En 2013, la Sci Trama a fait construire une maison, avec plusieurs intervenants, dont un architecte, des entreprises de chauffage et de pose de revêtements. L’ouvrage a été réceptionné en novembre 2014. En 2017, des désordres sont apparus, conduisant la Sci Trama à assigner les différents intervenants en justice pour expertise. En septembre 2019, le tribunal a condamné les défendeurs à verser une indemnité provisionnelle de 79 600,20 euros pour les travaux de reprise. En mars 2023, le tribunal a rendu un jugement condamnant les intervenants à verser des sommes supplémentaires pour préjudices matériels et de jouissance, tout en répartissant les responsabilités entre eux. La Sarl Géothermique a interjeté appel, contestant sa responsabilité et le quantum de la condamnation. D’autres parties, y compris les assureurs, ont également formé des appels et des demandes de garantie, chacun cherchant à réduire sa part de responsabilité ou à contester les préjudices. La Sci Trama a, de son côté, demandé la confirmation du jugement de première instance et l’indemnisation de divers préjudices immatériels et matériels. Les débats se poursuivent sur la responsabilité des différents intervenants et les montants à indemniser.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/00631
Tribunal judiciaire de Rouen du 13 mars 2023
APPELANTE :
SAS GEOTHERMIQUE
RCS de Rouen 442 732 939
[Adresse 19]
[Localité 14]
représentée et assistée par Me Patrice LEMIEGRE de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen substitué par Me MAUREY
INTIMES :
Madame [L] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 11]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
RCS de Paris 784 647 349
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentée et assistée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
Monsieur [H] [C] (Techniques et pratiques du bâtiment)
[Adresse 20]
[Localité 13]
représenté par Me Franck GUENOUX, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Franck REIBELL, avocat au barreau de Paris
SA ABEILLE IARD & SANTE
RCS de Nanterre 306 522 665
[Adresse 1]
[Localité 16]
représentée par Me Franck GUENOUX, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Franck REIBELL, avocat au barreau de Paris
SCI TRAMA
RCS de Cherbourg 388 664 799
[Adresse 18]
[Localité 7]
représentée par Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen
et assistée de la Selas KARILLA, avocat au barreau de Paris
SA MMA IARD
RCS du Mans 440 048 882
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substituée par Me Guillaume des ACRES de l’AIGLE
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
RCS du Mans 775 652 126
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
SARL LA ROCHE TAILLEE
RCS de Rouen 349 371 419
[Adresse 5]
[Localité 12]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas BARRABE, avocat au barreau de Rouen
SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS-SMABTP
RCS de Paris 775 684 764
[Adresse 15]
[Localité 9]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas BARRABE, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 17 juin 2024 sans opposition des avocats devant Mme BERGERE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 17 juin 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 septembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Courant 2013, la Sci Trama, en qualité de maître d’ouvrage, a fait construire une maison d’habitation située [Adresse 6].
Sont notamment intervenus à l’opération :
– Mme [L] [Z], architecte, assurée par la Mutuelle des Architectes Français (Maf) ;
– la Sarl Géothermique, chargée du lot chauffage, assurée par la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles ;
– M. [H] [C] artisan exerçant sous le nom commercial Techniques et Pratiques du Bâtiment, chargé du lot chapes liquides, assuré par la Sa Aviva aux droits de laquelle vient la Sa Abeille Iard & Santé ;
– la Sarl La Roche Taillée, chargée de la fourniture et de la pose des pierres de sol, assurée par la Smabtp ;
L’ouvrage a été réceptionné le 14 novembre 2014.
Par acte des 30 juin, 4 et 5 juillet 2017, la Sci Trama constatant l’apparition de désordres affectant le sol du rez-de-chaussée de la maison, a fait assigner la Sarl Géothermique et ses assureurs la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles, Mme [L] [Z] et son assureur la Maf, M. [H] [C] et son assureur la Sa Aviva, la Sarl La Roche Taillée et son assureur la Smabtp devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen aux fins d’expertise.
Par ordonnance du 1er août 2017, le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise, dont les opérations ont été étendues par ordonnance postérieure à d’autres intervenants. Le 10 avril 2019, l’expert judiciaire a rendu son rapport définitif.
Par actes d’huissier des 23 et 27 mai 2019, la Sci Trama a fait assigner la Sarl Géothermique et ses assureurs la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles, Mme [L] [Z] et son assureur la Maf, M. [H] [C] et son assureur la Sa Aviva, la Sarl La Roche Taillée et son assureur la Smabtp devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de condamnation en paiement d’une indemnité provisionnelle réparant ses préjudices.
Par ordonnance du 6 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a fait partiellement droit a la demande de la Sci Trama et condamné in solidum les défendeurs à lui verser à titre provisionnel la somme de 79 600,20 euros HT au titre des travaux de reprise.
Par actes des 3, 14, 30 et 31 janvier 2020, la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles ont fait assigner la Sci Trama, Mme [L] [Z] et son assureur la Maf, M. [H] [C] et son assureur la Sa Aviva, la Sarl La Roche Taillée et son assureur la Smabtp devant le tribunal judiciaire de Rouen aux fins de recours en garantie, excipant de l’absence de responsabilité de la Sarl Géothermique dans la survenance du dommage.
La Sarl Géothermique est par la suite intervenue volontairement à l’instance.
Par jugement du 13 mars 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :
– condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama les sommes de :
.79 600,20 euros HT au titre des préjudices matériels de l’habitation sise à [Localité 17] sans que cette somme ne s’ajoute à celle déjà versée à titre provisionnel,
. 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;
– débouté la Sci Trama du surplus de ses demandes indemnitaires ;
– dit que chacun des intervenants à la construction sera relevé et garanti pour le surplus par les autres parties condamnées et en proportion des responsabilités de chacun, à savoir :
. la Sarl Géothermique à hauteur de 40 % du coût des condamnations prononcées,
. Mme [L] [Z] à hauteur de 30 % du coût des condamnations prononcées,
. [H] [C] à hauteur de 20 % du coût des condamnations prononcées,
. la Sarl La Roche Taillée à hauteur de 10 % du coût des condamnations prononcées ;
– condamné la Smabtp, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mma Iard et Assurances Mutuelles et la Mutuelle des Architectes Français à garantir leurs assurés dans la limite des polices concernées et de leur responsabilités ;
– dit que les Mma devront garantir les seuls dommages matériels de leur assurée la Sas Géothermique, soit 31 840,08 euros HT ;
– dit que les sommes provisionnelles dont il est justifié qu’elles ont déjà été versées par les assurances se déduiront des montants ci-dessus définis ;
– condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise de M. [E] ;
– autorisé conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la Selarl Bourdon-Bart, à recouvrer directement contre les parties condamnées, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
– condamné in solidum Madame [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama la somme de 16 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 24 mai 2023, la Sarl Géothermique a interjeté appel de la décision.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2024, la Sarl Géothermique demande à la cour, sur le fondement des articles 1240, 1241, et1792 du code civil, de :
– déclarer recevable et bien fondée, la société Géothermique en son appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 13 mars 2023 sous le numéro 20/00631 ;
y faisant droit,
– infirmer le jugement en qu’il a :
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama les sommes de :
. 79 600,20 euros HT au titre des préjudices matériels de l’habitation sise à [Localité 17] sans que cette somme ne s’ajoute à celle déjà versée à titre provisionnel,
. 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;
. dit que chacun des intervenants à la construction sera relevé et garanti pour le surplus par les autres parties condamnées et en proportion des responsabilités de chacun, à savoir :
. la société Géothermique à hauteur de 40 % du coût des condamnations prononcées,
. Mme [L] [Z] à hauteur de 30 % du coût des condamnations prononcées,
. M. [H] [C] à hauteur de 20 % du coût des condamnations prononcées,
. la Sarl La Roche Taillée à hauteur de 10 % du coût des condamnations prononcées ;
. condamné la Smabtp, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mma Iard et Assurances Mutuelles et la Mutuelle des Architectes Français à garantir leurs assurés dans la limite des polices concernées et de leur responsabilités ;
. dit que les Mma devront garantir les seuls dommages matériels de leur assurée Géothermique, soit 31 840,08 euros HT ;
. dit que les sommes provisionnelles dont il est justifié qu’elles ont déjà été versées par les assurances se déduiront des montants ci-dessus définis ;
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise de M. [E] ;
. autorisé conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la Selarl Bourdon-Bart, à recouvrer directement contre les parties condamnées, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama la somme de 16 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
. rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
. rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
statuant à nouveau,
à titre principal,
– prononcer la mise hors de cause de la société Géothermique ;
– condamner la Sci Trama à restituer à la société Géothermique :
. 29 793,65 euros au titre de l’indemnisation du préjudice de jouissance réglée à la Mutuelle des Architectes Français qui a payé l’ensemble des condamnations objet du jugement au titre de la solidarité prononcée,
. 3 980,01 euros au titre de la franchise contractuelle à son assureur la Mma ;
à titre subsidiaire, si la cour devait retenir la responsabilité de la société Géothermique,
– réduire le quantum de responsabilité de la société Géothermique qui, en tout état de cause, ne saurait dépasser 10 % ;
– condamner la société Sci Trama à lui rembourser la somme indûment versée au titre du quantum fixé à 40 % déduction faite de la somme calculée à hauteur du quantum moindre retenu par la cour ;
– débouter la Sci Trama de toutes ses demandes fins et conclusions au titre des préjudices immatériels sollicités ;
en tout état de cause,
– réduire l’indemnisation du préjudice de jouissance et à tout le moins le calculer sur une période allant du 30 juin 2017 au 19 février 2020 ;
– condamner solidairement la société La Roche Taillée et son assureur la société Smabtp, M. [H] [C] et son assureur la Sa Abeille Iard & Santé, Mme [Z] et son assureur la Maf, à relever et garantir intégralement la Sarl Géothermique des condamnations qui seraient mises à sa charge ;
– condamner la Sci Trama ou tout succombant à régler à la Sarl Géothermique une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner tout succombant aux entiers dépens de la procédure.
La Sarl Géothermique conclut, à titre principal, à son absence de responsabilité. Elle expose que sa prestation consistait en la pose d’un plancher chauffant au rez-de-chaussée de la maison. Elle soutient, d’après le rapport d’expertise judiciaire, que les problèmes de fissurations constatés résultent d’abord de la mauvaise qualité du matériau constituant la chape, et ensuite de la pose de la pierre au sol sans mesure d’humidité préalable et sans respecter le délai de 7 jours après la mise en chauffe du plancher chauffant, non-conformités pour lesquelles doit être retenue la responsabilité de la Sarl La Roche Taillée en charge de la pose de la pierre, intervenue prématurément, à titre principal, et de Mme [Z], en charge de la coordination du chantier, à titre subsidiaire. Elle fait valoir être intervenue quant à elle en amont de la pose de la chape et du carrelage. Elle indique que l’expert n’a retenu, à ce titre, que sa responsabilité résiduelle, pour une absence de film polyéthylène sous l’isolant. Elle conteste en conséquence le manquement retenu par le jugement à son encontre, comme ayant concouru au dommage, et consistant en la mise en chauffe préalable du plancher postérieurement à la pose des revêtements de sol, dès lors que selon l’expertise il n’existe pas de lien de causalité entre l’absence de mise en chauffe et les désordres constatés. Elle s’oppose au quantum de 40 % de responsabilité qui lui a été attribué et sollicite sa mise hors de cause, rappelant que les désordres proviennent d’une réaction de la dalle réalisée postérieurement à son intervention.
La Sarl Géothermique soutient que le film polyéthylène dont le premier juge a retenu que l’absence était une cause mineure dans la survenance du dommage, n’était pas requis pour la pose d’un plancher chauffant. Elle rapporte que l’expert n’a jamais précisé l’incidence de l’absence de cet isolant sur la fissuration du carrelage, et qu’il a par ailleurs reconnu par courriel que la Sarl Géothermique n’était finalement pas en défaut dès lors que la pose de l’isolant n’est pas préconisée lorsque celui-ci est surmonté d’un plancher chauffant.
Subsidiairement, la Sarl Géothermique soutient que le quantum de 40 % de responsabilité ne saurait être maintenu à son encontre, considérant l’ordre de gravité des non conformités ayant contribué à la survenance du dommage, au rang desquelles l’absence d’isolant ne figure qu’en sixième position, après notamment le défaut affectant le liant utilisé dans la chape fourni par les sociétés Bostik, CB-Premix et Tpb lequel occupe la première place tandis que lesdites sociétés ne sont pas même parties à l’instance, et qu’un quantum de 10 % a été imputé à la Sarl La Roche Taillée dont la responsabilité est visée en deuxième place pour n’avoir pas vérifié le taux d’humidité de la chape avant la pose du revêtement. Elle en conclut, en tout état de cause, que le quantum de responsabilité mis à sa charge ne saurait dépasser 10 %.
En tout état de cause, sur le préjudice de jouissance, la Sarl Géothermique soutient qu’il n’a pas été versé au débat de quittances de loyers prouvant le recours à la location d’une autre maison pendant la période concernée, ni aucun élément permettant de connaître les conditions dans lesquelles un relogement serait intervenu durant la période de réclamation. La Sarl Géothermique entend faire remarquer que l’assignation en justice a été délivrée le 30 juin 2017 soit plus de deux ans après l’apparition des désordres, et sans qu’elle ait été contactée dans le cadre des échanges menés avec Mme [Z] et la Sarl La Roche Taillée. Elle en déduit qu’elle ne saurait être redevable d’une indemnité portant sur une période durant laquelle elle n’a pas été en mesure d’intervenir et de faire valoir ses droits, à tout le moins qu’elle est bien fondée à en solliciter la réduction.
La Sarl Géothermique sollicite la garantie de ses éventuelles condamnations par la Sarl La Roche Taillée qui a accepté le support sur lequel elle a posé la pierre, et par-là l’a dégagée de toute responsabilité, ainsi que par M. [H] [C] visé dans le rapport d’expertise comme n’avoir pas fourni une chape conforme. Elle précise que ses propres assureurs, la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles, devront, le cas échéant, la garantir dans les limites de leurs polices.
Sur l’appel incident de la Sci Trama, la Sarl Géothermique expose enfin que les demandes formées au profit de la Sci Trama ne sauraient comprendre l’indemnisation des préjudices moral et personnel de ses associés.
Par dernières conclusions notifiées le 26 octobre 2023, la Sa Mma Iard et Sam Mma Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :
– annuler et ou réformer les dispositions du jugement rendu le 13 mars 2023 ayant :
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama les sommes de :
. 79 600,20 euros HT au titre des préjudices matériels de l’habitation sise à [Localité 17] sans que cette somme ne s’ajoute à celle déjà versée à titre provisionnel,
. 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance,
. débouté la Sci Trama du surplus de ses demandes indemnitaires,
. dit que chacun des intervenants à la construction sera relevé et garanti pour le surplus par les autres parties condamnées et en proportion des responsabilités de chacun, à savoir :
. la société Géothermique à hauteur de 40 % du coût des condamnations prononcées,
. Mme [L] [Z] à hauteur de 30 % du coût des condamnations prononcées,
. M. [H] [C] à hauteur de 20 % du coût des condamnations prononcées,
. la société La Roche Taillée à hauteur de 10 % du coût des condamnations prononcées,
. condamné la Smabtp, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mma Iard et Assurances Mutuelles et la Mutuelle des Architectes Français à garantir leurs assurés dans la limite des polices concernées et de leur responsabilités,
. dit que les Mma devront garantir les seuls dommages matériels de leur assurée Géothermique, soit 31 840,08 euros HT,
. dit que les sommes provisionnelles dont il est justifié qu’elles ont déjà été versées par les assurances se déduiront des montants ci-dessus définis,
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise de M. [E],
. autorisé conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la Selarl Bourdon-Bart, à recouvrer directement contre les parties condamnées, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,
. condamné in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances Iard et Mutuelles, et la Smabtp à payer à la Sci Trama la somme de 16 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau,
– mettre la société Géothermique et son assureur décennal Mma Iard Sa et Mma iard Assurances et Mutuelles hors de cause ;
ce faisant, vu les règlements opérés par les Mma en garantie de la responsabilité civile décennale de la société Géothermique en suite de l’exécution de l’ordonnance de référé du 06 septembre 2019 ;
– condamner la Sci Trama à restituer aux Mma le montant des indemnités ainsi versé ;
– la condamner à régler aux Mma la somme totale de 26 701,72 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
subsidiairement,
– confirmer les dispositions du jugement ayant jugé que les Mma ne doivent venir en garantie qu’au titre des seuls préjudices matériels imputables à la responsabilité de la société Géothermique à l’exclusion des préjudices immatériels ;
– fixer à 10 % la quote-part de responsabilité de la société Géothermique ;
– débouter en conséquence la Sci Trama de toutes ses réclamations ayant un pour objet les préjudices immatériels arrêtés à 14 400,40 euros, le préjudice moral arrêté à 30 000 euros, des frais de trajet à hauteur de 2 890,72 euros, des frais d’entretien à hauteur de 15 120 euros, un préjudice de jouissance arrêté au 19 février 2020 à 89 600 euros ;
– débouter la société La Roche Taillée, son assureur la Smabtp, Mme [Z], son assureur la Maf, M. [H] [C], son assureur la société Abeille Iard & Santé de toutes leurs réclamations au titre d’un recours en garantie dirigé contre les Mma ;
au visa des articles 1240, 1241 nouveaux du code civil, et L. 243-7 du code des assurances,
– condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, Mme [Z] et son assureur la Maf, la société La Roche Taillée et son assureur la Smabtp, M. [H] [C] et son assureur Abeille Iard & Santé à relever et garantir intégralement les Mma des condamnations qui ont été mises à sa charge au titre de l’ordonnance de référé en date du 6 septembre 2019 et de celles à provenir de la décision à intervenir ;
– les condamner solidairement à régler aux Mma la somme de 26 701,72 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, et les condamner à garantir les Mma de toutes nouvelles condamnations à venir au bénéfice de la Sci Trama ;
– condamner la partie perdante à régler aux Mma une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société la Roché Taillée, son assureur la Smabtp, Mme [Z], son assureur la Maf, M. [H] [C], son assureur la société Abeille Iard & Santé de toutes leurs réclamations au titre d’un recours en garantie dirigé contre les Mma ;
– condamner la partie perdante aux entiers dépens de la procédure.
La Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles soutiennent qu’elles sont les assureurs de la Sarl Géothermique au titre de la garantie décennale dès lors qu’un contrat d’assurance était en vigueur à la date de la déclaration d’ouverture du chantier. En revanche, elles affirment ne pas être concernées par les garanties facultatives car elles n’étaient plus les assureurs de la société à la date de réclamation de la Sci Trama.
La Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles concluent à l’absence de responsabilité de la Sas Géothermique, les problèmes de fissurations étant dus à une mauvaise qualité du matériau employé pour la chape, et à une pose de pierre sans mesure d’humidité résiduelle et sans avoir respecté le délai de 7 jours avant de poser le revêtement céramique après la mise en chauffe du plancher chauffant. Elles disent, à partir du rapport d’expertise, que ces manquements relèvent de la responsabilité de la Sarl la Roche Taillée en sa qualité de poseur de pierre, de l’architecte maître d’oeuvre Mme [Z] chargée du suivi de chantier, et de la société TPB en charge de l’exécution de la chape. La Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles précisent que l’expertise n’a retenu qu’une responsabilité résiduelle à l’encontre de la Sarl Géothermique constatant l’absence de film polyéthylène, mais sans établir de lien de causalité avec la fissuration du carrelage.
Elles indiquent, d’après la documentation technique pourtant jointe en annexe du rapport, que l’application dudit film ne s’imposait pas au cas d’espèce et que l’expert judiciaire a commis une erreur.
Subsidiairement, la Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles rappellent qu’elles ne peuvent intervenir qu’au titre de la garantie décennale des constructeurs. Par conséquent, elles font valoir que la société Alpha insurance est seule tenue de garantir la Sas Géothermique dont elle était l’assureur à la date de la réclamation présentée au titre des préjudices de jouissance et immatériels. La Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles exposent que le caractère décennal du désordre n’a pas été identifié par l’expert, le rapport ne précisant pas que l’ouvrage serait impropre à sa destination ou que sa solidité serait compromise. Elles ajoutent que, si néanmoins la responsabilité de la Sarl Géothermique devait être retenue, compte tenu de l’ordre de gravité des manquements commis par les intervenants à l’acte de construire, en reprenant les éléments cités plus haut, la responsabilité de la Sas Géothermique ne peut excéder 10 %.
La Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles soutiennent concernant les recours en garantie formés à leur encontre par les parties intervenant à la construction, que la responsabilité de la Sarl Géothermique ne peut pas être retenue, et que s’agissant de M. [H] [C], sa responsabilité est prépondérante.
Par dernières conclusions notifiées le 28 mai 2024, Mme [L] [Z] et son assureur la Maf demandent à la cour, au visa des articles 1382 ancien et 1792 du code civil, 331 ancien et suivants du code de procédure civile, L. 124-3 et L. 124-5 du code des assurances, de :
– infirmer le jugement qui les a condamnés in solidum avec les autres co-intimés à régler à la Sci Trama la somme de 89 600 euros au titre des préjudices et, notamment, du préjudice de jouissance ;
– infirmer le jugement en ce qu’il n’a retenu la garantie des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, assureurs de la société Géothermique, qu’au titre des préjudices matériels ;
– infirmer le jugement qui les a condamnés à supporter 30 % du sinistre ;
statuant à nouveau,
– limiter la part de responsabilité de Mme [Z] et la garantie de la Maf à la somme de 15 % du sinistre ;
– débouter la société Géothermique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– débouter la Sci Trama de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– débouter la société Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles, assureurs de la société Géothermique, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– débouter la société La Roche Taillée et la Smabtp, son assureur, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– débouter M. [H] [C], et son assureur, la société Abeille Iard & Santé, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire,
– recevoir Mme [L] [Z] et la Maf de leur appel incident ;
– condamner, in solidum, la société La Roche Taillée, la Smabtp, assureur de la société La Roche Taillée, M. [H] [C] et son assureur la société Abeille Iard & Santé, la société Géothermique, les sociétés Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles, assureurs de la société Géothermique, au titre de ses garanties, pour les préjudices matériels et immatériels à garantir Mme [Z], d’une part, la Maf, d’autre part, pour toutes condamnations qui pourraient être mises à leur charge qui excéderaient 85 % des condamnations mises à leur charge ;
– débouter la société La Roche Taillée, la Smabtp, assureur de la société La Roche Taillée, M. [H] [C], la société Abeille Iard & Santé, la société Géothermique, les sociétés Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles de toutes demandes à l’égard de Mme [Z] et de la Maf ;
– condamner in solidum la société Géothermique et la Sci Trama à régler à Mme [Z] d’une part, à la Maf d’autre part, la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société La Roche Taillée, la Smabtp, assureur de la société La Roche Taillée, M. [H] [C], la société Abeille Iard & Santé, la société Géothermique, les sociétés Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles de leur appel incident ;
– condamner la société Géothermique aux dépens de première instance et d’appel dont distraction est requise au bénéfice de Me Florence Delaporte Janna, avocat au barreau de Rouen.
Mme [Z] et la Maf font valoir que le rapport d’expertise judiciaire identifie une réaction de ‘vaporisation’ pour expliquer la déformation de la chape, et retient, en connaissance de la documentation technique, une imputabilité du désordre à la Sarl Géothermique en raison de l’absence de film polyéthylène, cette dernière ne pouvant dès lors être mise hors de cause. Elles ajoutent que la Sarl Géothermique, régulièrement appelée aux opérations d’expertise, ne s’est pas manifestée. Elle en conclut que le jugement condamnant la Sarl Géothermique et ses assureurs doit être confirmé.
Mme [Z] et la Maf régularisent appel incident portant sur le quantum de responsabilité de 30 % retenu à l’encontre de Mme [Z], dont elles disent qu’il est excessif au regard du contexte, indiquant que le poseur de pierre n’a vu sa responsabilité retenue qu’à hauteur de 10 %. Elles expliquent qu’elles ne contestent pas le caractère décennal du désordre, mais rappellent néanmoins que l’architecte n’est pas conducteur de travaux et n’est pas tenu d’une présence constante sur le chantier, et que chaque entreprise est responsable de ses propres lots et débitrice d’une obligation de résultat en sa qualité de spécialiste. Elles exposent qu’une part de responsabilité doit rester à la charge de Mme [Z] et qu’en conséquence la garantie de la Maf doit être au plus limitée à 15 %.
Sur l’appel incident de la Sci Trama, Mme [Z] et la Maf font valoir que celle-ci a obtenu une indemnisation provisionnelle de 79 600,50 euros en 2019, et que depuis elle n’a pas justifié avoir réalisé les travaux appelant indemnisation. Elles indiquent par ailleurs que l’immeuble de [Localité 17] était inoccupé et ne constitue qu’une résidence secondaire non utilisée. Elles en déduisent que la Sci Trama n’est pas fondée à solliciter indemnisation, devant la cour, de ses préjudices immatériels, ceci d’autant que la demande est irrecevable dès lors qu’elle vise de fait à indemniser le préjudice matériel de son gérant, M. [P].
Sur l’appel incident de la Sa Mma Iard et de la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles, Mme [Z] et la Maf, soutiennent qu’elles sont tenues à la garantie des préjudices matériels et immatériels causés par la Sarl Géothermique, dont elles étaient les assureurs à la date d’ouverture de chantier, dès lors qu’il est établi qu’une part du sinistre est lui est imputable.
Sur les appels incidents de M. [H] [C] et de la Sa Abeille Iard Santé ainsi que de la Sas La Roche Taillée et de la Smabtp, Mme [Z] et la Maf soutiennent que les responsabilités de M. [H] [C] et de la Sarl La Roche Taillées sont engagées en raison de l’imputabilité technique du sinistre, retenue dans le rapport d’expertise judiciaire, et qu’en conséquence lesdites sociétés et leurs assureurs ne sont pas fondés à se prévaloir d’une faute de Mme [Z] de nature à justifier un recours en garantie à son encontre et à celle de la Maf.
Mme [Z] et la Maf sollicitent la condamnation des colocateurs d’ouvrages à les garantir en raison des imputabilités techniques retenues par l’expert judiciaire.
Par dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2023, M. [H] [C] et son assureur Abeille Iard & Santé demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce que les premiers juges sont entrés en voie de condamnation à l’encontre de la Société Géothermique à hauteur de 40 % du coût des condamnations prononcées sous garantie de ses assureurs ;
– infirmer le jugement entrepris et dire que M. [H] [C] et son assureur ne sauraient être tenus qu’à hauteur de 10 % du coût des condamnations prononcées, la responsabilité de la société La Roche Taillée devant être portée à hauteur de 20 % du coût des condamnations ;
– infirmer le jugement entrepris sur les préjudices immatériels, en ce que c’est à tort que les premiers juges ont retenu la somme de 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;
– débouter par voie de conséquence la Sci Trama de ses demandes au titre du préjudice de jouissance ou les ramener à de bien plus justes proportions ;
– dire et juger en toute hypothèse que la compagnie Abeille Iard & Santé ne saurait être tenue que dans les limites de la police souscrite, notamment au regard de la franchise devant rester à la charge de son assuré et des plafonds de garantie régulièrement opposables ;
– condamner solidairement la société Géothermique et ses assureurs, les Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, la société La Roche Taillée et son assureur, la Smabtp, Mme [Z] et son assureur, la Maf, à relever et garantir intégralement M. [H] [C], son assureur, Abeille Iard & Santé, ou à tout le moins à hauteur de 90 % du montant des condamnations qui seraient mises à leur charge ;
– condamner la Sci Trama à rembourser à la compagnie Abeille Iard & Santé, nouvelle dénomination de la compagnie Aviva Assurances, la somme de
26 150,05 euros qui sera assortie des intérêts légaux à compter de la date de son versement, à savoir le 19 novembre 2019, et ce en exécution de l’ordonnance sur référé provision du 06 septembre 2019 ;
– condamner la société Géothermique ou tout succombant à régler à la compagnie Abeille Iard & Santé une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner tout succombant aux entiers dépens.
M. [H] [C] et Abeille Iard et Santé soutiennent que le seul grief formé à l’encontre de M. [C] consiste en une absence de mise en oeuvre des dispositions techniques destinées à prévenir l’apparition de fissurations, à savoir d’éventuels fractionnements et renforts. Ils expliquent que si l’expertise judiciaire considère que ce manquement aux prescriptions techniques du fabriquant est le fait de l’applicateur, M [C], il n’existe pas de lien de causalité entre celui-ci et les désordres. Ils ajoutent que l’expertise judiciaire n’établit pas de liens de causalité entre les autres non conformités imputées à M. [C] et le sinistre. Ils exposent que M. [C] a été en charge des travaux d’application d’une chape d’enrobage au droit du plancher chauffant et font valoir d’après l’expertise judiciaire que le temps de séchage entre la fin du coulage de la chape et la pose du revêtement de sol n’a pas été respecté et en concluent à la responsabilité principale de la Sarl La Roche Taillée et de Mme [Z]. Ils expliquent également, en s’appuyant sur l’expertise judiciaire, que l’absence de film et de mise en chauffe préalable du plancher engagent la responsabilité de la Sarl Géothermique. Ils déduisent de ce qui précède que la part de responsabilité imputable à M. [C] ne peut être que de 10 % au plus.
M. [C] et la Sa Abeille Iard Santé soutiennent que la Sci Trama ne rapporte pas la preuve de son préjudice immatériel.
Par ailleurs, ils sollicitent la garantie des intervenants à l’acte de construire dès lors que tous ont concouru au dommage.
Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2023, la Sarl La Roche Taillée et son assureur la Smabtp demandent à la cour, au visa des articles 1315 alinéa 1 ancien et 1382 ancien du code civil, 9 du code de procédure civile, de :
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 13 mars 2023 en ce qu’il condamne in solidum Mme [Z], les sociétés Géothermique, La Roche Taillée, M. [H] [C] et leurs assureurs respectifs, la Maf, Abeille venant aux droits d’Aviva, les Mutuelles du Mans Assurances et la Smabtp à payer à la Sci Trama la somme de 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance ;
– le confirmer pour le surplus ;
statuant à nouveau,
– limiter la part de responsabilité de la société la Roche Taillée à 10 % ;
– condamner M. [H] [C] et sa compagnie d’assurance, Abeille Iard & Santé, Mme [Z] et sa compagnie d’assurance, la Mutuelle des Architectes Français, la société Géothermique et ses compagnies d’assurance Mma Iard Sa et Mma Iard Assurances Mutuelles, à garantir la société La Roche Taillée et la Smabtp à hauteur de 90 % du montant des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre ;
– rejeter toutes demandes à l’encontre de la société La Roche Taillée et de la Smabtp ;
– condamner la société Géothermique, la société Sa Mma Iard et la société Sa Mma Iard Assurances Mutuelles à payer à chacune des sociétés La Roche Taillée et Smabtp la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Géothermique, la société Sa Mma Iard et la société Sa Mma Iard Assurances Mutuelles en tous les dépens de première instance et d’appel que la Selarl Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Sarl La Roche Taillée et la Smabtp soutiennent que le jugement a justement fixé la responsabilité de la société à 10 %, arguant de la responsabilité plus importante des autres intervenants à la construction au regard des manquements commis, et de l’ordre de gravité des causes à l’origine du dommage, explicités dans l’expertise judiciaire.
Sur le préjudice de jouissance de la Sci Trama, la Sarl La Roche Taillée et la Smabtp exposent que celle-ci ne démontre pas son préjudice, ni ne justifie qu’il est distinct de celui personnellement subi par ses associés.
Par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2023, la Sci Trama demande à la cour, sur le fondement des articles 1353, 1792 et suivants du code civil, L. 124-3, L. 124-5 du code des assurances, 329 du code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné in solidum la société La Roche Taillée, M. [H] [C], Mme [L] [Z], la Smabtp, la Société Aviva Assurances, la Maf, les Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles et la Sarl Géothermique à verser à la Sci Trama les sommes suivantes au titre de ses préjudices matériels et de jouissance, les désordres relevés par l’expert judiciaire rendant l’ouvrage litigieux impropre à sa destination :
. 79 600,50 euros Ht au titre des travaux de reprise de l’ouvrage retenus par l’expert judiciaire,
. 89 600 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 19 février 2020,
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il n’a pas fait droit aux autres demandes de la Sci Trama,
et statuant à nouveau,
– condamner in solidum la société La Roche Taillée, M. [H] [C], Mme [L] [Z], la Smabtp, la société Aviva Assurances, la Maf, les Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles et la société Géothermique à verser à la Sci Trama :
. 14.400,40 euros au titre des préjudices immatériels arrêtés au 19 février 2020,
. 30 000 euros au titre de son préjudice moral,
. 2 890,72 euros au titre des allers retours entre son domicile et la maison de [Localité 17],
. 15 120 euros au titre de l’entretien de ses chevaux arrêté au 19 février 2020,
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il n’a pas jugé mobilisables les garanties des Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles au titre des préjudices immatériels de la Sci Trama et, statuant à nouveau, condamner les Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à garantir intégralement la société Géothermique au titre de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
– condamner in solidum la société La Roche Taillée, M. [H] [C], Mme [L] [Z], la Smabtp, la société Aviva Assurances, la Maf, la Société Géothermique, les Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, des entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire avec distraction au profit de la Selarl Bourdon-Bart, avocat au barreau de Rouen, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Sur le caractère décennal des désordres, la Sci Trama soutient que la responsabilité de plein droit tirée des articles 1792 et suivants du code civil s’applique à l’espèce. En se fondant sur le rapport d’expertise judiciaire, elle expose que le caractère décennal des désordres n’est pas contestable, ajoutant qu’il n’a par ailleurs jamais été contesté par les défendeurs, sauf par les Mma dans leurs conclusions d’intimées alors qu’elles reconnaissent le caractère réel et incontestable du dommage à savoir la fissuration de la pierre posée au sol, et que tant le rapport d’expertise que le jugement ont retenu la nature décennale des désordres.
Sur le lien de causalité, la Sci Trama expose d’après le rapport d’expertise que six causes distinctes ont ensemble concouru aux désordres affectant l’ouvrage, dont la survenance est imputée à M. [H] [C] pour la mauvaise qualité du produit mis en oeuvre, l’absence de mesure d’étalement destinée à s’assurer de la bonne fluidité du mortier livré, l’absence de mise en oeuvre des dispositions techniques destinées à prévenir l’apparition de fissuration ; à la Sarl La Roche Taillée pour l’absence de contrôle d’humidité résiduelle de la chape avant la pose de revêtement, le non respect du délai de séchage de 7 jours minimums avant la pose de la pierre à partir de la mise en chauffe préalable du plancher chauffant ; à l’architecte Mme [Z] pour le non-respect du délai de séchage de 7 jours mentionné ; à la Sarl Géothermique pour l’absence de film polyéthylène sous l’isolant. Concernant cette dernière imputabilité, la Sci Trama dit que les Mma, assureurs de la Sarl Géothermique, se prévalent d’une documentation technique pour exciper de l’absence de nécessité du film en l’espèce, or, poursuit-elle, l’expert qui avait en sa possession ladite documentation a néanmoins retenu la responsabilité de la Sarl Géothermique, laquelle n’a jamais, avec ses assureurs, soulevé ce point au stade des opérations d’expertise.
La Sci Trama explique disposer d’un droit d’action directe à l’encontre des assureurs des locateurs d’ouvrage dont la responsabilité est engagée.
Soutenant la survenance d’un dommage unique, imputable à plusieurs coauteurs, et dont le comportement a concouru à la survenance dudit dommage, la Sci Trama sollicite la condamnation in solidum de la Sarl La Roche Taillée et de la Smabtp, de M. [H] [C] et de la Sa Aviva, de la Sarl Géothermique et de la Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles, de Mme [Z] et de la Maf.
Sur les préjudices subis, la Sci Trama évalue son préjudice matériel, avec l’expertise judiciaire préconisant la reprise des sols du rez de chaussée, et après descriptif des travaux à réaliser par architecte DPLG validé par l’expert et les défendeurs, à hauteur de 79 600,50 euros HT.
Sur son préjudice de jouissance, la Sci Trama indique que, eu égard à l’ampleur des désordres, son gérant M. [P] n’a jamais pu établir sa résidence principale dans la maison. Elle évalue selon documents relatifs au marché immobilier dans la région de [Localité 17], et portant sur le coût locatif d’une maison équivalente, son préjudice à hauteur de 2 000 euros par mois, que l’expert a finalement réduit à la somme de 1 600 euros mensuels, soit un total de 89 600 euros pour la période allant du 15 juin 2015 au 19 février 2020, date à laquelle les travaux réparatoires ont été terminés.
La Sci Trama indique que le préjudice est bien réel dès lors que l’ouvrage était inhabitable, et nonobstant la possibilité pour M. [P] d’être logé dans une autre propriété lui appartenant. La Sci Trama entend répondre à la Sas Géothermique soutenant que si elle devait être tenue à indemnisation d’un préjudice de jouissance, celui-ci ne pourrait être évalué qu’à compter du jour où elle a été informée de l’existence de désordres soit le jour de la délivrance de l’assignation en référé. La Sci Trama lui oppose qu’elle est à l’origine du trouble dès sa survenance, qu’elle n’a formulé aucune proposition de réparation amiable, qu’après plusieurs années de procédure elle conteste encore sa responsabilité et que l’acceptation d’une réparation spontanée en 2015 est sujette à caution.
Sur ses préjudices immatériels, la Sci Trama indique avoir été contrainte d’engager des frais qui n’auraient pas été engagés en l’absence de la présente procédure : taxe foncière au prorata temporis, énergie, eau, assurance habitation, télésurveillance, dépenses d’entretien, pour un montant total de 14 400,40 euros ; outre les aller-retours entre le domicile du gérant de la Sci Trama et la maison de Gouy pour assister aux opérations d’expertise judiciaire (2 890,72 euros), l’impossibilité de faire usage des écuries de la maison et d’y accueillir les chevaux de M. [P] (15 120 euros), le préjudice moral des époux [P] représentants de la Sci Trama dont le projet de vie a été contrarié par les désordres (30 000 euros).
La Sci Trama soutient que la garantie de ses préjudices immatériels et de jouissance par la Sa Mma Iard et la Sam Iard Assurances Mutuelles est mobilisable dès lors qu’elles ne démontrent pas ne plus être tenues de garantir la Sarl Géothermique. Elle fait valoir qu’il n’est pas établi que la garantie complémentaire facultative des Mma au titre des dommages immatériels consécutifs à un désordre de nature décennale n’est pas mobilisable en application de l’article L. 124-5 du code des assurances, dès lors qu’aucune information n’est donnée quant à la garantie de l’assureur leur succédant.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2024.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs et la garantie des assureurs
L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
En application de l’article 1792-1 du même code, est notamment réputé constructeur de l’ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.
Le rapport d’expertise judiciaire expose que les déformations des sols ont été causées par une surhydratation de la chape lors de son coulage ou une post-hydratation à un moment de sa phase de dessiccation lente, c’est-à-dire la phase d’élimination de l’humidité, entraînant un retrait de séchage non maîtrisé.
Il ressort du rapport que le désordre est dû à des anomalies de mise en oeuvre et à des non-conformités, ainsi qu’à une anomalie du comportement de la chape elle-même.
Il identifie six facteurs distincts ayant contribué au dommage, classés par ordre décroissant de gravité :
1- l’anomalie du produit mis en oeuvre par rapport aux caractéristiques de retrait affichées par le fabricant du liant ;
2- l’absence de contrôle de l’humidité résiduelle de la chape avant la pose des revêtements de sol ;
3- le non-respect du délai de séchage de sept jours minimum avant la pose de la pierre, d’une part, et la pose de la pierre avant la procédure de mise en chauffe progressive du plancher chauffant, d’autre part ;
4- l’absence de mesure d’étalement destinée à s’assurer de la bonne fluidité du mortier livré par la centrale ;
5- l’absence de mise en oeuvre des dispositions techniques destinées à prévenir l’apparition de fissuration (fractionnements et renforts) ;
6- l’absence de film polyéthylène sous l’isolant Efisol TMS.
– Sur la nature décennale des désordres
Seules la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles contestent le caractère décennal du désordre en litige, soit la déformation des sols du rez-de-chaussée de la maison de [Localité 17], indiquant que le rapport d’expertise judiciaire n’établit pas que l’ouvrage serait impropre à sa destination ou que sa solidité serait compromise.
Les travaux ont été réceptionnés le 14 novembre 2014. L’effet de purge n’est pas soulevé, étant établi que le désordre est apparu postérieurement à la réception.
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire du 10 avril 2019 que la maison que la Sci Trama a fait construire est devenue ‘inhabitable’ en raison des déformations des sols du rez-de-chaussée, l’expert ajoutant que le vice du sol’nuit gravement à l’habitabilité des lieux’, et de relever : ‘l’impossibilité d’ouvrir certaines portes et les déformations par courbure convexe des sols dans plusieurs pièces, représentent des défauts majeurs empêchant un usage normal des locaux et nuisent à la bonne assise du mobilier. En outre, les quelques fissurations désaffleurantes de la pierre présentent un risque de blessure ou de coupure au niveau des pieds’.
Au regard de ce qui précède, le désordre tenant aux déformations généralisées du sol en rez-de-chaussée n’étaient pas décelables au moment de la réception et caractérisent l’impropriété de l’ouvrage à sa destination d’habitation, de sorte que dénoncés dans le délai de garantie, ils relèvent de la garantie décennale des constructeurs.
– Sur la responsabilité de la Sarl Géothermique et la garantie de la Sa Mma Iard et de la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles
La Sarl Géothermique excipe de son absence de responsabilité en faisant valoir que seule lui est imputée, par l’expertise judiciaire, une contribution mineure à la survenance du dommage, en l’absence de film polyéthylène sous la chape du rez-de-chaussée, arguant en outre de l’absence de lien de causalité démontré entre la non-conformité considérée et le désordre constaté. Il convient par ailleurs de relever que M. [C] lui reproche l’absence de mise en chauffe du parquet chauffant.
Sur l’absence de film polyéthylène, le rapport d’expertise indique en réponse au dire n°1 du 15 mars 2019 que : ‘En effet, ce film prescrit pas Efisol joue le rôle de pare-vapeur, mais il empêche également l’eau contenue dans la chape de s’égoutter par le bas, l’obligeant à n’être évacuée que par évaporation. Cette absence de film étanche sous l’isolant d’un éventuel excès d’eau au moment du coulage et dans les jours qui ont suivi, favorisant ainsi sa phase de séchage, ce qui est plutôt favorable à la thèse, non pas d’une surhydratation du produit lors de son coulage, mais plutôt d’une post-hydratation lors d’une phase ultérieure de sa dessiccation’.
Il s’en déduit que l’absence de film facilite le séchage, et par là n’est pas un facteur concourant au comportement anormal de la chape entraîné par une hydratation excessive lors du coulage ou ultérieurement à celui-ci.
Dès lors, il n’est pas établi de lien de causalité entre ce manquement retenu par l’expert en dernière position des facteurs ayant concouru au dommage, et ledit dommage.
Il sera surabondamment noté que par courriel du 29 octobre 2019, l’expert judiciaire reconnaît à partir de la documentation technique relative à l’isolant sous lequel devait être apposé le film, que celui-ci n’était pas préconisé en l’espèce, et que dès lors son absence ne constitue pas même une non-conformité.
Sur l’absence de mise en chauffe préalable du parquet chauffant soulevée par M. [C], il n’est pas contesté que la Sarl Géothermique est intervenue sur le chantier avant la réalisation de la chape et la pose du revêtement de sol, de telle sorte qu’il n’est pas démontré qu’il lui appartenait d’opérer une mise en chauffe préalable, celle-ci ne pouvant être réalisée qu’après le coulage et avant la pose du carrelage.
En conséquence, en l’absence de lien de causalité établi entre les manquements allégués impliquant la Sarl Géothermique et la survenance du dommage, sa responsabilité ne peut être mise en oeuvre et la garantie de la Sa Mma Iard et de la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles n’est pas due.
Par arrêt infirmatif, il convient en conséquence de débouter la Sci Trama de toutes ses demandes à leur encontre.
– Sur les recours en garantie croisés des autres intervenants à la construction de l’ouvrage
Hormis l’appelante principale, la Sarl Géothermique, les autres constructeurs, parties à l’instance et leurs assureurs, ne contestent pas le principe de leur responsabilité décennale. Par voie d’appels incidents, ils critiquent uniquement le quantum de leurs responsabilités, tel qu’attribué en première instance.
Considérant la conjugaison des diverses fautes, de manière indissociable, dans la production du dommage, et l’obligation in solidum qui en résulte pour chacun des responsables de ce même dommage, ainsi que les recours en garantie de chacun des constructeurs et assureurs parties à l’instance à l’égard de tous, l’obligation doit faire l’objet d’un partage de responsabilité entre ses débiteurs en fonction de l’ampleur des fautes commises.
Par application de l’article 1382 ancien, 1240 nouveau, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
. Sur les fautes de la Sarl La Roche Taillée et de l’architecte maître d’oeuvre, Mme [Z]
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire, selon l’ordre de gravité établi des facteurs ayant contribué à la survenance du dommage que les n°2 et n°3 touchent à la pose du revêtement de sol, soit respectivement : l’absence de contrôle de l’humidité résiduelle de la chape avant la pose des revêtements de sol et le non-respect du délai de séchage de sept jours minimum avant la pose de la pierre, d’une part, et la pose de la pierre avant la procédure de mise en chauffe progressive du plancher chauffant, d’autre part.
D’après le rapport d’expertise, l’absence de contrôle d’humidité résiduelle est imputable au poseur de pierre, la Sarl La Roche Taillée à laquelle il appartenait de vérifier la teneur résiduelle en eau du support de son matériau avant d’intervenir. La Sarl La Roche Taillée ne conteste pas cette analyse.
Il en va de même du non-respect du délai de séchage de sept jours minimum avant la pose de la pierre, manquement également imputables à la Sarl La Roche Taillée, mais aussi à l’architecte maître d’oeuvre, Mme [Z].
En effet, par contrat d’architecte du 8 juin 2013, Mme [Z] était chargée d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre pour la construction de la maison individuelle de [Localité 17].
Il est notamment prévu au contrat que : ‘l’architecte est chargé de la mission normale de maîtrise d’oeuvre telle que définie […] s’y ajoutent les missions complémentaires suivantes : assistance pour l’établissement du programme ; assistance pour phases administratives particulières ; devis quantitatif et devis estimatif détaillé ; documents pour l’exécution des ouvrages ; ordonnancement et planification’.
Mme [Z] entend rappeler que l’architecte n’est pas conducteur de travaux et n’est pas tenu à une présence constante sur le chantier.
Cependant, sa mission de maîtrise d’oeuvre et plus précisément, aux termes du contrat, celle d’ordonnancement et de planification lui imposait de maîtriser la chronologie des interventions des entreprises sur le chantier, et par là de veiller au respect des prescriptions techniques directement liées au calendrier, en l’espèce le délai de séchage de sept jours.
Il s’en suit que la responsabilité de Mme [Z] doit être retenue en considération de ce manquement contractuel dans son entier.
. Sur la faute de M. [H] [C]
Aux termes du rapport d’expertise judiciaire, les facteurs contribuant n°4 et n°5 ont trait à la réalisation de la chape dont l’applicateur était M. [C], il s’agit respectivement de : l’absence de mesure d’étalement destinée à s’assurer de la bonne fluidité du mortier livré par la centrale et de l’absence de mise en oeuvre des dispositions techniques destinées à prévenir l’apparition de fissuration (fractionnements et renforts).
Il sera adoptée l’argumentation du rapport d’expertise qui conclut que l’absence de mesure d’étalement est une non-conformité relevant de la responsabilité de M. [C], et que l’absence de mise en oeuvre des dispositions techniques destinées à prévenir l’apparition de fissuration, est un manquement de l’applicateur de la chape, M. [C], aux prescriptions techniques du fabricant.
. Sur les recours en garantie
Au regard des éléments sus-adoptés et du classement par ordre décroissant de gravité que l’expert judiciaire propose, dans les rapports entre les constructeurs engageant leur responsabilité décennale, eu égard à la gravité de leurs fautes respectives, il convient, par arrêt infirmatif, de ventiler leur responsabilité in solidum à l’égard de la Sci Trama dans les proportions suivantes :
– la Sarl La Roche Taillée et la Smabtp qui ne conteste pas sa garantie : 50 % ;
– Mme [Z] et la Maf qui ne conteste pas sa garantie : 30 % ;
– M. [H] [C] et la Sa Abeille Iard & Sante qui ne conteste pas sa garantie : 20 %.
Le jugement entrepris sera donc infirmé.
Sur l’indemnisation des préjudices
– Sur le dommage matériel
Il convient en premier lieu de relever que la somme provisionnelle correspondant aux travaux de reprise chiffrés par l’expert judiciaire, allouée à la Sci Trama par ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 6 septembre 2019, soit 79 600,20 euros HT, est acquise et la réalité du dommage ne fait l’objet d’aucune contestation.
La Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles, sollicitent la restitution de la somme globale de 26 701,72 euros, payée à titre provisionnel en exécution de l’ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 6 septembre 2019, avec intérêts aux taux légal à compter de l’assignation.
L’obligation de restitution visée relève de l’exécution du présent arrêt de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.
En revanche, il convient de débouter la Sa Abeille Iard & Santé de sa demande tendant à condamner la Sci Trama à lui rembourser la somme de 26 150,05 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date de son versement, à savoir le 19 novembre 2019, et ce en exécution de l’ordonnance sur référé provision du 6 septembre 2019, puisque son obligation à la dette est confirmée par la présente décision.
En conséquence, par arrêt infirmatif, il convient de condamner in solidum la Sarl La Roche Taillée, la Smabtp, Mme [Z], la Maf, M. [C] et la Sa Abeille Iard & Santé à payer à la Sci Trama la somme de non contestée de 79 600,20 euros au titre des travaux de reprise. Dans leurs rapports entre eux, cette condamnation sera répartie comme suit :
– la Sarl La Roche Taillée et la Smabtp qui ne conteste pas sa garantie : 50 % ;
– Mme [Z] et la Maf qui ne conteste pas sa garantie : 30 % ;
– M. [H] [C] et la Sa Abeille Iard & Sante qui ne conteste pas sa garantie : 20 %.
– Sur les dommages immatériels
. Sur le préjudice de jouissance
Sur la demande de restitution formée par la Sarl Géothermique au titre des sommes versées en vertu du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire, le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de ladite décison. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.
La Sci Trama se prévaut d’un préjudice de jouissance résultant de l’impossibilité pour M. [P], son gérant, d’établir sa résidence principale dans la maison de [Localité 17]. Elle conclut avec le rapport d’expertise judiciaire à un préjudice évalué à
1 600 euros par mois, d’après une estimation reposant sur le coût d’une location d’une maison équivalente dans la région. La Sci Trama fait courir son préjudice du 15 juin 2015, date de l’apparition du désordre, jusqu’à la date de réception des travaux de reprise le 19 février 2020, soit un total de 89 600 euros, conformément à ce qui a été retenu par les premiers juges.
C’est à juste titre que les premiers juges ont validé les conclusions du rapport d’expertise judiciaire en retenant une valeur locative de 1 600 euros par mois et un préjudice de jouissance à compter du 15 juin 2015, date de la manifestation du désordre ayant rendue l’immeuble impropre à sa destination. De même, c’est de façon pertinente qu’ils ont considéré que ce désordre a cessé à la réception des travaux de reprise le 19 février 2020.
En revanche, compte tenu de la gravité du désordre empêchant l’occupation du rez-de-chaussée de la maison d’habitation, et en l’absence d’éléments probants sur la destination de cet immeuble devant servir de résidence principale, il convient, par arrêt infirmatif, de plus justement indemniser le nécessaire préjudice de jouissance subi par la Sci Trama à hauteur de 10 % de la valeur locative du bien sur la période allant du 15 juin 2015 au 19 février 2020, soit la somme de 8 960 euros.
. Sur les autres préjudices
La Sci Trama sollicite le paiement de dommages et intérêts pour les préjudices suivants :
– préjudice immatériel au titre de la privation de jouissance du bien (taxe foncière au prorata temporis, énergie, eau, assurance habitation, télésurveillance, dépenses d’entretien ) pour un montant total de 14 400,40 euros,
– préjudice moral : 30 000 euros,
– allers-retours entre le domicile de M. [P] et le maison de [Localité 17] :
2 890,72 euros,
– entretien des chevaux arrêtés au 19 février 2020 : 15 120 euros.
En l’absence de productions de justificatifs établissant la réalité de ces dépenses et en tout état de cause, en l’absence de preuve que ces frais ont été supportés la Sci Trama et non par ses associés à titre personnel, c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ces demandes indemnitaires. Il en est de même de la demande présentée au titre du préjudice moral qui recouvre uniquement le préjudice subi par les associés de la Sci Trama.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
Il convient de faire masse des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et de dire qu’ils seront supportés dans les proportions suivantes :
– 50 % pour la Sas La Roche Taillée et la Smabtp,
– 30 % pour Mme [Z] et la Maf,
– 20 % pour M. [H] [C] et la Sa Abeille Iard & Santé
avec distraction au profit de Me Florence Delaporte Janna, de la Selarl Gray Scolan et de Selarl Bourdon-Bart conformément à l’application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Sci Trama et de la Sarl Géothermique à concurrence de la somme de 5 000 euros, de la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles à concurrence de 3 000 euros, pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel. Cette condamnation sera supportée par les parties obligées aux dépens dans les mêmes proportions.
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la Sci Trama du surplus de ses demandes indemnitaires,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la Sci Trama de toutes ses demandes à l’encontre de la Sarl Géothermique et de ses assureurs, la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles,
Condamne in solidum la Sarl La Roche Taillée, la Smabtp, Mme [Z], la Maf, M. [C] et la Sa Abeille Iard & Santé à payer à la Sci Trama les sommes suivantes :
– 79 600,20 euros au titre des travaux de reprise,
– 8 960 euros au titre du préjudice de jouissance,
– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,
et à payer :
– à la Sarl Géothermique la somme de 5 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,
– à la Sa Mma Iard et la Sam Mma Iard Assurances Mutuelles la somme de
3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,
Dit que dans leurs rapports entre eux, ces condamnations seront réparties dans les proportions suivantes :
– la Sarl La Roche Taillée et la Smabtp : 50 % ;
– Mme [Z] et la Maf : 30 % ;
– M. [H] [C] et la Sa Abeille Iard & Santé : 20 % ;
Dit que la Sa Abeille Iard & Santé est tenue dans les limites de la police souscrite ;
Déboute les parties du surplus des demandes ;
Fait masse des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dit qu’ils seront supportés dans les proportions suivantes :
– 50 % pour la Sas La Roche Taillée et la Smabtp,
– 30 % pour Mme [Z] et la Maf,
– 20 % pour M. [H] [C] et la Sa Abeille Iard & Santé,
ces parties étant condamnées à les payer, avec distraction au profit de Me Florence Delaporte Janna, de la Selarl Gray Scolan et de Selarl Bourdon-Bart conformément à l’application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,