Responsabilité des transporteurs dans un accident de transport

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Responsabilité des transporteurs dans un accident de transport
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Responsabilité des transporteurs dans un accident de transport

Recevabilité de l’appel

La recevabilité de l’appel n’est pas contestée et l’examen des pièces de la procédure ne révèle l’existence d’aucune fin de non-recevoir susceptible d’être relevée d’office.

In limine litis

Sur la recevabilité des conclusions de la société Patrick Pilot Cars

La société Stynen et la société PLS sollicitent de la cour d’écarter les conclusions de la société Patrick Pilot Cars des débats. Il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes. Les conclusions de la société Patrick Pilot Cars ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 1er juillet 2021. Cette irrecevabilité s’attache également aux pièces visées à ces conclusions.

Sur la recevabilité de l’action de la société PLS à l’égard de la société Stynen

La société Stynen critique les premiers juges en ce qu’ils ont jugé recevable comme non prescrite l’action de la société PLS à son encontre aux motifs qu’en application de l’article 39.4 de la convention CMR, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir.

Sur le fond

Sur la condamnation de la société PLS à garantir la société Bolloré

Les parties s’accordent sur l’application de la convention CMR à leurs relations. La société PLS doit garantir la société Bolloré en application de l’article 3 de la convention CMR.

Sur l’appel en garantie de la société PLS à l’encontre de la société Stynen

La société PLS sollicite la confirmation du jugement qui l’a condamnée à garantir la société Stynen. La cour confirmera le jugement sur ce point.

Sur la demande de condamnation formée par la société PLS à l’encontre de la société Patrick Pilot Cars

La société PLS demande la condamnation de la société Patrick Pilot Cars. La cour déboutera la société PLS de sa demande de condamnation.

Sur l’appel en garantie de la société Stynen à l’encontre de la société Patrick Pilot Cars

La société Stynen demande l’infirmation du jugement qui a limité à 384 euros son appel en garantie contre la société Patrick Pilot Cars. La cour infirmera le jugement et condamnera la société Patrick Pilot Cars à garantir la société Stynen.

Dépens et article 700 du code de procédure civile

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d’appel. Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et chaque partie sera déboutée de sa demande de ce chef.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 55B

12e chambre

ARRET N°

DEFAUT

DU 19 MAI 2022

N° RG 20/02110 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T3DB

AFFAIRE :

Société TRANSPORTS STYNEN

C/

Société PLS NV

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2015F02026

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Claire RICARD

Me Guillaume BOULAN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société TRANSPORT STYNEN BVBA

[Adresse 6]

[Localité 2] (BELGIQUE)

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 732 – N° du dossier 20200160

Représentant : Me Sylvie NEIGE de la SELARL LAROQUE, NEIGE, ADJAM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1771

APPELANTE

****************

Société PLS NV

[Adresse 8]

[Adresse 3] (BELGIQUE)

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2201016

Représentant : Me Rozenn LOPIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0429

Société PATRICK PILOT CARS BVBA

[Localité 1] (BELGIQUE)

Veilingstraat 51

Représentant : Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 – N° du dossier 2210130

Représentants : Me Frederik VANDEN BOGAERDE et Me Mathias DENDIEVEL , Plaidants, avocats au Barreau de Flandre Occidentale

INTIMEES

****************

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS anciennement dénommée SAGA FRANCE (assignée en appel provoqué par assignation du 4 décembre 2020 remise à étude)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Défaillante

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

En juillet 2013, la société France Transfo a confié à la société Saga France, aux droits de laquelle est venue la société Bolloré Logistics, ci-après la société Bolloré, l’organisation du transport d’un transformateur depuis son site de [Localité 7] jusqu’à Caracas, au Venezuela.

La société Bolloré s’est substituée la société belge PLS NV, ci-après société PLS, pour le préacheminement terrestre depuis [Localité 7] jusqu’au port d’Anvers. La société PLS s’est à son tour substituée la société belge Transports Stynen, ci-après société Stynen qui a pris en charge le transformateur depuis [Localité 7] jusqu’au port d’Anvers. Cette dernière a missionné la société belge Patrick Pilot Cars BVBA, ci-après la société Patrick Pilot Cars, en qualité de coordinateur de la circulation, afin d’accompagner le convoi exceptionnel au moyen d’un véhicule.

En cours de transport, le transformateur a été endommagé lors du passage sous un pont de chemin de fer dont la hauteur a été sous-évaluée par la société Patrick Pilot Cars.

A la suite d’une réunion d’expertise amiable contradictoire du 13 août 2013, les dommages résultant du sinistre ont été évalués à 34.528,46 euros.

La compagnie Aig Europe, assureur de la société France Transfo, a indemnisé son assuré à hauteur de 33.778,46 euros.

Par acte du 14 octobre 2015, les sociétés Aig Europe et France Transfo ont assigné la société Saga France devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée à leur régler la somme, en principal, de 40.415,96 euros.

Par acte du 27 octobre 2015, la société Saga France a appelé en garantie la société PLS.

Par acte du 18 décembre 2015, la société PLS a appelé en garantie la société Stynen et la société Patrick Pilot Cars.

Par acte du 13 octobre 2016, la société Stynen a appelé en garantie la société Patrick Pilot Cars.

Par jugement du 4 mars 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– Dit que le contrat entre la société France Transfo et la société Bolloré est régi par le droit français, que les opérations de transports subséquentes sont régies par les dispositions de la convention CMR et que les obligations respectives nées du contrat conclu entre la société Transports Stynen et la société Patrick Pilot Cars sont régies par le droit belge ;

– Débouté la société PLS et la société Transports Stynen de leur fin de non-recevoir fondée sur l’absence d’intérêt à agir ;

– Débouté la société Patrick Pilot Cars de sa fin de non-recevoir fondée sur l’absence d’intérêt à agir de la société France Transfo ;

– Débouté la société Transports Stynen de sa fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l’action de la société PLS à son endroit ;

– Débouté la société Transports Stynen de sa fin de non-recevoir fondée sur l’inopposabilité de des délais de prescription conventionnels ;

– Débouté la société Patrick Pilot Cars de sa fin de non-recevoir relative aux demandes de la société PLS et de la société Transports Stynen ;

– Condamné la société Bolloré à payer à la société Aig Europe la somme de 37.415,96 euros et à payer à la société France Transfo la somme de 3.000 euros au titre de la franchise, sommes majorées des intérêts de 5% par an à compter du 14 octobre 2015 ;

– Condamné la société PLS à relever et garantir la société Bolloré de toutes condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement ;

– Condamné la société Transports Stynen à relever et garantir la société PLS de toutes condamnations prononcées à son endroit par le présent jugement ;

– Condamné la société Patrick Pilot Cars à relever et garantir la société Transports Stynen de toutes condamnations prononcées à son endroit par le présent jugement dans la limite de 384 euros ;

– Prononcé la capitalisation des intérêts ;

– Condamné la société Bolloré à payer à la société Aig Europe la somme de 3.000 euros et à la société France Transfo la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;

– Condamné la société Bolloré aux dépens.

Par déclaration du 5 mai 2020, la société Stynen a interjeté appel du jugement à l’encontre des seules sociétés PLS et Patrick Pilot Cars.

Le 4 décembre 2020, la société PLS a assigné en appel provoqué les sociétés Bolloré Logistics et Patrick Pilot Cars.

Par ordonnance du 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état de la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles a :

– Déclaré irrecevables les conclusions de la société Patrick Pilot Cars remises au greffe de la cour le 25 février 2021,

– Condamné la société Patrick Pilot Cars aux dépens de l’incident.

Par ordonnance du 16 décembre 2021, le conseiller de la mise en état de la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles a débouté la société PLS de ses demandes d’interprétation de l’ordonnance du 1er juillet 2021,et l’a condamnée aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2022, la société Stynen demande à la cour de :

A titre liminaire

– Ecarter les conclusions de la société Patrick Pilot Cars des débats de la présente instance,

– Réformer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 mars 2020 en ce qu’il a : – Débouté la société Transports Stynen de sa fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l’action de la société PLS à son endroit;

– Débouté la société Transports Stynen de sa fin de non-recevoir fondée sur l’inopposabilité des délais de prescription conventionnels ;

– Condamné la société Transports Stynen à relever et garantir la société PLS de toutes condamnations prononcées à son endroit par le présent jugement;

– Condamné la société Patrick Pilot Cars à relever et garantir la société Transports Stynen de toutes condamnations prononcées à son endroit par le présent jugement dans la limite de 384 euros ;

Statuant à nouveau,

– Juger irrecevable comme prescrite l’action de la société PLS dès lors que les conditions de l’article 39§4 de la CMR ne sont pas remplies ;

– Juger la responsabilité de la société Patrick Pilot Cars seule engagée ;

– Juger que la société Patrick Pilot Cars n’est pas fondée à opposer ses prétendues conditions générales ;

– Condamner la société Patrick Pilot Cars à relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, intérêts, frais, article 700 du code de procédure civile, dépens ou autre, la société Transports Stynen ;

– Condamner la société PLS et la société Patrick Pilot Cars à payer à la société Transports Stynen la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, ceux d’appel distraits au profit de la société Minault Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau Avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions contenant appel provoqué et incident à l’encontre des sociétés Stynen, Patrick Pilot Cars et Bolloré Logistics (anciennement Saga France), notifiées le 4 janvier 2022, la société PLS demande à la cour de :

A titre liminaire,

– Ecarter les conclusions de la société Patrick Pilot Cars des débats de la présente instance, conformément aux ordonnances rendues par le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles les 1er juillet 2021 et 16 décembre 2021 ;

A titre principal,

– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société PLS à garantir la société Saga France devenue la société Bolloré de « toutes condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement » ;

– Ce faisant, débouter la société Bolloré de toutes ses demandes à l’encontre de la société PLS ;

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Transports Stynen à garantir la société PLS ;

– Ce faisant, condamner la société Transports Stynen à payer 40.415,96 euros outre les intérêts à la société PLS ;

– Réformer le jugement sur la responsabilité de la société Patrick Pilot Cars à l’égard de la société PLS ;

– Ce faisant, condamner la société Patrick Pilot Cars à payer 40.415,96 euros outre les intérêts à la société PLS ;

En tout état de cause,

– Condamner toute partie succombante aux entiers dépens ;

– Condamner toute partie succombante en principal à payer à la société PLS la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les conclusions notifiées le 25 février 2021 par la société Patrick Pilot Cars ont été jugées irrecevables, car tardives, par ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er juillet 2021 de sorte que les dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2021 par cette société sont également irrecevables.

Bien qu’ayant été régulièrement assignée en appel provoqué par assignation du 4 décembre 2020 par la société PLS, la société Bolloré n’a pas constitué avocat. L’arrêt sera rendu par défaut.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 janvier 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La recevabilité de l’appel n’est pas contestée et l’examen des pièces de la procédure ne révèle l’existence d’aucune fin de non-recevoir susceptible d’être relevée d’office.

L’article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d’appel est faite par acte contenant notamment, outre les mentions prescrites par l’article 57 (dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020), et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Il ressort de l’article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il est rappelé qu’en application de l’article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l’effet dévolutif de l’appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

In limine litis

Sur la recevabilité des conclusions de la société Patrick Pilot Cars

La société Stynen et la société PLS sollicitent de la cour d’écarter les conclusions de la société Patrick Pilot Cars des débats.

Il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes. Les conclusions de la société Patrick Pilot Cars ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 1er juillet 2021. Cette irrecevabilité s’attache également aux pièces visées à ces conclusions.

Sur la recevabilité de l’action de la société PLS à l’égard de la société Stynen

La société Stynen critique les premiers juges en ce qu’ils ont jugé recevable comme non prescrite l’action de la société PLS à son encontre aux motifs qu’en application de l’article 39.4 de la convention CMR, le délai de prescription n’avait pas commencé à courir alors que les conditions d’application de cet article 39.4 de la Convention CMR ne sont pas réunies. Elle fait valoir, au visa de l’article 32.1 de la convention CMR, que la société PLS devait l’assigner dans un délai d’un an à compter de la livraison, que cette dernière ne peut se prévaloir de la prorogation conventionnelle de prescription intervenue entre la société France Transfo et la société Saga France (devenue Bolloré), que la prorogation conventionnelle de prescription intervenue entre elle-même et la société PLS a expiré le 2 novembre 2015 alors que cette dernière ne l’a assignée que le 18 décembre 2015 et enfin que la société PLS ne peut revendiquer l’application de l’article 39-4 de la convention CMR qui ne s’applique qu’en cas de transports successifs ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque la société PLS a agi en qualité de commissionnaire de transport et non en qualité de transporteur.

La société PLS BV soutient, au visa de l’article 39-4 de la convention CMR, qu’en sa qualité de transporteur CMR principal, elle a attrait dans la cause son transporteur sous-traitant, la société Stynen et qu’il s’agit d’un recours entre transporteurs. Elle fait valoir qu’au jour de son appel en garantie contre la société Stynen, aucune décision de justice définitive fixant l’indemnité n’avait été rendue et aucun paiement indemnitaire n’avait été effectué par ses soins de sorte que le délai de prescription n’a pas commencé à courir.

*

Les parties s’accordent sur l’application de la convention CMR (Convention de Genève du 19 mai 1956) à leurs relations.

L’article 32.1 de la convention CMR dispose que :

‘1.Les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente Convention sont prescrites dans le délai d’un an. Toutefois, dans le cas du dol ou de la faute considérée, d’après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans. La prescription court :

a) Dans le cas de perte partielle, d’avarie ou de retard, à partir du jour où la marchandise a été livrée ;

b) Dans le cas de perte totale, à partir du trentième jour après l’expiration du délai convenu ou, s’il n’a pas été convenu de délai, à partir du soixantième jour après la prise en charge de la marchandise par le transporteur ;

c) Dans tous les autres cas, à partir de l’expiration d’un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport [‘].’.

Le jour indiqué ci-dessus comme point de départ de la prescription n’est pas compris dans le délai.

2. Une réclamation écrite suspend la prescription jusqu’au jour où le transporteur repousse la réclamation par écrit et restitue les pièces qui y étaient jointes. En cas d’acceptation partielle de la réclamation, la prescription ne reprend son cours que pour la partie de la réclamation qui reste litigieuse. La preuve de la réception de la réclamation ou de la réponse et de la restitution des pièces est à la charge de la partie qui invoque ce fait. Les réclamations ultérieures ayant le même objet ne suspendent pas la prescription.

3. Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 ci-dessus, la suspension de la prescription est régie par la loi de la juridiction saisie. Il en est de même en ce qui concerne l’interruption de la prescription.

4. L’action prescrite ne peut plus être exercée, même sous forme de demande reconventionnelle ou d’exception’.

L’article 39-4 de la convention CMR prévoit que “les dispositions de l’article 32 sont applicables aux recours entre transporteurs. La prescription court, toutefois, soit à partir du jour d’une décision de justice définitive fixant l’indemnité à payer en vertu des dispositions de la présente Convention, soit, au cas où il n’y aurait pas eu de telle décision, à partir du jour du paiement effectif.”

*

En l’espèce, une lettre de transport CMR n°97041806 a été émise par la société Soflog-Telis pour le compte de la société France Transfo, expéditeur, le 30 juillet 2013, pour le transport d’un transformateur, pris en charge à [Localité 7] à destination de Caracas, via le port d’Anvers, pour un poids total de 23.756 kg.

La société PLS apparaît sur cette lettre de voiture comme transporteur principal et la société Stynen comme transporteur sous-traitant.

La société Stynen affirme cependant que la société PLS lui a sous-traité en totalité la prestation de transport de sorte que cette dernière ne peut se prévaloir des règles applicables aux recours entre transporteurs successifs prévues par l’article 39-4 de la CMR.

Toutefois, la société Stynen ne verse aucun élément de preuve susceptible de justifier qu’elle seule a procédé aux prestations de transport sans aucun concours de la société PLS BV de sorte que la société PLS BV, qui apparaît sur la lettre de voiture comme transporteur principal, peut se prévaloir des régles régissant les recours entre transporteurs successifs prévues par l’article 39-4 de la CMR.

Il n’est pas contesté par la société Stynen qu’à l’époque de sa mise en cause par la société PLS aucune décision de justice définitive fixant une indemnité n’était intervenue pas plus qu’un paiement effectif n’était survenu.

La cour confirmera le jugement entrepris qui a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société Stynen pour prescription de l’action de la société PLS à son encontre.

Sur le fond

Sur la condamnation de la société PLS à garantir la société Bolloré

La société PLS BV sollicite l’infirmation du jugement qui l’a condamnée à garantir la société Bolloré laquelle l’avait assignée sur le fondement des articles L.132-1 et suivants du code de commerce français. Elle rappelle les dispositions de l’article 5 du Réglement (CE) n°593/2008, qui dispose que “la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique.’. Elle en déduit que le droit belge était seul applicable puisqu’elle a sa résidence habituelle en Belgique et que le transformateur était destiné au port d’Anvers également situé en Belgique. Elle reproche aux premiers juges d’avoir déterminé la loi applicable aux relations entre les différents intervenants à l’opération litigieuse à l’exclusion du contrat conclu entre la société Bolloré et elle-même. Elle fait valoir qu’aux termes de l’article 29 des Conditions Générales Belges d’Expédition elle ne saurait être tenue responsable des agissements de la société Stynen ou de ses substitués, en l’absence de preuve rapportée d’une faute de sa part à l’origine du dommage.

*

Il y a lieu de considérer que la CMR s’applique aux relations entre les parties à l’occasion de l’opération litigieuse.

En effet, la société PLS ne peut sérieusement soutenir que le tribunal a éludé la question de la détermination du droit applicable à la relation entre elle-même et la société Bolloré alors qu’elle n’a pas manqué de faire valoir – à propos de la prescription qui lui était opposée par la société Stynen – l’existence d’une lettre de voiture CMR qui régit les rapports de l’ensemble des parties prenantes à l’opération litigieuse dont elle-même, substituée à la société Bolloré (anciennement Saga France), et la société Stynen, substituée à la société PLS.

La lettre de voiture CMR précise que la société PLS a la qualité de transporteur principal. Comme tel, cette dernière est responsable de la perte de tout ou partie de la marchandise, entre le début de la prise en charge et la livraison (article 17 de la convention CMR).

La société PLS ne conteste pas la réalité du dommage survenu au transformateur à l’occasion de l’exécution du contrat de transport de sorte qu’elle doit relever et garantir la société Bolloré qu’elle a substituée, et ce en application de l’article 3 de la convention CMR qui prévoit que “Le transporteur répond, comme de ses propres actes et omissions, des actes et omissions de ses préposés et de toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l’exécution du transport lorsque ces préposés ou ces personnes agissent dans l’exercice de leurs fonctions.”.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’appel en garantie de la société PLS à l’encontre de la société Stynen

La société PLS BV sollicite la confirmation du jugement qui a condamné la société Stynen à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre. Elle se fonde sur les dispositions de l’article 3 de la convention CMR. Elle sollicite devant la cour la condamnation de la société Stynen à la somme de 40.415,96 euros avec intérêts.

La société Stynen qui a interjeté appel du jugement de ce chef ne développe aucun moyen dans sa motivation, ni ne forme de prétention aux termes de son dispositif sur ce point.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Stynen, transporteur substituant la société PLS au moment où le transformateur a été endommagé ,à relever et garantir la société PLS de toutes condamnations prononcées à son encontre par ledit jugement.

En revanche, la société PLS sera déboutée de sa demande de condamnation de la société Stynen à la somme de 40.415,96 euros avec intérêts dont elle ne justifie pas. La société Stynen étant condamnée à relever et garantir la société PLS de toutes condamnations prononcées à son encontre, il s’agit uniquement d’une action en garantie, et il n’y a pas lieu de condamner la société Stynen au paiement au profit de la société PLS.

Sur la demande de condamnation formée par la société PLS à l’encontre de la société Patrick Pilot Cars

La société PLS reproche aux premiers juges de ne pas avoir statué sur son appel en garantie formé au terme de son assignation en appel provoqué du 4 décembre 2020 à l’encontre de la société Patrick Pilot Cars. Elle sollicite la condamnation de la société Patrick Pilot Cars à la somme de 40.415,96 euros. Elle fait valoir que son action est fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Patrick Pilot Cars et non sur sa responsabilité contractuelle au titre d’un contrat de transport de sorte que celle-ci ne peut opposer les dispositions de la loi belge sur le contrat de transport. Elle soutient au visa de l’article 1382 du code civil belge que toute personne qui, par sa faute, cause un dommage à autrui, a l’obligation de réparer ce dommage, pour autant qu’il soit démontré que le dommage est bien la conséquence de la faute. Elle fait valoir que la jurisprudence belge autorise un tiers à engager la responsabilité extracontractuelle d’une personne ayant commis une faute contractuelle à l’égard d’une autre personne lorsque ce manquement contractuel constitue, simultanément et indépendamment du contrat, une violation de l’obligation générale de prudence s’imposant à tous sans qu’il soit requis que le dommage subi par le tiers soit étranger à l’exécution du contrat.

*

Suivant l’article 12 du code de procédure civile, il appartient au juge de restituer l’exact fondement juridique afin de statuer sur la prétention.

*

La cour constate que sous couvert d’une action en garantie soutenue dans sa motivation, la société PLS sollicite en réalité, au dispositif de ses dernières écritures, la condamnation de la société Patrick Pilot Cars dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle sans qu’elle fasse mention dans ce dispositif d’une demande d’appel en garantie.

Aux termes de l’article 4. 2. du règlement Rome II, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s’applique.

Il n’est pas contesté que le dommage est survenu le 1er août 2013 à Tenneville en Belgique et qu’à cette époque les sociétés PLS et Patrick Pilot Cars résidaient en Belgique.

La loi belge est donc applicable à la solution du litige.

L’article 1382 du code civil belge stipule que : ‘Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’.

La société PLS ne justifie pas d’un dommage né et actuel directement consécutif à une faute commise par la société Patrick Pilot Cars. En effet, la cour a confirmé que la société Stynen devait la relever et garantir de toutes condamnations de sorte qu’elle n’établit pas avoir subi un dommage.

La cour déboutera la société PLS de sa demande de condamnation de la société Patrick Pilot Cars à la somme de 40.415,96 euros avec intérêts.

Sur l’appel en garantie de la société Stynen à l’encontre de la société Patrick Pilot Cars

La société Stynen sollicite l’infirmation du jugement qui a condamné la société Patrick Pilot Cars certes à la relever et la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle mais dans la limite de 384 euros. Elle demande que cette garantie à son profit soit étendue à toute condamnation en principal, frais et intérêts, indemnité de procédure, dépens ou autres. Elle fait valoir que son appel en garantie est recevable car la loi française seule s’applique selon la CMR et non la loi belge qui prévoit qu’en matière de contrat de transport les actions récursoires doivent être introduites, à peine de déchéance, dans le délai d’un mois de l’assignation qui donne lieu au recours.

La société Stynen fait également valoir que son appel est bien fondé car la société Patrick Pilot Cars qui avait pour mission d’escorter le convoi exceptionnel et d’assurer la coordination de la circulation a failli à son obligation de s’assurer d’un itinéraire adapté puisque le convoi exceptionnel a heurté un pont, la hauteur de ce dernier étant insuffisante.

*

Il résulte du rapport d’expertise du cabinet Cornet & Kinsbergen du 1er juillet 2014 contradictoire que la société Stynen a confié à la société Patrick Pilot Cars l’accompagnement routier du convoi exceptionnel et que la responsabilité de cette dernière, pourtant équipée d’un altimètre, est en cause dans la survenance du dommage, ce qui n’est pas contesté.

La société Stynen a ainsi sous traité à la société Patrick Pilot Cars une partie de la prestation de transport dont elle était chargée dans le cadre de la lettre de voiture CMR en qualité de transporteur, conférant à la société Patrick Pilot Cars la qualité de transporteur exécutant sous traitant.

En application de l’article 17 de la convention CMR, et en cette qualité de transporteur sous traitant, la société Patrick Pilot Cars est ‘responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison…’ de sorte qu’elle doit être condamnée à relever et garantir la société Stynen de toutes condamnations à l’encontre de cette dernière consécutives à l’application de l’article 3 de la convention CMR qui prévoit que le transporteur ‘répond des actes et omissions de ses préposés et de toutes autres personnes aux services desquelles il recourt pour l’exécution du transport lorsque ces préposés ou ces personnes agissent dans l’exercice de leurs fonctions;’ ce qui est le cas en l’espèce.

Aucun élément n’étant versé aux débats sur une éventuelle limitation de garantie opposable à la société Stynen par la société Patrick Pilot Cars, la cour infirmera le jugement qui a limité à 384 euros cet appel en garantie.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement ne s’est pas prononcé sur les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens pourtant sollicités par les sociétés PLS et Stynen.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et chaque partie sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 mars 2020 en ce qu’il a :

– dit que les obligations respectives nées du contrat entre la société Transports Stynen et la société Patrick Pilot Cars BVBA sont régies par le droit belge,

– condamné la société Patrick Pilot Cars BVBA à relever et garantir la société Transports Stynen de toutes condamnations prononcées à son endroit par le jugement dans la limite de 384 euros,

CONFIRME, pour le surplus, le jugement en ses dispositions frappées d’appel,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés

DIT que les obligations respectives nées du contrat entre la société Transports Stynen et la société Patrick Pilot Cars BVBA sont régies par la convention CMR,

CONDAMNE la société Patrick Pilot Cars BVBA à relever et garantir la société Transports Stynen de toutes condamnations prononcées à son endroit par le jugement entrepris,

REJETTE toutes autres demandes,

Y ajoutant

DEBOUTE la société PLS BV de sa demande de condamnation de la société Patrick Pilot Cars à la somme de 40.415,96 euros avec intérêts,

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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