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1ère Chambre
ARRÊT N°173/2023
N° RG 21/00524 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RJGV
M. [V] [U] [X] [ZJ]
S.C.I. P.PLUS
M. [K] [ML] [F] [T]
Mme [UL] [G] [FL] [JP] épouse [T]
M. [J] [C] [Y]
M. [S] [HN]
SCP [BB] [XH], [H] [W], [R] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 avril 2023
ARRÊT :
rendu par défaut, prononcé publiquement le 13 juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [V] [ZJ] né le 16 août 1946 à [Localité 12] (53), demeurant [Adresse 16], assisté de son curateur, M. [O] [I], né le 9 juillet 1960 à [Localité 14], mandataire judiciaire à la protection des majeurs
Représenté par Me Laurent FRENEHARD de la SELARL ACTAVOCA, avocat au barreau de RENNES
La société P.PLUS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le n°380.509.075, représentée par Monsieur [V] [ZJ], son gérant, lui-même assisté par Monsieur [O] [I], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en sa qualité de curateur, et dont le siège est sis
[Adresse 17]
[Localité 9]
Représentée par Me Laurent FRENEHARD de la SELARL ACTAVOCA, avocat au barreau de RENNES
APPELANTS ET INTIMÉS :
Monsieur [K] [ML] [F] [T]
né le 13 Avril 1973 à [Localité 13] (35)
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Delphine LECHAT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Madame [UL] [G] [FL] [JP] épouse [T]
née le 28 Février 1976 à [Localité 13] (35)
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Delphine LECHAT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
La Société Civile Professionnelle Titulaire d’un Office Notarial [BB] [XH], [H] [W], [R] [P], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par le cabinet d’avocats EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [J] [C] [Y]
né le 24 Mars 1982 à [Localité 10]
[Adresse 11]
[Localité 10]
Régulièrement assigné par acte d’huissier du 10 février 2021 délivré en l’étude, n’a pas constitué
Monsieur [S] [HN]
né le 07 Mai 1962 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Régulièrement assigné par acte d’huissier du 10 février 2021 délivré à sa personne, n’a pas constitué
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 2 février 2018, reçu par maître [W], notaire de la scp [BB] [XH], [H] [W] et [R] [P], notaires associés à [Localité 10] (ci-après la scp [XH] [W] [P]), M. [V] [ZJ], en son nom propre et en qualité de gérant de la sci P. Plus, a consenti à M. et Mme [T], M. [Y] et M. [HN] une promesse de vente portant sur un terrain à viabiliser ‘d’environ’ 1 ha 22 a, situé [Adresse 6] à [Localité 9], outre une bande de terrain à usage de passage d’environ 1 a 85 ca, parcelles respectivement cadastrées section AB n° [Cadastre 7] et [Cadastre 5].
Cette promesse a été consentie :
-au prix de 50 € ht le m² s’agissant du terrain principal, soit 610.000 € approximativement, le bénéficiaire devant se charger des travaux d’aménagement de la voirie du terrain annexe,
-pour une durée expirant le 15 juillet 2019 à 16 h 00,
-sous les conditions suspensives d’obtention par les bénéficiaires d’un permis de construire avant le 15 avril 2019 et d’un prêt de 2.200.000 € avant le 15 juin 2019,
-avec une stipulation de pénalité de 10% du prix.
Il était précisé que pour l’identification du bien objet de la promesse, le tout serait à délimiter par un géomètre-expert au choix du bénéficiaire, le prix étant ajusté en considération de la surface bornée.
Sur requête du 19 décembre 2017 de [TS]-[M] [ZJ], fille de M. [ZJ], le juge des tutelles du tribunal d’instance de Fougères a, par jugement du 17 mai 2018, placé celui-ci sous curatelle renforcée et a désigné sa fille en qualité de curatrice.
Par lettre d’avocat du 26 septembre 2018, M. [ZJ], assisté de sa curatrice, a écrit au notaire pour se prévaloir de la nullité de la promesse de vente signée selon eux en période suspecte en raison des facultés altérées de M. [ZJ].
Par lettre d’avocat du 20 décembre 2018, M. et Mme [T] répliquaient que la promesse n’était frappée d’aucune nullité et qu’ils entendaient en poursuivre l’exécution.
Par actes des 14, 19 et 20 mars 2019, M. [ZJ], en ses deux qualités et assisté de sa curatrice, a assigné M. et Mme [T], M. [Y] et M. [HN] devant le tribunal de grande instance de Rennes, devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020, aux fins de voir prononcer la nullité de la promesse de vente pour insanité d’esprit et leur condamnation au paiement des dépens et d’une indemnité de 4 .000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 27 juin 2019, M. et Mme [T] ont assigné la scp de notaires en garantie et, dans l’hypothèse où la demande en nullité de la promesse serait accueillie et que le jugement ne vaudrait pas vente, en paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 75.000 € en réparation de leur perte de chance de réaliser l’acquisition immobilière promise.
Par acte sous-seing privé reçu le 4 novembre 2019 par maître [L], notaire à [Localité 15] ([Localité 15]), M. [ZJ] en ses deux qualités, assisté de sa curatrice, a consenti une promesse de vente à la sas Holding LDO portant sur la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 7] au prix de 65 € le m², soit un prix d’environ 793.000 €.
Le 7 septembre 2020, le tribunal de proximité de Fougères a déchargé Mme [ZJ] de ses fonctions de curatrice renforcée en raison de son incurie (inventaire de patrimoine lapidaire en dépit d’un patrimoine important, comptes annuels de gestion en retard, curatrice injoignable, ingérences de l’ex-femme de M. [ZJ]) et a désigné M. [O] [I], mandataire judiciaire de protection des majeurs en qualité de curateur à compter du 30 septembre 2020.
Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :
-débouté M. [V] [ZJ] et la sci P. Plus de leur demande en nullité de la promesse de vente du 2 février 2018,
-déclaré M. [V] [ZJ] et la sci P. Plus irrecevables en leur demande de constat de la caducité de ladite promesse,
-débouté M. [V] [ZJ] et la sci P. Plus du surplus de leurs prétentions,
-débouté M. et Mme [T] de leurs prétentions,
-condamné M. [V] [ZJ] et la sci P. Plus aux dépens de l’instance, à l’exception du coût, restant à la charge de M. et Mme [T], de l’assignation de la scp [XH] [W] et [P], notaires associés,
-condamné M. et Mme [T] à payer à la scp [XH] [W] et [P], notaires associés, la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [V] [ZJ] a interjeté appel par déclaration du 25 janvier 2021. L’affaire a été enrôlée à la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Rennes sous le n° de RG 21/00524.
Le 18 février 2021, M. et Mme [T] ont relevé appel de la décision en ce qu’elle les avait déboutés de leur demande en responsabilité du notaire à leur payer la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts, les avait déboutés de leur demande de condamnation du notaire au titre des frais irrépétibles et des dépens et les avait condamnés aux dépens et à payer la somme de 1.500 € à la scp [XH] [W] [P].
L’affaire a été enrôlée à la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Rennes sous le n° de RG 21/01143.
Par ordonnance du 16 mars 2021, les deux affaires ont été jointes sous le n° de RG 21/00524.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [V] [ZJ], assisté de son curateur, et la sci P. Plus représentée par son gérant M. [ZJ] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 1er juin 2021 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
-réformer le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. et Mme [ZJ] de leurs prétentions,
-et, statuant de nouveau,
-constater que la promesse de vente en date du 2 février 2018 est nulle pour avoir été signée par M. [V] [ZJ] alors même qu’il était frappé d’insanité d’esprit,
-en conséquence,
-prononcer la nullité de la promesse de vente en date du 2 février 2018,
-à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause, constater que la promesse litigieuse est caduque, le délai de réalisation ayant été dépassé et, par ailleurs, faute pour les bénéficiaires d’avoir entrepris les démarches nécessaires à la levée des conditions suspensives,
-condamner in solidum M. et Mme [T] et MM. [Y] et [HN] à payer à Mme [TS]-[M] [ZJ] ès qualité de curatrice de M. [ZJ] la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouter M. et Mme [T] de leurs demandes,
-condamner les mêmes sous la même solidarité aux dépens de la procédure en ce compris les frais éventuels d’exécution et les frais de publication aux hypothèques.
Ils soutiennent que la démonstration du trouble mental de M. [ZJ] est suffisamment rapportée par le certificat médical du docteur [E] qui a permis au juge des tutelles d’ouvrir la procédure de curatelle renforcée, et que la preuve n’est pas rapportée d’un intervalle lucide au moment de la vente qui a par ailleurs été passée à un prix inférieur de 30 % à celui du marché avec des conditions favorables aux bénéficiaires, le tout étant contraire aux intérêts de M. [ZJ]. Ils ajoutent que la justification de l’accomplissement des conditions suspensives à la charge des bénéficiaires n’a pas été transmise. Enfin, ils rappellent que M. [HN] et M. [Y] ont bien été assignés en première instance, que l’acte d’appel leur a été signifié le 10 février 2021 et que leur demande de caducité est dès lors recevable.
M. et Mme [T] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 8 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
-les recevoir en leur appel et les dire bien-fondés,
-en conséquence,
-infirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes,
-débouter la sci P. Plus et M. [V] [ZJ], assisté de son curateur, de leur appel et de leurs demandes,
-condamner la sci P. Plus et M. [ZJ], assisté de son curateur, à leur payer solidairement une somme de 61.000 € au titre de la pénalité contractuelle,
-condamner la sci P. Plus et M. [V] [ZJ], assisté de son curateur, à leur payer solidairement une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur mauvaise foi leur a occasionné,
-condamner la scp [XH] [W] [P], notaires associés, à leur payer une somme de 75.000 € au titre de la perte de chance et au titre des tracas et soucis en relation avec leurs manquements,
-condamner la sci P. Plus et M. [V] [ZJ], assisté de son curateur, et la scp [XH] [W] [P], notaires associés, à leur payer solidairement, une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens d’instance et d’appel, avec distraction au profit des avocats de la cause, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que le certificat médical ne permet pas à lui seul de caractériser une insanité d’esprit à la date de l’acte litigieux, qu’aucune diligence n’a été effectuée pour rendre opposable aux tiers la mise sous curatelle renforcée de M. [ZJ], qu’au contraire, l’ex-femme et la fille de celui-ci ont monté de toutes pièces une opération pour délier M. [ZJ] de ses engagements alors que la promesse ne contenait quant à elle que des clauses habituelles et était assortie d’un calendrier prévisionnel de réalisation. Ils rappellent que M. [ZJ] et maître [W] avaient envisagé la vente de ce terrain dès avant le mois de mai 2017 en projetant la construction d’un bâtiment commercial, que l’étude notariale ne peut ignorer les circonstances de réalisation de l’opération alors qu’elle a été destinataire d’une réquisition de mise en vente, mais qu’elle n’a pas vérifié que la vente d’un immeuble par le gérant de la sci devait être approuvée par les associés de la sci P. Plus. Ils réclament une indemnité d’un montant de 75.000 € en réparation de la perte de chance de pouvoir bénéficier de la promesse de vente.
La scp [XH] [W] [P] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
-confirmer le jugement dont appel,
-par conséquent,
-statuer ce que de droit sur la demande principale de nullité de la promesse de vente,
-débouter M. et Mme [T] de toutes leurs demandes à son encontre,
-constater que la sci P Plus et M. [ZJ] assisté de son curateur ont abandonné leur demande en garantie à son encontre,
-condamner M. et Mme [T] et/ou tout autre succombant à lui verser une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles,
-condamner les mêmes en tous les dépens avec recouvrement en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle déclare s’en rapporter purement et simplement à justice sur la demande principale tendant à la nullité de la promesse de vente. Elle rappelle que maître [W] étant décédé, ses associés sont dans l’incapacité d’indiquer dans quelles conditions il a pu authentifier la promesse unilatérale de vente du 2 février 2018, qu’il n’est toutefois pas démontré que le jour où maître [W] a instrumenté, alors qu’il ne connaissait pas l’existence du certificat médical du Docteur [E], M. [ZJ] présentait des troubles apparents de nature à permettre au notaire de douter de sa capacité, que par ailleurs, un notaire peut instrumenter pour un cousin contrairement aux allégations adverses, sans que cette circonstance entraîne la connaissance de l’état de santé du client, qu’enfin, le prix de 50 € du m² convenu au terme de la promesse apparaissait tout à fait conforme à la valeur du marché et que la preuve contraire n’est pas rapportée. Elle ajoute qu’il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas convoqué les parties à la signature de l’acte authentique dès lors que le vendeur avait fait savoir s’y opposer et que les acquéreurs ne justifiaient pas de la réalisation des conditions suspensives, ni d’avoir levé l’option.
MM. [HN] et [Y] n’ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE L’ARRÊT
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur la nullité de la promesse de vente pour cause d’insanité d’esprit
L’article 414-1 du code civil dispose que ‘pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte’.
Le trouble mental dont la preuve doit être rapportée doit exister au moment précis où l’acte attaqué a été fait.
Si l’état d’insanité d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l’acte litigieux, il revient alors au défendeur d’établir en pareil cas l’existence d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé.
L’annulation est encourue dès que le trouble des facultés intellectuelles est suffisamment grave pour priver l’acte juridique de l’un de ses éléments constitutifs, à savoir une volonté saine, libre et éclairée. L’auteur de l’acte doit être hors d’état de vouloir et de comprendre la portée exacte de son engagement.
L’ouverture d’une sauvegarde de justice puis d’une curatelle ne fait pas à elle seule présumer le trouble mental, a fortiori lorsque ces mesures interviennent à une date largement postérieure à l’acte critiqué.
Enfin, le trouble mental étant un simple fait, son existence peut être prouvée par tous moyens, notamment, par des écrits émanant du disposant et dénotant une altération des facultés intellectuelles, des certificats médicaux et, plus ordinairement, par témoins.
En dernier lieu, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation tant de la gravité du trouble allégué que de l’époque à laquelle il est susceptible d’être survenu.
En l’espèce, les appelants fondent leur demande de nullité sur l’existence du certificat médical du Docteur [A] [E] inscrit sur la liste des médecins habilités en matière de protection juridique, établi le 9 mai 2017 à la suite de l’examen médical réalisé le 4 mai 2017 sur la personne de [V] [ZJ], et qui conclut ainsi qu’il suit :
‘Je soussigné Docteur [A] [E] inscrit sur la liste des médecins habilités en matière de protection juridique, certifie avoir examiné le 4 mai 2017, Monsieur [V] [ZJ] né le 16 août 1946 à [Localité 12] (53).
Il vit seul, est célibataire après avoir vécu maritalement.
Il a une fille prénommée [TS] [M].
Il vit au [Adresse 8] à [Localité 9] (35), mais son adresse administrative est au [Adresse 2] à [Localité 12] (53).
Il ne fait l’objet d’aucune mesure de protection juridique et a le droit de vote.
Il est propriétaire de locaux importants (anciens hôtels) dont l’un est réquisitionné pour loger des migrants.
Il est très endetté, il considère cet endettement comme normal.
Il me dit avoir été victime d’un vol estimé à 80000.00 euros (grands crus de vin) et être sur le point de démasquer les voleurs.
Il présente des raisonnements paralogiques, des troubles du jugement, des éléments délirants type de délire de grandeur.
Ces signes révélateurs d’une pathologie psychiatrique ancienne non traitée, ne lui permettant pas d’agir conformément à ses intérêts.
En conclusion, Monsieur [V] [ZJ] souffre d’une pathologie psychiatrique chronique avec éléments délirants.
Cette maladie altère son jugement et l’empêche d’agir conformément à ses intérêts.
Une amélioration de son état psychique est possible sous réserve de soins continus délivrés par un praticien compétent.
Il peut exprimer ses volontés.
Il ne peut gérer seul ses biens.
Il a besoin d’être assisté voire représenté dans les actes importants de la vie civile.
Il peut exercer son droit de vote.
Une mesure de protection juridique est médicalement justifiée.
Monsieur [V] [ZJ] peut être entendu par le Juge des Tutelles au Tribunal de Grande Instance de LAVAL.
Il n’y a pas d’obstacle à la désignation d’un proche au titre de mandataire judiciaire.
Fait à Mayenne le 9 mai 2017.
Docteur [A] [E]’
Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, ce certificat médical a été rédigé près de neuf mois avant la promesse de vente du 2 février 2018.
Il ne peut donc être retenu pour attester d’une insanité d’esprit dans une période immédiatement antérieure, ni a fortiori dans une période immédiatement postérieure, à l’acte litigieux puisqu’il est trop éloigné dans le temps de la date de la promesse de vente.
Il s’en déduit qu’il n’y a pas lieu à exiger des intimés la preuve d’un intervalle lucide.
En revanche, la preuve de l’insanité d’esprit demeure bien à la charge des appelants.
De ce point de vue, ce certificat médical est l’unique pièce sur laquelle ils fondent leur demande de nullité.
En effet, bien que le docteur [E] ait préconisé des ‘soins continus délivrés par un praticien compétent’, M. [ZJ] ne justifie d’aucun traitement suivi depuis lors par lui au titre des pathologies identifiées par le docteur [E], ni d’aucun suivi par un quelconque médecin spécialiste voire même généraliste.
Il ne produit aucun témoignage de son entourage personnel ou de voisinage qui attesterait de l’altération de ses facultés intellectuelles ou physiques.
De même, alors que la visite médicale s’est déroulée le 4 mai 2017, il ne justifie pas en avoir fait état lors de la signature de la promesse de vente chez le notaire le 2 février 2018, ni non plus avoir transmis ledit certificat médical aux fins d’information du notaire instrumentaire, les circonstances entourant cette demande d’examen demeurant du reste parfaitement inexpliquées et ce jusqu’en cause d’appel.
Enfin, il ne justifie pas non plus de la longueur du délai ‘ plus de 6 mois ‘ écoulé entre ce certificat médical et la requête adressée seulement le 19 décembre 2017 par sa fille [TS]-[M] [ZJ] au juge des tutelles aux fins de mesure de protection.
Sous le bénéfice de ces observations, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que ce seul certificat médical du 9 mai 2017 ne permettait pas de conclure à l’existence d’une insanité d’esprit de M. [ZJ] près de 9 mois plus tard, soit le 2 février 2018, et que la preuve de l’existence d’un trouble mental au sens de l’article 414-1 du code civil au moment de l’acte litigieux ne pouvait être considérée comme étant rapportée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2) Sur la caducité de la promesse de vente et ses conséquences
Conformément aux dispositions de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.
La promesse de vente prévoit les conditions suspensives d’obtention par les bénéficiaires d’un permis de construire avant le 15 avril 2019, avec justificatif au promettant du dépôt d’un dossier complet de demande de permis de construire au plus tard le 15 octobre 2018, d’obtention d’un prêt de 2.200.000 € avant le 15 juin 2019, portée à la connaissance du promettant ‘ sans condition de délai et d’obtention de l’autorisation de la commission départementale d’aménagement foncier qui devait intervenir au plus tard le 15 avril 2019.
Elle prévoit également que ‘au cas où toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties ne régulariserait pas l’acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre une somme correspondant à 10 % du prix de vente, à titre de dommages et intérêts […] Sauf inexécution définitive, la peine n’est encourue que lorsque le débiteur est mise en demeure.’
Les premiers juges ont considéré que les demandeurs ne pouvaient formuler une demande additionnelle de caducité de la promesse de vente, qui suppose, comme la demande en nullité, d’être portée à la connaissance de l’ensemble des bénéficiaires de la promesse, sans démontrer qu’ils ont bien porté cette demande additionnelle à la connaissance de MM. [Y] et [HN], défaillants, dans les formes prévues par l’article 68 du code de procédure civile, ce qu’ils ne font pas, puisqu’ils constatent même que ‘seuls M. et Mme [T] sont partis à la procédure.’ Ils ont jugé que la demande de constat de la caducité est donc irrecevable faute d’avoir été portée à la connaissance de l’ensemble des bénéficiaires de la promesse.
M. [ZJ] et la sci P. Plus soulignent qu’une assignation a été délivrée le 14 mars 2019 à M. [Y] et le 20 mars 2019 à M. [HN] et qu’en outre, l’acte d’appel leur a été signifié le 10 février 2021, rendant recevable leur demande de caducité.
Ils ajoutent que les bénéficiaires n’ont pas justifié du dépôt avant le 15 octobre 2018 d’un dossier complet de demande de permis de construire, ni de l’obtention au plus tard le 15 avril 2019 de l’autorisation de la commission départementale d’aménagement foncier.
La scp [XH] [W] [P] soutient que la promesse est devenue caduque dès lors que M. et Mme [T] n’ont pas justifié de la réalisation des conditions suspensives stipulées à la promesse du 2 février 2018, ni d’avoir obtenu un permis de construire avant le 15 avril 2019, ni non plus d’avoir obtenu un prêt d’un montant de 2.200.000€ avant le 15 juin 2019, ni d’avoir levé l’option avant le 15 juillet 2019.
M. et Mme [T] ne concluent pas sur ce point.
De fait, la demande de caducité ayant été portée à la connaissance de tous les intimés, elle est recevable.
Sur le fond, il n’est pas justifié par M. et Mme [T] de ce qu’ils ont porté à la connaissance du promettant le 15 octobre 2018 au plus tard du dépôt d’un dossier complet de demande de permis de construire. L’obtention des prêts et de l’autorisation de la commission départementale d’aménagement foncier ne sont pas non plus justifiées.
Bien qu’ils ne le précisent pas, cette carence est susceptible de s’expliquer par le fait que par lettre d’avocat du 26 septembre 2018, M. [ZJ], assisté de sa curatrice, entendait dès cette date, et avant l’expiration des délais des conditions suspensives, se prévaloir de la nullité de la promesse de vente.
Il n’en demeure pas moins qu’indépendamment de la position du promettant, il appartenait aux bénéficiaires de remplir leurs obligations au titre des conditions suspensives s’ils entendaient poursuivre de leur côté leur acquisition, position qu’ils confirmeront par courrier de leur conseil du 20 décembre 2018, mais sans pour autant justifier en temps et en heure de la réalisation desdites conditions suspensives à leur charge.
Il s’ensuit que la promesse de vente est devenue caduque et que M. et Mme [T] sont infondés à réclamer le paiement d’une quelconque pénalité contractuelle aux vendeurs.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
3) Sur les dommages et intérêts sollicités par les acquéreurs pour mauvaise foi des vendeurs
Les époux [T] demandent la condamnation solidaire de la sci P. Plus et de M. [V] [ZJ], assisté de son curateur, à leur payer la somme de 15 000 €, en faisant valoir qu’ils ont abusé de leur droit d’agir en justice en agissant de mauvaise foi en nullité pour se délier sans frais d’une promesse de vente au profit d’une autre promesse signée le 4 novembre 2019.
Toutefois, ainsi qu’il l’a été ci-dessus retenu, les démarches de mise sous protection de M. [ZJ] étaient bien existantes dès le mois de mai 2017 et ont abouti au prononcé d’une mesure de curatelle renforcée par jugement du 17 mai 2018 tandis que, parallèlement, la réalisation des conditions suspensives à la charge des bénéficiaires n’a pas été justifiée ‘ sans qu’aucune explication ne soit donnée ‘ qui constituait un préalable incontournable à la réalisation de la vente authentique.
Ainsi que l’ont considéré les premiers juges, les circonstances de l’espèce ne permettent pas de caractériser une mauvaise foi de la part des vendeurs.
Les époux [T] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
4) Sur les dommages et intérêts pour perte de chance
En droit, le notaire est tenu de veiller à l’efficacité des actes qu’il établit et d’éclairer les parties sur les conséquences qui s’y attachent.
M. et Mme [T] demandent la condamnation de la scp de notaires à leur payer la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts en se fondant sur le manquement au devoir d’information et de conseil qui leur aurait fait perdre la chance de bénéficier de la promesse de vente et leur aurait causé des soucis et tracas.
Toutefois, M. [ZJ] et la sci P. Plus ne soutiennent pas avoir avisé le notaire des démarches en cours (visite médicale et certificat médical du médecin inscrit, requête au juge des tutelles) visant à la mise sous protection du M. [ZJ], ni ne lui ont transmis un quelconque document à ce sujet, de sorte qu’il n’est pas établi que le notaire pouvait les connaître. Par ailleurs, le lien de parenté entre maître [W] et M. [ZJ], qui sont cousins germains, n’interdisait pas à maître [W] d’instrumenter pour le compte de M. [ZJ] et n’était pas suffisant en soi pour établir la connaissance de ces démarches ni l’état de santé de ce dernier.
Ainsi que cela résulte du courriel de Mme [N], clerc de notaire en l’étude [XH] [W] [P], du 4 juillet 2018, dès que l’information du jugement de placement sous curatelle renforcée a été connue, cette information a été transmise à M. et Mme [T], dans les termes qui suivent, avec la prise en compte de cette donnée pour la passation de la vente authentique : ‘Suite à notre entretien et pour ma mise au point de l’ensemble du dossier de M. [V] [ZJ], ceci compte tenu notamment de sa mise sous protection, je vous soumets mes disponibilités pour convenir d’un rendez-vous, à savoir un midi de la semaine prochaine semaine 28 à l’exception du mercredi. Devront être présents : M. [V] [ZJ], Mme [D] [B] et [TS] [M] [ZJ]. Je vous laisse le soin d’organiser ce rendez-vous et de m’en aviser. Par ailleurs, je vous informe que les acquéreurs m’ont sollicité pour le bornage. Vous trouverez en pièce jointe copie de leur courrier en date du 25 juin. Vous trouverez également en pièce jointe le courrier de Maître [Z], en date du 27 mars, me précisant qu’il convient de verser, le plus rapidement possible, une somme de 16.000 € pour clôturer le dossier.’
Pour autant, bien qu’assistés d’un conseil depuis au moins le mois de décembre 2018, lequel écrivait vouloir poursuivre la vente, les acquéreurs n’ont pas fait connaître l’état de réalisation des conditions suspensives à leur charge ou encore qu’ils levaient l’option en abandonnant lesdites conditions suspensives leur profitant afin d’obtenir la réalisation de la vente.
Ils échouent à établir une faute commise par le notaire et qu’ils ont perdu une chance de concrétiser cette vente qui, en tout état de cause, ne pouvait aboutir indépendamment des diligences du notaire.
Le jugement qui a rejeté leur demande de dommages et intérêts en réparation d’une perte de chance sera confirmé sur ce point.
5) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, la sci P. Plus et M. [ZJ] d’une part, et M. et Mme [T] d’autre part, supporteront les dépens d’appel.
Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens de première instance.
Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de condamner la sci P. Plus et M. [ZJ] d’une part, et M. et Mme [T] d’autre part, à payer à la scp [XH] [W] [P] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Le jugement sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de la sci P. Plus et M. [ZJ] (dont la curatelle n’est plus assurée par sa fille [TS]-[M] [ZJ] depuis le 17 septembre 2020, contrairement à la mention du dispositif des conclusions) d’une part, et M. et Mme [T] d’autre part, de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 11 janvier 2021 sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de caducité de la promesse de vente du 2 février 2018,
Statuant à nouveau,
Prononce la caducité de la promesse de vente du 2 février 2018,
Condamne la sci P. Plus et M. [V] [ZJ] assisté de son curateur d’une part, et M. et Mme [K] et [UL] [T] d’autre part, aux dépens d’appel, avec recouvrement au profit de la selarl Ab Litis de Moncuit Saint Hilaire Pélois Vicquelin, avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la sci P. Plus et M. [V] [ZJ] assisté de son curateur d’une part, et M. et Mme [K] et [UL] [T] d’autre part, à payer à la scp [XH] [W] [P], notaires associés, la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE