Monsieur [I] a assigné Monsieur [B], dirigeant de la société HOME WOOD, en raison de la radiation d’office de la société et de l’absence de mise en œuvre de la procédure de liquidation, ce qui lui a causé un préjudice lié au coût d’achèvement des travaux. Il a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux le 1er septembre 2023, demandant la reconnaissance de ses demandes et des condamnations financières à l’encontre de Monsieur [B], ainsi que l’exécution provisoire de la décision. Malgré une citation régulière, Monsieur [B] n’a pas constitué avocat, entraînant un jugement réputé contradictoire. L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE
SUR LE FOND
59B
N° RG 23/07831 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YEXS
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[R] [I]
C/
[Y] [F] [O] [B]
Grosses délivrées
le
à
Avocats : Maître Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 19 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors du délibéré
Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique
Greffier, lors du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier
Juge unique de dépôt du 13 Juin 2024
JUGEMENT
Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDEUR
Monsieur [R] [I]
né le 18 Novembre 1980 à PAU (64) (64000)
de nationalité Française
13 rue Paul Raboutet
33390 BLAYE
représenté par Maître Ingrid THOMAS de la SELARL MAITRE INGRID THOMAS, avocats au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR
Monsieur [Y] [F] [O] [B]
né le 21 Septembre 1989 à SENLIS (60000)
de nationalité Française
9 RUE DU 4 SEPTEMBRE
33710 BOURG SUR GIRONDE
défaillant
N° RG 23/07831 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YEXS
Selon devis accepté du 23 mars 2020, Monsieur [R] [I] a commandé à la société HOME WOOD des travaux d’extension sur un immeuble situé à BLAYE (33).
Un litige est survenu en cours de travaux et Monsieur [I] s’est plaint de malfaçons et d’un abandon de chantier.
Aucun accord n’étant intervenu entre les parties, Monsieur [I] a saisi le tribunal de commerce de Libourne, lequel, par jugement rendu le 13 septembre 2022 a débouté Monsieur [I] de ses demandes.
Par arrêt infirmatif rendu le 14 juin 2023, la cour d’appel de Bordeaux a :
–infirmé le jugement rendu le 13 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Libourne,
–condamné la société HOME WOOD à payer à Monsieur [R] [I] la somme de 20 788 euros au titre du coût des travaux d’achèvement,
–condamné la société HOME WOOD à payer à Monsieur [I] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
–condamner la société HOME WOOD aux dépens de première instance et d’appel.
Le commissaire de justice requis pour la signification de l’arrêt a constaté que les locaux de la société HOME WOOD étaient fermés et, par consultation Infogreffe que la société avait fait l’objet d’une radiation d’office, selon mention du 16 décembre 2022, en vertu de l’article R 123–136 du code de commerce, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’inscription de la mention de cessation d’activité.
Monsieur [I] fait valoir que cette radiation génère pour lui un préjudice, lié au coût d’achèvement des travaux, préjudice dont il ne peut obtenir réparation du fait de l’absence de diligences du dirigeant de la société pour procéder à sa liquidation.
Ainsi, par acte en date du 1er septembre 2023, Monsieur [I] a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa des articles 1792–6, 1231–1, 1224 et 1228 du Code civil, L.1233–22 du code de de commerce, afin de voir :
–déclarer recevable et bien fondé Monsieur [I] en ses demandes,
–condamner Monsieur [Y] [F] [B] à payer à Monsieur [I] la somme de 20 788 euros au titre des travaux de reprise,
–condamner Monsieur [Y] [F] [B] à payer à Monsieur [I] la somme de 1500 euros au titre de la procédure d’appel et des dépens,
–condamner Monsieur [B] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, en ce compris ceux inhérents à la convocation pour réception à l’établissement du procès-verbal de constat du 1er juin 2021,
–ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Bien que régulièrement cité avec procès-verbal de recherches, dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, Monsieur [B] n’a pas constitué avocat.
Il convient de statuer par jugement réputé contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.
Il ressort de l’examen des éléments de la cause que la SAS HOME WOOD a fait l’objet d’une mention au registre du commerce de cessation d’activité, portée en application de l’article R.123-125 du code de commerce, puis, le 16 décembre 2022, d’une radiation d’office, en application de l’article R.123-136 du code de commerce, en raison du défaut de régularisation de la situation à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’inscription de la mention de cessation d’activité.
En application de l’article L. 237–2 du code de commerce, la société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit (sauf le cas prévu au troisième alinéa de l’article 1844–5 du Code civil) … La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci.
Ainsi, il appartient au président d’une SAS, associé unique, de désigner un liquidateur amiable, lequel doit notamment prévenir les créanciers des opérations de liquidation pour leur permettre de sauvegarder leurs droits.
Il s’avère, en l’espèce, que le président de la SAS HOME WOOD, Monsieur [B], n’a pas nommé de liquidateur et n’a procédé à aucune opération de liquidation après cessation d’activité et radiation de la société.
Ainsi, Monsieur [I], n’a pu faire valoir ses créances dans le cadre des comptes de liquidation.
Il ressort de ces considérations que Monsieur [B], président de la SAS HOME WOOD, a manqué à ses obligations en ne désignant pas un liquidateur pour procéder aux opérations de liquidation de la société, alors que celle-ci avait fait l’objet d’une radiation d’office après mention de sa cessation d’activité.
Cette faute est de nature à engager la responsabilité individuelle de Monsieur [B], président de la SAS HOME WOOD, dès lors que le manquement grave à ses obligations a causé un préjudice à Monsieur [I], qui bénéficie à l’égard de cette société d’une créance certaine, en vertu de l’arrêt définitif rendu par la cour d’appel de Bordeaux le 14 juin 2023, et qui n’a pu en obtenir paiement en l’absence de procédure de liquidation.
Il s’avère cependant que le préjudice subi par Monsieur [I] ne peut être estimé au montant des condamnations prononcées par la cour d’appel dès lors qu’il n’est aucunement établi qu’au terme des opérations de liquidation de la société, celle-ci aurait disposé de suffisamment d’actifs pour l’indemniser intégralement.
Dans ces conditions, il convient de constater que le préjudice de Monsieur [I] s’analyse en une perte de chance d’indemnisation et de remboursement des frais de procédure d’appel et d’établissement du procès-verbal de constat du 1er juin 2021, qu’il y a lieu de réparer par l’octroi des sommes de 9000 euros et 800 euros à titre de dommages et intérêts.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [I] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de constater que l’exécution provisoire est attachée de droit à la présente décision.
Les dépens doivent être laissés à la charge de Monsieur [B].
Le Tribunal statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
–déclare Monsieur [R] [I] recevable en son action,
–condamne Monsieur [Y] [F] [B] à payer à Monsieur [R] [I] les sommes de 9000 euros et 800 euros à titre de dommages et intérêts,
–condamne Monsieur [Y] [F] [B] à payer à Monsieur [R] [I] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
–déboute Monsieur [R] [I] du surplus de ses demandes,
–constate que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire,
–condamne Monsieur [Y] [F] [B] aux dépens.
La présente décision est signée par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente, et par Madame Pascale BUSATO, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,