Le 28 mars 2023, Madame [S] [E] a reçu un email de la Banque Populaire l’invitant à mettre à jour ses coordonnées pour le système d’authentification électronique. Après avoir suivi cette instruction, elle a constaté un virement de 1300 euros vers un compte « CAMARA » le 2 mars 2023. Le 3 avril 2023, elle a contacté la banque pour faire opposition sur sa carte bancaire et, le 13 avril, a demandé le remboursement des opérations non autorisées, sans succès. Le 6 septembre 2023, son avocat a envoyé un second courrier pour obtenir des justificatifs concernant le système d’authentification, mais la banque a refusé le 20 septembre. Le 10 mai 2024, Madame [S] [E] a assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Chartres pour obtenir le remboursement des sommes détournées, des dommages et intérêts, ainsi que des frais de justice. L’audience a eu lieu le 11 juin 2024, mais la banque n’était pas présente. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 17 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute : TJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Aurélie MUSSET de la SELEURL ICAB AVOCAT, avocats au barreau de CHARTRES
Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES
JUGEMENT Réputé contradictoire
DU 17 Septembre 2024
DEMANDEUR :
Madame [S] [E]
née le 08 Juillet 1969 à NOGENT LE ROTROU (28400),
demeurant 1 les hauts Molands – 28160 UNVERRE
représentée par Me MUSSET de la SELARL unipersonnelle ICAB AVOCAT, demeurant 5 Rue de la Pointe à l’Hermite – 28300 LEVES, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 65
D’une part,
DÉFENDEUR :
Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, société anonyme coopérative de Banque Populaire à capital variable immatriculée sous le n°549 800 373 au Registre du Commerce et des sociétés de VERSAILLES,
ayant son siège social sis 9 avenue de Newton à 78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX, prise en la personne de son représentant légal es qualité domicilié audit siège
non comparante, ni représentée
D’autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge :
François RABY, juge du tribunal judiciaire par délégation selon ordonnance de Madame la présidente en date du 02 septembre 2024
Greffier: Séverine FONTAINE
DÉBATS :
L’affaire a été plaidée à l’audience publique du 11 Juin 2024et mise en délibéré au 17 Septembre 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.
EXPOSE DU LITIGE
Le 28 mars 2023, Madame [S] [E] a reçu un courrier électronique émanant de l’adresse « [email protected] » l’informant de la nécessité de mettre à jour ses coordonnées pour assurer le bon fonctionnement du système d’authentification électronique.
Après s’être exécutée, Madame [S] [E] a reçu le 2 mars 2023 à 00h45 la notification d’un virement d’un montant de 1300 euros vers un compte bénéficiaire libellé « CAMARA ». Le 3 avril 2023, elle contactait la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE afin de faire opposition sur sa carte bancaire. Le 13 avril 2023, elle demandait par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 avril 2023, le remboursement des sommes correspondant au montant des opérations non autorisées, en vain.
Le 6 septembre 2023, le conseil de Madame [S] [E] a envoyé un second courrier recommandé avec accusé de réception reçu le 11 septembre 2023 afin d’obtenir les justificatifs relatifs au bon fonctionnement du système d’authentification électronique et à la négligence de leur cliente. La SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE lui notifiait son refus par courrier en date du 20 septembre 2023.
Suivant acte de commissaire de justice en date du 10 mai 2024, Madame [S] [E] a assigné la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, devant le tribunal judiciaire de Chartres aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation à lui verser la somme de 5450 euros correspondant aux sommes frauduleusement détournées, la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et la somme de 1600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 11 juin 2024.
Madame [S] [E], représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, personne morale citée à personne, n’a pas comparu et n’a pas été représentée.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, le défaut de comparution du défendeur n’empêche pas qu’il soit statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable ou bien fondée.
Sur la demande de paiement de la somme de 5 450,00 euros formulée par Madame [S] [E] à l’encontre de la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
En vertu de l’article 133-18 du code monétaire et financier, « en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu ».
S’agissant de la responsabilité en cas d’opération de paiement non autorisée pour les instruments de paiement dotés d’un dispositif de sécurité personnalisé, l’article 133-19 II du code monétaire et financier dispose que « la responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.»
En vertu de l’article 133-23 du code de commerce, il incombe au prestataire de services de paiement de prouver que l’opération que l’utilisateur nie avoir autorisée a bien été « authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement ». Ainsi, s’agissant du hameçonnage par courrier électronique, la négligence grave de l’utilisateur s’analyse au prisme du contenu et de la forme du courriel reçu en nécessitant la recherche d’éléments permettant à un client normalement avisé de se douter de son caractère frauduleux.
En l’espèce, Madame [S] [E] a, comme en attestent le courrier de réclamation du 13 avril 2023 envoyé par cette dernière à sa banque ainsi que le dépôt de plainte du 4 avril 2023 auprès de la gendarmerie de BROU, fait opposition à sa carte bancaire dès le lendemain de la notification d’un virement instantané d’un montant de 1300 euros au bénéfice d’un compte nommé « CAMARA », soit le 3 avril 2023. Le relevé du compte bancaire utilisé par la demanderesse fait état, outre le virement précité, de treize paiements en ligne libellés au nom de la néobanque « OLKYPAY » pour un total de 4150 euros intervenus entre le 1er et le 3 avril, ce qui porte le total du montant de la somme faisant l’objet de la contestation à 5450 euros.
Aucun élément figurant au sein du courriel reçu le 28 mars 2023 demandant à Madame [S] [E] de renouveler son adhésion au dispositif d’authentification de sa banque ne permettait à la demanderesse d’envisager que ce courriel fût un message frauduleux. En effet, tant le libellé du mail, « [email protected] » que la qualité de la syntaxe du message et sa typographie, reprenant le logo et le code couleur de la BANQUE POPULAIRE, ont légitimement pu laisser croire à la demanderesse que ce message émanait bien de sa banque. La crédibilité du message est d’autant plus renforcée qu’il contenait un lien renvoyant Madame [S] [E] vers son propre espace personnel pour mettre à jour ses coordonnées. Si celle-ci admet avoir alors indiqué le numéro de sa carte bancaire, une telle démarche ne saurait, au regard des éléments précédemment exposés établissant l’apparente licéité du message, être considérée comme étant une négligence de sa part. Les deux courriels en date du 29 mars 2023 et du 1er avril 2023, l’informant de l’activation du dispositif d’authentification et de la possibilité de signaler à la banque si elle n’était pas à l’origine de l’opération, ne permettaient pas à la demanderesse de se douter du caractère frauduleux du premier message puisqu’ils s’inscrivaient dans la continuité de la demande qu’elle pensait émaner de sa banque.
En outre, contrairement aux exigences légales définies par les dispositions précitées, la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, malgré ce qu’elle affirme dans ses courriers envoyés à la demanderesse le 5 avril 2023, le 11 avril 2023, le 12 avril 2023 et le 20 septembre 2023, n’apporte pas la preuve que les opérations litigieuses ont bien été authentifiées par l’utilisatrice, étant précisé que la seule démonstration de l’utilisation du dispositif ne saurait être suffisante pour exonérer la banque.
Il convient donc de retenir la responsabilité de la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE et de la condamner à payer à Madame [S] [E] la somme de 5450 euros correspondant au montant des opérations non autorisées.
Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice moral formée par Madame [S] [E]
L’article 1353 dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». En vertu de l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
En l’espèce, si Madame [S] [E] s’est heurtée au refus de la banque de verser la somme correspondant au montant des opérations, elle ne démontre ni la réalité ni l’étendue de son préjudice moral.
Il convient donc de rejeter cette demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, qui succombe en l’espèce, sera condamné aux entiers dépens.
Condamné aux dépens, la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE sera condamnée au paiement de la somme de 1 600,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019 applicable en l’espèce, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.
Le Tribunal, statuant après audience publique, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE à payer à Madame [S] [E] la somme de cinq mille quatre cent cinquante euros (5 450,00 euros) correspondant au remboursement des opérations non autorisées par cette dernière ;
DEBOUTE Madame [S] [E] de sa demande indemnitaire en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE à payer à Madame [S] [E] la somme de mille six cents euros (1 600 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE aux dépens de la présente instance ;
RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.
Ainsi jugé et prononcé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Séverine FONTAINE François RABY