En 2021, Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] ont sollicité la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 pour des travaux d’agrandissement de leur maison. Un devis a été signé avec la SARL DRC pour un montant de 137.013,69 euros, et un acompte de 41.104,10 euros a été versé. Les travaux, prévus pour commencer le 13 septembre 2021, n’ont jamais été réalisés. Les consorts [F]-[G] ont mis en demeure la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 de réparer le préjudice subi, sans succès. Ils ont ensuite assigné la société en justice, arguant d’un manquement à ses obligations contractuelles et demandant des dommages-intérêts de 35.000 euros. La société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 a contesté toute faute, affirmant avoir respecté ses obligations en tant que courtier. Le tribunal a finalement débouté les consorts de leur demande de dommages-intérêts, chaque partie supportant ses propres frais.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l’ordonnance de
clôture : 27 mai 2024
Minute n°24/718
N° RG 23/01827 – N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDBPI
Le
CCC : dossier
FE :
-Me TANCELIN
-Me MEUNIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS
Madame [N] [G]
Monsieur [B] [F]
[Adresse 2]
représentés par Me Aurélie TANCELIN, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, avocate plaidante
DEFENDERESSE
S.A.R.L. HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77
[Adresse 1]
représentée par Me Séverine MEUNIER, avocate au barreau de MEAUX, avocate plaidante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge
Jugement rédigé par : Mme GRAFF, Juge
DEBATS
A l’audience publique du 27 Juin 2024
GREFFIERE
Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;
Dans le courant de l’année 2021, Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] (ci-après les consorts [F]-[G]) se sont adressés à la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, exerçant sous l’enseigne « La Maison des travaux », courtier en travaux, pour la recherche d’une entreprise susceptible de procéder à des travaux d’agrandissement de leur maison.
La société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 leur a présenté la SARL DRC et un devis a été signé le 31 mai 2021 pour un montant de 137.013,69 euros TTC.
Le 4 juin 2021, les consorts [F]-[G] ont versé à la SARL DRC un acompte de 41.104,10 euros.
Bien que prévus pour démarrer le 13 septembre 2021, les travaux n’ont jamais été réalisés.
Par courriers recommandés en date des 8 octobre 2021 et 28 novembre 2022, les consorts [F]-[G] ont adressé une mise en demeure à la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 de régler la somme de 20.552,50 euros à titre de réparation amiable et de communiquer leur assurance professionnelle.
A défaut de toute solution amiable, par acte de commissaire de justice en date du 4 avril 2023, les consorts [F]-[G] ont assigné la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 en réparation du préjudice de la perte de chance de s’être vu présenté une société de qualité et fiable pour la réalisation du projet d’agrandissement de leur résidence principale.
Aux termes de leurs dernières conclusions (conclusions n°1 notifiées par RPVA le 18 janvier 2024), les consorts [F]-[G] sollicitent du tribunal de :
« LES DIRE RECEVABLES AU TITRE DE LEUR PRESENTE ACTION AINSI QUE LES DIRE BIEN-FONDES.
Et :
– statuer conformément aux termes de la présente demande,
– SUR L’ENGAGEMENT DE RESPONSABILITE DE LA SOCIETE HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, LEGALEMENT REPRESENTEE PAR Monsieur [Z] [V], EN QUALITE DE COURTIER EN TRAVAUX,
-JUGER responsable la Société « HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 », légalement représentée par Monsieur [Z] [V], en tant que courtier en travaux, en ce que celui-ci a :
– commis principalement un manquement pur et simple au mandat qui lui a été confié le 28 avril 2021 de sélectionner une société de bâtiment présentant les qualités requises pour réaliser les travaux d’agrandissement de leur habitation principale ce alors que lesdits travaux n’ont nullement effectivement débuté,
– subsidiairement, manqué à son obligation, même appréciée de manière in abstracto, de sélectionner avec prudence et sans négligence, une entreprise de bâtiment fiable alors que d’évidence la Société DRC, gérée par Madame [L] et au sein de laquelle Monsieur [B] [J] prenait part de fait, ne présentait nullement les qualités de sérieux et de qualité attendues à ce titre.
En conséquence :
– CONDAMNER la Société « HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 », légalement représentée par Monsieur [Z] [V], en tant que courtier en travaux, à hauteur de la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la perte de chance sérieuse et irréversible subie par eux de s’être vu présenter une Société de qualité et fiable pour la réalisation du projet d’agrandissement de leur résidence principale mais encore compte tenu de l’absence de vérification de la santé financière et juridique faite de ladite Société laquelle a rendu finalement impossible toute faculté de recouvrer l’acompte initialement versé auprès des organes de la procédure collective de la Société DRC, en liquidation judiciaire.
En tout état de cause :
– CONDAMNER la Société « HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 », au paiement de la somme de 2.500 euros à leur profit en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– ORDONNER enfin l’exécution provisoire de la décision à intervenir, conformément aux dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile, nonobstant toute voie de recours. »
Sur le fondement des articles 1231-1 et suivants et 1984 du code civil, les consorts [F]-[G] font valoir que la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 a manqué à ses obligations contractuelles en l’absence de sélection rigoureuse de la SARL DRC laquelle n’avait pas, selon eux, les qualités requises pour réaliser les travaux d’agrandissement de leur résidence dès lors que les travaux n’ont jamais démarré. Ils reprochent également l’absence de vérification de la solvabilité de la SARL DRC, laquelle a fait l’objet d’une ouverture en liquidation judiciaire le 23 novembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions (conclusions notifiées par RPVA le 14 mars 2024), la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 sollicite du tribunal de :
« DEBOUTER purement et simplement Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
CONSTATER l’absence de faute contractuelle de la part de la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, en sa qualité de courtier en travaux,
DEBOUTER Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] de leur demande de condamnation de la société à HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, à hauteur de la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la prétendue perte de chance ;
En conséquence
Condamner solidairement Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] à payer à la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
Au visa des articles 1231-1 et suivants et 1792-6 du code civil, la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 conteste toute faute. Elle fait valoir que l’obligation du courtier en travaux est une obligation de moyens consistant à la recherche d’un bon partenaire contractuel en vérifiant que la société présentée est immatriculée ou inscrite au répertoire des métiers, qu’elle ne fait l’objet d’aucune procédure de redressement ou liquidation judiciaire, qu’elle est couverte par une assurance décennale et qu’elle se trouve en bonne santé financière. Elle fait valoir qu’au moment de la signature du marché de travaux, la SARL DRC n’était pas en cessation des paiements et qu’elle était couverte pas une assurance. Elle affirme que sa mission de courtage s’est achevée à la signature du devis le 31 mai 2021 de sorte qu’il ne saurait lui être reproché les agissements postérieurs de la SARL DRC.
Pour un plus ample exposé du litige, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 27 juin 2024 pour y être plaidée et mise en délibéré au 12 septembre 2024.
I – Sur la demande de paiement des consorts [F]-[G]
Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En application de l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l’inexécution.
L’article 1231-1 du code civil précise que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
L’écrit n’est pas obligatoire pour un contrat de courtage.
Il est de principe que pèse sur le courtier une obligation d’information et de conseil à l’égard de son client. Il doit signaler les éléments qui pourraient compromettre l’opération et ensuite guider son cocontractant vers le meilleur partenaire. Ces éléments sont à apprécier au moment de la signature des devis. Il engage sa responsabilité lorsqu’il commet une faute dans l’exécution de sa mission d’entremise.
Le courtier en travaux est tenu à une obligation de moyens de sorte qu’il appartient à la partie qui recherche sa responsabilité de rapporter la preuve d’une faute du courtier.
En l’espèce, il ressort des écritures des parties que les consorts [F]-[G] sont entrés en contact le 28 avril 2021 avec la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, courtier en travaux ; que celle-ci les a mis en relation avec la SARL DRC pour le projet d’agrandissement de leur résidence principale ; qu’un contrat s’est donc noué entre les consorts [F]-[G] et la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 de sorte que les consorts [F]-[G] sont fondés à se prévaloir de l’application de l’article 1231-1 du code civil ; que la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 est débitrice, à ce titre, d’une obligation de moyens et d’une obligation d’information et de conseil à l’égard des consorts [F]-[G].
Sur son site internet « La Maison Des Travaux [Localité 3] » dont des captures sont produites aux débats par les consorts [F]-[G], la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 affirme qu’elle procède à « la vérification minutieuse de la santé financière de l’entreprise du bâtiment et sa mise sous surveillance financière permanente, la possession et la validité des assurances décennales à jour, la qualification professionnelle de l’artisan et les références locales de clients satisfaits en rapport avec son savoir-faire ».
Les consorts [F]-[G] soutiennent que [B] [J], présenté comme gérant de fait de la SARL DRC, ce qui n’est pas contesté et tel que cela apparaît dans les échanges de courriels entre les parties, était visé par une interdiction de gérer prononcée par le tribunal de commerce de Meaux le 29 mai 2017 et qu’avec sa compagne et gérante de la SARL DRC, [X] [L], ils avaient en l’espace de cinq ans ouvert et fermé trois autres sociétés ayant fait l’objet de liquidations judiciaires pour insuffisance d’actifs. Ils considèrent que la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 aurait dû avoir connaissance de cette situation juridique et aurait dû les alerter dans le cadre de son obligation de mise en garde. Néanmoins, ils ne produisent à l’appui de leurs allégations qu’une frise chronologique récapitulative de leurs recherches sans aucune pièce justificative.
Les consorts [F]-[G] reprochent à la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 de ne pas avoir vérifié la santé financière de la SARL DRC, laquelle a fait l’objet d’une ouverture en liquidation judiciaire le 23 novembre 2021, ce qui est corroboré par le K-BIS versé aux débats, de sorte qu’ils se trouvent désormais dans l’impossibilité de recouvrer l’acompte versé. Néanmoins, à la date de signature du devis le 31 mai 2021, il n’est produit aucun élément permettant d’identifier d’éventuelles difficultés financières, la procédure collective n’ayant été ouverte que postérieurement et il n’est pas démontré que la SARL DRC était alors notoirement insolvable.
Les consorts [F]-[G] soutiennent que la SARL DRC n’avait pas les qualités requises pour la réalisation des travaux d’agrandissement de leur résidence au motif qu’elle n’a jamais débuté les travaux à compter du 13 septembre 2021 tel que cela était convenu. Néanmoins, il sera relevé que le K-BIS mentionne que la SARL DRC avait comme activité principale « Démolition terrassement VRD béton armé construction rénovation » ce qui est cohérent avec les travaux pour lesquels elle avait été retenue. De plus, s’il y a lieu de relever que la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 ne justifie pas de « la vérification des références locales de clients satisfaits en rapport avec son savoir-faire » ainsi que mentionné sur son site internet, il n’est pour autant pas établi que cette démarche aurait confirmé au courtier l’incompétence alléguée de la SARL DRC.
Enfin, il ressort du courriel adressé le 20 mai 2021 par [Z] [V] de la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77 que l’attestation d’assurance décennale de la SARL DRC en cours de validité a été transmise aux consorts [F]-[G] avant la signature du devis.
Il s’en déduit que les consorts [F]-[G] ne produisent pas d’éléments concomitants à la date du devis et portés à la connaissance du courtier, permettant de remettre en cause le sérieux et la solvabilité apparents de la SARL DRC à cette date.
En conséquence, les consorts [F]-[G] seront déboutés de leur demande.
II – Sur les dispositions de fin de jugement
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, les circonstances du litige justifient que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, l’équité et la situation économique des consorts [F]-[G] commandent que chaque partie conserve la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Sur l’exécution provisoire
L’article 514 du code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, l’exécution provisoire est de droit.
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DEBOUTE Monsieur [B] [F] et Madame [N] [G] de leur demande de condamnation de la société HABITAT TRAVAUX CONSEIL 77, représentée par Monsieur [Z] [V], à leur verser la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
DIT que chaque partie conservera la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE