Contexte de l’affaireLe 6 février 2015, Madame [E] [J] a signé un contrat préliminaire de vente avec la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] pour un appartement en état futur d’achèvement. La livraison de l’appartement a eu lieu le 18 novembre 2016 sans réserve. Cependant, des désordres sont apparus dans l’année suivant la livraison. Procédures judiciairesMadame [E] [J] a saisi le juge des référés, qui a désigné un expert, Madame [O], le 12 janvier 2018. Le rapport d’expertise a été déposé le 28 janvier 2019. Par la suite, le 28 décembre 2020, Madame [E] [J] a assigné la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] devant le tribunal. Dans ses conclusions du 23 février 2023, elle a formulé plusieurs demandes de réparation. Demandes de Madame [E] [J]Madame [E] [J] a demandé au tribunal de reconnaître les désordres, de condamner la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] à payer des sommes pour des travaux de reprise, ainsi que pour un préjudice de jouissance et un préjudice moral. Elle a également demandé des frais d’expertise. Réponse de la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5]La SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] a demandé le débouté de Madame [E] [J] de ses demandes et a réclamé des frais à son encontre. Elle a contesté la nature des désordres et a invoqué la forclusion des demandes. Constatations de l’expertL’expert judiciaire a retenu comme désordres avérés les bruits des volets roulants, les dalles sur plots sur la terrasse, et les dégâts des eaux. Les autres désordres mentionnés par Madame [E] [J] n’ont pas été retenus, et elle n’a pas apporté de preuves suffisantes pour contredire les conclusions de l’expert. Décisions du tribunalLe tribunal a alloué à Madame [E] [J] des indemnités pour les dalles non réglées et les conséquences des dégâts des eaux, tout en déboutant ses autres demandes. Madame [E] [J] a été condamnée à payer 3/4 des dépens, tandis que la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] a été condamnée à payer 1/4 des dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de Madame [E] [J] pour des désordres spécifiques, tout en rejetant la majorité de ses demandes. Les frais d’expertise ont été pris en compte dans les dépens, et la décision a été rendue exécutoire à titre provisoire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
JUGEMENT N°24/
du 22 OCTOBRE 2024
Enrôlement : N° RG 21/00453 – N° Portalis DBW3-W-B7F-YJMD
AFFAIRE : Mme [E] [J] (l’AARPI CABINET BRINGUIER-RICHELME-ROUSSET)
C/ S.C.C.V. [Localité 3] [Localité 5] (l’AARPI ACACIA LEGAL)
DÉBATS : A l’audience Publique du 28 mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 17 septembre 2024 prorogée au 08 octobre 2024 prorogée au 22 octobre 2024
PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024
Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Madame [E] [J]
née le 23 avril 1965 à [Localité 4] (75)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Sophie RICHELME-BOUTIERE de l’AARPI CABINET BRINGUIER-RICHELME-ROUSSET, avocats au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DÉFENDERESSE
S.C.C.V. [Localité 3] [Localité 5]
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 788 413 367
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant pour avocat plaidant Maître Fabrice LEPEU de l’AARPI Cabinet KLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS,
et pour avocat postulant Maître Ludovic TARTANSON de l’AARPI ACACIA LEGAL, avocats au barreau de MARSEILLE
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 6 février 2015, Madame [E] [J] a signé avec la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] un contrat préliminaire de vente en état futur d’achèvement portant sur un appartement dans un immeuble sis
La livraison est intervenue sans réserve le 18 novembre 2016.
Madame [E] [J] indique que des désordres sont apparus dans l’année de parfait achèvement.
Madame [E] [J] a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 12 janvier 2018 a désigné Madame [O] en qualité d’expert.
Le rapport a été déposé le 28 janvier 2019.
*
Suivant exploit du 28 décembre 2020, Madame [E] [J] a fait assigner la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] devant le présent tribunal.
Par conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2023, Madame [E] [J] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1642-1, 1646-1 et 1792 et suivants du code civil, de :
– juger que les réserves non levées dont se prévaut Madame [J] sont constitutives de désordres,
– juger que la SCCV [Localité 3] [Localité 5] qui s’étaient engagée à intervenir n’a pas respecté ses engagements,
– condamner la requise au paiement de la somme de 3.300 € au titre des travaux de reprise tels que chiffrés par l’expert judiciaire,
– condamner la requise au paiement de la somme de 6.240 € au titre des travaux de reprises des désordres 4,6,7,9 et 10,
– condamner la requise au paiement de la somme de 5.000 € au titre du préjudice de jouissance subi par Madame [J],
– condamner la requise au paiement de la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral subi par Madame [J],
– condamner la requise au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées par RPVA le 27 avril 2022, la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1642-1, 1646-1 et 1648 du code civil, de :
– débouter Madame [E] [J] de ses demandes,
– condamner Madame [E] [J] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 28 septembre 2023.
Sur les désordres
L’expert judiciaire n’a retenu comme désordres avérés que :
– les bruits excessifs des volets roulants,
– les dalles sur plots sur la terrasse,
– les dégâts des eaux dans le dressing et la salle de bains.
Madame [E] [J] se prévaut en outre des désordres suivants :
– la non conformité de la peinture posée dans la cuisine,
– le diamètre et le positionnement de la pissette d’évacuation des balcons supérieurs,
– les nuisances acoustiques,
– l’absence de terre végétale.
S’agissant des désordres non retenus par l’expert, Madame [E] [J] n’apporte aucune pièce de nature à infirmer les conclusions de ce dernier.
Au contraire, elle produit aux débats le rapport d’expertise ELEX du 7 novembre 2017 qui conclut également à l’absence de désordre relatif aux peintures, au diamètre des pissettes d’évacuation des balcons supérieurs, les nuisances acoustiques et sur la terre végétale.
L’expert de la société ELEX avait juste indiqué que le positionnement des pissettes à proximité immédiate de l’accès au jardin de Madame [E] [J] n’était pas logique. Toutefois, l’expert judiciaire indique que ces pissettes sont décalées par rapport à cet accès et non au-dessus. Par ailleurs, l’existence de conduits d’évacuation des eaux de pluie et le fait que les balcons sont couverts rendent les rejets d’eau par ces pissettes très secondaires selon l’expert. Par ailleurs, Madame [E] [J] n’apporte pas la moindre preuve de désordre en lien avec cette implantation.
Les mesures acoustiques réalisées par le sapiteur ont montré que toutes les valeurs respectent les normes, voire sont plus performantes que requises.
S’agissant de la qualité de la terre, les analyses réalisées en laboratoire ont montré également une qualité conforme à ce qui est attendu en la matière. S’agissant des quantités, l’expert du cabinet ELEX a montré que le respect de l’étanchéité nécessitait de ne pas mettre au niveau du solin. Madame [E] [J] ne verse en tout état de cause aucun élément de nature à démontrer une non conformité contractuelle sur ce point.
Toutes les demandes relatives à ces désordres seront rejetées.
Sur les demandes au titre des désordres retenus
L’article 1792 du Code civil énonce que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Dans ses dernières écritures, Madame [E] [J] se prévaut uniquement de la nature décennale des désordres retenus. La SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] invoque la forclusion des demandes formées sur le fondement de la garantie des vices apparents de l’article 1642-1 du code civil ou sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement.
Dans la mesure où Madame [E] [J] ne développe aucune argumentation au sujet de ces deux garanties et où elle se borne à fonder ses demandes sur la nature décennale des désordres, il n’y a pas lieu de répondre aux argumentations relatives à la forclusion des actions sur le fondement de la garantie des vices apparents et de la garantie biennale de bon fonctionnement.
S’agissant des bruits des volets, l’expert a indiqué que lors des descentes et remontées successives, un grincement à l’enroulement se perçoit de manière significative.
Un tel désordre ne peut être qualifié de nature décennale en l’absence d’atteinte à la solidité de l’ouvrage ni d’impropriété à destination. Si le grincement n’est pas normal, cette anormalité ne peut être à l’origine d’une impropriété à destination du bien.
Madame [E] [J] sera déboutée de sa demande à ce titre.
S’agissant des dalles sur plots sur la terrasse, l’expert constate que l’entreprise est venue régler 17 dalles mais que certaines restent bancales, au niveau des portes-fenêtres du séjour et de la chambre n°1.
L’expert n’évoque aucune dangerosité du fait de ces réglages non réalisés. Toutefois, il est constant qu’une instabilité du sol devant des portes-fenêtres est de nature à créer des risques de chute. Cette instabilité est incompatible avec la destination de l’immeuble.
Il convient de qualifier le désordre de nature décennale.
La somme de 250 euros HT soit 275 euros TTC sera allouée à Madame [E] [J] au titre de ce désordre, la TVA applicable en l’espèce étant de 10 % et non 20 %.
S’agissant des dégâts des eaux dans la salle de bain et le dressing, il a été constaté qu’un dégât des eaux en provenance de l’appartement du second étage a eu lieu. Le désordre a été résolu mais les peintures dans l’appartement de Madame [E] [J] n’ont pas été reprises.
Il est constant que des arrivées d’eau d’un lot vers un autre sont incompatibles avec la destination de l’ouvrage et doivent recevoir la qualification de désordres de nature décennale. Il ne peut être dit que le désordre est de nature esthétique. Ce sont ses conséquences qui sont de nature esthétique.
Il sera alloué à Madame [E] [J] la somme de 580 euros HT soit 638 euros TTC au titre de ce désordre.
Sur les autres demandes de dommages et intérêts
Madame [E] [J] réclame 5.000 euros au titre du préjudice moral et 5.000 euros au titre du préjudice de jouissance.
Toutefois, ces demandes concernent une très grande majorité de désordres qui n’ont pas été caractérisés ou retenus comme de nature décennale.
Les désordres reconnus et indemnisés sont extrêmement mineurs et Madame [E] [J] ne démontre pas d’une atteinte à la jouissance de son bien. Elle sera déboutée de sa demande au titre du préjudice de jouissance.
Madame [E] [J] ne verse aucune pièce de nature à étayer sa demande au titre du préjudice moral. Le caractère mineur des désordres indemnisés impose le rejet de cette demande au titre du préjudice moral.
Sur les autres demandes
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n’en mette la totalité ou une partie à la charge de l’autre partie.
Madame [E] [J] succombant principalement dans cette procédure, sera condamnée aux 3/4 des dépens. En effet, la majorité des frais d’expertise ont été engagés pour des désordres dont l’existence n’a pas été reconnus. Madame [E] [J] devra en assumer 3/4 des frais. La SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] supportera le 1/4 des dépens restant.
Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.
En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [E] [J] la totalité des frais irrépétibles qu’elle a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Il conviendra en conséquence de condamner la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] à payer la somme de 1.500 € à Madame [E] [J] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Condamne la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] à payer à Madame [E] [J] :
– 275 euros TTC au titre des dalles non réglées,
– 638 euros TTC au titre des conséquences du dégât des eaux,
Déboute Madame [E] [J] de ses plus amples demandes au titre des autres désordres,
Déboute Madame [E] [J] de ses demandes au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral,
Condamne la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] à payer 1/4 des dépens,
Condamne Madame [E] [J] à payer 3/4 des dépens,
Rappelle que les frais d’expertise font partie des dépens,
Condamne la SCCV SCI [Localité 3] [Localité 5] à payer à Madame [E] [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE