Responsabilité du conseiller financier dans l’affaire Aristophil

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Responsabilité du conseiller financier dans l’affaire Aristophil
Ce point juridique est utile ?

Certains placements dits atypiques ne sont pas des placements financiers mais
des contrats de vente de parts d’indivision (Aristophil). L’obligation d’information du professionnel en placement atypique n’est donc pas identique à celle du conseiller financier.

Nos conseils :

1. Attention à bien vérifier les informations fournies par votre conseiller financier et à demander des explications claires sur les mécanismes des opérations projetées et les risques encourus.

2. Il est recommandé de lire attentivement tous les documents relatifs à un investissement, de prendre connaissance des avertissements et de poser des questions en cas de doute, afin de souscrire en pleine connaissance de cause.

3. Il est conseillé de se renseigner sur la santé financière des entreprises proposant des placements, de demander des informations sur leur situation et de vérifier la valeur des biens objets de l’investissement, pour éviter toute mauvaise surprise.

Résumé de l’affaire

Mme [W] a acquis des parts d’indivision dans une collection de manuscrits auprès de la société Aristophil, mais cette dernière a été placée en liquidation judiciaire. Mme [W] estime avoir été trompée par son conseiller bancaire, M. [V], et demande des dommages et intérêts. Le tribunal de Bordeaux a jugé que M. [V] avait rempli ses obligations et a débouté Mme [W]. Cette dernière a fait appel de cette décision, demandant réparation pour les préjudices subis. M. [V] et la société Cna Insurance Company demandent la confirmation du jugement initial. L’affaire est en attente de jugement.

Les points essentiels

Motifs de la décision

I. Sur la responsabilité de M. [V]

Mme [M] conteste le fait que 25% de ses avoirs représente un risque acceptable, alors que le placement dans l’achat de parts d’indivision Aristophil était un placement incertain. Elle insiste sur l’absence de respect par son conseiller financier de son obligation de conseil, information et prudence, d’autant qu’elle est profane en matière de placement. Elle en déduit que l’intéressé a engagé sa responsabilité en vertu de l’article 1147 du code civil, celui-ci ayant une obligation de lui fournir de manière claire et complète les éléments sur le mécanisme de l’opération projetée et les risques inhérents à celle-ci.

Elle estime que les premiers juges ont ignoré les signaux résultant des ventes réalisées à l’époque par la société Aristophil, ce qui aurait dû attirer la vigilance de son conseiller financier sur les explications à donner en cas d’absence de rachat des droits indivis objets du placement et du risque encouru en cas de vente des collections concernées.

II. Sur les demandes annexes

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l’espèce, l’équité commande que Mme [M] soit condamnée à verser à M. [V] et à la société Cna Insurance Company, ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Article 1147 du code civil
– Article L.541-8-1 du code monétaire et financier
– Article 1315 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 696 du code de procédure civile
– Article 699 du code de procédure civile

Article 1147 du code civil:
“Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.”

Article L.541-8-1 du code monétaire et financier:
“Les prestataires de services d’investissement veillent à ce que les informations fournies aux clients soient claires, précises et non trompeuses. Ils veillent à ce que les informations fournies aux clients soient adaptées et suffisantes pour leur permettre de prendre des décisions en connaissance de cause.”

Article 1315 du code civil:
“Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.”

Article 700 du code de procédure civile:
“En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Article 696 du code de procédure civile:
“Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.”

Article 699 du code de procédure civile:
“Les frais de justice, taxe et émoluments, sont à la charge de la partie succombante, sauf disposition contraire de la loi.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Clémentine GAILLARD
– Maître Olivia ETCHEBERRIGARAY
– Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE
– Maître DE MARTINO
– Maître Céline LEMOUX
– M. Emmanuel BREARD
– Mme Paule POIREL
– Mme Bérengère VALLEE
– Mme Véronique SAIGE

Mots clefs associés & définitions

– Responsabilité de M. [V]
– Obligation de conseil, information et prudence
– Article 1147 du code civil
– Risques inhérents à l’opération projetée
– Absence de respect de l’obligation de conseil
– Danger encouru
– Liquidité des biens
– Rentabilité du placement
– Volatilité et faible liquidité
– Rendement annoncé de 44,75%
– Obligation d’information
– Valeur des pièces de la collection
– Avis de l’AMF
– Diversification des avoirs
– Avertissement sur le placement proposé
– Dossier connaissance client
– Contrat de vente des parts d’indivision
– Options quant à l’issue du contrat
– Portée des documents signés
– Santé financière de la société Aristophil
– Faute de M. [V]
– Demandes annexes
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens et frais exposés
– Somme de 2.000 € au titre de l’article 700
– Article 696 du code de procédure civile
– Distraction des dépens au profit de Maître Viandier Lefevre, avocat
– Obligation de conseil, information et prudence
– Article 1147 du code civil
– Risques inhérents à l’opération projetée
– Absence de respect de l’obligation de conseil
– Danger encouru
– Liquidité des biens
– Rentabilité du placement
– Volatilité et faible liquidité
– Rendement annoncé de 44,75%
– Obligation d’information
– Valeur des pièces de la collection
– Avis de l’AMF
– Diversification des avoirs
– Avertissement sur le placement proposé
– Dossier connaissance client
– Contrat de vente des parts d’indivision
– Options quant à l’issue du contrat
– Portée des documents signés
– Santé financière de la société Aristophil
– Faute de M. [V]
– Demandes annexes
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens et frais exposés
– Somme de 2.000 € au titre de l’article 700
– Article 696 du code de procédure civile
– Distraction des dépens au profit de Maître Viandier Lefevre, avocat

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 janvier 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG n° 21/02824
COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 11 JANVIER 2024

N° RG 21/02824 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDSL

[X] [Z] [P] [W] épouse [M]

c/

[C] [V]

S.A. CNA INSURANCE COMPAGNY (EUROPE)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 18/04724) suivant déclaration d’appel du 17 mai 2021

APPELANTE :

[X] [Z] [P] [W] épouse [M]

née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 5] (75)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Clémentine GAILLARD substituant Maître Olivia ETCHEBERRIGARAY, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[C] [V] exerçant sous l’enseigne HARMONIE EXPERTISE

demeurant [Adresse 3]

S.A. CNA INSURANCE COMPAGNY (EUROPE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentés par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître DE MARTINO substituant Maître Céline LEMOUX de la SELEURL CL AVOCAT, avocats plaidants au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Paule POIREL

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Greffier : Mme Véronique SAIGE

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par contrat de vente du 27 octobre 2014, Mme [X] [W] épouse [M] a acquis, auprès de la société Aristophil par l’intermédiaire de M. [C] [V] son conseiller bancaire, 7 parts de l’indivision ‘La Trilogie de l’Isme’ regroupant une collection de manuscrits au prix de 35 000 euros.

Il était prévu par diverses conventions que les membres de l’indivision confiaient à la société Aristophil la garde, la conservation et les expositions par le dépôt de la collection pour 5 années ; et qu’à l’issue de ces 5 années la société Aristophil se réservait le droit de lever une option d’achat à un prix de 50 662,50 euros.

Le 5 août 2015, la société Aristophil a été placée en liquidation judiciaire.

Le 8 mars 2015, M. [R] [Y], président de la société Aristophil, a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux, abus de confiance et pratiques commerciales trompeuses.

Estimant l’investissement proposé par M. [V] trompeur et que le prix des parts acquises ne correspond pas à la valeur réelle des biens qui y sont inclus, Mme [M], par acte d’huissier du 15 mai 2018, a fait assigner M. [V] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, notamment, d’obtenir le versement de dommages et intérêts.

La SA Cna Insurance Compagny est intervenue volontairement à l’instance en qualité d’assureur de M. [V].

Par jugement contradictoire du 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– donné acte à la société Cna Insurance Company Europe de son intervention volontaire,

– l’a jugé recevable et bien fondée,

– mise hors de cause la société Cna Insurance Company Limited,

– jugé que M [V] a pleinement exécuté ses obligations d’information et de conseil à l’égard de Mme [W],

– débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné Mme [W] à payer à M [V] la somme de 1 500 euros et à la société Cna Insurance Company la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

– ordonné pour le tout l’exécution provisoire.

Mme [W] épouse [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 mai 2021 et par conclusions déposées le 17 janvier 2022, elle demande à la cour de :

– recevoir Mme [M] en son appel et la déclarer bien fondée,

– réformer le jugement du tribunal Judiciaire de Bordeaux du 30 mars 2021en ce qu’il a dit et jugé que M. [V] avait parfaitement rempli son obligation d’information à l’égard de Mme [M] et déboutée cette dernière de ses demandes, fins et prétentions

Ce faisant,

– juger que M. [V] a manqué à ses obligations précontractuelles faisant acquérir à Mme [M] des parts d’indivision sur des manuscrits commercialisés par la société Aristophil sans l’informer des risques connus au jour de l’acte et précisément sur la perspective d’une absence de rachat de ses droits indivis par la société Aristophil au prix escompté et sur les conditions de négociations pour retrouver en liquidités son investissement bonifié,

– juger que les manquements de M. [V] ont causé des préjudices certains à Mme [M],

– condamner in solidum M. [V] et son assureur, la société Cna Insurance Company, à verser à Mme [M] la somme de 35 000 euros en réparation des sommes investies et manifestement perdues,

– condamner in solidum M. [V] et son assureur, la société Cna Insurance Company, à verser à Mme [M] la somme de 15 662,50 euros en réparation du préjudice lié au rendement promis et attendu,

– condamner in solidum M. [V] et son assureur, la société Cna Insurance Company, à verser à Mme [M] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral,

– débouter M. [V] et son assureur, la société Cna Insurance Company de toutes demandes formulées à l’encontre de Mme [M],

– débouter M. [V] et son assureur, la société Cna Insurance Company du surplus de leurs demandes,

– condamner M. [V] et son assureur à verser 4 000 euros à Mme [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Par conclusions déposées le 14 avril 2023, M. [V] et la société Cna Insurance Company demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

A titre principal :

– juger que M. [V] a pleinement exécuté ses obligations d’information et de conseil de moyens,

– débouter Mme [M] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire :

– juger que Mme [M] échoue à démontrer subir un préjudice réparable,

– débouter Mme [M] de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– juger que la société Cna Insurance Company ne saurait être tenue à garantir la responsabilité de M. [V] au-delà des termes de la police souscrite auprès d’elle, à savoir sous franchise de 2 000 euros et dans la limite du plafond de 5 000 000 euros applicable à l’ensemble des réclamations introduites à l’encontre des assurés de la police n° fn 5989 ;

En conséquence,

– juger que la condamnation à garantir M. [V] qui viendrait à être prononcée ne pourra excéder le plafond de garantie de 5 000 000 euros prévu par la police n° fn 5989 après déduction des sommes que la société Cna Insurance Company aura déjà versées au titre des autres réclamations pour la période d’assurance considérée et de la franchise individuelle de 2 000 euros,

Ou à défaut,

– désigner tel séquestre qu’il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l’attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées au titre de la police n° fn 5989 pour les investissements réalisés auprès de la société Aristophil et de procéder à une répartition au marc l’euros des fonds séquestrés,

En tout état de cause,

– débouter Mme [M] de toutes ses demandes,

– condamner Mme [M] à payer à M. [V] et à la société Cna Insurance Company une somme de 3 000 euros à chacun au titre de l’article 700 code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance dont distraction au profit de Me Viandier Lefebvre en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 06 novembre 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la responsabilité de M. [V].

Mme [M] conteste le fait que 25% de ses avoirs représente un risque acceptable, alors que le placement dans l’achat de parts d’indivision Aristophil était un placement incertain.

Elle insiste sur l’absence de respect par son conseiller financier de son obligation de conseil, information et prudence, d’autant qu’elle est profane en matière de placement, en particulier au sens de l’article L.541-8-1 du code monétaire et financier.

Elle en déduit que l’intéressé a engagé sa responsabilité en vertu de l’article 1147 du code civil, celui-ci ayant une obligation de lui fournir de manière claire et complète les éléments sur le mécanisme de l’opération projetée et les risques inhérents à celle-ci.

Elle indique que son adversaire ne rapporte pas une telle preuve, le document versé montrant qu’elle recherchait un placement à moyen terme, alors que le rachat des droits par la société Aristophil ne permettait pas une mobilisation de l’argent placé dans de bonnes conditions, notamment en ce que les pièces de la collection étaient indivisibles.

Elle souligne que son attention n’a pas été attirée par M. [V] sur le danger encouru, sur le fait que le rachat des droits indivis proposé par la société Aristophil n’était qu’une option, laquelle était illusoire au vu des caractéristiques des biens faisant l’objet du contrat, du caractère indivis des biens et de la situation de la société Aristophil lors de la vente.

Elle estime que les premiers juges ont ignoré non seulement les signaux résultant des ventes réalisées à l’époque par la société Aristophil, ce qui aurait dû attirer la vigilance de son conseiller financier sur les explications à donner en cas d’absence de rachat des droits indivis objets du placement et du risque encouru en cas de vente des collections concernées.

Ainsi, elle estime ne pas avoir été renseignée par M. [V] sur sa situation patrimoniale en cas de non-rachat des droits indivis acquis ou en cas de rachat à un prix dérisoire, et sur les conditions de négociations de ses droits pour retrouver en liquidités son investissement de départ.

En l’absence d’explication sur ce point, elle dit s’être retrouvée sans soutien, sans jouissance des documents, ni indication sur les conditions de négociations de ses droits en l’absence de rachat par la société Aristophil, ni la liquidité de ceux-ci.

Elle affirme qu’il lui a été laissé penser que l’investissement était sans danger, M. [V] mentionnant dans la fiche connaissance client préremplie que les risques étaient faibles, alors qu’il n’avait aucune compétence pour identifier la rentabilité de ce placement ni son évolution, alors qu’il était caractérisé par une forte volatilité et une faible liquidité.

Elle retient qu’il lui a été donné une fausse image du placement du fait d’une information incomplète et trompeuse et qu’il existe un manquement aux obligations de conseil et d’information.

Ainsi, elle se prévaut du rendement annoncé de 44,75% brut par période 5 ans dont elle prétend qu’il lui a été assuré, y compris par écrit, du fait du rachat à ses yeux automatique des pièces concernées.

Elle argue de ce que les documents remis ne permettaient pas de remplir l’obligation d’information mis à la charge de son conseiller financier.

Elle reproche encore à M. [V] de ne pas avoir vérifié la valeur des pièces de la collection objet de l’investissement et de s’en être remis aux termes du contrat fixés par la société Aristophil.

Quand bien même elle aurait été avisée du risque, elle indique qu’elle ne pouvait savoir que les pièces de collection seraient bloquées au terme du délai de 5 ans et qu’elles avaient été surévaluées lors de leur achat.

Elle rappelle que divers experts avaient, avant même la souscription opérée par ses soins, observé que le rendement leur paraissait trop élevé, que le placement présentait un risque trop élevé, comme dénoncé par un avis de l’AMF en 2007.

*

L’article 1315 du code civil prévoit que ‘ Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.

Il ressort des éléments versés au dossier que Mme [M] a souscrit le même jour, à savoir le 27 octobre 2014, à la fois une assurance vie pour un montant de 103.000 € et un investissement auprès de la société Aristophil pour un montant de 35.000 €.

Il résulte de ces éléments que l’investissement objet du présent litige représentait 25,36% du total, soit une part minoritaire des placements effectués alors et participait d’une démarche de diversification des avoirs de Mme [M].

Il est mentionné en première page du document intitulé ‘Dossier connaissance client’ (pièce 2 des intimés) relatif au placement proposé par la société Aristophil ‘Avertissement : les conventions Aristophil représentent une acquisition pouvant offrir une plus-value éventuelle à moyen ou long terme qui n’offre aucune garantie de liquidité et aucun engagement de rachat. Il est donc recommandé de s’assurer de disposer de liquidités suffisantes pour faire face à des besoins financiers à court et moyen terme.

Cet investissement se place dans une démarche de diversification patrimoniale et ne doit en aucun cas se positionner en substitut des outils financiers classiques, les oeuvres d’art n’étant pas un placement financier’.

Il est encore coché sur ce document la case selon laquelle Mme [M] reconnaît avoir pris connaissance de la documentation relative à l’investissement auquel elle a souscrit et avoir eu toute information ou avoir été mise en mesure de recevoir tout conseil suffisant lui permettant d’y souscrire en pleine connaissance de cause, notamment en terme de risque et de durée d’investissement, ce quelques lignes avant sa signature.

Ce même dernier avertissement est réitéré sur la souscription elle-même du même jour (pièce 41 des intimés).

Dès lors, Mme [M] ayant ainsi été informée de ce que son investissement ne constituait pas un placement financier, n’ayant aucun caractère spéculatif, ne saurait rechercher la responsabilité de son conseiller financier pour manquement à son devoir de mise en garde sur ce type de placement atypique.

De même, le contrat de vente des parts d’indivision conclu entre l’appelante et la société Aristophil stipule bien, outre que les parts sont relatives à un bien indivis composés de documents dont le détail est annexé, que lesdits biens sont conservés par la société cédante, cette dernière ayant la possibilité dans un délai de 6 mois suivant le terme de chaque période quinquennale suivant la signature de la cession, de racheter les parts au prix de base augmenté de 44,75% brut par période (pièce 1 de l’appelante).

Il sera néanmoins constaté qu’il résulte du contrat de garde et de conservation (pièce 3 de l’appelante) que le propriétaire, par conséquent Mme [M], pouvait également à l’issue du contrat reprendre possession de la collection (article IV) et qu’elle pouvait elle-même trouver un acheteur pour tout ou partie de la collection concernée (article V) mais que la société Aristophil bénéficiait d’un droit de préemption dans les 8 jours de l’acte de vente aux conditions proposées par le premier acheteur.

Il s’ensuit que, contrairement aux affirmations de l’appelante, il existait non seulement d’autres options quant à l’issue du contrat, mais surtout que celles-ci ne garantissaient en aucun cas le bénéfice allégué en premier lieu, par la société Aristophil.

Ces documents ayant été paraphés et signés par ses soins, Mme [M] ne saurait en nier la portée. Mieux, il ressort des trois options proposées qu’il n’était non seulement pas assuré du moindre rendement financier en cas reprise de la collection par l’appelante, mais pas davantage de ce que les liquidités engagées seraient retrouvées à l’issue en cette hypothèse.

C’est d’ailleurs en ce sens que l’avertissement précité sur le ‘Dossier connaissance client’ doit être interprété.

De surcroît, Mme [M] communique aux débats le détail des oeuvres objets de la convention (pièce 4 de cette partie). Il résulte de ce document qu’elle a pu par elle-même, sans que cet élément puisse être reproché à son conseiller financier, se faire une idée de la valeur des oeuvres et à tout le moins se renseigner sur celle ci.

A la lecture de ces documents, l’appelante ne saurait nier qu’elle a reçu une information suffisante sur le risque encouru, par un dossier non seulement complet, mais également clair, sauf à ignorer les termes de l’engagement souscrit.

Quant au fait que Mme [M] n’aurait pas été informée par son conseiller financier de la santé financière de la société Aristophil, il revient à cette appelante d’établir que M. [V] ait eu en sa possession des éléments lui permettant de douter de la situation de l’entreprise proposant le placement, ce qu’elle ne fait pas.

Il n’est donc pas établi de faute de la part de M. [V] au titre de son devoir de conseil ou d’information quant au placement effectué et les demandes faites par l’appelante seront rejetées.

II Sur les demandes annexes.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que Mme [M] soit condamnée à verser à M. [V] et à la société Cna Insurance Company, ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, Mme [M], qui succombe au principal, supportera la charge des dépens, dont distraction au profit de Maître Viandier Lefevre, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 mars 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [M] à verser à M. [V] et à la société Cna Insurance Company, ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Viandier Lefevre.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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