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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 14 FEVRIER 2023
RP
N° RG 20/01431 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQKQ
[C] [V]
c/
[K] [R] en réalité [K] [D]
[S] [U]
S.A. SOCIETE GENERALE
S.C.P. SILVESTRI BAUJET
S.A. CREDIT LOGEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 février 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIBOURNE (RG : 15/00782) suivant déclaration d’appel du 17 mars 2020
APPELANTE :
[C] [V]
née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 8]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 7]
représentée par Maître Manuel DUCASSE de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS :
[K] [R] en réalité [K] [D]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 11] (33)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 7]
non représenté, assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)
Maître [B] [U]
né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 11] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6]
représenté par Maître HARDY substituant Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX
S.A. SOCIETE GENERALE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 10]
représentée par Maître Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. SILVESTRI BAUJET, ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [K] [N], nommé à ces fonctions par jugement du 25 janvier 2006, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître HAUGUEL substituant Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
S.A. CREDIT LOGEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 5]
représentée par Maître WOJAS substituant Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY – CUTURI ‘ WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocats au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux
ARRÊT :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte du 9 septembre 2013, la Société Générale a accordé à M. [K] [D], sous le nom de M. [K] [R] et Mme [C] [V], un prêt immobilier d’un montant de 419.406,34 € au taux de 2,95% l’an hors assurance.
Par acte du 10 septembre 2013, la Société Générale a accordé aux mêmes personnes un second prêt d’un montant de 180.593,66 € au taux de 3,30% l’an.
Par acte du 10 septembre 2013, la SA Crédit Logement se portait caution des deux prêts.
Les prêts ont permis de financer l’achat d’un bien immobilier situé à [Adresse 12] dont l’acte de vente a été établi le 8 octobre 2013 par Me [S] [U], notaire à [Localité 9].
Les mensualités des prêts n’étant plus réglées malgré plusieurs mises en demeure, la banque s’est prévalue de la déchéance du terme.
Suivant deux quittances du 26 octobre 2015 et du 7 décembre 2015, la SA Crédit Logement a réglé à la Société Générale les sommes de 402.486,24 € au titre du premier prêt, 183.438,21 € au titre du second prêt et 4.813,26 € au titre des frais du prêteur.
Par acte du 25 juin 2015, la Société Générale a fait assigner M. [K] [R] et Mme [C] [V] devant le tribunal de grande instance de Libourne, afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire leur condamnation solidaire au paiement des sommes de:
– 430.798,57 € au titre du prêt numéro 813071113875, majorée des intérêts au taux contractuel de 2,95 % l’an à compter du 18 juin 2015 avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 18 juin 2015,
– 196.289,85 € au titre du prêt numéro 8130771113867, majorée des intérêts au taux contractuel de 3,30 % l’an à compter du 18 juin 2015 avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de cette date,
– 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La SA Crédit Logement est intervenue volontairement à la procédure et par acte du 22 décembre 2016, elle a fait assigner la SCP Silvestri-Baujet en sa qualité de mandataire liquidateur de M. [R] afin d’obtenir que la décision lui soit déclarée opposable.
Par acte du 13 janvier 2017, la SA Crédit Logement a fait assigner Me [S] [U] devant le tribunal de grande instance de Libourne, afin notamment de voir dire qu’il a commis une faute en établissant l’acte de cession du 8 octobre 2013, alors que M. [R] était en liquidation judiciaire depuis le 25 janvier 2006. Les instances ont été jointes.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal judiciaire de Libourne a :
– constaté que M. [K] [R], alias [K] [N] se nomme en réalité [K] [D],
– donné acte à la Société Générale de son désistement d’instance et d’action à l’égard de M.[K] [D] et de Mme [C] [V],
– condamné Mme [C] [V] à payer au Crédit Logement la somme de 402.486,24 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016, celle de 183.438,21 € avec intérêts au taux légal à compter de la même date, celle de 4.813,26 € au titre des frais du prêteur, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016,
– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
– sursis à l’exécution des poursuites à l’égard de Mme [C] [V] et lui a alloué un délai de grâce de 24 mois qui prendra fin d’office en cas de vente du bien confisqué, après la signature de l’acte authentique, Mme [C] [V] pouvant se libérer de sa dette en une seule échéance à l’issue du délai,
– rejeté les demandes du Crédit Logement tenant à la fixation de sa créance à l’égard du passif de la liquidation judiciaire de M. [K] [D] et ses demandes de paiement de la créance par priorité à toutes les autres créances,
– rejeté les demandes de Mme [V] à l’égard de la Société Générale et du Crédit Logement,
– rejeté les demandes de la Société Générale à l’égard de la SCP Silvestri-Baujet en sa qualité de mandataire liquidateur de M.[K] [D],
– rejeté les demandes de Mme [V] et du Crédit Logement contre Maître [S] [U],
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile;
– rejeté le surplus des prétentions des parties,
– laissé les dépens à la charge de Mme [V].
Mme [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 mars 2020 et par conclusions déposées le 19 décembre 2022, elle demande à la cour de :
– réformer le jugement dont appel,
A titre principal,
– juger que la Société Générale a failli à ses obligations de vérification, de prudence, d’instruction, de vérification, d’information et de mise en garde lors de l’octroi des deux prêts immobiliers litigieux.
– juger que les fautes énoncées à l’encontre de la Société Générale sont opposables au Crédit Logement qui se trouve intégralement subrogé dans ses droits.
– juger que ces fautes sont à l’origine exclusive du préjudice invoqué par le Crédit Logement
En conséquence,
– débouter le Crédit Logement de l’ensemble de ses demandes telles formalisées au terme des conclusions déposées le 07/12/2022.
A titre subsidiaire,
– juger que Maître [U], notaire instrumentaire, a commis une faute en ne vérifiant pas la capacité de M.[D] à s’engager valablement dans les termes convenus.
– juger que les fautes respectives de la Société Générale, opposables au Crédit Logement, et de Maitre [U] notaire, sont la cause du préjudice subi par Mme [V],
En conséquence,
– condamner solidairement la Société Générale, le Crédit Logement et Me [U] à réparer le préjudice subi par Mme [V].
– juger que ce préjudice est constitué par la différence entre la créance invoquée par la Société Générale et le Crédit Logement et le solde du relevé de compte établi par le notaire à la suite de la vente de l’immeuble.
– juger q’au regard des pièces produites par le Crédit Logement ce préjudice s’établit à la somme de 360.737,71€.
– condamner solidairement la Société Générale, le Crédit Logement et Me [U] à verser à Mme [V] la somme de 360.737,71€.
– ordonner la compensation entre cette somme et les sommes que Mme [V] restera
devoir au Crédit Logement et auxquelles elle pourrait être condamnée.
A titre infiniment subsidiaire,
– octroyer un délai de paiement de 36 mois dans le cas où des sommes demeureraient à la charge de Mme [V],
En tout état de cause,
– condamner solidairement la Société Générale, le Crédit Logement et Maître [U] à verser à Mme [V] une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 7 décembre 2022, la Société Crédit Logement demande à la cour de:
– la déclarer la recevable et bien-fondée dans l’intégralité de ses demandes ;
En conséquence,
– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné Mme [V] au paiement de la somme de 590.737,71 € comprenant :
* 402.486,24 € au titre du prêt n° M13063471202 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 183.438,21 € au titre du prêt n° M13063471201 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 4.813,26 € au titre des frais du prêteur avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016.
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté la société Crédit Logement du reste de ses demandes et, statuant à nouveau :
S’agissant de la fixation de la créance du Crédit Logement et son admission au passif de la liquidation judiciaire de M. [D] :
– fixer la créance de la société Crédit Logement au passif de la liquidation judiciaire de M. [D] à hauteur de 592.615,28 € arrêtée au 2 février 2016, outre les intérêts jusqu’à parfait paiement ;
– ordonner le paiement de la créance de Crédit Logement par priorité à toutes les autres créances admises au passif de la liquidation judiciaire de M.[D] en ce qu’elle constitue une créance postérieure née régulièrement ;
A titre subsidiaire,
– ordonner l’admission de la créance de la société Crédit Logement au passif de la liquidation judiciaire de M.[D] ;
S’agissant de la responsabilité du notaire :
– juger que Me [U] a commis une faute causant un préjudice à la société Crédit Logement,
– condamner solidairement Maître [S] [U] à payer à la société Crédit Logement la somme de 590.737,71 € comprenant :
* 402.486,24 € au titre du prêt n°M13063471202 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 183.438,21 € au titre du prêt n°M13063471201 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 4.813,26 € au titre des frais du prêteur avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016.
Si la cour devait infirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné Mme [V] et l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes :
A titre principal,
– constater que la société Crédit Logement agit sur le fondement de son recours personnel,
– juger que Mme [V] n’est pas fondée à opposer à la société Crédit Logement les manquements qu’elle impute à la Société Générale,
– constater que Mme [V] n’oppose aucune exception inhérente à la dette,
– constater que Mme [V] ne démontre pas l’existence d’une faute de Crédit Logement qui lui aurait directement causé un préjudice indépendamment des griefs allégués à l’encontre de la Société Générale ;
– débouter Mme [V] de sa demande de compensation des sommes qu’elle reconnaît devoir à la société Crédit Logement ;
– débouter Mme [V] de sa demande de délai de paiement ;
A titre subsidiaire, si le tribunal (sic) devait estimer Mme [V] recevable et bien fondée à opposer à Crédit Logement les prétendus manquements de la Société Générale :
– juger que l’établissement prêteur n’a commis aucune faute lors de l’octroi du crédit et a respecté l’ensemble de ses obligations légales et contractuelles ;
– débouter Mme [V] de sa demande de compensation des sommes qu’elle reconnaît devoir à la société Crédit Logement ;
– débouter Mme [V] de sa demande de délai de paiement ;
En conséquence,
– condamner solidairement (sic) Mme [V] au paiement de la somme de 590.737,71 € comprenant :
* 402.486,24 € au titre du prêt n°M13063471202 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 183.438,21 € au titre du prêt n°M13063471201 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 4.813,26 € au titre des frais du prêteur avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016.
En tout état de cause,
– condamner solidairement Mme [V] et Maître [S] [U] au paiement de la somme de 590.737,71 € comprenant :
* 402.486,24 € au titre du prêt n°M13063471202 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 183.438,21 € au titre du prêt n°M13063471201 avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016 ;
* 4.813,26 € au titre des frais du prêteur avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2016.
– condamner solidairement tous succombants au paiement d’une somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 16 novembre 2022, Me [U] demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– en conséquence, débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de Maître [U],
A titre subsidiaire,
– surseoir à statuer sur le quantum des dommages et intérêts revenant à Mme [V] dans l’attente de l’affectation du prix de vente de l’immeuble acquis par le prêt immobilier litigieux.
– condamner la Société Générale à garantir et relever indemne Maître [U] de l’ensemble des condamnations éventuelles qui pourraient être prononcées à son encontre,
– condamner Mme [V] à garantir et relever indemne Maître [U] de l’ensemble des condamnations éventuelles qui pourraient être prononcées à son encontre,
En tout état de cause,
– condamner toute partie succombante à verser à Maître [U] une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocats, sur ses affirmations de droit.
Par conclusions du 2 septembre 2020, la Société Générale demande à la cour de :
A titre principal
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, en toute hypothèse, débouter Mme [V] de ses demandes dirigées à l’égard de la SA Société Générale,
A titre subsidiaire, et comme sollicité par l’appelante,
– surseoir à statuer sur le quantum des dommages et intérêts lui revenant dans l’attente de l’affectation du prix de vente de l’immeuble acquis par le prêt immobilier.
– condamner Mme [V] au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.
Par conclusions du 2 septembre 2020, la SCP Silvestri-Baujet demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner solidairement Mme [C] [V], le Crédit Logement et la Société Générale à payer à la SCP Silvestri-Baujet ès qualités de mandataire liquidateur de M. [K] [D] la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la SELARL Trassard & Associés en vertu de l’article 699 du même code.
M. [K] [D] n’a pas constitué avocat. Il a été assigné par procès-verbaux de recherches, en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 3 janvier 2023 et l’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de l’action engagée par le Crédit Logement et l’opposabilité à celui ci des fautes imputées par Mme [V] à la Société Générale
Mme [V] entend opposer les fautes de l’organisme prêteur au Crédit Logement en soutenant que celui ci a exercé un recours de nature subrogatoire puisque le dispositif de ses conclusions d’intervention volontaire visait à la fois l’article 2305 du code civil relatif au recours personnel et l’article 2306 du même code relatif au recours subrogatoire et qu’il fonde ses demandes sur des quittances subrogatives justifiant du règlement de la banque par la caution.
Elle demande ainsi confirmation du jugement qui a considéré que dans ces conditions, le Crédit Logement n’avait pas seulement engagé son recours personnel mais aussi un recours subrogatoire, ce qui permet à Mme [V] de se prévaloir à l’égard de la caution, des exceptions et moyens qu’elle aurait pu mettre en ‘uvre à l’encontre de son prêteur.
Toutefois, comme le soutient le Crédit Logement, il est exact que la caution a le libre choix de son recours à l’encontre du débiteur, qu’elle peut exercer un recours direct fondé sur l’article 2305 du code civil ou un recours subrogatoire fondé sur l’article 2306 du même code et qu’elle peut aussi engager son action sur les deux fondements et en changer en cours d’instance.
Par ailleurs, comme l’a jugé la cour de cassation ( Civ.1ère, 15 juin 2016, n°15-18488 ), l’établissement d’une quittance subrogative à seule fin d’établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d’exercer son recours personnel.
En l’espèce, la cour constate que le Crédit Logement a expressément indiqué dans ses conclusions récapitulatives qu’il agissait au titre de son recours personnel et le fait qu’il justifie de sa créance par les quittances subrogatives produites (ses pièces n°5, 6 et 7), est sans effet sur la nature de ce recours qui reste personnel.
En conséquence, Mme [V] n’est pas fondée à opposer au Crédit Logement agissant dans ce cadre, les manquements imputés à la Société Générale qu’il n’y a pas lieu d’examiner.
Sur la créance du Crédit Logement et la demande de délais de paiement
La créance du Crédit Logement à l’égard de Mme [V], en sa qualité de co-emprunteur, est établie par les pièces justificatives produites et elle n’est d’ailleurs pas contestée.
Le jugement sera ainsi confirmé au titre des condamnations prononcées à l’égard de l’appelante.
En revanche, il ne peut pas être fait droit à la demande de délais de paiement renouvelée par Mme [V] devant la cour dans la mesure où ces délais ne lui ont été accordés par le tribunal qu’en considération de la vente à venir de la maison saisie par l’Etat alors que la vente est intervenue entre temps le 5 février 2020 au prix de 400.000 € (pièce n°27 Crédit Logement).
Sur cette somme, le Crédit Logement doit percevoir une somme d’environ 230.000€ selon le relevé de compte notarié qu’il verse aux débats ( pièce n° 28) de sorte que Mme [V] qui ne produit aucun élément sur sa situation de ressources ou son patrimoine, ne justifie pas pouvoir bénéficier de délais de paiement pour régler le reliquat de la créance, approchant les 400.000 €.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a sursis à l’exécution des poursuites contre Mme [V] et lui a accordé un délai de paiement de 24 mois prenant fin d’office en cas de vente du bien confisqué.
Sur la fixation de la créance du Crédit Logement au passif de la liquidation judiciaire de M.[D]
Le Crédit Logement fait grief au premier juge d’avoir rejeté la demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M.[D] formée sur le fondement de l’article L622-24 du code de commerce alors que cette créance résulte d’un jugement définitif du tribunal correctionnel de Libourne rendu sur intérêts civils dont ni M.[D], ni le Crédit Logement n’ont fait appel.
La SCP Silvestri-Baujet, es qualités de mandataire liquidateur de M.[D], soulève l’irrecevabilité de la demande de fixation en premier lieu parce que la créance invoquée est inopposable à la procédure collective comme née irrégulièrement puisque M.[D] était en liquidation judiciaire depuis le 25 janvier 2006 et ne pouvait donc pas contracter un emprunt sans autorisation du juge-commissaire.
En second lieu, le mandataire liquidateur fait valoir que le Crédit Logement ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L622-24 précité dans la mesure où ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 2006, est inapplicable à la procédure collective de M.[D], ouverte par jugement du 18 mai 2005.
La cour constate cependant que par jugement du 25 octobre 2019 contradictoire à l’égard de la SCP Silvestri-Baujet es qualités de liquidateur de M.[D], de la Société Générale , de Mme [V], de la SA Crédit Logement et contradictoire à signifier à l’égard de M.[D], signifié à parquet le 16 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Libourne, statuant sur intérêts civils, a notamment condamné M.[D] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 592.615,28 € arrêtée au 2 février 2016 avec intérêts au taux légal outre la somme de 1.000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale (pièce n° 20 Crédit Logement ).
Il résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux rendu le 12 février 2021 sur le seul appel de Mme [V] (sa pièce n° 21), que les autres parties n’ont pas formé appel du jugement précité de sorte qu’à l’égard de la SA Crédit Logement, de M.[D] et de son mandataire liquidateur, le jugement du 25 octobre 2019 est définitif.
La créance de la SA Crédit Logement, même née irrégulièrement, résulte donc d’une décision bénéficiant de l’autorité de chose jugée et ne peut plus être contestée.
Par ailleurs, selon le dernier alinéa de l’article L622-24 du code de commerce, dans sa version initiale issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, ‘ Le délai de déclaration par une partie civile des créances nées d’une infraction pénale court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant. ‘
Cette loi étant entrée en vigueur le 1er janvier 2006 selon son article 190, l’article précité est applicable en l’espèce puisque, comme le précise lui même le mandataire liquidateur de M.[D], ce dernier a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du 25 janvier 2006.
En conséquence, la SA Crédit Logement qui justifie avoir déclaré sa créance au mandataire liquidateur le 9 décembre 2019, soit dans les deux mois de la décision définitive ( sa pièce n° 21), est recevable et fondée en sa demande d’admisssion de sa créance au passif de M.[D].
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la responsabilité du notaire
Mme [V] , suivie en cela par le Crédit Logement, soutient que Me [U], notaire instrumentaire de l’acte de vente du 8 octobre 2013, à qui il incombe de vérifier les déclarations des parties par toutes investigations utiles, notamment lorsqu’existe une publicité légale comme en matière de procédure collective, a commis une faute en ne consultant pas le BODACC qui lui aurait permis de constater l’incapacité de M. [D] à s’engager valablement puisqu’il était en liquidation judiciaire et en conséquence, d’alerter Mme [V] sur la situation réelle de son compagnon, incompatible avec l’acquisition envisagée.
Me [U] conteste toute faute en faisant valoir essentiellement qu’il est intervenu pour recevoir un acte authentique de vente sur la base du dossier de prêt transmis par la Société Générale qui l’avait validé, dossier dans lequel M.[D] apparaissait comme exerçant la profession de colonel dans l’armée de l’air, ce qui ne justifiait pas de procéder à des vérifications sur une éventuelle activité commerciale de ce dernier.
Il est constant que le notaire chargé de recevoir un acte authentique de vente n’a pas l’obligation de vérifier les déclarations qui lui sont faites par les parties sous leur propre responsabilité et que le notaire n’est tenu de procéder à un contrôle des déclarations effectuées qu’en présence d’un doute sur leur véracité.
En l’espèce, il est acquis que l’acte de vente litigieux a été établi sur la base d’une fausse identité et d’une fausse qualité de M.[D] qui a été définitivement condamné au pénal pour avoir notamment falsifié une carte d’identité de l’armée de l’air, des documents délivrés par cette administration et des relevés de compte qui lui ont permis d’obtenir les prêts consentis par la Société Générale.
Au vu d’une pièce d’identité présentant M.[D] comme colonel de l’armée de l’air, ( pièce n°1 de Mme [V]) dont la validité apparente ne permet pas de déceler la falsification, le notaire est fondé à prétendre qu’il ne disposait pas d’éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l’exactitude des déclarations de M.[D] devant lui .
En l’absence d’élément objectif justifiant la nécessité de vérifier la capacité d’un militaire de carrière au regard d’une éventuelle activité commerciale, il ne peut ainsi être fait grief au notaire de ne pas avoir consulté le BODACC pour s’assurer de l’inexistence d’une liquidation judiciaire.
La faute imputée à Me [U] n’est donc pas établie et le jugement qui a rejeté les demandes de Mme [V] et du Crédit Logement à son encontre sera confirmé, par motifs substitués.
Sur les demandes annexes
L’appelante qui succombe en toutes ses demandes, supportera les dépens d’appel et versera à la SA Crédit Logement et à Me [U] chacun la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes fondées sur le même texte seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– sursis à l’exécution des poursuites à l’égard de Mme [C] [V] et lui a alloué un délai de grâce de 24 mois qui prendra fin d’office en cas de vente du bien confisqué, après la signature de l’acte authentique, Mme [C] [V] pouvant se libérer de sa dette en une seule échéance à l’issue du délai,
– rejeté les demandes du Crédit Logement tenant à la fixation de sa créance à l’égard du passif de la liquidation judiciaire de M. [K] [D],
Statuant à nouveau dans cette limite et, y ajoutant;
– dit n’y avoir lieu à délai de paiement au profit de Mme [C] [V];
– fixe la créance de la SA Crédit Logement au passif de la liquidation judiciaire de M.[D] à hauteur de 592.615,28 € arrêtée au 2 février 2016, outre les intérêts jusqu’à parfait paiement;
– condamne Mme [C] [V] à payer à la SA Crédit Logement et à Me [U] la somme de 2.000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– rejette les autres demandes formées au même titre;
– rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires;
– condamne Mme [C] [V] aux dépens d’appel qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les termes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,