M. [W] [H] a fait construire une maison à [Localité 4], achevée en mars 2001. En 2002, des fissures sont apparues sur les façades, entraînant une expertise en 2004. Un rapport en 2008 a validé des travaux de remise en état, réalisés par la SARL DELECROIX entre 2009 et 2010, réceptionnés sans réserve. En 2012, de nouvelles fissures sont signalées. Une nouvelle expertise a été ordonnée en 2017, et en 2021, M. [W] [H] a assigné le BET [L], la SARL DELECROIX et leur assureur MMA pour obtenir des réparations. Le tribunal a débouté M. [W] [H] en mars 2023, décision qu’il a contestée en appel. Il demande la responsabilité des défendeurs pour les désordres, le coût des réparations et des dommages-intérêts. Les défendeurs, dont M. [M] [L] et la SARL DELECROIX, contestent la responsabilité et le caractère décennal des désordres, arguant que les travaux de reprise n’étaient pas nécessaires. Ils demandent la confirmation du jugement initial et la limitation de leur responsabilité. MMA IARD conteste également la nature des dommages et la validité des réclamations. La clôture de l’instruction est prévue pour mai 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01380 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IZKH
AL
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’ALES
14 mars 2023 RG :21/01125
[H]
C/
[L]
S.A. MMA IARD
S.A.R.L. DELECROIX
Grosse délivrée
le
à Selarl Chabannes Reche…
Selalr LX NIMES
SCP S2GAVOCATS
SCP Tournier
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALES en date du 14 Mars 2023, N°21/01125
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre
Virginie HUET, Conseillère
André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Juin 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Septembre 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
M. [W] [H]
né le 09 Juillet 1960 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [M] [L]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Jérôme TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A. MMA IARD immatriculée au Registre des Commerces et des Sociétés du MANS sous le numéro 440 048 882, entreprise régie par le Code des Assurances , prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Barbara silvia GEELHAAR de la SCP S2GAVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’ALES
S.A.R.L. DELECROIX, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 392998217, dont le siège social est [Adresse 3], représentée par son Gérant en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Coralie GARCIA BRENGOU de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Mai 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 19 Septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour
M. [W] [H] a fait réaliser une maison d’habitation à [Localité 4] (30). Les travaux ont été achevés en mars 2001.
Dès 2002, des fissures importantes sont apparues sur l’ensemble des façades, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et par ordonnance de référé du 22 octobre 2004, M. [J] [R] a été désigné en qualité d’expert. Dans le cadre des opérations d’expertise, celui-ci a consulté le cabinet CEBTP qui a réalisé une étude de sol, le BET [L] qui a effectué une étude de confortement de l’immeuble et la SARL DELECROIX qui a établi un devis de reprise des sous- ‘uvres, après avoir pris connaissance des études réalisées.
Dans son rapport du 18 février 2008, M. [J] [R] a validé les propositions techniques de remise en état. Les travaux de la SARL DELECROIX ont débuté au mois de juillet 2009 et été exécutés sous le suivi du BET [L]. La réception est intervenue sans réserve le 17 décembre 2010.
Courant 2012, M. [W] [H] s’est plaint de l’apparition de nouvelles fissures.
Par ordonnance du 5 septembre 2017, M. [B] [O] a été désigné en qualité d’expert.
Ce dernier a déposé son rapport le 14 novembre 2020 et par acte du 12 octobre 2021, M. [W] [H] a assigné sur le fondement de l’article 1792 du code civil le BET [L], la SARL DELECROIX et la MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, assureur de la SARL DELECROIX, aux fins d’obtenir leur condamnation conjointe et solidaire au paiement de la somme de 192.687 EUR HT au titre des travaux de remise en état, outre la somme de 10.000 EUR pour préjudice subi et une indemnité procédurale.
Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal judiciaire d’ALES a :
débouté M. [W] [H] de ses demandes,
condamné M. [W] [H] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP S2G Avocats,
dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration au greffe du 19 avril 2023, M. [W] [H] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes des dernières écritures de M. [W] [H] notifiées par RPVA le 27 juillet 2023, il est demandé à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
juger recevable et fondée la demande de M. [W] [H],
A titre principal,
vu les articles 1792 et suivants du code civil,
juger entièrement responsable, au visa de l’article 1792 du code civil, M. [M] [L] exerçant sous l’enseigne BET [M] [L] et la SARL DELECROIX des désordres affectant l’ouvrage de M. [W] [H],
homologuer le rapport d’expertise de M. [B] [O],
chiffrer le coût des remises en état à la somme de 192.687 EUR HT,
juger qu’il n’y a pas lieu à homologation de la solution alternative proposée par les défendeurs compte tenu du risque d’évolution des désordres,
condamner in solidum M. [M] [L] exerçant sous l’enseigne BET [M] [L], la SARL DELECROIX et son assureur MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au paiement de la somme de 192.687 EUR HT, avec actualisation sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport,
les condamner également sous la même solidarité au paiement de la somme de 10.000 EUR pour préjudice subi quant aux conditions d’habitabilité de l’ouvrage tenant à la nature des désordres l’affectant et leur durée,
Subsidiairement,
vu les articles 1134 et suivants du code civil, devenus 1103 et suivants du même code,
vu les articles 1147 du code civil, devenus 1231 et suivants dudit code,
vu l’article L. 124-5 du code des assurances,
juger que les garanties souscrites auprès de la société MMA concernant les dommages intermédiaires sont mobilisables,
condamner ce faisant MMA à garantir la SARL DELECROIX des condamnations prononcées à son encontre,
condamner in solidum M. [M] [L] exerçant sous l’enseigne BET [M] [L], la SARL DELECROIX et son assureur MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au paiement de la somme de 192.687 EUR HT, avec actualisation sur l’indice BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport,
les condamner également sous la même solidarité au paiement de la somme de 10.000 EUR pour préjudice subi quant aux conditions d’habitabilité de l’ouvrage tenant à la nature des désordres l’affectant et leur durée.
En substance, M. [W] [H], après avoir rappelé les termes du rapport d’expertise, fait valoir à titre principal :
qu’eu égard à la nature des désordres, à leur caractère évolutif et généralisé sur l’ensemble de l’ouvrage, il est fondé à rechercher la responsabilité in solidum des intervenants à la réalisation des travaux sur le fondement de l’article 1792 du code civil dès lors que lesdits désordres nuisent incontestablement à la solidité et la destination de l’ouvrage, et la condamnation de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en sa qualité d’assureur décennal de la SARL DELECROIX ;
que le tribunal a procédé à une analyse incomplète des éléments techniques de la cause ; qu’ainsi, il est évident que l’expert ne préconiserait pas des travaux pour un montant de plus de 200.000 EUR TTC si la solidité de l’ouvrage n’était pas en jeu ; qu’en outre, l’expert et son sapiteur ont indiqué que les investigations effectuées sur les reprises en sous-‘uvre déjà réalisées dans le cadre de la mission de maîtrise d »uvre de conception du BET [L] n’ont pas été suffisantes pour se prémunir des phénomènes de retrait et stabiliser l’ouvrage, de sorte qu’il est manifeste que la solidité de l’ouvrage s’avère compromise ;
que l’analyse du rapport se fait, non seulement à l’aune des mots que l’expert a pu écrire, mais également en tenant compte du type de travaux de reprise qu’il préconise ; que la reprise en sous-‘uvre par micro-pieux est nécessaire lorsque les fondations superficielles d’un bâtiment ne permettent pas d’éviter les tassements différentiels et la fissuration de l’ouvrage ;
qu’a minima, il existe une impropriété à destination de l’enduit réalisé qui aurait dû être retenue, l’enduit constituant un ouvrage ;
que le coût des travaux de reprise doit être chiffré à la somme de 192.687 EUR HT, avec indexation ;
qu’il subit également un préjudice de jouissance et un préjudice moral qu’il y a lieu d’évaluer à la somme de 10.000 EUR.
A titre subsidiaire, il soutient qu’il est bien fondé à agir sur un fondement contractuel, compte tenu des fautes retenues par l’expert à l’encontre du cabinet BET [L] et de la SARL DELECROIX, ainsi que cela ressort des constatations de son sapiteur, le bureau d’ingénierie [V], qui a confirmé l’insuffisance des dispositions de reprise en sous-‘uvre préconisées par le cabinet BET [L]. Il relève que l’expert a ainsi retenu une part de responsabilité de 90 % pour le cabinet BET [L] et une part de responsabilité de 10 % pour la SARL DELECROIX, s’agissant de la réfection de l’enduit des façades qui n’est pas conforme aux préconisations de M. [J] [R]. Il expose également que l’existence d’un lien de causalité direct entre les fautes commises et les préjudices subis est caractérisée, de sorte que la responsabilité contractuelle du cabinet BET [L] et de la SARL DELECROIX est acquise concernant ces dommages dits intermédiaires. Il ajoute que MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES garantit les dommages intermédiaires et que la résiliation de la police intervenue en 2017 ne fait pas obstacle, en application de l’article L. 124-5 du code des assurances, à la mise en ‘uvre de la garantie, la couverture ne cessant qu’à la date d’expiration du délai subséquent de cinq ans prévu par ce texte. Il indique encore que seule la démonstration par l’assureur de la souscription dans ce délai d’une autre garantie de même nature peut le décharger, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Aux termes des dernières écritures de M. [M] [L] notifiées par RPVA le 21 août 2023, il est demandé à la cour de :
vu l’article 1792 du code civil,
vu l’article 1221 du code civil,
A titre principal,
confirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté M. [W] [H] de ses demandes sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs,
Statuant de nouveau,
rejeter les demandes de M. [W] [H] à l’encontre de M. [M] [L] sur le fondement de l’article 1792 du code civil,
juger qu’il n’est fait la démonstration d’aucune faute de M. [M] [L],
débouter M. [W] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de M. [M] [L],
Subsidiairement,
juger que la responsabilité de la SARL DELECROIX est engagée,
juger que les garanties souscrites auprès de la société MMA sont mobilisables,
condamner les MMA et la SARL DELECROIX à relever et garantir M. [M] [L] de toutes condamnations prononcées à son encontre,
limiter, à tout le moins, la part de responsabilité du BET [L] à 50 %,
juger que la solution réparatoire chiffrée à 54.465 EUR HT est de nature à mettre un terme définitif aux désordres,
limiter le droit à indemnisation de M. [W] [H] au titre de son préjudice matériel à la somme de 54.465 EUR HT,
débouter M. [W] [H] et tout concluant du surplus de ses demandes, notamment au titre des préjudices immatériels, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
débouter la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
En tout état de cause,
condamner M. [W] [H] et tout succombant à payer à M. [M] [L] la somme de 2.000 EUR, outre les dépens distraits au profit de Me Emmanuelle VAJOU.
M. [M] [L] conteste, au vu du rapport d’expertise, tout caractère décennal des désordres. Il fait valoir que l’ampleur des travaux de reprise ne constitue pas un critère d’application de l’article 1792 du code civil et est par voie de conséquence sans incidence sur la qualification juridique des désordres. Ainsi, il note que l’expert n’a pas relevé d’atteinte à la solidité de l’ouvrage, ni d’impropriété à destination. Il rappelle encore que le délai de l’article 1792 est un délai d’épreuve qui au cas d’espèce est largement expiré, les travaux ayant été réceptionnés en 2010, et que les désordres doivent avoir revêtu un caractère décennal avant le terme du délai d’épreuve, ce qui n’est pas le cas ici.
Par ailleurs, M. [M] [L] conteste également que sa responsabilité puisse être retenue sur un fondement contractuel, en l’absence de toute faute pouvant lui être imputée. Il expose que contrairement à ce qu’indique M. [B] [O] sans jamais en justifier, les préconisations des rapports [R] et CEBTP (sapiteur) ont été respectées lors des travaux de reprise. Sur ce point, il précise que c’est au regard des conclusions des rapports CEBTP et [R] que les préconisations techniques ont été faites et que pendant les travaux, il a rappelé à plusieurs reprises à la SARL DELECROIX la nécessité de respecter cette prescription, de sorte que le non-respect de la profondeur d’ancrage ne peut lui être reproché. Il indique encore, au vu du rapport de M. [V], que l’objectif de portance a été atteint puisque les désordres initiaux ne sont pas réapparus. Par ailleurs, M. [M] [L] soutient que le grief tiré d’une mauvaise gestion des eaux de ruissellement n’est pas fondé. Ainsi, il souligne que cette problématique n’a pas été évoquée par M. [J] [R] et relève qu’aucun dispositif particulier autre qu’un léger remblaiement au niveau des semelles afin qu’elles ne constituent pas un point bas n’était préconisé par le CEBTP au niveau de la reprise du sous-‘uvre, ce qui exclut tout oubli de conception. De plus, il expose qu’au titre de son devoir de conseil, il avait expressément conseillé de compléter les travaux de reprise par la gestion des eaux de ruissellement notamment, poste que n’avait pas alors chiffré l’expert, et fait valoir qu’il n’avait pas à commander des travaux complémentaires ni définis, ni chiffrés par l’expert, étant seulement tenu d’alerter le maître de l’ouvrage, ce qu’il avait fait dès 2006.
Concernant les enduits de façade, il estime ne pas devoir supporter une part de responsabilité, le choix du revêtement appliqué étant celui du maître de l’ouvrage et de l’entreprise spécialisée dans sa sphère de compétence, et qu’il ne peut être tenu par ailleurs de purs défauts d’exécution.
A titre subsidiaire, il considère ses appels en garantie bien fondés. Il fait valoir, au vu des éléments qui précèdent, que si un défaut d’ancrage devait être retenu, seule la SARL DELECROIX, en charge de cette prestation litigieuse, pourrait en être tenue responsable, et qu’il en va de même, s’agissant de la question de l’enduit. A tout le moins, il indique qu’un partage de responsabilité à parts égales devrait intervenir. Par ailleurs, il estime que la garantie de la compagnie MMA est due, si la cour devait retenir l’existence de dommages intermédiaires. Sur ce point, il précise qu’il importe peu que la résiliation du contrat soit intervenue le 1er janvier 2017 au regard du délai subséquent et en l’absence de toute démonstration par MMA qu’une garantie de même nature aurait été souscrite postérieurement auprès d’une tierce compagnie.
S’agissant des dommages matériels, M. [M] [L] conteste le coût des travaux de reprise. Il soutient que ce coût, évalué à la somme de 192.687 EUR HT, se heurte au principe d’une nécessaire proportionnalité entre la réparation prononcée et le préjudice de la victime. Il ajoute qu’une solution réparatoire autre que la pose de micropieux est viable et pérenne, selon l’expert qui a chiffré celle-ci à la somme de 54.465 EUR HT, et souligne qu’il n’a été relevé, en début de la 12 ème année, que des microfissures.
A propos des dommages immatériels, M. [M] [L] note que son intervention est postérieure à la survenance des premiers désordres survenus en 2002 sur lesquels M. [W] [H] se fonde pour solliciter des dommages-intérêts. Il note que M. [B] [O] n’a décrit que des fissures inférieures au millimètre sans altération aucune de la jouissance des lieux, et souligne que seule une estimation forfaitaire est formulée, ce qui est proscrit par la jurisprudence.
Aux termes des dernières conclusions de la SARL DELECROIX notifiées par RPVA le 16 novembre 2023, il est demandé à la cour de :
vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,
vu le rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [B] [O],
débouter M. [W] [H] de tous ses chefs de demande,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
rejeter toutes contestations,
Subsidiairement,
juger que la responsabilité de la SARL DELECROIX se limite au seul désordre lié aux manquements dans la reprise des enduits de façade,
juger que la responsabilité de la SARL DELECROIX ne saurait excéder 10 % du montant des dommages,
condamner M. [M] [L] à relever et garantir la SARL DELECROIX de toute condamnation prononcée à son encontre au-delà du pourcentage de responsabilité susceptible de lui incomber, soit les 10 % de responsabilité précités,
condamner LES MUTUELLES DU MANS à relever et garantir la SARL DELECROIX de toute condamnation prononcée à son encontre en application de la police d’assurance souscrite,
En toute hypothèse,
condamner tout succombant à payer à la SARL DELECROIX la somme 3.000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
La SARL DELECROIX conteste le bien-fondé de l’appel formé par M. [W] [H]. Elle soutient qu’il n’existe pas de corrélation directe entre le montant des travaux et/ou l’ampleur des travaux de reprise et la nature des désordres observés, la nature d’un désordre ne se caractérisant pas par le montant des travaux de reprise ou leur ampleur. Elle indique également que la qualification de désordre décennal ne peut être retenue en ce qui concerne l’enduit, s’agissant de décollements ponctuels et sans lien avec quelques mouvements que ce soit de la structure, ne générant par ailleurs aucune infiltration.
A titre subsidiaire, elle soutient, pour le cas où sa responsabilité décennale ou sa responsabilité contractuelle serait retenue, qu’il y aura lieu de limiter sa responsabilité aux seuls désordres susceptibles d’être mis à sa charge, soit dans la limite de 10 % fixée par l’expert, à charge pour le BET [L] de la garantir de toute condamnation qui excéderait cette proportion. En outre, elle fait valoir que MMA lui doit sa garantie. Elle expose que celle-ci n’a jamais démenti sa qualité d’assureur, ni contesté lui devoir sa garantie, à tout le moins sur le terrain décennal. Elle ajoute, s’agissant de sa responsabilité contractuelle qui est recherchée, qu’elle a bien souscrit la garantie « dommages intermédiaires » et que la réclamation est bien intervenue pendant la période de validité de la police d’assurance qui a été résiliée au 31 décembre 2016. Elle précise que la réclamation formée au titre de la responsabilité décennale produit effet au titre de la responsabilité contractuelle pour dommages intermédiaires, et indique qu’au cas d’espèce, elle s’est ouverte auprès de MMA, dès 2012, de l’apparition de fissures, les différents professionnels étant par ailleurs informés, comme cela ressort d’un courriel de M. [W] [H] à M. [M] [L] du 7 juillet 2014, des désordres dont la nature n’était pas alors déterminée.
Aux termes des dernières écritures de la SA MMA IARD et de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES notifiées par RPVA le 5 décembre 2023, il est demandé à la cour de :
vu les articles 1792 et suivants du code civil,
vu les articles 1103 et suivants et 1231 et suivants du code civil,
vu les articles 1240 et suivants du code civil,
vu le rapport d’expertise judiciaire de M. [B] [O],
vu les pièces,
déclarer mal fondé l’appel de M. [W] [H] à l’encontre de la décision rendue le 14 février 2023 par le tribunal judiciaire d’ALES,
Par conséquent,
confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
débouter M. [W] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
débouter M. [W] [H] de ses nouvelles prétentions faites au visa de la garantie des dommages intermédiaires,
A titre subsidiaire,
limiter le montant des réparations à la somme de 54.465 EUR HT conformément au rapport,
limiter la responsabilité de la SARL DELECROIX à 10 % des dommages,
juger que la SARL DELECROIX et MMA IARD ASSURANCES devront prendre en charge un montant maximal de 10 % des frais de remise en état sur la base du devis RD BAT du 10 septembre 2020 pour un montant total des travaux de 54.465 EUR HT,
débouter M. [W] [H] du surplus de ses demandes,
Très subsidiairement en cas de condamnation in solidum,
juger que M. [M] [L] doit relever et garantir la SARL DELECROIX et MMA IARD ASSURANCES à hauteur de 90 % des sommes allouées à M. [W] [H],
juger que la garantie de MMA IARD ASSURANCES n’est pas due pour le préjudice moral,
débouter M. [W] [H] de ses demandes à ce titre à l’encontre de MMA IARD ASSURANCES,
En tout état de cause,
juger que MMA IARD ASSURANCES est fondée à opposer sa franchise contractuelle concernant le préjudice immatériel,
débouter M. [M] [L] et la SARL DELECROIX de leurs entières demandes, fins et conclusions,
condamner M. [W] [H] et M. [M] [L] à payer à MMA IARD ASSURANCES la somme de 3.000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES font valoir que seuls sont susceptibles d’être garantis les dommages matériels qualifiés de décennaux. Elles précisent qu’au cas d’espèce, les dommages dénoncés ne présentent toujours pas, à la date du 14 novembre 2020 correspondant au dépôt du rapport d’expertise, de caractère décennal, selon la description faite par l’expert et ses conclusions. Elles ajoutent que l’expert a parfaitement répondu à sa mission et n’avait pas à caractériser la nature des dommages en fonction du chiffrage des travaux de reprise. Elles contestent également l’analyse de M. [W] [H] s’agissant du caractère décennal des désordres affectant les enduits de façades, au regard du caractère ponctuel et esthétique du décollement, lequel n’entraîne aucune infiltration d’eau ou d’air. A titre subsidiaire, elles soutiennent qu’il y a lieu de retenir les parts de responsabilité fixées par l’expert.
Les intimées font encore valoir, au sujet de la question des dommages intermédiaires, que si la garantie dommages intermédiaires a bien été souscrite, le contrat d’assurance a cependant été résilié le 1er janvier 2017. Elles ajoutent que sauf erreur, la SARL DELECROIX n’a jamais dirigé de réclamation à leur encontre, et notent que l’assignation en référé délivrée par M. [W] [H] est postérieure à la résiliation de la police, de sorte qu’elles ne sont susceptibles d’intervenir qu’au titre de la garantie responsabilité civile décennale obligatoire, ne couvrant ni les dommages intermédiaires, ni les garanties facultatives.
Enfin, elles soutiennent, si le caractère décennal des désordres ou la faute de la SARL DELECROIX devait être retenu, qu’il conviendrait alors de retenir l’évaluation faite par l’expert à hauteur de la somme de 54.465 EUR HT.
Pour un rappel exhaustif des moyens des parties, il convient, par application de l’article 455 du code de procédure civile, de se référer à leurs dernières écritures notifiées par RPVA.
Par ordonnance du 8 mars 2024, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 mai 2024.
SUR LA DEMANDE D’INDEMNISATION
Dans son jugement, le tribunal relève que l’expert indique que les désordres sur l’ensemble du bâti de M. [W] [H] sont constitués par de la microfissuration et de la fissuration à l’intérieur et l’extérieur de l’ouvrage, mais qu’il n’a pas été noté de fissures traversantes. Il ajoute que selon les conclusions du rapport d’expertise de M. [B] [O], ni la solidité, ni l’habitabilité de la maison ne sont compromises, ce qui exclut par voie de conséquence toute responsabilité des constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du code civil. Par ailleurs, il expose qu’aucun autre fondement juridique subsidiaire, s’agissant de la responsabilité des défendeurs, n’est invoqué, de sorte qu’aucun fondement autre que la responsabilité décennale des constructeurs prévue à l’article 1792 du code civil ne vient appuyer la demande de M. [W] [H] et du BET [L] tendant à la condamnation de l’assureur de la SARL DELECROIX au titre des dommages intermédiaires, ce qui exclut sa garantie.
1 / Sur la responsabilité décennale
L’article 1792 du code civil dispose : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »
Dans son rapport, l’expert indique que les désordres affectant la maison de M. [W] [H] sont constitués par des microfissures et des fissures à l’intérieur et à l’extérieur de l’ouvrage. Il précise que ces désordres sont évolutifs mais qu’il n’a pas été noté de fissures traversantes. Il ajoute qu’à la date du rapport, ces fissures et microfissures sont comprises entre 0,05 mm et 0,9 mm, et expose qu’au vu de la dimension de l’ouverture des fissures et microfissures, la solidité de l’ouvrage n’est pas remise en cause pour l’instant. Il souligne également que l’habitabilité de l’ouvrage n’est pas davantage remise en cause, mais qu’au vu du nombre de zones microfissurées et fissurées, généralisées sur l’ensemble des façades, l’esthétique de l’ouvrage est remise en cause.
Il évalue le coût des travaux de reprise en sous-‘uvre des fondations par l’installation de micropieux à la somme de 192.687 EUR HT. En outre, il propose une solution alternative consistant dans la suppression des végétaux, la réalisation de protection contre les variations hydriques, le traitement des fissures et la mise en ‘uvre d’un enduit 13 après purge de l’existant pour un coût de 43.343,90 EUR HT, hors maîtrise d »uvre et reprise des embellissements.
La réception des travaux est intervenue sans réserve le 17 décembre 2010, ainsi qu’en conviennent l’ensemble des parties dans leurs écritures respectives.
Des constatations de l’expert qui ne sont remises en cause par aucun avis technique contraire, il ressort que les désordres ne portent pas atteinte à la date du rapport à la solidité de l’ouvrage. En outre, ces désordres n’ont pas pour effet, selon ses indications, de rendre l’ouvrage impropre à sa destination. A cet égard, il sera observé que si l’expert souligne leur caractère évolutif, il importe cependant de rappeler qu’un désordre évolutif s’entend d’un désordre qui présente les caractéristiques d’un désordre décennal, mais dont les effets vont se poursuivre au-delà du délai décennal. Aussi, les désordres relevés par l’expert, qui ne portent pas atteinte à la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, ne relèvent pas de la qualification juridique de désordres évolutifs. Par ailleurs, ils ne sont pas constitutifs de désordres futurs dès lors que le caractère décennal de tels désordres suppose qu’il soit établi de manière certaine qu’il sera porté atteinte à la solidité de l’ouvrage ou à sa destination dans le délai décennal, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, observation sur ce point étant faite que le rapport de l’expert a été déposé le 14 novembre 2020, soit un mois avant l’expiration du délai d’épreuve. De plus, ainsi que le soulignent à bon droit les intimés, le coût des travaux de reprise est indifférent, l’appréciation du caractère décennal d’un désordre devant être faite au regard des seuls critères énoncés par l’article 1792 du code civil, à savoir l’atteinte à la solidité de l’ouvrage et/ou son impropriété à destination. Enfin, le décollement de l’enduit, au demeurant ponctuel, dont fait état l’appelant n’est pas de nature à caractériser un désordre de nature décennale dans la mesure où ledit enduit, dont il n’est pas soutenu qu’il aurait une fonction d’étanchéité, ne constitue pas en lui-même un ouvrage.
En considération de l’ensemble de ces éléments, le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [W] [H] de sa demande d’indemnisation formée à l’encontre de M. [M] [L], de la SARL DELECROIX et des MMA au titre de l’article 1792 du code civil, la responsabilité de M. [M] [L] et de la SARL DELECROIX n’étant pas engagée sur ce fondement.
2 / Sur la responsabilité contractuelle
En application de l’article 1147 ancien du code civil, le constructeur au sens de l’article 1792-1 1° du code civil est tenu contractuellement de répondre des dommages cachés lors de la réception qui ne présentent pas le caractère de gravité exigé par l’article 1792 du code civil. La mise en ‘uvre de cette responsabilité suppose la démonstration par le maître de l’ouvrage d’une faute en lien de causalité certain avec le dommage.
Dans son rapport, l’expert note, concernant l’origine des désordres, l’existence de sols sensibles aux variations hydriques, une hétérogénéité des sols d’assise, des décollements de l’enduit monocouche sur le support existant après les reprises en sous-‘uvre. Par ailleurs, il identifie les causes suivantes :
des manquements dans les solutions de confortement (ancrage dans des sols hétérogènes argileux et sensibles aux phénomènes de retrait, mauvaise gestion des eaux de ruissellement’) imputables à M. [M] [L] ;
des manquements dans la reprise des enduits de façade (monocouche sur monocouche, absence de trames de renfort sur les points singuliers’) imputables à la SARL DELECROIX et à M. [M] [L].
Il précise également :
qu’au vu des éléments de l’étude de sol [V], les dispositions de reprise en sous-‘uvre préconisées dans la mission de maîtrise d »uvre de conception du BET [L] n’ont pas été suffisantes pour se prémunir des phénomènes de retrait ;
qu’aux points découverts par la société [V] lors des investigations complémentaires du 27 février 2020, il n’a pas été constaté de manquements de la SARL DELECROIX dans la réalisation des reprises en sous-‘uvre par rapport aux plans du BET [L] ;
que la réfection des enduits de façade après les reprises en sous-‘uvre des fondations faites par la SARL DELECROIX n’est pas conforme aux dispositions de l’expert judiciaire en page 11 du rapport d’expertise du 18 février 2008.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il propose de ventiler les responsabilités dans les proportions suivantes : 90 % pour M. [M] [L] et 10 % pour la SARL DELECROIX.
Sur la responsabilité contractuelle de M. [M] [L]
Dans le cadre de ses opérations, l’expert a confié au cabinet [V], intervenant en qualité de sapiteur, la réalisation de sondages et d’essais en laboratoire destinés à préciser l’état du sol. Selon l’expert, la réalisation de ces essais supplémentaires avait pour objet d’avoir une approche plus fine des origines et causes des désordres, et les résultats géotechniques en résultant sont complémentaires de ceux du cabinet CEBTP mandaté lors de la première expertise de M. [J] [R], l’ensemble des investigations diligentées confirmant l’existence d’un sol argileux sensible, même de manière limitée, au phénomène de gonflement-retrait.
Dans son rapport, le CEBTP estimait que les désordres étaient imputables à la profondeur d’ancrage très faible des fondations, eu égard aux caractéristiques physiques du sol d’assise qui apparaît notamment hétérogène et est sensible à des arrivées ponctuelles d’eau de ruissellement, et préconisait des solutions de confortement constituées par une reprise en sous-‘uvre par micropieux ou une reprise en sous-‘uvre par plots allongés sous les semelles filantes.
Sur la base de cet avis, M. [M] [L] a proposé, en sa qualité de sapiteur de M. [J] [R] et selon le rapport de ce dernier, une solution de confortement consistant notamment dans la reprise des fondations par massifs jointifs en façades, non jointifs sur les refends intérieurs, et la réalisation d’un enduit ayant une bonne élasticité compatible avec l’enduit monocouche existant.
Les travaux de reprise ont été réalisés par la SARL DELECROIX dont l’offre était, selon l’expert, conforme aux prescriptions du BET [M] [L], lequel est intervenu, au stade de leur réalisation, en qualité de maître d »uvre.
Aux termes de ses écritures, M. [M] [L] conteste toute faute, s’agissant du défaut d’ancrage, de la gestion des eaux de ruissellement et de la réalisation des enduits de façade.
En premier lieu, M. [M] [L] fait valoir que l’objectif de portance a été atteint, compte tenu des valeurs de résistance dynamique relevées par le cabinet [V], de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre. Toutefois, il importe de noter, selon les termes du mail de M. [B] [O] du 10 décembre 2018 adressé aux parties, que la question ne porte pas sur un défaut de portance du sol, laquelle peut se définir comme la force de résistance déployée par le sol lorsque celui-ci est soumis au poids des ouvrages et matériels qu’il supporte, avant qu’il ne s’effondre sur lui-même, mais sur l’existence de tassements différentiels, le tassement différentiel consistant en un enfoncement non uniforme du sol sous les fondations d’une maison. Or, il ressort du rapport d’expertise que les travaux préconisés par M. [M] [L] se sont révélés insuffisants pour prévenir de tels tassements de l’ouvrage et l’apparition de nouvelles fissures, le fait que celles-ci soient de faible importance étant à cet égard indifférent.
Il s’ensuit qu’ainsi que le soutient M. [W] [H], M. [M] [L] a commis une faute dans la conception des travaux de reprise, et il importe peu que ce mode de confortement soit conforme aux préconisations générales du CEBTP qui n’a pas été appelé en la cause, alors que tel était le cas au stade du référé-expertise, pas plus d’ailleurs que le premier expert.
Par ailleurs, une faute peut également être retenue à l’encontre de M. [M] [L] au titre des travaux d’enduit défectueux. En effet, celui-ci étant intervenu pour assurer la maîtrise d »uvre des travaux de reprise, il lui appartenait de s’assurer que la SARL DELECROIX avait satisfait aux préconisations de M. [J] [R] concernant la mise en oeuvre de l’enduit (réalisation d’un enduit à base polymère acrylique avec teinte incorporée dans la masse), et à tout le moins informer M. [W] [H], avant toute réalisation, du caractère inadapté de l’enduit qui devait être effectivement projeté.
Au visa de l’article 1147 ancien du code civil, la responsabilité de M. [M] [L] est donc également engagée au titre des désordres affectant les façades, lesdits désordres étant de nature esthétique.
En revanche, il ne peut être formulé de grief au titre de la problématique des eaux de ruissellement dès lors que celle-ci avait été évoquée par M. [M] [L] au stade des opérations d’expertise menées par M. [J] [R], puis rappelée dans les comptes rendus de chantier, le compte rendu n°7 du 19 août 2009 indiquant notamment que la remise en état des sols devait se faire en sorte que les eaux ne viennent pas percoler au pied des massifs.
Sur la responsabilité contractuelle de la SARL DELECROIX
La responsabilité contractuelle de la SARL DELECROIX est engagée sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil au regard des constatations de l’expert qu’elle ne remet pas en cause, s’agissant du non-respect des préconisations de M. [J] [R] concernant la pose de l’enduit, aucune faute ne pouvant en revanche lui être reprochée, au vu des indications de l’expert, en ce qui concerne les travaux de reprise exécutés conformément aux prescriptions de M. [M] [L] dont le BET est spécialisé en matière de structure.
Sur l’évaluation des préjudices
Sur les travaux de reprise
Ainsi qu’il en a été fait état, les désordres relevés par l’expert consistant dans l’existence de fissures et microfissures ne présentent pas de caractère décennal et sont uniquement d’ordre esthétique.
Dans son rapport, l’expert propose de remédier aux désordres en procédant à d’importants travaux de reprise en sous-‘uvre des fondations par l’installation de micropieux pour un coût total de 192.687 EUR HT. Il propose également, selon les précisions ci-dessus rappelées, une solution alternative pour un coût de 54.465 EUR HT (dont 48.295,29 EUR HT au titre des travaux de reprise, frais de maîtrise d »uvre compris, et 6.170,06 EUR HT au titre des embellissements), en indiquant que celle-ci est viable tant que le front de dessication reste inférieur à 1,50 mètre et permet d’encapsuler les désordres.
Comme le relève M. [M] [L], M. [W] [H] n’allègue aucune aggravation des fissures depuis le dépôt du rapport d’expertise, de sorte que la situation apparaît stabilisée, et aucun élément technique ne vient par ailleurs démontrer qu’une modification pourrait intervenir concernant le front de dessication. Aussi, la solution alternative proposée par l’expert, en ce qu’elle est de nature à remédier de façon pérenne aux désordres constatés, sera retenue.
Le coût des travaux de reprise sera donc fixé à la somme de 54.465 EUR HT, ladite somme étant actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 selon les modalités qui seront précisées dans le dispositif de l’arrêt.
Sur le préjudice de jouissance
M. [W] [H] soutient qu’il subit un préjudice de jouissance important, outre un préjudice moral, les premiers désordres étant apparus en 2002, soit un an après l’achèvement des travaux de construction.
Les désordres objet du litige étant exclusivement en lien avec les travaux réalisés en 2010, M. [W] [H] ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre d’un préjudice de jouissance antérieur à cette date. L’existence d’un préjudice de jouissance, bien que modéré, du fait de l’apparition de nouvelles fissures à compter de l’année 2012 est cependant réelle. De plus, il sera observé que la réalisation à venir de travaux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison, aura pour effet, ainsi que le faisait valoir son conseil à l’occasion des opérations d’expertise, de causer à M. [W] [H] des troubles dans la jouissance de son bien.
Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme de 5.000 EUR.
3 / Sur la garantie de la SA MMA IARD et de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
La garantie de la SA MMA IARD et de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES est exclue au titre des dispositions de l’article 1792 du code civil, en l’absence de toute responsabilité décennale de la SARL DELECROIX.
Le contrat DEFI n°125374953 souscrit par la SARL DELECROIX inclut la garantie dommages intermédiaires, garantie facultative. Aux termes de leurs écritures, la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ne le contestent pas, mais font valoir que la police ayant été résiliée le 1er janvier 2017, ce que ne discute pas la SARL DELECROIX, cette garantie facultative ne peut trouver application, son assuré n’ayant jamais dirigé de réclamation à son encontre et l’assignation en référé ayant été délivrée le 5 septembre 2017, soit postérieurement à la résiliation.
L’article L. 124-5 du code des assurances dispose :
« (‘.)
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été souscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieure à cinq ans.
(‘.) »
Il est constant, en application de l’article L. 124-1 du code des assurances, que cette réclamation par le tiers lésé à l’assuré ou à l’assureur peut être amiable ou judiciaire, précision étant faite que l’assignation en référé expertise vaut réclamation judiciaire.
Les conventions spéciales n°971 K produites par la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et applicables à la police souscrite par la SARL DELECROIX fixent, concernant la garantie facultative des dommages intermédiaires, le délai subséquent courant à compter de la date de résiliation ou d’expiration à dix ans (article 35 du titre II). Par ailleurs, elles reprennent les dispositions précitées de l’article L. 124-5 du code des assurances.
En l’occurrence, M. [W] [H] a assigné en référé la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD en 2017, puis au fond par acte du 12 octobre 2021, selon le jugement, soit dans le délai subséquent de dix ans prévu par les conventions spéciales, la résiliation étant en date du 1er janvier 2017. Il s’ensuit, en l’absence par ailleurs de toute preuve par les intimées de la souscription par la SARL DELECROIX auprès d’une autre compagnie d’assurance d’une garantie de même nature, que la garantie de la SA MMA IARD et de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES est due au titre des dommages intermédiaires, mais uniquement pour les travaux de reprise, les préjudices immatériels n’étant pas couverts par application de l’article 24 des conventions spéciales.
4 / Sur l’indemnisation
Les fautes commises par M. [M] [L] et la SARL DELECROIX ont contribué à la réalisation de l’entier dommage, de sorte qu’il y a lieu de retenir une condamnation in solidum.
M. [M] [L], la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES seront condamnés in solidum à payer à M. [W] [H] la somme de 54.465 EUR HT actualisée selon l’évolution de l’indice BT 01.
En outre, M. [M] [L] et la SARL DELECROIX seront condamnés in solidum à payer à M. [W] [H] la somme de 5.000 EUR au titre du préjudice de jouissance.
SUR LES DEMANDES EN RELEVE ET GARANTIE
Dans son rapport, l’expert impute la responsabilité des désordres à M. [M] [L] à concurrence de 90 % et à la SARL DELECROIX à concurrence de 10 %.
Aux termes de ses écritures, M. [M] [L] conteste cette répartition opérée par l’expert et demande, à titre subsidiaire, qu’il soit procédé à un partage par moitié, selon ce qu’avait proposé ce dernier dans son pré-rapport.
A titre liminaire, il sera observé que le pré-rapport de M. [B] [O] n’est pas versé aux débats.
La faute de conception imputable à M. [M] [L] est prépondérante dès lors qu’elle ne pouvait conduire qu’à l’apparition de désordres, ainsi que le démontre l’existence de fissures et microfissures à l’intérieur de la maison, nonobstant les manquements imputables à la SARL DELECROIX.
Aussi, il y a lieu, la cour appréciant souverainement les parts de responsabilité devant être retenues, de procéder à un partage de responsabilité à hauteur de 80 % pour M. [M] [L] et de 20 % pour la SARL DELECROIX.
Selon ce partage, la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ces deux dernières dans les limites prévues au contrat d’assurance, seront condamnées à relever et garantir, en application de l’article 1382 ancien du code civil, M. [M] [L] à concurrence de 20 % de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, frais irrépétibles et dépens compris.
M. [M] [L] sera condamné, sur ce même fondement, à relever et garantir la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à leur encontre, frais irrépétibles et dépens compris.
Enfin, la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES seront condamnées, dans les limites prévues au contrat d’assurance souscrit, à relever et garantir la SARL DELECROIX des condamnations prononcées à son encontre, frais irrépétibles et dépens compris.
SUR L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [W] [H] qui obtiendra donc à ce titre la somme de 4.000 EUR.
Il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions en faveur des intimés qui succombent.
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du 14 mars 2023 du tribunal judiciaire d’ALES en toutes ses dispositions, sauf en ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et au bénéfice de l’exécution provisoire attaché au jugement,
Et statuant à nouveau,
DIT que les responsabilités décennales de M. [M] [L] et de la SARL DELECROIX ne sont pas engagées concernant les désordres affectant la maison de M. [W] [H],
DECLARE M. [M] [L] et la SARL DELECROIX responsables in solidum sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil des désordres affectant la maison de M. [W] [H],
DIT que la garantie de la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES est due au titre des désordres affectant la maison de M. [W] [H], s’agissant des travaux de reprise,
DIT que la garantie de la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES n’est pas due au titre des désordres affectant la maison de M. [W] [H], s’agissant du préjudice immatériel,
CONDAMNE en conséquence M. [M] [L], la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer in solidum à M. [W] [H] la somme de 54.465 EUR HT, avec actualisation selon l’évolution de l’indice BT 01 à compter du dépôt du rapport d’expertise,
CONDAMNE M. [M] [L] et la SARL DELECROIX à payer in solidum à M. [W] [H] la somme de 5.000 EUR au titre du préjudice de jouissance,
DIT que M. [M] [L] est responsable à hauteur de 80 % des dommages subis,
DIT que la SARL DELECROIX est responsable à hauteur de 20 % des dommages subis,
CONDAMNE la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ces deux dernières dans les limites du contrat souscrit, à relever et garantir M. [M] [L] à concurrence de 20 % des condamnations prononcées à son encontre, frais irrépétibles et dépens compris,
CONDAMNE M. [M] [L] à relever et garantir la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à leur encontre, frais irrépétibles et dépens compris,
CONDAMNE la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, dans les limites du contrat souscrit, à relever et garantir la SARL DELECROIX des condamnations prononcées à son encontre, frais irrépétibles et dépens compris,
CONDAMNE M. [M] [L], la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES in solidum aux dépens de première instance qui comprendront les frais d’expertise,
Et y ajoutant,
CONDAMNE M. [M] [L], la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer in solidum à M. [W] [H] la somme de 4.000 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE M. [M] [L], la SARL DELECROIX, la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de leurs demandes respectives formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [M] [L], la SARL DELECROIX et la SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES in solidum aux entiers dépens d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,