invoquent également l’article 1240 du code civil, c’est-à-dire la responsabilité délictuelle de Maître [X]. Mais sur ce fondement, c’est l’article 1382 du code civil dans sa version en vigueur du 17 février 1804 au 1er octobre 2016 qui est en réalité applicable.
Le fondement de la responsabilité civile susceptible d’être soulevé à l’encontre d’un notaire dépend de la nature du fait générateur. Si l’acte ou l’omission dommageable repose sur un manquement à ses obligations statutaires en tant qu’officier ministériel chargé de l’authentification des actes, il s’agit d’une responsabilité délictuelle soumise aux articles 1382 anciens et suivants du code civil.
Toutefois, si le notaire assume pour le compte de ses clients le rôle d’un mandataire ou d’un gérant d’affaires à l’occasion du manquement invoqué, sa responsabilité devra être recherchée sous le fondement contractuel régi par les articles 1147 anciens et suivants du code civil.
Par ailleurs, en tant que professionnel du droit, le notaire est débiteur, à l’égard des parties à l’acte qu’il instrumente, d’une obligation d’information et de conseil. Le notaire doit fournir une information complète et circonstanciée sur l’incidence patrimoniale des actes conclus et les risques qu’ils comportent. Tout manquement à cette obligation engage sa responsabilité délictuelle.
En premier lieu, les consorts [N] invoquent la qualité d’intermédiaire de Maître [X] dans le cadre du prêt consenti à M. [A].
Si Maître [X] conteste avoir participé aux négociations entre [L] [N] et M. [A], il est contredit sur ce point par les pièces versées aux débats par les consorts [N]’: il résulte des écrits du 16 novembre 2011 et du 22 novembre 2004 que la SCP Rey & [R] avait déjà sollicité M. [N] pour des prêts à d’autres particuliers, que cette étude notariale a sollicité [L] [N] pour un emprunt au profit de M. [A] dès 2005, que [L] [N] a refusé en raison de garanties insuffisantes, mais a finalement donné suite à la demande ultérieure d’emprunt de M. [A] formée par l’intermédiaire de la SCP [X] & [R], courant 2008 (pièces 24, 25, 26, 27 et 28 des consorts [N]).
Pour autant, l’acte authentique du 19 mai 2008 fait mention du fait que le notaire n’a ni concouru ni participé à la convention dont il n’est que le rédacteur et cet acte authentique n’a pas fait l’objet d’une procédure d’inscription de faux.
En outre, les consorts [N] n’exposent pas les manquements contractuels qu’ils imputent à Maître [X] ni les conséquences juridiques qu’ils entendent tirer de cette qualité d’intermédiaire.
Ce moyen est donc inopérant.
Sur le grief tiré de l’efficacité de l’acte, il sera relevé que les échanges épistolaires entre [L] [N] et la SCP Rey-[R] ne démontrent pas la volonté d'[L] [N] de faire figurer dans l’acte notarié de prêt une condition tenant à l’affectation d’une partie des fonds du prêt au règlement direct par l’étude notariale de la créance de Mme [U].
Les rectifications et ajouts demandés par [L] [N] dans ses courriers des 14 et 16 mai 2008, notamment l’obligation pesant sur le débiteur de faire lever les hypothèques inscrites au profit de Mme [U] et l’insertion d’une clause de déchéance du terme dans l’hypothèse où cette démarche n’aurait pas été effectuée par le débiteur dans les trois mois, ont été pris en considération par Me [X] et insérés dans la reconnaissance de dette.
L’acte notarié du 19 mai 2008 a permis à [L] [N] de poursuivre M. [A] en exécution forcée sur ses biens immobiliers et d’être attrait à la procédure de collocation.
Maître [X] et la SCP [X] & [R] n’ont donc pas failli à leur obligation d’assurer l’efficacité de l’acte.
S’agissant de l’inscription des hypothèques au Livre Foncier, il résulte d’un échange de courriers entre [L] [N] et la SCP intimée que cette dernière avait bien transmis au Livre Foncier la copie de la reconnaissance de dette du 19 mai 2008 et que cette dernière a bien été enregistrée, ce qui a permis à [L] [N] d’être appelé lors de la procédure de collocation (pièces 32 et 33 des consorts [N]).
Concernant plus particulièrement la mainlevée des hypothèses [U] dont les consorts [N] soutiennent qu’elle devait être effectuée par Maitre [X], il est exact que dans son courrier du 3 avril 2008 concernant la demande de prêt de M. [A], la SCP [X] & [R] évoquait, au titre des garanties proposées par ce dernier, une hypothèque de second rang pour l’immeuble de Metz.
Pour autant et conformément aux mentions dont l’ajout avait été demandé par [L] [N], la reconnaissance de dette faisait expressément reposer sur le débiteur la mainlevée des hypothèques [U] afin d’accorder le deuxième rang à l’hypothèque d'[L] [N], sous peine d’ailleurs de déchéance du prêt.
De plus, les appelants n’expliquent pas en quoi, du fait de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés qu’ils invoquent, le notaire aurait dû obtenir la radiation des hypothèques [U] au profit de celle de [L] [N], étant rappelé que le règlement de la créance de Mme [U] ou l’accord de cette dernière était un préalable nécessaire à la radiation.
Enfin il sera relevé que les consorts [N] n’invoquent pas un quelconque manquement du notaire à son obligation de conseil, notamment quant à l’intérêt de prévoir dans la reconnaissance de dette un règlement direct par l’étude notariale de la créance de Mme [U].
Ainsi les consorts [N] ne démontrent pas l’existence d’une faute de Maître [X] ou de la SCP [X] & [R].
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [L] [N] de son action en responsabilité et de ses demandes de condamnation solidaire pour un montant de 62 705 euros outre intérêts à l’encontre de M. [X], notaire associé de la SCP [Y] [X], [O] [R] et [K] [X] et de la SCP J.C [X] et B. [R].
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné [L] [N] aux dépens ainsi qu’à payer à M. [X] et à la SCP J.C [X] et B. [R] une somme de 1 200 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [N] qui succombent seront condamnés aux dépens de l’appel.
Aucune considération d’équité ne justifie qu’il soit fait droit à l’une ou l’autre des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’intervention volontaire de Mme [I] [N]’;
Confirme le jugement rendu le 11 mars 2021 par le tribunal de judiciaire de Metz en toutes ses dispositions’;
Y ajoutant’;
Condamne in solidum Madame [I] [G] veuve d'[L] [N], Monsieur [P] [N], Madame [S] [N] épouse [F] et Monsieur [W] [N] aux dépens de l’appel’;
Rejette les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile’;
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre