Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] ont engagé la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens pour réaménager leur jardin et construire une piscine. Un devis a été accepté pour un montant de 20.763,69 euros, et les travaux ont été déclarés à la mairie, avec un arrêté de non-opposition. Les travaux se seraient achevés fin juillet 2011, mais des désordres sont apparus, signalés par les époux en septembre 2013. Un huissier a constaté les désordres en novembre 2014. En mai 2015, les époux ont assigné en référé la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens et la société Home Designer pour obtenir une expertise judiciaire. Un expert a été désigné, et son rapport a été déposé en septembre 2016. En janvier 2017, les époux ont assigné en réparation devant le tribunal de Marseille, qui a rendu un jugement en janvier 2020. Ce jugement a débouté les époux de leurs demandes contre la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens, mais a condamné la société Home Designer et son assureur QBE à indemniser les époux pour les travaux de reprise et un préjudice de jouissance. La responsabilité de la société Parcs et Jardins Méditerranéens a été écartée, considérant qu’elle n’était pas responsable des désordres. La société QBE a interjeté appel, contestée par les époux qui ont également formé un appel incident. Les parties ont exposé leurs prétentions respectives, avec des demandes de confirmation ou de réforme du jugement initial. Les époux soutiennent que la société Home Designer est responsable des désordres et que la garantie décennale de QBE doit s’appliquer, tandis que QBE conteste son implication et la nature des désordres. La sarl Parcs et Jardins Méditerranéens affirme n’avoir pas participé à la construction de la piscine et demande à être exonérée de toute responsabilité. L’affaire a été mise en délibéré après une audience en juin 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 20/02719 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUJO
Compagnie d’assurance QBE EUROPE SA / NV
C/
[K] [Y]
[T] [D] ÉPOUSE [Y] épouse [Y]
[N] [U]
S.A.R.L. PARCS ET JARDINS MEDITERRANEENS
Société HOME DESIGNER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA
Me Pierre-yves IMPERATORE
Me Edouard BAFFERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 09 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02443.
APPELANTE
Compagnie d’Assurances QBE EUROPE SA / NV
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et ayant pour avocat plaidant par Me Jérôme TERTIAN de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [K] [Y]
, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA de l’ASSOCIATION BORDET – KEUSSEYAN – BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Amandine COLLET de l’ASSOCIATION BORDET – KEUSSEYAN – BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [T] [D] ÉPOUSE [Y] épouse [Y]
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Valérie KEUSSEYAN-BONACINA de l’ASSOCIATION BORDET – KEUSSEYAN – BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Amandine COLLET de l’ASSOCIATION BORDET – KEUSSEYAN – BONACINA, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [N] [U] en sa qualité d’ancien gérant de la société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN)
, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. PARCS ET JARDINS MEDITERRANEENS
, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL HOME DESIGNER
, demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.
ARRÊT
Dans le courant de l’année 2011, Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y], propriétaires d’une maison aux [Localité 6], ont confié à la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens l’étude de leur projet de réagencement de leur jardin et de construction d’une piscine avec pool house.
Les époux [Y] ont accepté un devis n° DC 0113 en date du 09 mai 2011 établi sous le nom commercial de Chromatic Design par la sarl Home-Designer, assurée auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, pour un montant de 20.763,69 euros.
La déclaration préalable de travaux pour la création d’une piscine et d’un pool house a été reçue par la mairie des [Localité 6] le 04 mai 2011. Elle a fait l’objet d’un arrêté de non-opposition le 22 juin 2011.
Les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception expresse mais ils se seraient achevés à la fin du mois de juillet 2011 et la première mise en eau serait intervenue le 29 juillet 2011.
Le 04 septembre 2013, les époux [Y] ont adressé un mail à la société Parcs et Jardins Méditerranéens l’informant de l’apparition de désordres sur le revêtement de leur piscine et sollicitant de venir constater.
Le 13 novembre 2014, les désordres ont été constatés par un huissier de justice.
Par actes d’huissier en date du 20 mai 2015, les époux [Y] ont assigné en référé la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens et la société Home Designer afin, notamment, d’obtenir une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé en date du 10 juillet 2015, Monsieur [R] [A] a été désigné en qualité d’expert judiciaire.
Par ordonnance de référé en date du 19 janvier 2016, les opérations d’expertise judiciaire ont été étendues à la SA QBE Insurance Europe Limited.
Le 14 septembre 2016, l’expert judiciaire a déposé son rapport.
Par actes d’huissier en date des 26 et 27 janvier 2017, les époux [Y] ont assigné en réparation, devant le tribunal de grande instance de Marseille, la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens, la Sarl Home Designer, son assureur la SA QBE Insurance Limited ainsi que Monsieur [B] [U] recherché en sa qualité d’ancien gérant de la sarl Home Designer.
Par jugement en date du 09 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Marseille :
DEBOUTE Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de Ia sarl Parcs et Jardins Méditerranéens,
CONDAMNE in solidum Ia société Home Designer et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 20.132,40 euros au titre des travaux de reprise,
CONDAMNE in solidum la société Home Designer et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
DEBOUTE Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] [Z] demande au titre du préjudice de jouissance à venir,
CONDAMNE Ia société QBE Insurance Europe Limited à garantir Ia société Home Designer de la totalité des condamnations mises à sa charge dans Ia présente décision, en ce compris les frais irrépétibles,
DEBOUTE Ia société QBE Insurance Europe Limited de sa demande en garantie auprès de la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE in solidum Ia société Home Designer et Ia société QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Ia sarl Home Designer et la société QBE Insurance Europe Limited aux dépens, en ce compris les frais d’expertises,
ACCORDE le bénéfice de la distraction des dépens à tout avocat qui en fera la demande,
ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.
Le tribunal a exclu le caractère décennal des désordres et retenu la seule responsabilité contractuelle de la société Home Designer au titre des défauts d’exécution à l’origine des désordres. Il a considéré que les documents contractuels produits concernant la société Parcs et Jardins Méditerranéens ne suffisaient pas à établir qu’elle était en charge du contrôle de l’exécution de la construction de la piscine et que c’est en sa seule qualité de maître d »uvre chargé d’une mission de conception que sa responsabilité devait être envisagée. Le tribunal a enfin jugé que QBE doit sa garantie au titre de la responsabilité civile générale pour l’activité maçonnerie qui comprend les travaux d’enduits à base de liants hydrauliques ou de synthèse.
Par déclaration d’appel en date du 20 février 2020, la société QBE Insurance Europe Limited a interjeté appel de ce jugement à l’encontre des époux [Y], de la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens et de la sarl Home Designer en ce qu’il :
-condamne in solidum Ia société Home Designer et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 20.132,40 euros au titre des travaux de reprise,
-condamne in solidum la société Home Designer et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
-condamne Ia société QBE Insurance Europe Limited à garantir Ia société Home Designer de la totalité des condamnations mises à sa charge dans Ia présente décision, en ce compris les frais irrépétibles,
-déboute Ia société QBE Insurance Europe Limited de sa demande en garantie auprès de la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens,
-déboute les parties du surplus de leurs demandes,
-condamne in solidum Ia société Home Designer et Ia société QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] Ia somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejette les autres demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamne in solidum Ia sarl Home Designer et la société QBE Insurance Europe Limited aux dépens, en ce compris les frais d’expertises,
-ordonne l’exécution provisoire de la décision.
Par exploit de commissaire de justice délivré le 12 mai 2020, la société QBE Insurance Europe Limited signifiait sa déclaration d’appel et ses premières conclusions à la société Home Designer par procès-verbal de recherches infructueuses et le 13 mai 2020 aux époux [Y].
Par actes d’huissier en date du 23 juillet 2020, les époux [Y] assignaient en appel provoqué la sarl Home Designer ainsi que Monsieur [B] [U], ancien gérant de la société Home Designer.
Le 29 mars 2024, la société QBE Europe SA signifiait ses conclusions à Monsieur [N] [U].
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu’il suit, étant rappelé qu’au visa de l’article 455 du code de procédure civile, l’arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
La société QBE Europe SA/NV, venant aux droits de la société QBE Insurance Europe (conclusions notifiées par RPVA le 24 avril 2020 et le 06 mai 2020 et signifiées à Monsieur [B] [U] le 29 mars 2024) demande à cette cour d’appel de :
Vu les Articles 1792 et suivants du Code civil,
Vu la police d’assurance souscrite auprès de la société QBE,
Vu le rapport d’expertise judiciaire,
A titre principal,
Réformer le Jugement entrepris en ce qu’il a retenu que l’intervention sur le chantier de la société HOME DESIGNER était suffisamment démontrée et que la garantie de la compagnie QBE devait être mobilisée
Dire et juger que l’intervention de la société HOME DESIGNER, dans son principe, et a fortiori dans son ampleur, n’est pas justifiée par les époux [Y]
Constater que les défauts objectivés ne caractérisent aucune atteinte à la solidité ou impropriété à destination
Dire et juger que les travaux que les requérants attribuent à la société HOME DESIGNER ne relèvent pas des activités déclarées auprès de son assureur, la compagnie QBE
Dire et juger que la société QBE bien fondée à opposer une non-assurance
Dire et juger que la garantie responsabilité civile générale de la compagnie QBE ne peut être mobilisée pour indemniser « le prix du travail effectué et/ou du produit livré par l’assuré ou ses sous-traitants, ainsi que les frais engagés pour a. Réparer, parachever ou refaire le travail, ou b. Remplacer tout ou partie du produit »
Débouter Monsieur et Madame [Y], la société Parcs et Jardins Méditerranéens, et tout contestant de toute demande formée à l’encontre de la société QBE
Mettre la société QBE hors de cause
Subsidiairement,
Condamner sur le fondement délictuel la société Parcs et Jardins Méditerranéens à relever et garantir la société QBE indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre
Subsidiairement encore,
Limiter à la somme de 16.534,80 € TTC le montant du préjudice matériel subi par les époux [S]
Débouter les époux [Y] de leurs demandes formées à l’encontre de la société QBE au titre de leur prétendu préjudice de jouissance
En tout état de cause,
Condamner Monsieur et Madame [Y] ainsi que tout succombant à payer à la société QBE la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’Article 700 du CPC, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me ERMENEUX sur son affirmation de droit.
La société QBE fait valoir qu’aucun élément contractuel ne permet de démontrer l’intervention effective de la société Home Designer dans les travaux de réalisation de la piscine et donc l’absence de lien contractuel.
Elle ajoute que le contrat d’assurance de la responsabilité décennale souscrit par la société Home Designer a été résilié à compter du 28 octobre 2012 en raison du non-paiement des primes soit avant la réclamation, qu’en outre les désordres sont dépourvus du caractère décennal, que les activités déclarées ne portent pas mention de l’activité « 37. Piscines », ce qui revient à une situation de non-assurance et que la garantie de la responsabilité civile professionnelle ne couvre pas les dommages subis par l’ouvrage réalisé et ne s’applique qu’aux risques de dommages aux tiers du fait des travaux.
La société QBE conclut que la sarl Parcs et Jardins Méditerranéens avait une mission de maîtrise d »uvre dans le suivi et la direction des travaux (courriel du 04 mai 2011).
S’agissant du montant des réparations du préjudice matériel, la société QBE fait valoir que le montant de de sa condamnation à hauteur de 20.132,40 euros TTC est supérieur au chiffrage de l’expert judiciaire.
S’agissant du préjudice immatériel, elle fait valoir que la piscine est en état d’utilisation et qu’il n’y a pas de préjudice financier.
Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] (conclusions d’intimé contenant appel incident et appel provoqué notifiées par RPVA le 22 juillet 2020) sollicitent de :
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE du 9 janvier 2020 (n°17-RG 17/02443),
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1231 et suivants du Code Civil (ancien art.1147),
Vu les articles L.241-1 du Code des Assurances et 1240 (ancien art.1382) du Code Civil,
Vu l’article L.223-22 du Code du Commerce et la jurisprudence de la Cour de Cassation,
Vu le rapport d’expertise judiciaire définitif de Monsieur [A],
Vu le caractère décennal des désordres,
Vu les pièces versées aux débats,
SUR LA CONFIRMATION DE PRINCIPE DU JUGEMENT EN CE QU’IL A RETENU LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE HOME DESIGNER, REGULIEREMENT ASSUREE AUPRES DE QBE EUROPE SA/NV AU TITRE DES TRAVAUX REALISES CHEZ LES EPOUX [Y]
CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a retenu que la Société HOME DESIGNER, exerçant sous l’enseigne commerciale CHROMATIC DESIGN, est intervenue au stade de la construction de la piscine, et que cette intervention est à l’origine des désordres constatés par Monsieur [A] dans le cadre de son rapport d’expertise judiciaire,
CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a retenu que la Société HOME DESIGNER était régulièrement assurée auprès de la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) tant au titre de la garantie décennale qu’au titre d’une garantie responsabilité civile concernant les travaux réalisés chez les époux [Y] , l’activité de maçonnerie intégrant les travaux d’enduits à base de liants hydrauliques ou de synthèse,
CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il débouté la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) de sa demande de mise hors de cause au motif qu’elle serait bien fondée à opposer une non-assurance pour défaut d’activité déclarée,
CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a condamné la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) à garantir la Société HOME DESIGNER de la totalité des condamnations mises à sa charge, en ce compris les frais irrépétibles,
SUR LA REFORMATION DU JUGEMENT CONCERNANT LA NATURE DES DESORDRES, LA CONDAMNATION IN SOLIDUM DES DIFFERENTS INTERVENANTS ET L’INDEMNISATION AU TITRE DU PREJUDICE DE JOUISSANCE
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a retenu que les désordres affectant la piscine n’étaient pas de nature décennale,
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur et Madame [Y] de leurs demandes en tant que dirigées à l’encontre de la Société PARCS ET JARDINS MEDITERRANEES,
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a retenu que la Société PARCS ET JARDINS MEDITERRANEES était intervenue uniquement au stade de la conception de la piscine et que sa responsabilité ne pouvait être recherché du fait des désordres affectant la piscine,
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a condamné uniquement la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) au titre de la garantie responsabilité civile souscrite par la Société HOME DESIGNER,
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité allouée à Monsieur et Madame [Y] au titre du préjudice de jouissance à la somme de 3.000€,
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur et Madame [Y] de leur demande au titre du préjudice de jouissance à venir,
PAR CONSEQUENT,
CONDAMNER in solidum, la Société Parcs et Jardins Méditerranéens, la Société HOME DESIGNER et son assureur, la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE), au paiement de la somme totale de 36.131 € décomposée comme suit :
-20.132,40 TTC au titre des travaux de reprise préconisés par l’Expert judiciaire ;
-6.300 € au titre du préjudice de jouissance subi par Monsieur et Madame [Y] ;
-5.000 € au titre du préjudice de jouissance à subir par Monsieur et Madame [Y] du fait de la réalisation des travaux de reprise ;
-4.698,60 € TTC au titre des frais d’expertise judiciaire.
DEBOUTER la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) de toutes ses demandes fins et conclusions,
DEBOUTER la société Parcs et Jardins Méditerranéens de toutes ses demandes fins et conclusions,
A TITRE INFINEMENT SUBSIDIAIRE, SUR LA REGULARISATION D’UN APPEL PROVOQUE A L’ENCONTRE DE MONSIEUR [U], GERANT DE LA SOCIETE HOME DESIGNER AU STADE DE LA REALISATION DES TRAVAUX
A SUPPOSER QUE LES GARANTIES SOUSCRITES PAR LA SOCIETE HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) AUPRES DE LA SOCIETE QBE EUROPE SA/NV NE SOIENT PAS MOBILISABLES
RECEVOIR Monsieur et Madame [Y] en leur appel provoqué,
DIRE ET JUGER, en tout état de cause, à supposer que les garanties décennales souscrites auprès de la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE), ne soient pas mobilisables, que Monsieur [U], Gérant de la Société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) au moment du chantier, a commis une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle séparable de ses fonctions sociales de nature à engager la responsabilité civile,
CONDAMNER in solidum, la Société Parcs et Jardins Méditerranéens, la Société HOME DESIGNER et Monsieur [B] [U], Gérant de la Société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) au moment du chantier, au paiement de la somme totale de 36.131 € décomposée comme suit :
-20.132,40 TTC au titre des travaux de reprise préconisés par l’Expert judiciaire ;
-6.300 € au titre du préjudice de jouissance subi par les époux [Y] ;
-5.000 € au titre du préjudice de jouissance à subir par les époux [Y] du fait de la réalisation des travaux de reprise ;
-4.698,60 € TTC au titre des frais d’expertise judiciaire.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE ET EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER in solidum la Société HOME DESIGNER et Monsieur [B] [U], Gérant de la Société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) au moment du chantier, au paiement de la somme totale de 36.131 € décomposée comme suit :
-20.132,40 TTC au titre des travaux de reprise préconisés par l’Expert judiciaire ;
-6.300 € au titre du préjudice de jouissance subi par les époux [Y] ;
-5.000 € au titre du préjudice de jouissance à subir par les époux [Y] du fait de la réalisation des travaux de reprise ;
-4.698,60 € TTC au titre des frais d’expertise judiciaire.
EN TOUT ETAT DE CAUSE, SUR LA DEMANDE AU TITRE DES FRAIS IRREPETIBLES ET DES DEPENS
REFORMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce qu’il a limité de la montant de la somme allouée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à 2.000 €,
Y ajoutant,
A TITRE PRINCIPAL,
CONDAMNER in solidum, la Société PARCS & JARDINS MEDITERRANEENS, la Société HOME DESIGNER et son assureur, la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE) au paiement de la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,
CONDAMNER in solidum, la Société PARCS & JARDINS MEDITERRANEENS, la Société HOME DESIGNER et son assureur, la Société QBE EUROPE SA/NV (venant aux droits de la Société QBE INSURANCE EUROPE), au paiement de la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la présente procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens,
A TITRE INFINIMENT SUSBIDIAIRE ET EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER in solidum la Société HOME DESIGNER et Monsieur [B] [U], Gérant de la Société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) au moment du chantier, au paiement de la somme de 4.000 € au titre de la procédure de première instance, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise,
CONDAMNER in solidum la Société HOME DESIGNER et Monsieur [B] [U], Gérant de la Société HOME DESIGNER (CHROMATIC DESIGN) au moment du chantier, au paiement de la somme de 4.000 € au titre de la présente procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
Les époux [Y] soutiennent que la société Home Designer et Chromatic Design sont la même personne morale, identifié au RCS de Marseille sous le N° B522 462 118 dont le gérant, au moment des faits, était Monsieur [B] [U]. Selon eux, la mention « bon pour accord » sur le devis n° DC 0113 caractérise un engagement contractuel, ainsi que sa participation aux opérations d’expertises.
Les époux [Y] concluent encore que c’est à juste titre que la garantie décennale de QBE a été retenue bien que l’activité de construction de piscine n’ait pas été déclarée dès lors que cette société était assurée au titre des activités d’enduit à base de liant hydraulique et que les désordres litigieux portent justement sur le revêtement de la piscine dont l’avenant signé le 04 février 2011 confie les travaux de maçonnerie comprenant les travaux d’enduits à base de liants hydrauliques ou de synthèse.
Les époux [Y] soutiennent que les désordres n’étaient pas apparents lors de la réception de l’ouvrage (juillet 2011) et n’ont pas fait l’objet de réserves. Ils invoquent l’impropriété à la destination résultant du risque d’utilisation de la piscine ainsi que le caractère évolutif des désordres.
Les époux [Y] concluent aussi à l’implication de la société Parcs et Jardins Méditerranéens dans la mise en contact des entreprises de construction et dans le suivi des travaux de réalisation de la piscine, soit une mission complète de maîtrise d »uvre (conception + exécution), et non pas seulement une mission de maitrise d »uvre de conception comme il a pu être retenu par le tribunal.
Les époux [Y] font valoir l’existence d’un préjudice de jouissance résultant du décollement des morceaux de revêtement de la piscine à l’origine d’un risque pour leurs enfants et pour la machinerie ainsi qu’un préjudice de jouissance durant les travaux de reprise des désordres (purge complète et pose d’enduit).
En cas de non-assurance, les époux [Y] ont intimé Monsieur [U], ancien gérant de la société Home Designer, et concluent à son encontre sur le fondement de l’article L.223-22 du code de commerce au titre d’une faute séparable de ses fonctions de nature à engager sa responsabilité civile. En effet, au jour de la réalisation des travaux litigieux, il n’était pas assuré au titre de la garantie décennale et cela en violation de l’article L.241-1 du code des assurances.
La sarl Parcs et Jardins Méditerranéens (conclusions notifiées par RPVA le 03 juillet 2020) sollicite de:
Vu les dispositions de l’article 1792 du Code civil,
Vu les dispositions de l’article 1240 du Code civil,
CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 rendu par le Tribunal judiciaire de MARSEILLE en ce qu’il a:
DEBOUTE Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la SARL Parcs et Jardins Méditerranéens,
CONDAMNE in solidum la SARL HOME DESIGNER et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] la somme de 20.132,40 euros au titre des travaux de reprise,
CONDAMNE in solidum la SARL HOME DESIGNER et son assureur QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] la somme de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
DEBOUTE Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] de leur demande au titre du préjudice de jouissance à venir,
CONDAMNE la SA QBE INSURANCE EUROPE LIMITED à garantir la SARL HOME DESIGNER de la totalité des condamnations mises à sa charge dans la présente décision, en ce compris les frais irrépétibles,
DEBOUTE la SA QBE INSURANCE EUROPE LIMITED de sa demande en garantie auprès de la SARL PARCS & JARDINS MEDITERRANEENS,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE in solidum la SARL HOME DESIGNER et la société QBE à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la SARL HOME DESIGNER et la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,
ACCORDE le bénéfice de la distraction des dépens à tout avocat qui en fera la demande,
ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.
Et en conséquence :
A titre principal,
DEBOUTER la société QBE INSURANCE EUROPE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la société Parcs et Jardins Méditerranéens,
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société HOME DESIGNER et son assureur, la société QBE INSURANCE EUROPE à relever et garantir la société Parcs et Jardins Méditerranéens de toutes condamnations prononcées à son encontre,
En tout état,
CONDAMNER toute partie succombant au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de la société Parcs et Jardins Méditerranéens au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La sarl Parcs et Jardins Méditerranéens conclut qu’elle n’est intervenue que pour l’aménagement paysager et non pour la construction de la piscine, que les époux [Y] ne démontrent pas l’imputabilité des désordres à son encontre et que sa responsabilité ne peut donc être retenue.
Elle fait valoir l’absence d’atteinte à la solidité de la piscine, excluant l’application de la garantie décennale.
Elle soutient qu’aucun élément n’est rapporté par les époux [Y] à l’appui de leur demande au titre du préjudice de jouissance.
Dans l’hypothèse d’une condamnation prononcée à son encontre, elle réclame la garantie de la société Home Designer, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, celle-ci ayant contribué à la réalisation du dommage.
Intimé en appel provoqué par les époux [Y], par procès-verbal de recherches infructueuses en date du 23 juillet 2020, Monsieur [B] [U] a constitué avocat.
Intimée par la société QBE Europe SA/NV et par les époux [Y], par procès-verbal de recherches infructueuses en date du 12 mai 2020 et du 23 juillet 2020, la sarl Home Designer n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est en date du 13 mai 2024.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 04 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 26 septembre 2024.
Sur l’origine et la qualification des désordres :
Selon l’article 1792 du code civil :
Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Selon le procès-verbal de constat d’huissier en date du 13 novembre 2014 et le rapport d’expertise judiciaire, les désordres consistent en une desquamation de l’enduit :
-à l’intérieur de la piscine au niveau des marches d’accès au bassin, du bajoyer nord et sur la joue des escaliers côté sud,
-sur l’arase supérieure du béton des parois.
L’expert judiciaire observe aussi un micro-faïençage et une épaufrure en angle saillant.
L’expertise judiciaire a permis de vérifier que le bassin n’est pas fuyard.
Selon les informations recueillies par l’expert, ces désordres n’étaient pas apparents lors de la prise de possession de l’ouvrage à la fin du mois de juillet 2011.
Ils ont pour origine un défaut d’adhérence de l’enduit pédiculaire en raison d’une préparation du support insuffisante relevant d’un défaut d’exécution généralisé.
L’expert judiciaire conclut que la solidité de l’ouvrage n’est pas compromise et que la desquamation génère un défaut d’aspect, un entretien accru et présente des risques de blessures, ce qui impose certaines précautions mais qu’il n’y a pas d’impossibilité d’utiliser le bassin.
Les photographies produites par les époux [Y] pour démontrer l’aggravation des désordres ne permettent pas de prouver le caractère décennal futur par rapport aux constatations de l’expert judiciaire.
Il résulte de ces éléments que les désordres ne sont pas de la gravité de ceux visés par les dispositions de l’article 1792 du code civil et qu’ils constituent des dommages intermédiaires relevant de la responsabilité contractuelle. C’est donc à juste titre que le tribunal a exclu la responsabilité décennale des constructeurs.
Sur les responsabilités des constructeurs :
Les modes de preuve du contrat d’architecte sont ceux du droit commun. Un acte authentique ou sous seing-privé n’est donc nécessaire qu’au-delà de 1.500euros sauf commencement de preuve par écrit corroboré par d’autres preuves.
Dès lors que la garantie décennale de l’article 1792 du code civil n’est pas applicable, le maître de l’ouvrage dispose d’une action en responsabilité contractuelle de droit commun contre l’architecte, à condition de démontrer sa faute.
Le maître de l’ouvrage doit aussi prouver la faute du constructeur. L’entrepreneur, contrairement à l’architecte investi d’une mission complète, n’est tenu en principe que dans les limites de sa mission propre.
En l’espèce, des éléments du dossier, il ressort qu’une proposition d’étude pour la conception du modelage du terrain, de l’éclairage, de l’arrosage, d’une piscine et de ses abords, d’un pool house et des accès véhicules, piétons et assistance à maîtrise d’ouvrage sur le choix des matériaux, phase esquisse ou avant-projet sommaire, pour le montant TTC de 1.136,20euros, a été établie le 10 janvier 2011 par la société Parcs et Jardins Méditerranéens, sous le nom commercial de « Thomas Gentilini Architecte Paysagiste », et a reçu le « bon pour accord » avec la signature des époux [Y]. Cette société a ensuite établi une facture n°162 le 07 février 2011 désignant la phase esquisse pour un acompte de 586,20euros TTC, correspondant à la proposition d’étude.
Les mails échangés par les époux [Y] et la société Parcs et Jardins Méditerranéens entre les mois d’avril et de mai 2011 corroborent la mission de conception de la zone piscine confiée à la société Parcs et Jardins Méditerranéens. En outre, il apparaît que, par mail du 21 avril 2011, la société Parcs et Jardins Méditerranéens leur a adressé le devis de Chromatic Design. Ces derniers ont ensuite interrogée la société Parcs et Jardins Méditerranéens sur le début des travaux de maçonnerie (voir notamment le mail du 04 mai 2011, concomitant à la déclaration de travaux : « Les terrassiers ont terminé hier de creuser la piscine et de préparer le terrain avec un jour d’avance Quand peut-on se voir pour revoir le dossier maçonnerie ‘ Peut-on d’ores et déjà prévoir la date d’intervention du maçon ‘ Pour la déclaration de travaux, l’avez-vous faite à la mairie ou devons nous nous en occuper ‘ De notre côté, nous allons contacter notre ami pour la partie « piscine », à savoir moteur et tuyauterie ‘ Nous pensons qu’il faudra prévoir un rdv entre lui et le maçon ‘ merci de nous confirmer » ; mail du 13 mai 2011 : « Nous avons bien reçu le devis et les plans C’est ok pour nous Devons-nous prendre contact directement avec [B] pour le début des travaux ‘ » ; mail du 11 mai 2011 : « Avez-vous des nouvelles de [B] pour la maçonnerie ‘ Pouvez-vous également nous envoyer les plans avec les derniers éléments modifiés ‘ »). Ces échanges ne permettent pas de caractériser l’existence d’obligations concomitantes aux travaux, en particulier s’agissant des missions de direction des travaux ou de suivi qui imposent à l’architecte de donner des directives aux entreprises ainsi que des visites périodiques du chantier. Aucun élément ne permet de prouver que des directives ont été données à la société Home-Designer ou que l’architecte a effectué des visites sur le chantier, ni l’existence d’un engagement de l’architecte à assurer pareilles missions. D’ailleurs, il n’y a pas de réponse de sa part à la plupart des mails émanant des époux [Y] qui viennent d’être cités, si ce n’est au titre de la conception du projet.
Certes, la société Parcs et Jardins Méditerranéens a établi une facture n°240 le 07 octobre 2011 désignant de manière sommaire une « première situation suivi de travaux » pour un montant de 2.990euros TTC. Une telle désignation est insuffisante à caractériser les missions de direction et de suivi du chantier. Surtout, elle ne permet pas d’établir l’existence d’un lien entre le défaut d’exécution à l’origine des désordres et une telle mission. En effet, il s’agit d’une « première situation » alors que le défaut d’adhérence de l’enduit résulte d’une préparation insuffisante du support dont il est possible de supposer qu’elle est plutôt intervenue en fin de chantier. C’est donc à juste titre que le tribunal a écarté la responsabilité de la société Parcs et Jardins Méditerranéens.
Par ailleurs, la société QBE considère que, n’ayant pas produit de facture, les époux [Y] ne rapportent pas la preuve de l’intervention effective de son assurée, la société Home-Designer.
Néanmoins, l’imputabilité des désordres à la sarl Home-Designer est établie. Elle résulte, d’abord, de son extrait k bis, qui démontre que cette société exerçait bien sous le nom commercial de Chromatic Design, puis de son devis n°DC0113 du 09 mai 2011 accepté par les époux [Y] (mention « bon pour accord » signée) pour des travaux de bétonnage, l’édification de murs (59 m2) avec enduit de façade et la construction d’une piscine comprenant : la mise en ‘uvre d’une dalle en béton, la pose des agglos, le coulage du béton et surtout la pose d’un enduit ciment hydrofuge, précisant que la marchandise est fournie par le client. Monsieur [B] [U], gérant de la société Home-Designer au moment des faits, était présent lors de la première réunion d’expertise du 25 novembre 2015 accompagné de son conseil. L’exécution de ce devis, en particulier la réalisation du gros-‘uvre et la pose de l’enduit litigieux par la société Home-Designer n’a pas été niée à cette occasion. L’expert judiciaire a seulement mentionné l’existence d’un différend quant à la fourniture d’enduit de la piscine. Or, les désordres ne résultent pas d’un défaut du produit fourni par le client mais d’un défaut d’exécution.
Il résulte donc des éléments du dossier que la société Home-Designer a commis une faute dans l’exécution de la pose de l’enduit de piscine et qu’elle a engagé sa responsabilité contractuelle de ce chef à l’égard des époux [Y].
Sur la garantie de QBE :
L’article L124-3 du code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable».
Si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe I de l’article A. 243-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.
En l’espèce, QBE ne conteste pas que la société Home Designer était son assurée au titre d’une police garantissant la responsabilité décennale, résiliée pour non-paiement des primes à compter du 28 octobre 2012.
Selon les conditions particulières du contrat, la société Home-Designer était assurée au titre de sa responsabilité civile générale et de sa responsabilité décennale pour les activités « 26 peinture hors imperméabilisation et étanchéité des façades » et « 10 maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ ». Elle n’était pas assurée au titre de l’activité « 37 piscines » mentionnée par la Table des activités annexée aux conditions particulières.
Certes, selon cette nomenclature, l’activité « 10 maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ » comprend les travaux d’« enduits à base de liants hydrauliques ou de synthèse », soit des enduits correspondant à l’enduit utilisé pour la piscine des époux [Y], dont la pose s’est avérée défectueuse. Cependant, les travaux ainsi visés sont inclus dans le périmètre contractuel de la garantie à condition de se rattacher à l’activité maçonnerie déclarée par l’assuré. Ils ne sont pas garantis dès lors qu’ils ne sont pas rattachables à une activité déclarée par l’assuré, telle que l’activité « piscines » qui fait l’objet de nomenclatures spécifiques mentionnées dans le tableau des activités annexé aux conditions particulières. Or, l’activité garantie doit être identifiée de manière stricte par référence aux déclarations de l’assuré. Admettre que les travaux d’enduits litigieux sont couverts par QBE alors qu’ils sont rattachés à la construction d’une piscine, activité faisant elle-même l’objet d’une activité distincte du BTP non déclarée, serait contraire au principe de limitation de la garantie au secteur d’activité déclaré et contraire à la volonté des parties.
En conséquence, il y a lieu de débouter les époux [Y] de leurs demandes à l’encontre de QBE.
Le jugement attaqué doit être infirmé en ce qu’il a jugé que les travaux d’enduits litigieux, compris dans l’activité maçonnerie, étaient garantis alors qu’ils se rattachaient à des travaux ayant consisté à construire une piscine, en ce qu’il a dit que QBE devait sa garantie et l’a condamnée in solidum avec la société Home-Designer.
Sur la responsabilité de Monsieur [U] :
L’article L. 223-22 alinéa 1er du code de commerce prévoit que les gérants sont responsables envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
La responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui est imputable personnellement. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. Les fautes pénales intentionnelles sont considérées comme étant séparables des fonctions du dirigeant. En particulier, le défaut de souscription d’une assurance décennale obligatoire, constitutif d’une infraction pénale intentionnelle, est une faute séparable.
En l’espèce, à titre subsidiaire, si la police d’assurance souscrite par la société Home-Designer n’était pas mobilisable, les époux [Y] sollicitent la condamnation de Monsieur [B] [U], recherché en sa qualité de gérant, pour défaut de souscription de l’assurance décennale obligatoire.
Il est établi que l’activité « piscines » n’a pas été déclarée à QBE, ce qui constitue un motif de non-assurance susceptible d’engager la responsabilité de Monsieur [U] au titre de l’assurance responsabilité obligatoire.
Cependant, les désordres n’ayant pas un caractère décennal, ce n’est pas la garantie de la responsabilité décennale de la société Home-Designer qui a été écartée mais la garantie de la responsabilité civile générale qui ne fait pas partie des assurances obligatoires dont le défaut de souscription constitue une infraction pénale intentionnelle. Or, le défaut de déclaration de l’activité « piscines » pour la garantie de responsabilité civile générale, alors que d’autres activités caractéristiques de l’objet social de la société Home-designer ont été déclarées, ne peut être considéré ipso facto comme étant constitutif d’une faute intentionnelle séparable des fonctions de gérant et imputable personnellement.
En conséquence, la responsabilité de Monsieur [U] ne sera pas retenue et les époux [Y] seront déboutés de leurs demandes formées à son encontre.
Sur les préjudices matériels :
L’expert judiciaire a estimé les travaux de reprise en se référant à un devis de la société Corebat du 20 avril 2016 pour un montant hors taxes de 16.777euros hors taxes, soit 20.132,40euros TTC. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu’il a retenu ce montant.
Sur les préjudices immatériels :
Les époux [Y] sollicitent l’indemnisation du préjudice de jouissance du fait des désordres subis à hauteur de la somme de 6.300euros, calculée sur la base d’une indemnité mensuelle de 300euros pendant 7 mois et 3 ans, soit 21 mois. Le tribunal a ramené le montant de ce préjudice à la somme de 3.000euros, calculée sur la base d’une indemnité mensuelle de 200euros en prenant en compte uniquement 5 mois dans l’année et en considérant que les désordres n’empêchaient pas l’usage de la piscine. Il y a lieu de confirmer ce montant.
Le jugement attaqué sera aussi confirmé en ce qu’il a débouté les [Y] de leur demande au titre du préjudice de jouissance pendant la durée des travaux de reprise au motif que lesdits travaux peuvent être entrepris en dehors de la période estivale.
Au total, le jugement attaqué sera confirmé en toutes ses dispositions dont appel, sauf en ce qu’il a condamné QBE à garantir la société Home-Designer et l’a condamnée in solidum avec son assuré au titre des travaux de reprise et du préjudice de jouissance.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement en date du 09 janvier 2020 sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sauf en ce qu’il a condamné QBE à garantir la société Home-Designer et l’a condamnée in solidum avec son assuré au titre des frais irrépétibles et des dépens.
La société Home-Designer, qui succombe in fine, sera condamnée à payer aux époux [Y] la somme de 3.000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.
Les époux [Y] seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens formées à l’encontre de QBE, de Monsieur [B] [U] et de la société Parcs et Jardins Méditerranéens.
Ils seront condamnés solidairement à payer à la société Parcs et Jardins Méditerranéens et à QBE la somme de 2.000euros chacune au titre de l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement en date du 09 janvier 2020 en toutes ses dispositions dont appel, sauf en ce qu’il a condamné la société QBE Insurance Europe Limited à garantir la société Home-Designer et l’a condamnée in solidum avec son assuré au titre des travaux de reprise, du préjudice de jouissance, des frais irrépétibles et des dépens,
Statuant à nouveau,
DIT que la société QBE Europe SA/NV, venant aux droits de la société QBE Insurance Europe, ne doit pas sa garantie,
DEBOUTE, en conséquence, Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] de leurs demandes contre la société QBE Europe SA/NV,
Les DEBOUTE de leurs demandes contre Monsieur [B] [U],
CONDAMNE la société Home-Designer à payer à Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y], pris ensemble, la somme de 3.000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Home-Designer à supporter les dépens de la procédure d’appel, avec distraction au profit des avocats de la cause qui peuvent y prétendre,
DEBOUTE Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et relative aux dépens formées à l’encontre de la société QBE Europe SA/NV, de Monsieur [B] [U] et de la société Parcs et Jardins Méditerranéens,
CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [Y] et Madame [T] [D] épouse [Y] à payer à la société Parcs et Jardins Méditerranéens et à la société QBE Europe SA/NV la somme de 2.000euros chacune au titre de l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024,
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,