M. [M] [N] a contracté plusieurs prêts auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire entre février 2017 et juin 2019 pour acquérir des terres agricoles. En novembre 2020, le Crédit agricole a mis M. [N] en demeure de régler des sommes dues sur certains crédits. En février 2022, M. [N] a assigné la banque en justice, alléguant un manquement à son devoir de mise en garde et demandant des dommages-intérêts. En réponse, le Crédit agricole a également assigné M. [N] pour obtenir le paiement des sommes dues. Les deux procédures ont été jointes et examinées par le tribunal judiciaire de Bourges.
Le tribunal a reconnu que le Crédit Agricole avait manqué à son devoir de mise en garde pour deux des prêts, condamnant la banque à verser 58.000 euros à M. [N] en dommages-intérêts et à supprimer certaines pénalités. M. [N] a été débouté de plusieurs autres demandes, y compris celles concernant des préjudices moraux et des frais. Le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation du jugement et la condamnation de M. [N] à payer des sommes dues. M. [N] a également demandé la confirmation du jugement initial. Le tribunal a statué sur les responsabilités des deux parties, en tenant compte des manquements de la banque et des obligations de M. [N]. L’affaire a été marquée par des demandes de dommages-intérêts, des contestations de pénalités et des questions de loyauté contractuelle. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COPIE OFFICIEUSE
à :
– SCP SOREL
– Me RICHARD
Expédition TJ
LE : 05 SEPTEMBRE 2024
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
N° – Pages
N° RG 23/00714 – N° Portalis DBVD-V-B7H-DSHT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de Bourges en date du 29 Juin 2023
PARTIES EN CAUSE :
I – S.A. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 6]
[Localité 2]
N° SIRET : 398 824 714
Représentée et plaidant par la SCP SOREL, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 17/07/2023
INCIDEMMENT INTIMÉE
II – M. [M] [N]
né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me RICHARD avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
INCIDEMMENT APPELANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CLEMENT, Présidente chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile CLEMENT Présidente de Chambre
M. Richard PERINETTI Conseiller
Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère
*
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
*
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Dans l’objectif d’acquérir et exploiter des terres agricoles, courant février 2017, M. [M] [N] a contracté plusieurs prêts auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire (ci-après dénommée le Crédit agricole), soit :
le 21 février 2017, quatre crédits d’un montant respectif de 400.000 euros, 75.070 euros, 50.000 euros et 9.000 euros,
le 18 juillet 2017, un cinquième crédit d’un montant de 72.895,80 euros,
le 7 novembre 2017, un sixième crédit d’un montant de 15.454 euros.
Le 15 juin 2019, M. [N] a souscrit un septième crédit d’un montant de 166.000 euros.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 novembre 2020, le Crédit agricole a mis M. [N] en demeure de régler les sommes de 159.704,74 euros (relative au septième crédit souscrit) et de 72.895,80 euros (relative au cinquième crédit souscrit).
Par courrier recommandé avec avis de réception du 27 octobre 2021, le Crédit agricole a prononcé la déchéance du terme du sixième crédit.
Suivant acte d’huissier en date du 2 février 2022, M. [N] a fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins essentiellement de rechercher la responsabilité de la banque au titre du manquement à son devoir de mise en garde et à son obligation de loyauté, et de la voir condamner à ce titre à lui verser des dommages intérêts.
Suivant acte d’huissier du 4 février 2022, le Crédit agricole a fait assigner M. [N] devant le tribunal judiciaire de Blois aux fins d’obtenir sa condamnation à paiement de diverses sommes au titre des prêts consentis.
Par ordonnance du 18 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Blois, se fondant sur l’exception de connexité, a ordonné le dessaisissement de cette juridiction de cette dernière procédure, au profit du tribunal judiciaire de Bourges déjà saisi.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 7 février 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourges.
En l’état de ses dernières écritures, M. [N] a demandé au tribunal de :
le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,
déclarer le Crédit agricole non fondé en ses prétentions,
débouter le Crédit Agricole de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
juger que le Crédit Agricole avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de M. [N] à l’occasion de chacun des contrats de prêt litigieux objets de la présente instance,
juger que le Crédit Agricole avait manqué à son obligation de loyauté à l’égard de M. [N] dans le cadre de leurs relations contractuelles,
En conséquence,
condamner le Crédit agricole à verser à M. [N] une somme de 260.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait des fautes commises par la banque,
annuler la déchéance du terme prononcée au titre des crédits de 72.895,80 euros et de 15.454 euros comme étant abusive,
ordonner le Crédit Agricole de réaffecter les sommes imputées sur le prêt de 166.000 euros sur ces deux prêts en paiement des échéances annuelles correspondant à ces deux prêts, inscrites à tort en impayés,
ordonner la suppression des intérêts, frais et pénalités appliqués au titre des prêts de 72.895,80 euros et de 15.454 euros, mais aussi du prêt de 400.000 euros et de 166.000 euros,
condamner le Crédit Agricole à verser à M. [N] une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
ordonner la suppression des majorations de cinq points et la réduction des clauses pénales à un euro au titre des crédits de 72.895,80 euros, de 15.454 euros et de 166.000 euros,
ordonner la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités inscrits en débit sur le compte d’exploitation de M. [N] du fait des rejets de prélèvements et impayés,
ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d’autre par les parties,
condamner le Crédit agricole à verser à M. [N] une somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En réplique, le Crédit Agricole a demandé au Tribunal de :
sur les demandes de M. [N],
débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
à titre reconventionnel,
juger que M. [N] avait manqué à son obligation légale et contractuelle d’avoir à régler ses échéances de prêts aux termes convenus,
condamner M. [N] à régler au Crédit Agricole une somme de 173.405,70 euros au titre du prêt court terme agricole n° 00001182006 au taux d’intérêt contractuel de 3,01 % à compter du 18 novembre 2021 jusqu’au règlement intégral des sommes dues,
condamner M. [N] à régler au Crédit Agricole une somme de 1.107,14 euros au titre du solde débiteur de son compte courant DAV professionnel n° [XXXXXXXXXX05], arrêté selon décompte actualisé arrêté au 17 novembre 2021,
ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
condamner M. [N] règlement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [N] aux dépens de l’instance,
rappeler que le jugement était exécutoire de plein droit par provision,
rappeler que conformément aux dispositions de l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution, les frais d’exécution forcée du jugement restaient le cas échéant à la charge exclusive du débiteur.
Par jugement contradictoire du 29 juin 2023, le tribunal judiciaire de Bourges a :
– Dit que le Crédit Agricole avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de M. [N] à l’occasion de la souscription le 21 février 2017 du contrat 611400 d’un montant de 400.000 € et le 19 juin 2019 du contrat 1182006 d’un montant de 166.000 € ;
– Dit que dans le cas d’espèce l’obligation de loyauté se confondait avec le devoir de mise en garde ;
– Dit que le Crédit agricole n’avait pas manqué à son devoir de mise en garde par rapport aux autres contrats de prêts souscrit par M. [N] ;
– Condamné le Crédit Agricole à verser à M. [N] une somme de 58.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
– Ordonné la suppression de la majoration de 5 points du taux d’intérêts du prêt 00001182006 et ramené sur ce même contrat à 1 euro l’indemnité prévue à la clause « indemnité de recouvrement » ;
– Rejeté les autres demandes de M. [N] relatives aux crédits de 72.895,80 € et 15.454 €, ainsi qu’à sa demande de suppression des intérêts au taux contractuel qui ont été appliqués sur le prêt de 400.000 € ;
– Débouté M. [N] de sa demande soumise au titre du préjudice moral ;
– Débouté M. [N] de sa demande tendant à la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités portés au débit de son compte d’exploitation du fait des impayés ;
– Condamné le Crédit Agricole à régler la somme globale de 3.000 € à M. [N]
au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamné M. [N] à régler au Crédit Agricole la somme de 168.673,99 € selon décompte arrêté au 17 novembre 2021 au titre du prêt n° 00001182006, avec intérêts au taux contractuel de 3,01% à compter du 18 novembre 2021 jusqu’au règlement intégral des sommes dues ;
– Ordonné la capitalisation des intérêts ;
– Condamné M. [N] à régler au Crédit Agricole la somme de 1.107,14 € au titre du solde débiteur de son compte courant DAV professionnel n°[XXXXXXXXXX05], selon décompte arrêté au 17 novembre 2021 ;
– Débouté le Crédit Agricole de sa demande soumise au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires au dispositif ;
– Rappelé que le jugement était exécutoire de plein droit par provision ;
– Condamné le Crédit Agricole aux entiers dépens ;
– Rappelé que conformément aux dispositions de l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution, les frais d’exécution forcée du jugement resteraient le cas échéant à la charge exclusive du débiteur.
Le tribunal a notamment retenu que M. [N] ne pouvait être considéré comme un emprunteur averti, que la banque était débitrice envers lui d’un devoir de mise en garde sur ses risques d’endettement excessif au regard du montant de 400.000 euros emprunté, de la brièveté de son délai de remboursement, de l’existence d’un crédit immobilier pesant déjà sur l’emprunteur et des caractéristiques distinctes du projet finalement adopté par rapport à celles qui avaient été préconisées en 2016 par le cabinet Cerfrance, que le prêt de 166.000 euros avait dû être contracté pour combler le reliquat impayé du prêt de 400.000 euros, que la banque avait failli à son devoir de mise en garde concernant ces deux prêts, que son obligation de loyauté se confondait en l’occurrence avec ce devoir de mise en garde, que l’octroi des autres prêts n’avait pas été affecté des mêmes manquements, que le préjudice de M. [N] s’analysait en une perte de chance d’éviter le risque qui s’était réalisé, et que M. [N] était pour partie responsable du préjudice moral qu’il invoquait.
Le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 17 juillet 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’il développe, le Crédit Agricole demande à la Cour de :
– DECLARER recevable et bien fondé l’appel du Crédit Agricole,
– INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de Bourges en date du 29 juin 2023 en ce qu’il a :
o Dit que le Crédit Agricole avait manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de M. [N] à l’occasion de la souscription le 21 février 2017 du contrat 00000611400 d’un montant de 400.000 € et le 19 juin 2019 du contrat 00001182006 d’un montant de 166.000 €,
o Condamné le Crédit Agricole à verser à M. [N] une somme de 58.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
o Ordonné la suppression de la majoration de 5 points du taux d’intérêts du prêt 00001182006 et ramené sur ce même contrat à 1 € l’indemnité prévue à la clause « indemnité de recouvrement », et limité en conséquence à 168.673,99 € le montant des sommes auxquelles M. [N] a été condamné et à 3,01 % le montant du taux d’intérêts,
o Condamné le Crédit Agricole à régler une somme globale de 3.000€ à M. [N] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
o Condamné le Crédit Agricole aux dépens ;
Statuant de nouveau,
– DEBOUTER M. [N] de l’ensemble de ses demandes,
– CONDAMNER M. [N] à payer au Crédit Agricole, outre la somme de 168.672,99 €, la somme de 11.327,17 € au titre de l’indemnité forfaitaire du prêt n°1182006
– CONDAMNER M. [N] à payer au Crédit Agricole les intérêts au taux conventionnel de 8,01 % sur la somme de 168.672,99 € au titre du prêt n°1182006,
– CONDAMNER M. [N] à payer au Crédit Agricole la somme de 3.000 € au titre
de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER M. [N] aux dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’il développe, M. [N] demande à la Cour de :
DECLARER M. [N] recevable et bien fondé en toutes ses demandes,
DECLARER le Crédit Agricole non fondé en ses prétentions,
Y FAISANT DROIT,
confirmer le jugement en ce qu’il a :
– Dit que le Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde de mise en garde à l’occasion de la souscription le 21 février 2017 du contratn°000006l1400 de 400.000,00 € et le 19 juin 2019 du contrat n°00001182006 d’un montant de 166.000,00 €,
– Ordonné la suppression de 5 points de la majoration du taux d’intérêts du prêt 00001182006 et ramené sur ce même contrat à 1 € l’indemnité prévue a la clause « indemnité de recouvrement »,
– Condamné le Crédit Agricole à régler la somme de 3.000,00 € à M. [N] au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Débouté le Crédit Agricole de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile,
– Condamné le Crédit Agricole aux entiers dépens,
et d’in’rmer le jugement en ce qu’il a :
– Dit que dans le cas d’espèce l’obligation de loyauté se confond avec le devoir de mise en garde,
– Dit que le Crédit Agricole n’a pas manqué à son devoir de mise en garde par rapport aux autres contrats de crédit souscrits par M. [N],
– Condamné le Crédit Agricole à verser à M. [N] la somme de 58.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
– Rejeté les autres demandes de M. [N] relatives aux crédits de 72.895,80 € et de 15.454,00 €, ainsi que sa demande de suppression des intérêts au taux contractuel qui ont été appliqués sur le prêt de 400.000,00 €,
– Débouté M. [N] de sa demande soumise au titre du préjudice moral,
– Débouté M. [N] de sa demande tendant à la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités portés au débit de son compte d’exploitation du fait des impayés,
– Condamné M. [N] à payer au Crédit Agricole la somme de 168.673,99 € selon décompte arrêté au 17 novembre 2021 au titre du prêt n°00001182006, avec intérêts au taux contractuel de 3,01% à compter du 18 novembre 2021 jusqu’au règlement intégral des sommes dues,
– Ordonné la capitalisation des intérêts,
– Condamné M. [N] à payer au Crédit Agricole la somme de 1.107,14 € au titre du solde débiteur de son compte courant DAV professionnel n°[XXXXXXXXXX05], selon décompte arrêté au 17 novembre 2021,
– Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,
– Rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit par provision,
En conséquence,
DEBOUTER le Crédit Agricole de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
JUGER que le Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de M. [N] à l’occasion de chacun des contrats de prêts litigieux objets de la présente instance, objets du financement global accordé par le Crédit Agricole ainsi que le crédit de reprise de 166.000,00 €,
JUGER que le Crédit Agricole a manqué à son obligation de loyauté à l’égard de M. [N] dans le cadre de leurs relations contractuelles,
JUGER que la déchéance du terme des prêts de 72.895,80 € et de 15.454,00 € est intervenue de manière abusive,
Et ce faisant,
CONDAMNER le Crédit Agricole à verser à M. [N] une somme de 260.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par M. [N] du fait des fautes commises par lui,
ANNULER la déchéance du terme prononcée au titre des deux crédits de 72.895,80 € et de 15.454,00 € car comme étant abusive,
ORDONNER au Crédit Agricole de réaffecter les sommes imputées à tort sur le prêt de 166.000,00 € sur ces deux prêts en paiement des échéances annuelles correspondant à ces deux prêts, inscrites à tort en impayés,
DIRE ET JUGER que M. [N] reprendra le remboursement normal des deux prêts de 72.895,80 € et de 15.454,00 €,
ORDONNER la suppression des intérêts, frais et pénalités appliqués au titre des prêts de 72.895,80 €, de 15.454,00 €, mais aussi du prêt de 400.000,00 € et du prêt de 166.000,00 €,
CONDAMNER le Crédit Agricole à verser à M. [N] une somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par M. [N],
ORDONNER à la suppression des majorations de 5 points et la réduction des clauses pénales à 1 € au titre des crédits de 72.895,80 €, de 15.454,00 € et de 166.000,00 €,
ORDONNER la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités inscrits en débit sur le compte d’exploitation de M. [N] du fait des rejets de prélèvement et impayés,
ORDONNER la compensation entre les sommes dues de part et d’autres par les parties,
CONDAMNER le Crédit agricole à verser à M. [N] une somme de 6.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
ET CONDAMNER le Crédit Agricole aux entiers dépens, en application des dispositions de l’article 696 du Code de Procedure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024.
Sur les demandes indemnitaires présentées par M. [N] :
Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Sur le devoir de mise en garde
Il est constant qu’un établissement de crédit est tenu, lors de la conclusion d’un contrat de prêt, à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti, au regard des capacités financières de celui-ci et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt (voir notamment en ce sens Cass. Com., 9 mars 2022, n°20-10.678).
Le préjudice consécutif au manquement d’un établissement de crédit à son devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti consiste en la perte de la chance pour l’emprunteur d’éviter la réalisation d’un risque d’incapacité à faire face au remboursement du prêt souscrit en renonçant à contracter dans les conditions proposées par la banque.
Il est admis que ce devoir de mise en garde n’est dû que si l’opération projetée, la situation personnelle et les facultés financières déclarées de l’emprunteur font apparaître un risque d’endettement excessif (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 5 mars 2015, n°14-12.017).
En l’espèce, au jour de la conclusion des contrats de prêt litigieux destinés à financer son installation comme exploitant agricole, M. [N] était âgé de 27 ans, titulaire d’un CAP maçonnerie et affichait une expérience professionnelle de cinq années en qualité d’ouvrier agricole.
Ainsi, s’il disposait des qualifications nécessaires à l’exercice d’une activité agricole et à la conduite d’une exploitation, il ne pouvait qu’être considéré comme profane et non averti dans le domaine des opérations de crédit financier.
S’agissant du patrimoine dont disposait alors M. [N], il consistait en une maison d’habitation acquise le 11 janvier 2010 au prix de 80.000 euros, au moyen d’un prêt immobilier d’un montant de 91.290 euros souscrit auprès du Crédit mutuel pour une durée de 25 ans, repris le 14 mars 2017 par le Crédit agricole. Il peut ainsi être estimé que M. [N], au moment de la souscription des contrats de prêt litigieux, avait remboursé l’emprunt immobilier contracté à hauteur approximative de 25.000 euros.
Un PEL et un CEL d’un montant respectif de 1.017 euros et 4.400 euros venaient s’y ajouter.
Il y a lieu de prendre également en compte un patrimoine professionnel dont la valeur, au vu du protocole d’accord conclu en début d’année 2017 entre M. [O], cédant de l’exploitation, et M. [N] doit être estimée à hauteur de 401.910 euros.
Il s’en déduit que la valeur globale du patrimoine de M. [N] à retenir pour l’évaluation de ses capacités financières au moment de la conclusion des contrats de prêt s’élève à 432.327 euros.
Il n’est pas contesté que M. [N] ait communiqué au Crédit agricole, qui la produit aux débats, une étude prévisionnelle établie par Cerfrance Alliance Centre, le 6 février 2017, suggérant un financement de l’acquisition de l’exploitation agricole par M. [N] au moyen de trois emprunts de 85.000 euros, 200.000 euros et 289.949 euros, respectivement remboursables sur 15 ans, 2 ans et 10 ans.
Le plan de financement finalement adopté par les parties s’est considérablement éloigné du projet décrit dans cette étude. L’un des principaux points de divergence tient à la nécessité pour M. [N] de rembourser le prêt n° 00000611400, d’un montant de 400.000 euros, un an seulement après sa souscription, remboursement dont les parties conviennent toutes deux qu’il ne pouvait intervenir qu’à la condition de revendre le matériel agricole acquis au moment de la conclusion des différents contrats de prêt. Si le Crédit agricole soutient que cette revente a toujours fait partie intégrante du plan de financement arrêté avec M. [N], aucun document contractuel ne vient confirmer ses dires. Il ne peut au demeurant qu’être souligné qu’une telle revente à si brève échéance de l’intégralité de son matériel agricole aurait nécessairement entraîné des conséquences évidentes sur les modalités d’exploitation de ses parcelles par M. [N], agriculteur céréalier, et que rien parmi les pièces produites n’indique que celui-ci ait été complètement alerté et renseigné sur ce point, ni de façon globale sur les différences conséquentes existant entre le projet élaboré par Cerfrance et celui que le Crédit agricole proposait de retenir.
Compte tenu de la perte normale de valeur du matériel agricole au fil du temps, de la nécessité pour M. [N] de s’acquitter des échéances mensuelles des cinq autres crédits souscrits auprès du Crédit agricole et de la consistance de son patrimoine, essentiellement constitué d’éléments nécessaires à son exercice professionnel qui lui procurait l’intégralité de ses revenus, il ne peut qu’être considéré qu’il existait pour M. [N], au moment de la conclusion du contrat de prêt n° 00000611400, un risque d’endettement excessif imposant au Crédit agricole de s’acquitter d’un devoir de mise en garde à l’égard de son cocontractant, emprunteur non averti.
L’inadaptation du prêt n° 00000611400 aux capacités financières de M. [N] s’est rapidement matérialisée à travers l’impossibilité à laquelle il a été confronté de rembourser ce prêt à son échéance, un an après sa souscription, ce qui a amené le Crédit agricole à en repousser le terme d’un an. M. [N] n’ayant alors toujours pas pu rembourser la somme restant due, un nouveau contrat de prêt n° 00001182006 d’un montant de 166.000 euros a été conclu entre les parties, le 19 juin 2019, afin de refinancer le solde demeuré impayé du premier contrat sur une durée d’un an.
À cette date, le patrimoine de M. [N] n’avait pas sensiblement augmenté, non plus que ses compétences en matière d’opérations de financement, et le risque d’endettement excessif était d’ores et déjà matérialisé au vu de ses difficultés à rembourser la somme due au titre du contrat de prêt n° 00000611400.
Par conséquent, le Crédit agricole se trouvait là encore redevable d’un devoir de mise en garde au bénéfice de M. [N].
La brièveté de la durée de chacun de ces deux contrats de prêt, les importants points de divergence du plan de financement proposé par le Crédit agricole au regard du projet Cerfrance, en particulier l’augmentation du montant global du financement consenti (623.283,80 euros au lieu de 574.949 euros), la nécessité pour M. [N] de se départir à brève échéance de l’intégralité du matériel agricole acquis afin de rembourser la banque prêteuse et de ne pouvoir de ce fait compter que sur un partage du matériel dont disposaient ses parents, eux-mêmes exploitants agricoles sont autant de points qui auraient dû se trouver au c’ur de l’accomplissement par le Crédit agricole de son devoir de mise en garde vis-à-vis de l’emprunteur.
Le Crédit agricole ne démontre pour autant nullement avoir spécialement mis en garde M. [N] quant au risque d’endettement excessif résultant de la conclusion successive de ces deux contrats de prêt.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que le tribunal a estimé que le Crédit agricole avait failli à son devoir de mise en garde dans le cadre de l’octroi des deux prêts n° 00000611400 et n° 00001182006.
Concernant les contrats de prêt n° 00000611388 et 00000611403 d’un montant respectif de 75.070 euros et 50.000 euros, souscrits le 21 février 2017, n° 00000632519 d’un montant de 77.960 euros souscrit le 16 mars 2017, n° 00000695612 d’un montant de 72.895,80 euros souscrit le 28 juillet 2017 et n°00000728070 d’un montant de 15.454 euro souscrit le 7 novembre 2017, leurs montants et leurs modalités de remboursement ne caractérisent pas de risque d’endettement excessif au regard des capacités financières de M. [N] ni, partant, d’un manquement du Crédit agricole à un devoir de mise en garde qui en l’occurrence n’était pas dû.
Sur le devoir de loyauté
Au stade de la formation des différents contrats, le devoir de loyauté auquel M. [N] impute un manquement au Crédit agricole se confond en l’espèce avec le devoir de mise en garde, ainsi que l’a relevé le tribunal. Aucune des pièces produites ne caractérise, ainsi que le soutient M. [N], d’immixtion fautive particulière du Crédit agricole dans les affaires de l’emprunteur.
S’agissant du devoir de loyauté incombant à la banque durant l’exécution des différents contrats, le fait pour le Crédit agricole d’avoir proposé à M. [N] de souscrire un contrat de crédit d’un montant de 166.000 euros, le 15 juin 2019, ayant pour objet la reprise des impayés du prêt de 400.000 euros ne caractérise nullement de manquement de l’établissement de crédit à son devoir de loyauté. Si les tableaux d’amortissement ne font pas apparaître le taux d’intérêt applicable, il ne peut qu’être observé que celui-ci a été mentionné dans le contrat de crédit en cause, signé par M. [N], qui y a ainsi consenti. Le court terme fixé pour le remboursement de ce crédit relève du risque d’endettement excessif au regard des capacités financières de l’emprunteur tel qu’il a été examiné au sujet du devoir de mise en garde.
Concernant l’affectation par le Crédit agricole d’une somme de 6.848,17 euros remise par M. [N] en règlement de la mensualité du 20 février 2021 du contrat de prêt n°00000611388 au remboursement du prêt de 166.000 euros au mépris des instructions expressément données par l’emprunteur, il ne peut qu’être constaté, d’une part, que la communication de ces instructions à la banque n’est pas démontrée par M. [N] et, d’autre part, que le Crédit agricole a indiqué dans son courrier du 15 juin 2021 avoir réaffecté cette somme conformément à la volonté manifestée par M. [N] dès qu’il en a eu connaissance, précisant n’avoir pas été destinataire de cette demande lors de la remise du chèque. La réalité de cette rectification d’imputation est attestée par les termes du courrier daté du 21 décembre 2021, adressé par le conseil de M. [N] au Crédit agricole.
Il sera à cet égard observé que la pièce n° 32 de M. [N], intitulée suivant le bordereau de communication de pièces « Justificatifs des sommes déposées au crédit du compte pour payer les mensualités rejetées par la CRCAM Centre Loire », à laquelle ses écritures renvoient de façon répétée afin de démontrer le manquement du Crédit agricole à son devoir de loyauté du fait de l’imputation de diverses sommes au remboursement du prêt de 166.000 euros et non aux deux prêts de 72.895,80 euros et 15.454 euros, ne correspond pas à son intitulé. En effet, la pièce n°32 communiquée par M. [N] consiste en la reproduction de l’assignation devant le tribunal judiciaire qu’il a fait délivrer au Crédit agricole, le 2 février 2022. Aucune des pièces communiquées par l’intimé ne correspond à des justificatifs d’encaissement par la banque de sommes destinées au remboursement de prêts spécialement identifiés, ni à des instructions en ce sens qu’il aurait données à la banque.
En outre, M. [N] produit un courrier émis par le Crédit agricole, daté du 26 novembre 2020, selon lequel ce dernier lui indiquait que les premiers incidents de paiement non régularisés remontaient, pour le prêt de 72.895,80 euros, au 20 juillet 2020 et pour le prêt de 15.454 euros, au 25 novembre 2020, pour un total impayé s’élevant à 6.808,45 euros à la date du courrier en cause (pièce intimé n°21). Ainsi que le souligne à juste titre le Crédit agricole, M. [N], qui soutient sans le démontrer avoir déposé deux chèques de 1.000 et 2.000 euros les 14 et 15 octobre 2020 afin de s’acquitter de l’échéance de novembre 2020 du second prêt et de l’assurance, n’explique pas comment ces sommes auraient pu régulariser les montants impayés des deux prêts litigieux ni en quoi la déchéance de leur terme, prononcée le 21 octobre 2021, aurait été abusive au vu de l’ancienneté des incidents de paiements et de l’absence de preuve de leur régularisation, étant rappelé que les stipulations contractuelles liant les parties prévoient la possibilité pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme des prêts à défaut de paiement à bonne date des sommes dues, passé un délai de huit jours après réception d’une lettre recommandée avec avis de réception adressée à l’emprunteur par le prêteur.
Il n’est ainsi nullement établi que le Crédit agricole ait prononcé de façon abusive la déchéance du terme des contrats de prêt n° 00000695612 d’un montant de 72.895,80 euros souscrit le 28 juillet 2017 et n°00000728070 d’un montant de 15.454 euros souscrit le 7 novembre 2017.
Aucun manquement du Crédit agricole à son devoir de loyauté n’est caractérisé en l’espèce. M. [N] sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes tendant à voir reconnaître et sanctionner l’existence d’un tel manquement, annuler la déchéance du terme prononcée au titre des deux crédits de 72.895,80 euros et de 15.454,00 euros comme étant abusive et ordonner la suppression des intérêts, frais et pénalités appliqués au titre des prêts de 72.895,80 euros, de 15.454,00 euros, de 400.000,00 euros et de 166.000,00 euros.
Sur la sanction des manquements de la banque à son devoir de mise en garde
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le Crédit agricole à verser à M. [N] une somme de 58.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu de la perte de chance d’éviter le risque de ne pouvoir faire face au paiement des sommes exigibles du fait du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande indemnitaire fondée sur le préjudice moral. En effet, M. [N] s’est trouvé engagé envers le Crédit agricole au titre de contrats de prêt dont les montants et modalités de remboursement laissaient présager qu’il ne pourrait s’acquitter des échéances convenues, risque qui s’est rapidement réalisé et a nécessairement causé à l’intéressé, jeune agriculteur, un stress important quant aux possibilités de survie de son exploitation. Il n’est par surcroît nullement démontré, ainsi que l’a retenu le tribunal, que M. [N] soit pour partie responsable de son propre préjudice. Il convient en conséquence de condamner le Crédit agricole à verser à M. [N] la somme de 4.000 euros au titre du préjudice moral subi.
Sur la demande reconventionnelle en paiement présentée par le Crédit agricole :
L’article 1353 du code civil impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et, réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, le Crédit agricole justifie avoir adressé à M. [N] une mise en demeure, reçue le 30 octobre 2021 par l’intéressé, de régler sous dix jours, concernant le prêt n°0001182006, la somme de 151.146 euros en principal. La banque produit également un décompte arrêté au 17 novembre 2021 et un exemplaire du contrat en cause.
M. [N] ne soutient nullement avoir réglé cette somme, même partiellement. S’il affirme n’avoir été redevable à la date d’octroi de ce prêt que d’une somme de 151.600 euros au titre du prêt de 400.000 euros, il n’étaye cette affirmation d’aucun élément de preuve. Il conteste par ailleurs, pour l’essentiel, le montant de la clause pénale et la majoration de 5 points du taux d’intérêts, aspects qui seront abordés au paragraphe suivant.
Il y a lieu par conséquent de condamner M. [N] à verser au Crédit agricole la somme de 151.146,07 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,01 % à compter du 30 octobre 2021, au titre du prêt n°00001182006 et d’infirmer en ce sens le jugement entrepris. Les intérêts dus à ce titre produiront eux-mêmes intérêt dès lors qu’ils seront dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, conformément à la décision prise par le tribunal.
S’agissant du solde du compte courant ouvert par M. [N] dans les livres du Crédit agricole, ce dernier ne produit qu’un exemplaire du contrat d’ouverture de compte dépourvu de conditions générales et particulières, les relevés de compte des mois de mai, août, septembre et octobre 2021 et un historique des opérations partiel, portant sur les périodes du 31 octobre au 17 novembre 2021 et du 1er avril au 16 juin 2022, mentionnant respectivement 352 et 354 « jours en anomalie ». Ces documents ne permettent pas à la juridiction de s’assurer des conditions de survenance des incidents de paiement ni de l’intégralité des stipulations contractuelles unissant les parties, non plus que de la consistance des frais que le Crédit agricole entend percevoir.
Dans ces conditions, le Crédit agricole sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 1.107,14 euros au titre du solde débiteur du compte courant de M. [N].
M. [N] sera pour sa part débouté de sa demande tendant à voir ordonner la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités inscrits en débit sur son compte d’exploitation du fait des rejets de prélèvement et impayés, faute de produire le moindre élément de preuve de nature à démontrer leur caractère indu.
Sur les clauses pénales :
Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
Il est constant que la clause majorant le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance de l’emprunteur s’analyse en une clause pénale que le juge peut réduire si elle est manifestement excessive (voir notamment en ce sens Cass. Com., 5 avril 2016, n°14-20.169).
En l’espèce, le contrat de prêt n°00001182006 comporte une clause intitulée « intérêts de retard », prévoyant que « toute somme non payée à son échéance ou à sa date d’exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d’intérêts de retard dont le taux est précisé au paragraphe « TAUX DES INTERETS DE RETARD » », ledit paragraphe stipulant que « le taux des intérêts de retard sera égal au taux du prêt, majoré de 5,0000 points ».
Le même contrat énonce également que « si, pour parvenir au recouvrement de sa créance, le Prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l’Emprunteur s’oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2.000 euros ».
Ce contrat comporte en conséquence deux clauses distinctes, toutes deux qualifiables de clause pénale.
Au regard de la somme restant due mais aussi de celles qui ont déjà été acquittées par M. [N], du préjudice qui est résulté pour la banque de la défaillance de l’emprunteur et de la fixation du taux de refinancement bancaire à hauteur actuelle de 4,250 %, soit un taux bien moindre que celui de 8,01 % auquel aboutirait l’application de la majoration de 5 points, tant l’indemnité de 7 % que ladite majoration apparaissent manifestement excessives en leur montant.
Il convient en conséquence de ramener à la somme de 500 euros l’indemnité forfaitaire réclamée par le Crédit agricole et de dire n’y avoir lieu à majoration de 5 points du taux contractuel applicable.
La demande de M. [N] tendant à voir également appliquer la suppression des majorations de 5 points et la réduction des clauses pénales à 1 euro au titre des crédits de 72.895,80 euros et de 15.454,00 euros sera par ailleurs rejetée comme infondée, les manquements imputés par M. [N] à la banque n’étant pas caractérisés s’agissant de ces deux contrats.
Sur l’article 700 et les dépens :
L’équité et la prise en considération de l’issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner le Crédit agricole, qui succombe partiellement en ses prétentions, à verser à M. [N] la somme de 3.000 euros au titre des frais qu’il a exposés en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le Crédit agricole sera débouté de la demande qu’il a formulée sur ce fondement.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Le Crédit agricole, succombant partiellement en ses prétentions, devra supporter la charge des dépens de l’instance d’appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
La Cour,
INFIRME partiellement le jugement rendu le 29 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Bourges en ce qu’il a :
– Dit que dans le cas d’espèce l’obligation de loyauté se confondait avec le devoir de mise en garde ;
– Ramené à 1 euro l’indemnité prévue à la clause « indemnité de recouvrement » du contrat de prêt n°00001182006 ;
– Débouté M. [N] de sa demande soumise au titre du préjudice moral ;
– Condamné M. [N] à régler au Crédit Agricole la somme de 168.673,99 € selon décompte arrêté au 17 novembre 2021 au titre du prêt n° 00001182006, avec intérêts au taux contractuel de 3,01% à compter du 18 novembre 2021 jusqu’au règlement intégral des sommes dues ;
– Condamné M. [N] à régler au Crédit Agricole la somme de 1.107,14 € au titre du solde débiteur de son compte courant DAV professionnel n°[XXXXXXXXXX05], selon décompte arrêté au 17 novembre 2021 ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Et statuant de nouveau des chefs réformés,
DIT qu’aucun manquement de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire à son devoir de loyauté n’est caractérisé en l’espèce ;
DEBOUTE en conséquence M. [M] [N] de l’ensemble de ses demandes fondées sur l’imputation d’un tel manquement ;
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire à verser à M. [M] [N] la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNE M. [M] [N] à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire la somme de 151.146,07 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,01 % à compter du 30 octobre 2021, au titre du prêt n°00001182006 ;
DEBOUTE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire de sa demande en paiement de la somme de 1.107,14 euros au titre du solde débiteur du compte courant de M. [M] [N] ;
DEBOUTE M. [M] [N] de sa demande tendant à voir ordonner la suppression de tous les intérêts, frais et pénalités inscrits en débit sur son compte d’exploitation du fait des rejets de prélèvement et impayés, ainsi que de sa demande tendant à voir également appliquer la suppression des majorations de 5 points et la réduction des clauses pénales à 1 euro au titre des crédits de 72.895,80 euros et de 15.454,00 euros ;
CONDAMNE M. [M] [N] à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire la somme de 500 euros au titre de l’indemnité forfaitaire ;
Et y ajoutant,
ORDONNE la compensation des sommes dues de part et d’autre par les parties ;
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire à verser à M. [M] [N] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire aux entiers dépens de l’instance d’appel.
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par V.SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
V.SERGEANT O. CLEMENT