La SCI LE TREFLE a construit un bâtiment pour un cabinet de kinésithérapie entre 2007 et 2008, avec l’EURL ECR MONTANO responsable des travaux de gros œuvre. Une étude de sol a été réalisée par la SAS TEMSOL, sous-traitée à la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE. Bien qu’aucun procès-verbal de réception n’ait été établi, la prise de possession a eu lieu le 1er décembre 2008, date à laquelle un bail professionnel a été signé. En 2012, une extension du bâtiment a été réalisée par la SAS TRAVAUX AQUITAINS, avec la société BORDELAISE d’ÉTANCHÉITÉ en sous-traitance pour l’étanchéité.
Des fissures sont apparues sur le bâtiment à partir de 2018, conduisant la SCI LE TREFLE et d’autres parties à intenter une action en justice contre plusieurs entreprises et leurs assureurs. Une expertise a été ordonnée, et un rapport a été déposé en novembre 2021. Les demandeurs réclament des réparations pour préjudices matériels et immatériels, tandis que les défendeurs, dont la SA MAAF ASSURANCES et la SAS TRAVAUX AQUITAINS, contestent les demandes et cherchent à limiter leur responsabilité. Les parties ont formulé diverses demandes de condamnation et de garantie, ainsi que des demandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Une ordonnance de clôture a été prononcée en septembre 2023. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 2024
54G
N° RG 18/10329
N° Portalis DBX6-W-B7C- S3TX
Minute n°2024/
AFFAIRE :
SCI LE TREFLE
SCM TERNICES MANUS
[Y] [L]
[W] [B] [I]
[C] [R]
C/
SMABTP
SAS SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE
SA AXA FRANCE IARD
SA MAAF ASSURANCES
SAS TEMSOL
SAS TRAVAUX AQUITAINS
SELARL MALMEZAT PRAT LUCAS DABADIE
Grosse Délivrée
le :
à
Me Jean-Jacques BERTIN
Me Béatrice DEL CORTE
Me Olivia ETCHEBERRIGARAY
SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL
SELARL GALY & ASSOCIÉS
1 copie Monsieur [O] [J], expert judiciaire
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7ème Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Madame PINAULT, Juge,
Lors des débats et du prononcé :
Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier
DEBATS :
à l’audience publique du 28 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024,
JUGEMENT :
Réputé Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS
SCI LE TREFLE
[Adresse 8]
[Adresse 8]
représentée par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
SCM TERNICES MANUS
[Adresse 8]
[Adresse 8]
représentée par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
Monsieur [Y] [L]
né le 09 Juin 1975 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
représenté par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [W] [B] [I]
née le 28 Avril 1974 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
Monsieur [C] [R]
né le 07 Septembre 1975 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Béatrice DEL CORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSES
SMABTP en sa qualité d’assureur RC et garantie décennale de GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE
[Adresse 10]
[Adresse 10]
représentée par Me Jean-Jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Olivia ETCHEBERRIGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX
SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d’assureur de la SAS TRAVAUX AQUITAINS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Me Eve DONITIAN de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX
SA MAAF ASSURANCES en sa qualité d’assureur garantie décennale de ECR MONTANO
[Adresse 13]
[Adresse 13]
représentée par Me Blandine FILLATRE de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS TEMSOL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Jean-Jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS TRAVAUX AQUITAINS
[Adresse 11]
[Localité 7]
représentée par Me Eve DONITIAN de la SCP EYQUEM BARRIERE DONITIAN CAILLOL, avocat au barreau de BORDEAUX
SELARL MALMEZAT PRAT LUCAS DABADIE agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
défaillante
Au cours des années 2007-2008, la SCI LE TREFLE a fait procéder à la construction d’un bâtiment à usage professionnel de cabinet de kinésithérapie, situé à [Localité 15].
L’EURL ECR MONTANO, aujourd’hui radiée du registre du commerce et des sociétés, et assurée auprès de la SA MAAF ASSURANCES, a été chargée du lot terrassement, fondations, gros œuvre.
Une étude de sol et étude fondation/dallage a été confiée par l’EURL ECR MONTANO à la SAS TEMSOL qui a sous-traité à la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE, aujourd’hui en liquidation judiciaire, et assurée auprès de la SMABTP l’étude de sol G11.
Aucun procès-verbal de réception n’a été établi mais une prise de possession a toutefois eu lieu le 1er décembre 2008.
A cette date, les locaux ont fait l’objet d’un bail professionnel conclu entre la SCI LE TREFLE et la SCM TERNICES MANUS.
En 2012, la SCI LE TREFLE a confié à la SAS TRAVAUX AQUITAINS, assurée auprès de la SA AXA FRANCE IARD, l’extension du bâtiment initial.
Dans le cadre de ces travaux, la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE a été chargée par la société TRAVAUX AQUITAINS de la sous-traitance du lot étanchéité.
L’ouvrage a été réceptionné le 14 février 2013, assorti de réserves étrangères au présent litige.
Se plaignant en juin-juillet 2018 de l’apparition de fissures extérieures affectant la partie initiale de l’immeuble, puis la partie de l’extension et enfin de la survenance de fissures intérieures, par acte des 12 et 14 novembre 2018, la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, monsieur [Y] [L], madame [W] [I] et monsieur [C] [R], kinésithérapeutes exerçant au sein des locaux, ont saisi le tribunal de grande instance de BORDEAUX d’une action indemnitaire dirigée contre la SA MAAF ASSURANCES, la SAS TEMSOL, la SELARL MALMEZAT PRAT LUCAS DABADIE mandataire liquidateur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE et la SAS TRAVAUX AQUITAINS.
La procédure a été ultérieurement étendue à la SMABTP, la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE (SBE) et la SA AXA FRANCE IARD.
Par ordonnance du 02 juillet 2019, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise confiée à monsieur [O] [J].
Le 11 décembre 2020, le Juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer.
L’expert a déposé son rapport le 10 novembre 2021.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 08 août 2023, la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, monsieur [Y] [L], madame [W] [I] et monsieur [C] [R] demandent au tribunal :
-”de condamner in solidum la SMABTP es qualité d’assureur de la société GEOTECHNIQUE ATLANTIQUE, la société TRAVAUX AQUITAINS et son assureur AXA France IARD, la société TEMSOL, la société ECR MONTANO et son assureur la MAAF assurances SA, et la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE à réparer l’entier préjudice matériel, par le versement au profit de la SCI LE TREFLE de la somme de 124 732,13 euros TTC et ce avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 12 novembre 2018 ,
-de condamner en tout état de cause, in solidum, la société TRAVAUX AQUITAINS, la société TEMSOL, la société ECR MONTANO et la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE à réparer l’entier préjudice immatériel, par le versement au profit des demandeurs de la somme totale de 12 230,01 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2018, se décomposant comme suit :
Pour la SCM TERNICES MANUS la somme de 7 830 euros,
Pour la SCI LE TREFLE la somme de 769,51 euros,
Pour Monsieur [L] la somme de 3630,50 euros
Ordonner sur ladite somme de 12 230,01 euros, la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil.
-condamner in solidum, la SMABTP, SA MAAF ASSURANCES, SAS TEMSOL, SAS TRAVAUX AQUITAINS, AXA France IARD et SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE à leur verser la somme de 11 295,26 € TTC au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire et le constat d’huissier dressé par Maître Jean-Marie DULAURENS, avec, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile distraction au profit de Maitre Del Corte avocat.”
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 07 juillet 2023, la SA MAAF ASSURANCES demande au tribunal de :
-Débouter la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, Monsieur [L], Madame [I] et Monsieur [R] de toutes leurs demandes formulées contre la SA MAAF ASSURANCES,
-Condamner la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, Monsieur [L], Madame [I] et Monsieur [R] à régler à la concluante la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
– Juger qu’il ne saurait être mis à la charge de la SA MAAF ASSURANCES plus de 25% des travaux de reprise des fondations de la partie existante évalués à 24 004.97 € HT et des façades Est et Ouest du bâtiment initial évalués à 9 895 € HT et rejeter toute demande plus ample ou contraire formulée contre la SA MAAF ASSURANCES.
En tout état de cause,
-Rejeter les demandes formulées au titre des façades non sinistrées et des préjudices immatériels,
-Condamner la société TRAVAUX AQUITAINS, AXA France IARD, la société TEMSOL et la SMABTP, assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE à relever indemne la SA MAAF ASSURANCES de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
-Juger la SA MAAF ASSURANCES fondée à opposer à tous sa franchise contractuelle en matière de garanties facultatives qui s’élève à 10 % du montant des dommages avec un minimum de 892 € et un maximum de 1 787 €.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 06 juillet 2023, la SAS TRAVAUX AQUITAINS et son assureur la SA AXA France IARD demandent au tribunal :
-de débouter la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, Monsieur [Y] [L], Madame [W] [I] et Monsieur [C] [R] de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société TRAVAUX AQUITAINS et AXA FRANCE IARD.
-subsidiairement de condamner la SA MAAF ASSURANCE es qualité d’assureur de la société ECR, la société TEMSOL, la SMABTP es qualité d’assureur de la société GTA et la société BORDELAISE D’ETANCHEITE à garantir et relever indemne la société TRAVAUX AQUITAINS et la société AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à leur encontre.
-en toute hypothèse, de limiter à la somme de 88.692,30 € HT les sommes allouées aux requérants au titre de la réparation des dommages matériels et de rejeter toute demande au titre des préjudices immatériels.
-autoriser AXA FRANCE IARD à opposer ses franchises contractuelles.
à la société TRAVAUX AQUITAINS : la franchise de la garantie décennale d’un montant revalorisable de 10.460 €.
aux bénéficiaires de l’indemnité la franchise de la garantie dommages immatériels d’un montant de 1.850 €
-condamner toute partie succombante au paiement d’une indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
N° RG 18/10329 – N° Portalis DBX6-W-B7C-S3TX
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 06 juillet 2023, la société TEMSOL et la SMABTP es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE demandent au tribunal de
-rejeter toute demande de condamnation in solidum
-rejeter toute demande formée au titre des salissures en façade, exclusivement imputables à la société SBE,
– Juger que la société TEMSOL et la société GTA n’ont commis aucune faute dans l’exercice de leur mission,
– Juger en tout état de cause qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les reproches formulés contre la société TEMSOL et la société GTA et les désordres litigieux,
– Débouter en conséquence la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, Monsieur [Y] [L], Madame [W] [I] et Monsieur [C] [R] ou toute autre partie de l’ensemble des demandes formées contre la société TEMSOL et la SMABTP es qualité d’assureur de la société GTA,
A titre subsidiaire,
– Juger que les sommes éventuellement allouées aux requérants ne pourront excéder celle de 87.619,73 € HT,
– Rejeter toute autre demande, notamment la demande formée au titre des façades non affectée de désordres et la demande formée au titre des préjudices immatériels,
– Condamner in solidum la MAAF, la société TRAVAUX AQUITAINS et son assureur, AXA FRANCE IARD à relever indemne la société TEMSOL et la SMABTP de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à leur encontre.
En tout état de cause :
– Condamner in solidum la SCI LE TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, Monsieur [Y] [L], Madame [W] [I] et Monsieur [C] [R] ou toute autre partie succombante, à payer à la société TEMSOL et à la SMABTP une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2023, la société bordelaise d’étanchéité demande au tribunal de :
-débouter la SCI Le TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, M. [L], Mme [T] et M. [R] de leurs demandes de condamnation in solidum formulées contre la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE,
-juger que la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE ne saurait être tenue à verser une somme supérieure à 1.002,40 € aux requérants en réparation des couvertines,
-condamner la société TEMSOL et son assureur, la SMABTP, la MAAF, la SAS TRAVAUX AQUITAINS et son assureur, la SA AXA France IARD, à relever indemne la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE de toute condamnation prononcée contre elle,
-débouter la SCI Le TREFLE, la SCM TERNICES MANUS, M. [L], Mme [T] et M. [R] du surplus de leurs demandes formulées à l’encontre de la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE,
-débouter toute partie de toute demande formulée à l’encontre de la SOCIETE BORDELAISE D’ETANCHEITE,
-condamner toute partie succombante au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code civil ainsi qu’aux entiers dépens,
Régulièrement assignée par remise de l’acte à personne se déclarant habilitée, la SELARL MALMEZAT PRAT LUCAS DABADIE n’a pas constitué Avocat.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 08 septembre 2023.
A titre liminaire, il sera relevé que les requérants sollicitent la condamnation de la société ECR MONTANO qui n’est pas partie à la procédure, si bien que cette demande est irrecevable par application de l’article 14 du Code de procédure civile.
I/ Sur les demandes d’indemnisation
A/ Au titre du préjudice matériel
L’article 1792 du Code civil dispose que «Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination».
Il pèse sur les constructeurs, en ce qui concerne seulement les désordres affectant les ouvrages réalisés par leurs soins, une présomption simple d’imputabilité, susceptible de tomber devant la preuve contraire, apportée par tous moyens, que leur activité est étrangère aux travaux qui constituent le siège des désordres.
Si les dommages invoqués ne revêtent pas un caractère décennal, le maître de l’ouvrage peut rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun, prévue par l’article 1231-1 du Code civil qui dispose notamment que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure », étant rappelé que ce recours de nature contractuelle impose de rapporter l’existence d’un manquement, d’un préjudice et d’un lien causal.
Enfin, en l’absence de lien contractuel avec le maître de l’ouvrage, la responsabilité du sous-traitant à son égard peut quant à elle être recherchée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, qui impose la preuve d’une faute de sa part en lien direct et certain avec le dommage, la dite faute pouvant résulter de la mauvaise exécution du contrat de sous-traitance.
C’est à la lumière de ces règles que doivent être examinées les prétentions des requérants, lesquelles devront également, ainsi que cela est demandé à juste titre par les défendeurs, être distinguées en fonction de chacun des désordres relevés par l’expert judiciaire.
1°) Sur les désordres, leur nature et leur qualification
L’expert a constaté deux catégories de désordres qu’il convient d’examiner successivement.
* Il a tout d’abord relevé la présence de nombreuses fissures en soubassement et sur la majeure partie des façades tant sur le bâtiment d’origine que sur l’extension, ainsi que des fissures intérieures.
Il a conclu, après pose de fissuromètres et relevés, que ces fissures sont évolutives et sont « suffisamment importantes, notamment sur la façade EST, pour que le caractère d’atteinte générale à la solidité du bâtiment soit retenu » (page 35 du rapport).
Il est en outre constant que ces fissures sont apparues après la réception tacite de décembre 2008 pour le bâtiment initial et après la réception expresse de février 2013 pour l’extension.
Il ressort des constatations de l’expert, qui ne souffrent d’aucune contestation sérieuse, que les fissures, en ce qu’elles affectent la solidité du bâtiment, présentent un caractère décennal, ce qui n’est d’ailleurs discuté par aucun des défendeurs.
A la suite de ses investigations, et après avoir relevé que le bâtiment repose sur un sol argileux, sensible au phénomène retrait gonflement des sols, l’expert a attribué ces fissures à la conjonction de plusieurs facteurs :
-une inadaptation des fondations initiales dont la profondeur est insuffisante pour permettre une mise hors dessiccation.
-une mauvaise réalisation des fondations de l’extension dont une partie repose sur l’existant : les fondations de l’existant reprennent donc des charges supplémentaires non prévues dans leurdimensionnement, ce qui entraîne un poinçonnement du sol et donc des mouvements différentiels et un affaissement de la zone.
L’expert a enfin estimé que le groupement TEMSOL/GTA chargé de l’étude de sol lors de la construction du bâtiment initial avait réalisé des investigations incomplètes car ne prenant pas en compte une analyse de la carte géologique du secteur sur laquelle des phénomènes liés à des problèmes d’argile gonflante avaient déjà été recensés.
*En second lieu, l’expert a constaté d’importantes salissures sur la façade Nord de l’extension, ainsi que des décollements d’enduit, qu’il attribue à un débord insuffisant des couvertines, trop proches du mur, ce qui ne permet pas d’éviter les ruissellements le long de la paroi.
L’expert a expliqué en page 53 de son rapport que cette façade était également soumise à des tassements en lien avec le vice de fondation et que les fissures en découlant ont ainsi favorisé les décollements d’enduit, même si l’origine de ces derniers provient surtout d’une humidité trop importante du mur .
L’expert a écrit en page 32 que les coulures “peuvent“ provoquer des infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment, notamment aux endroits où des fissures sont présentes.
Cependant, il ressort de son rapport qu’en réalité aucune infiltration à l’intérieur du bâtiment n’a été constatée et que le désordre affectant la façade Nord consiste seulement en des salissures ainsi qu’à de rares décollements d’enduit localisés au niveau des fissures.
Par conséquent, ce désordre affectant la façade, apparu après réception, ne présente qu’un caractère esthétique (ce qui est d’ailleurs admis par l’ensemble des parties) et entre, à ce titre, dans la catégorie des dommages intermédiaires qui engagent la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs à condition de démontrer à leur encontre un manquement qui soit la cause du dommage.
2°) Sur le chiffrage des réparations
La SCI LE TREFLE sollicite la condamnation in solidum de l’ensemble des défendeurs au paiement d’une somme de 124.732,13 € TTC correspondant selon elle au coût des travaux de reprise des désordres tels que chiffrés par l’expert judiciaire.
Or, outre le fait qu’elle ne peut qu’obtenir une somme HT, ayant expressément reconnu être assujettie à la TVA, monsieur [J], a chiffré à la somme de 88.692,30 € HT les travaux correspondant à la stricte reprise des désordres, incluant des frais de maîtrise d’oeuvre au taux de 7 % et décomposée comme suit :
DESCRIPTION MONTANT H.T
1 Reprise sinistre fondation partie extension de 2012 : 36 322,22 €
2 Reprise sinistre fondation partie initiale de 2008 : 24 004,97 €
3 Total reprise des façades sinistrées bâtiments de 2008 et 2012 20 848,25 €
-façades est et ouest bâtiment initial : 9 898,19 €
-façades est et ouest de l’extension : 3 535,82 €
-façade nord de l’extension : 7 414,24 €
4 Reprise des embellissements intérieurs bâtiment de 2012 6 444,29 €
5 Réfection des couvertines bâtiment de 2012 1 072,57 €
Il est vrai que l’expert judiciaire a également chiffré des travaux optionnels au titre de la reprise des façades non sinistrées pour un montant de 14.178,58 € HT correspondant à l’application d’une peinture I3.
L’expert reconnaît que la reprise des façades non affectées de désordres ne correspond pas à des travaux de remise en état mais précise que ces remises en peinture «ont été chiffrées pour que l’aspect esthétique général du bâtiment soit conservé, et ce, notamment pour la façade SUD car elle correspond à la façade que voient les patients quand ils arrivent sur le site». (rapport page 95).
Or, aucun désordre n’a été constaté sur la façade Nord du bâtiment initial et la façade Sud de ce même bâtiment dispose d’un habillage par lames bois, la rendant esthétiquement très différente des autres façades.
Dès lors, rien ne justifie, sauf à créer un enrichissement sans cause, que les façades Sud et Nord de la partie initiale fassent l’objet de travaux de reprise.
Enfin, s’agissant de la réfection des couvertines, l’expert a déclaré recevable la proposition de la société SBE en cours d’expertise, d’un montant de 1.002,40 € HT.
Ainsi, c’est une somme totale de 88.622,13 € HT qui sera allouée à la SCI LE TREFLE en réparation de son préjudice matériel consécutif aux deux catégories de désordres, avec comme demandé, indexation sur l’indice BT 01 à compter du 12 novembre 2018, date de délivrance de l’assignation au fond, jusqu’au présent jugement.
3°) Sur les responsabilités
La SCI LE TREFLE sollicite la condamnation in solidum de l’ensemble des défendeurs (co-contractants et leurs sous-traitants) à réparer son entier préjudice matériel sans distinguer les désordres dont ils sont susceptibles d’être à l’origine.
Or, il ne peut y avoir de condamnation in solidum que s’il est établi que les responsables ont tous contribué à causer indissociablement un même dommage et que ce dommage est imputable aux travaux dont ils avaient la charge.
Il ressort des pièces contractuelles versées aux débats que lors de la construction du bâtiment initial c’est la société ECR MONTANO (aujourd’hui radiée et assurée par la SA MAAF ASSURANCES) qui a eu la charge de réaliser les fondations, après avoir sous-traité à la société TEMSOL la réalisation d’une étude de sol G11, la société TEMSOL ayant à son tour sous-traité l’interprétation des sondages à la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE (GTA), assurée auprès de la SMABTP, tandis que c’est la société TRAVAUX AQUITAINS (assurée par AXA) qui a réalisé les travaux d’extension, en sous-traitant à la SAS SBE le lot étanchéité.
Il ressort également des pièces versées aux débats et des déclarations des parties en cours d’expertise que la société TRAVAUX AQUITAINS a exploité les études de sol réalisées par le groupement TEMSOL/GTA pour réaliser les fondations de la partie extension de la construction, sans en demander de nouvelles.
Compte tenu des conclusions techniques non sérieusement contestables de l’expert et du caractère décennal du désordre relatif aux fissures, lequel affecte tant le bâtiment initial que l’extension, les sociétés ECR MONTANO et TRAVAUX AQUITAINS engagent leur responsabilité de plein droit à l’égard de la SCI LE TREFLE.
Cependant, la société ECR n’a pas été chargée de la réalisation de l’extension et l’expert a précisé en page 113 de son rapport : « L’affaissement des fondations de la partie extension sur la construction initiale a pour moi, un effet largement déclencheur du phénomène de tassement naturel qui aurait pu affecter cette façade du bâtiment construit en 2008 par la société MONTANO. Il est certain que les fissures sur la partie initiale seraient bien moindres voire inexistantes, si le joint de dilatation avait été réalisé correctement par la société TRAVAUX AQUITAINS, au niveau des fondations».
N° RG 18/10329 – N° Portalis DBX6-W-B7C-S3TX
Il ressort de ces conclusions non sérieusement critiquables que si la société TRAVAUX AQUITAINS doit répondre des fissures affectant l’ensemble des bâtiments, les désordres affectant l’extension ne sont pas imputables à la société ECR MONTANO.
Ainsi, la société TRAVAUX AQUITAINS sur le fondement de l’article 1792 du Code civil d’une part, et la SA AXA (qui ne dénie pas sa garantie), sur le fondement de l’article L.124-3 du Code des assurances d’autre part, seront donc in solidum condamnées à réparer les désordres affectant l’ensemble des bâtiments, alors que la condamnation in solidum avec elles de la SA MAAF (assureur décennal de la société ECR MONTERO qui ne dénie pas sa garantie), ne portera que sur les désordres affectant le bâtiment initial.
Recherchés au titre de leur responsabilité délictuelle, les sous-traitants, TEMSOL et la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE (GTA) par le biais de son assureur, la SMABTP, soutiennent qu’ils n’ont commis aucune faute eu égard au caractère sommaire et limité de la mission G11 qui leur a été confiée, laquelle appelait nécessairement des investigations complémentaires.
Or, en réponse aux dires déposés en cours d’expertise, l’expert, bien que conscient du caractère sommaire de la mission confiée au bureau d’études, a rappelé que néanmoins, dans le cadre de cette mission, il doit être réalisé une enquête documentaire sur le cadre géotechnique du site et une première identification des risques. En ne citant pas les arrêtés CATNAT affectant la Commune, le bureau d’études a ainsi privé le maître d’ouvrage d’une information documentaire de base, pourtant indispensable permettant d’orienter les investigations et les précautions à engager pour les travaux de fondation.
En outre, l’expert a souligné le fait que le bureau d’étude a mal interprété le sondage PD1.
Ainsi, quand bien même des investigations complémentaires étaient nécessaires, le groupement TEMSOL/GTA n’a pas rempli correctement sa mission, en ce qu’il n’a pas alerté sur le type de fondations le plus adapté à la nature du terrain.
Les sociétés TEMSOL et GTA ont donc contribué elles aussi à l’apparition du désordre relatif aux fissures affectant tant le bâtiment initial que l’extension et seront à ce titre condamnées in solidum avec les autres constructeurs sur le fondement de l’article 1240 du Code civil à réparer le préjudice matériel de la SCI LE TREFLE relatif aux fissures.
En conclusion, s’agissant des désordres affectant le bâtiment initial, le tribunal condamnera in solidum la SA MAAF, la société TRAVAUX AQUITAINS, son assureur AXA, la société TEMSOL, et la SMABTP (es-qualité d’assureur de GTA) à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 33.903,16 € décomposée comme suit :
-la somme de 24 004,97 € au titre de la reprise sinistre des fondations,
-la somme de 9 898,19 € au titre de la reprise des façades est et ouest,
S’agissant des désordres affectant l’extension réalisée en 2012, le tribunal condamnera in solidum, la société TRAVAUX AQUITAINS, AXA, la société TEMSOL, et la SMABTP à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 46.302,33 € décomposée comme suit :
-la somme de 36 322,22 € au titre de la reprise des fondations,
-la somme de 6 444,29 € au titre de la reprise des embellissements intérieurs, -la somme de 3 535,82 € au titre de la reprise des façades est et ouest.
En revanche, la société SBE, laquelle n’est intervenue en qualité de sous-traitant de la société TRAVAUX AQUITAINS que pour le lot étanchéité de l’extension et à laquelle l’expert n’impute que le désordre de salissures de la façade NORD, par une mauvaise réalisation des couvertines, ne saurait être condamnée in solidum à réparer avec les autres défendeurs la totalité des préjudices consécutifs aux seules fissurations du bâtiment (reprise des fondations et embellissements intérieurs).
Sa condamnation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil sera donc limitée, en raison de ce défaut d’exécution, in solidum avec la société TRAVAUX AQUITAINS, qui répond de ses fautes à l’égard du maître de l’ouvrage sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, aux travaux de reprise des couvertines (qui ne seront pas mis à la charge des autres intervenants), ainsi qu’à la reprise de la façade Nord, qu’elle a contribué à dégrader en partie par les décollements d’enduit liés à une humidité excessive du mur.
En outre, il a été indiqué ci-dessus que même si l’humidité trop importante de la façade Nord est la cause principale des salissures et décollements, ces derniers ont également été favorisés par l’existence de fissures, lesquelles sont la conséquence des tassements du bâtiment en lien avec le vice de fondation. Le groupement TEMSOL/GTA a donc contribué à l’existence des désordres affectant la façade Nord de l’extension.
Par conséquent, s’agissant des désordres affectant la façade Nord de l’extension, seront condamnés in solidum la société TRAVAUX AQUITAINS, AXA, la société SBE, la société TEMSOL, et la SMABTP (es-qualité d’assureur de GTA) à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 7.414,24 € HT.
Enfin, seront condamnées in solidum la société TRAVAUX AQUITAINS, AXA, et la SBE à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 1.002,40 € HT au titre de la réfection des couvertines du bâtiment de 2012.
4°) Sur les recours
Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code civil s’agissant des locateurs d’ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1231-1 du Code civil s’ils sont contractuellement liés.
Il est également rappelé que, contrairement à ce que souhaitent les sociétés TEMSOL et SMABTP s’agissant des recours entre co-obligés, aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à l’encontre des autres condamnés.
En l’espèce, tel que développé en pages 52 à 54 de son rapport par l’expert, dont l’analyse technique n’est pas sérieusement contestable, les fautes respectives des différents intervenants se caractérisent de la façon suivante :
-le groupement TEMSOL/GTA tant pour le bâtiment initial que pour la partie extension, a réalisé des investigations incomplètes par une non prise en compte de la carte géologique du secteur et une mauvaise interprétation du sondage PD1,
-la société ECR MONTANO, chargée du bâtiment initial, n’a pas effectué de purge des matériaux défectueux argileux, ce qui aurait évité un risque de tassement, sa responsabilité se limitant cependant aux désordres de fissures affectant le bâtiment initial, l’expert ayant pris le soin de préciser en réponse à un dire de la société TRAVAUX AQUITAINS: «Le fait d’avoir réalisé les fondations de la partie extension au-dessus de la zone argileuse accentue les effets du tassement par retrait des fractions argileuses, à contrario de la zone initiale où les fondations sont ancrées beaucoup plus profondément, les mettant de facto à l’abri de tassements importants par les phénomènes de dessiccation des argiles sensibles. La probabilité de tassement de la partie initiale construite par la société ECR MONTANO est de fait, beaucoup plus réduite et aucun tassement n’a été constaté avant la réalisation des travaux d’extension en 2012. Sur ce constat, je considère que les tassements par phénomène de catastrophe naturelle sont beaucoup plus significatifs et importants sur la partie extension, que sur la partie initiale. Par ailleurs, le fait que les bâtiments ne sont pas dissociés et indépendants au niveau structurel (en raison de l’appui des fondations de la partie extension sur la partie initiale cf. paragraphe C.12.3.2c), il en résulte un tassement plus important de la partie construite par TRAVAUX AQUITAINS qui, par un effet bras de levier, engendre une contrainte ponctuelle, provoquant la rupture horizontale de la maçonnerie de la partie initiale, ce que les photos montrent clairement.
-il résulte de ces constatations techniques non sérieusement contestables, que la société TRAVAUX AQUITAINS, chargée de l’extension, a non seulement réalisé des fondations insuffisantes mais a également omis de placer un joint de désolidarisation entre les fondations de la partie initiale et celles de l’extension, l’expert ajoutant que « la construction de l’extension ne doit pas être considérée comme un effet aggravant mais plutôt déclenchant du phénomène de fissuration »,
-la société SBE a réalisé des couvertines trop courtes, engendrant une humidité trop importante sur la façade Nord de l’extension, ce qui, avec les tassements et le vice de fondation, a majoritairement contribué au décollement des enduits sur cette façade.
Pour les désordres affectant le bâtiment initial, à la lumière des conclusions de l’expert, la part de responsabilité de chacun des co-obligés sera retenue dans les proportions suivantes :
– société TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 50 %
– société ECR MONTANO (MAAF) : 25 %
-groupement TEMSOL/GTA (SMABTP) : 25 %
Ils seront donc accueillis dans leurs recours réciproques dans ces proportions sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil s’agissant des recours réciproques entre la MAAF, la société TEMSOL et la SMABTP, es-qualité d’assureur de GTA, et sur le fondement de l’article 1240 du même Code, s’agissant des autres recours.
Pour les désordres affectant l’extension, à la lumière des conclusions expertales, la part de responsabilité de chacun des co-obligés sera retenue dans les proportions suivantes :
– société TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 80 %
– groupement TEMSOL/GTA (SMABTP) : 20 %
Ils seront donc accueillis dans leurs recours réciproques dans ces proportions sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Pour les désordres affectant la façade Nord de l’extension, la part de responsabilité de chacun des co-obligés sera retenue dans les proportions suivantes et dans la limite de leurs prétentions :
– société SBE : 50 %
– société TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 25 %
-groupement TEMSOL/GTA (SMABTP) : 25 %
Ils seront donc accueillis dans leurs recours réciproques dans ces proportions sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil s’agissant des recours réciproques entre la société TRAVAUX AQUITAINS et son sous-traitant, la société SBE, et sur le fondement de l’article 1240 du même Code, s’agissant des autres recours.
Enfin, s’agissant des désordres affectant les couvertines du bâtiment de 2012, en l’absence de manquement démontré à son devoir de surveillance de la part de la société TRAVAUX AQUITAINS, la société SBE garantira et relèvera intégralement indemne cette société et son assureur AXA de cette condamnation sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
Dans le cadre des condamnations prononcées contre elle, AXA sera autorisée à opposer à son assurée la société TRAVAUX AQUITAINS sa franchise contractuelle d’un montant revalorisable de 10.460 €, en application de l’annexe I à l’article A 243-1 du Code des assurances.
B/ Au titre des préjudices immatériels
Les requérants sollicitent la condamnation in solidum de l’ensemble des défendeurs à leur verser la somme de 12.230,01 € au titre des préjudices immatériels, se décomposant comme suit :
-pour la SCM TERNICES MANUS la somme de 7.830 euros, au titre d’une perte d’exploitation
-pour la SCI LE TREFLE la somme de 769,51 euros, au titre d’une perte de loyers pendant les travaux
-pour Monsieur [L] la somme de 3.630,50 euros (1.800 € pour le temps passé en expertise et 1.830,50 € pour la perte de recettes).
L’Expert Judiciaire a indiqué que : «La durée du chantier (cf mail de la société TEMSOL/COREN) est estimée à 1,5 mois pour la reprise des fondations, 3 semaines pour les travaux extérieurs et à 1 semaine pour les travaux intérieurs, selon mail de confirmation adressé à l’expert judiciaire».
L’Expert Judiciaire a noté dans son rapport que «Lors du dernier accédit, la société TEMSOL a confirmé qu’elle pouvait intervenir, en site occupé, suivant un planning prévoyant les interventions les plus bruyantes en dehors des heures de fonctionnement des locaux». (p.73)
Et il est ajouté en p.74 : «Pour les travaux extérieurs, ils peuvent être envisagés en période de fonctionnement du centre ; les nuisances seront limitées si les travaux les plus bruyants sont effectués en dehors des heures d’ouverture».
N° RG 18/10329 – N° Portalis DBX6-W-B7C-S3TX
De même, s’agissant des travaux intérieurs, il note : «La société COREN a indiqué que les travaux intérieurs, d’une durée d’une semaine, pouvaient être envisagés pendant les périodes de fermeture du centre de soins».
Les demandeurs indiquent ne jamais fermer le cabinet et fonctionner par roulement.
Or, outre que cette affirmation n’est nullement prouvée, il convient de relever qu’en cours d’expertise, la demande au titre de la perte d’exploitation avait été abandonnée après avoir convenu que les travaux pouvaient se faire même si le cabinet était ouvert, d’autant que l’expert a précisé que la présence d’un maître d’oeuvre permettrait de réaliser les travaux sans envisager la fermeture des lieux :
«Sur la base de ces engagements du groupement TEMSOL/COREN, Maître DEL CORTE a indiqué qu’elle ne maintenait plus sa demande de prise en charge des pertes financières liées à la fermeture éventuelle du cabinet pour les travaux». (page 74) ;
«Concernant la nécessité de recourir à un maître d’œuvre afin d’assurer la coordination de chantier et de préparer les réceptions de travaux, elle me paraît incontournable, notamment si l’on retient la possibilité d’effectuer les travaux en maintenant l’exploitation du cabinet de kinésithérapie». (p.115).
Dans ces conditions, les requérants seront déboutés de toute demande relative aux préjudices immatériels, d’autant que le quantum des prétendues pertes d’exploitation/pertes de recette ne sont au surplus pas justifiées.
Quant à la somme de 1.800 € réclamée en sus par Monsieur [L], au motif qu’il s’est mis à la disposition des parties pendant toute la durée des opérations d’expertise, et n’a donc pas été en mesure d’exercer à plein temps sa profession de kinésithérapeute. elle entre dans le cadre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de procédure civile et ne saurait faire l’objet d’une indemnisation distincte.
III/ Sur les autres demandes
La SA MAAF ASSURANCES, les sociétés TEMSOL et SMABTP, les sociétés TRAVAUX AQUITAINS et AXA, et la société SBE qui succombent seront in solidum condamnées aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître DEL CORTE, avocat, et qui incluent les frais d’expertise, à l’exclusion du constat d’huissier dressé par Maître Jean-Marie DULAURENS, lequel entre dans les frais irrépétibles prévus à l’article 700 du Code de procédure civile.
La SA MAAF ASSURANCES, les sociétés TEMSOL et SMABTP, les sociétés TRAVAUX AQUITAINS et AXA, et la société SBE seront in solidum condamnés à payer à la SCI LE TREFLE une indemnité qu’il est équitable de fixer à la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’équité ne commande pas d’allouer à la SCM TERNICE MANUS, monsieur [L], madame [I] et monsieur [R], qui succombent en leurs prétentions, d’indemnité sur le fondement de ce même article.
La charge finale des dépens et de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 précité sera supportée par chacune des parties au prorata de leur condamnation au principal, de la façon suivante :
-SA MAAF ASSURANCES : 10 %
-TEMSOL et SMABTP : 22 %
-TRAVAUX AQUITAINS et AXA : 63 %
-SBE : 5 %
L’ancienneté du litige justifie que l’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, soit ordonnée, en application de l’article 515 du Code de procédure civile.
Le tribunal,
DECLARE irrecevable toute demande de condamnation à l’égard de l’EURL ECR MONTANO ;
CONDAMNE in solidum la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO), la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, la SAS TEMSOL, et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 33.903,16 € HT au titre de la reprise des fondations et des façades est et ouest du bâtiment de 2008 ;
DIT que dans leurs rapports entre elles, la part de responsabilité de chacune des co-obligées dans ce désordre sera fixée ainsi qu’il suit :
– SAS TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 50 %
– EURL ECR MONTANO (MAAF) : 25 %
-SAS TEMSOL (SMABTP) : 25 %
CONDAMNE la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXAFRANCE IARD à garantir la SAS TEMSOL, la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) et la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO) de cette condamnation à hauteur de 50 % ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO), à garantir la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXAFRANCE IARD, la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) de cette condamnation à hauteur de 25 % ;
CONDAMNE la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à garantir la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO), la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXAFRANCE IARD de cette condamnation à hauteur de 25 % ;
CONDAMNE in solidum la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, la SAS TEMSOL, et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 46.302,33 € HT au titre de la reprise des fondations, des embellissements intérieurs et des façades est et ouest du bâtiment de 2012 ;
DIT que dans leurs rapports entre elles, la part de responsabilité de chacune des co-obligées dans ce désordre sera fixée ainsi qu’il suit :
-SAS TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 80 %
-SAS TEMSOL (SMABTP) : 20 %
CONDAMNE la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXAFRANCE IARD à garantir la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) de cette condamnation à hauteur de 80 % ;
CONDAMNE la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à garantir la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXAFRANCE IARD de cette condamnation à hauteur de 20 % ;
CONDAMNE in solidum la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, la SAS TEMSOL, la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) et la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 7.414,24 € HT au titre des travaux de reprise de la façade Nord du bâtiment de 2012 ;
DIT que dans leurs rapports entre elles, la part de responsabilité de chacune des co-obligées dans ce désordre sera fixée ainsi qu’il suit :
-la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE : 50 %
-la SAS TRAVAUX AQUITAINS (AXA) : 25 %
-la SAS TEMSOL (SMABTP) : 25 %
CONDAMNE la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXAFRANCE IARD à garantir la SAS TEMSOL, la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) et la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE de cette condamnation à hauteur de 25 % ;
CONDAMNE la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à garantir la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE, la SAS TRAVAUX AQUITAINS, et la SA AXAFRANCE IARD de cette condamnation à hauteur de 25 % ;
CONDAMNE in solidum la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, et la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE à payer à la SCI LE TREFLE la somme de 1.002,40 € HT au titre des travaux de reprise des couvertines du bâtiment de 2012 ;
CONDAMNE la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE à garantir intégralement la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXA FRANCE IARD de cette condamnation ;
DIT que les condamnations ci-dessus en réparation du préjudice matériel de la SCI LE TREFLE seront indexées sur l’indice BT 01 à compter du 12 novembre 2018 jusqu’au présent jugement ;
AUTORISE la SA AXA FRANCE IARD à opposer à son assurée la SAS TRAVAUX AQUITAINS sa franchise contractuelle d’un montant revalorisable de 10.460 € ;
DEBOUTE la SCI LE TREFLE du surplus de ses demandes ;
DEBOUTE la SCM TERNICES MANUS, monsieur [Y] [L], madame [W] [I] et Monsieur [C] [R] de l’ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO), la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, la SAS TEMSOL, la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) et la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE à payer à la SCI LE TREFLE une somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO), la SAS TRAVAUX AQUITAINS, la SA AXA FRANCE IARD, la SAS TEMSOL, la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) et la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et qui incluent les frais d’expertise mais excluent le coût du constat d’huissier dressé par Maître Jean-Marie DULAURENS ;
DIT que la charge finale des dépens et des frais irrépétibles sera supportée par la SA MAAF ASSURANCES (es-qualité d’assureur de l’EURL ECR MONTANO) à hauteur de 10 %, par la SAS TRAVAUX AQUITAINS et la SA AXA FRANCE IARD à hauteur de 63 %, par la SAS TEMSOL et la SMABTP (es-qualité d’assureur de la société GEO TECHNIQUES DE L’ATLANTIQUE) à hauteur de 22 % et par la SAS SOCIETE BORDELAISE d’ETANCHEITE à hauteur de 5 % ;
DEBOUTE les parties pour le surplus ;
ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.
La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7ème Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT