Responsabilité du Notaire : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05056

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Responsabilité du Notaire : 11 janvier 2024 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05056
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Arrêt n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 11 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/05056 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIGN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/01205

APPELANT :

Monsieur [K] [V]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Philippe LIDA de la SCP LIDA-CARRIERE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES,

INTIMES :

Monsieur [K] [H], notaire associé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER- HUOT- PIRET- JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES,

SCP [H] [P] PAGNON, notaires, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Perpignan sous le numéro 306 745 571, titulaire de l’office notarial de [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER- HUOT- PIRET- JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES,

Ordonnance de clôture du 18 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 novembre 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier

* * * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique reçu le 25 juin 2012 par Me [K] [H], notaire associé à [Localité 9], la SA Coopérative de production d’habitations à loyers modérés des [Localité 7] a conclu avec M. [K] [V] et Mme [X] [S] épouse [V] un contrat de location-accession à la propriété immobilière portant sur le lot n° 71 (maison à usage d’habitation avec jardin attenant) du groupe d’habitation dénommé « [Adresse 5] » sis au [Adresse 2], cadastré section [Cadastre 4], pour une période de quatre ans et moyennant le prix de 155 114,46 euros.

Ce prix était stipulé payable par 48 échéances mensuelles d’un montant de 100 euros et le solde, en cas de levée d’option, le jour de la constatation par acte authentique de la levée d’option et du transfert de propriété.

M. et Mme [V] ayant décidé d’exercer l’option d’achat stipulée à leur pro’t et de solliciter un crédit immobilier pour ‘nancer cette opération, Me [H] a établi le 11 janvier 2013 une attestation indiquant qu’ils se proposaient d’acquérir le bien dans le cadre du contrat de location-accession.

Aux mêmes ‘ns, deux autres attestations ont été établies par Me [P] et Me [H] les 6 février et 6 juin 2013.

Ces attestations mentionnaient, outre le prix de vente, un montant de frais à hauteur de 2 150 euros.

Le 27 août 2013, le dossier de prêt bancaire concernant cette acquisition était adressé à Me [H] et les époux [V] se sont rapprochés du notaire afin de signer l’acte authentique de vente.

Le décompte des sommes dues établi par le notaire faisait apparaître un montant de frais de 11 300 euros (au lieu des 2 150 euros prévus) ; à cette occasion, M. et Mme [V] ont été informés de l’absence de bénéfice de droits de mutations réduits car leur maison était achevée depuis le 17 juin 2013, soit plus de cinq ans.

M. et Mme [V] ont signé l’acte authentique contenant vente et transfert de propriété reçu par Me [P] le 15 juillet 2015.

Par acte d’huissier du 24 mars 2017, M. [K] [V] a fait assigner Me [K] [H] et la SCP de notaires [H]-[P]-Pagnon devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de les voir condamner solidairement à payer la somme de 31 641,80 euros en réparation de ses préjudices.

Par jugement avant-dire droit du 19 juin 2018, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s’expliquent sur :

– la responsabilité civile professionnelle du notaire,

– le régime dérogatoire au droit commun des droits de mutation à titre onéreux relatif à la mutation soumise à une taxation réduite ou exonérée concernant les immeubles neufs de moins de cinq ans acquis auprès d’un professionnel par un particulier, qui aurait été applicable avant le 17 juin 2013.

Par jugement contradictoire rendu le 16 mai 2019, le tribunal de grande instance de Perpignan a notamment :

– Débouté M. [K] [V] de l’intégralité de ses prétentions à l’encontre de Me [K] [H] et de la SCP de notaires [H]-[P]-Pagnon ;

– Condamné M. [K] [V] à payer à Me [K] [H] et à la SCP de notaires [H]-[P]-Pagnon la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 17 juillet 2019, M. [K] [V] a relevé appel de ce jugement, l’acte d’appel précisant les chefs de jugement critiqués.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 14 octobre 2019, M. [K] [V] sollicite la réformation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan.

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner solidairement Me [H] et la SCP [H]-[P]-Pagnon à lui payer la somme de 31 641,80 euros.

Il demande en outre de condamner solidairement Me [H] et la SCP [H]-[P]-Pagnon aux dépens, et à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions enregistrées au greffe le 13 janvier 2020, Me [K] [H] et la SCP [H]-[P]-Pagnon sollicitent la confirmation du jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan.

Ils demandent en outre de condamner M. [V] aux entiers dépens, et à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 18 octobre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS

Sur la responsabilité du notaire

M. [V] estime que Me [H] a commis un manquement à son obligation d’information concernant la fiscalité de l’acquisition. Il indique que, non informé des délais de l’échéance quinquennale, il n’a pas été en mesure de conclure la transaction avant la survenance de ceux-ci. Le prêt avec l’établissement financier devait financer son acquisition.

En effet il existe un régime dérogatoire au droit commun des droits de mutation à titre onéreux qui autorise une taxation réduite ou exonérée pour la mutation des immeubles neufs de moins de cinq acquis auprès d’un professionnel par un particulier.

En l’espèce, ce régime fiscal favorable aurait été applicable avant le 17 juin 2013, date d’achèvement de la maison, or la vente est intervenue le 15 juillet 2015 et les parties s’accordent à reconnaître que l’immeuble litigieux était achevé depuis plus de cinq ans au 17 juin 2013, dès lors c’est à juste titre que le premier juge a retenu que les droits de mutation à titre onéreux réduits ne pouvaient plus s’appliquer.

Il n’est pas non plus contesté qu’au lieu de régler les frais de 2 150 euros annoncés dans les trois attestations des 11 janvier, 6 février et 6 juin 2013, M. [V] a payé plus de 11 000 euros.

M. [V] cite une juriprudence de la Cour de cassation du 30 septembre 2008, n° 06-21.183 qui estime que le notaire a été jugé comme débiteur d’une obligation d’information concernant les impératifs à respecter pour obtenir des objectifs fiscaux légalement prévus  pour soutenir que Me [H] se devait de l’informer sur la nécessité de passer l’acte avant l’échéance quinquennale si son client entendait bénéficier des frais lui étaient annoncés ; et qu’en l’espèce, ce n’est qu’au moment de réaliser la vente que l’acquéreur a été informé de ce que les frais étaient pratiquement 5 fois supérieurs à ceux qui étaient initialement annoncés alors qu’aucune relance ou même avertissement ne lui avait été donné.

Son préjudice serait constitué par l’impossibilité de conclure le prêt avant l’échéance du délai quinquennal et donc de réaliser son projet comme prévu eu égard aux frais supplémentaires demandés, ce qui a engendré :

– 14 670,70 euros de loyer qu’il a dû payer pour cet immeuble dont il est devenu propriétaire avec 22 mois de retard,

– 221,10 euros de réparations des parties communes sur ces 22 mois,

– 10 000 euros au titre de son préjudice moral (impact sur sa santé et sa vie personnelle et familiale).

Toutefois, il ressort d’un courrier du 11 janvier 2013 que Me [H] a informé M. [V] concernant la fiscalité applicable au titre de l’opération envisagée, et que le montant des frais était  calculé en tenant compte d’une signature au plus tard le 28 février 2013 qui était de fait l’objectif à respecter pour bénéficier de la taxation réduite.

Ainsi le notaire a attiré l’attention de M. [V] sur l’échéance quinquennale et le changement de prix et de fiscalité.

De son propre chef, M. [V] a poursuivi ses démarches auprès d’établissements bancaires sans tenir compte du délai indiqué par le notaire pour passer l’acte authentique et n’a pas indiqué au notaire qu’il n’entendait pas procéder à son achat dans le délai prévu et sans informer le notaire, a poursuivi ses démarches d’obtention de prêt et a ensuite sollicité l’attestation du 6 juin 2013.

Enfin M. [V] a finalement obtenu son prêt en août 2013 du même établissement financier que celui consulté en février.

Dès lors il ne peut invoquer un défaut de conseil du notaire, s’étant lui même placé dans une nouvelle situation juridique excluant une remise fiscale, les actes authentiques de vente mentionnant de manière habituelle « à parfaire ou à diminuer ».

Le jugement de première instance sera confirmé, en l’absence de faute démontrée du notaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [V], succombant, sera condamné au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme dans toutes ses disposition le jugement du 16 mai 2019 du tribunal de grande instance de Perpignan ;

Condamne M. [V] à payer à Me [H] et la SCP [H] [P] Pagnon la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] aux entiers dépens.

le greffier le président

 


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