M. [T] [L] a fait aménager un ancien corps de ferme en habitation et a engagé M. [N] [W], artisan chauffagiste, pour installer une chaudière à bois. Les travaux, réalisés entre février et juillet 2012, ont été facturés le 23 juillet 2012. M. [L] a acheté la chaudière auprès de la société BROSSETTE, qui avait effectué une étude de chauffage. Suite à des dysfonctionnements, M. [L] a saisi le tribunal de Clermont-Ferrand, qui a ordonné une expertise judiciaire. Le rapport d’expertise a conduit à un jugement en mai 2022, condamnant M. [W] à indemniser M. [L] pour des travaux de reprise et d’autres préjudices, tout en mettant hors de cause les sociétés BROSSETTE et ELM LEBLANC.
M. [W] a interjeté appel, contesté la mise hors de cause des sociétés et les condamnations pécuniaires. M. [L] a également formé un appel incident, demandant la responsabilité de M. [W] et des sociétés. Les parties ont échangé des conclusions, et le tribunal a examiné les responsabilités respectives. L’expert a relevé plusieurs malfaçons dans l’installation, notamment un sous-dimensionnement de la chaudière et des défauts d’aération, entraînant des risques d’incendie et d’intoxication au monoxyde de carbone. Le jugement de première instance a été partiellement infirmé, la responsabilité de M. [W] étant confirmée, tandis que celle de M. [L] a été écartée. M. [W] a été condamné à indemniser M. [L] pour les travaux de reprise, avec des intérêts de retard, et à verser des indemnités pour les frais irrépétibles des autres parties. Les demandes supplémentaires des parties ont été rejetées, et M. [W] a été condamné aux dépens de l’instance. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 10 septembre 2024
N° RG 22/01328 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2YO
-PV- Arrêt n° 353
[N] [W] / [T] [L], S.A.S. DISTRIBUTION SANITAIRE CHAUFFAGE, S.A.S. E.L.M. LEBLANC
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 02 Mai 2022, enregistrée sous le n° 20/01597
Arrêt rendu le MARDI DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [N] [W]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005948 du 05/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
S.A.S. DISTRIBUTION SANITAIRE anciennement S.A.S. BROSSETTE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Maître Anne DUMAS, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND
Timbre fiscal acquitté
M. [T] [L]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Maître Marius LOIACONO de la SCP LOIACONO-MOREL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
S.A.S. E.L.M. LEBLANC
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître François Xavier LHERITIER de la SCP JAFFEUX- LHERITIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Baptiste DELRUE de la SCP DBG, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l’audience publique du 03 juin 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [T] [L] est propriétaire d’un ancien corps de ferme situé au lieu-dit [Localité 8] sur le territoire de la commune de [Localité 6] (Puy-de-Dôme), qu’il a fait aménager à usage d’habitation. Dans le cadre de ces travaux, il a demandé à M. [N] [W], artisan chauffagiste exerçant en entreprise individuelle, de lui installer une chaudière à bois pouvant contenir des bûches d’un mètre de long. Ces travaux ont été exécutés de février à juillet 2012, avec facturation le 23 juillet 2012. M. [L] a directement acheté la chaudière auprès de la société BROSSETTE, cette dernière ayant préalablement réalisé une étude de chauffage. Le matériel ainsi acheté et une chaudière à bois de marque Geminox, fabriqué par la société BOSCH THERMOTECHNOLOGIE.
Se plaignant de dysfonctionnements sur cette installation de chauffage, M. [L] a saisi le Président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 3 mars 2015, a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. [I] [C], expert thermicien près la cour d’appel de Lyon. Après avoir rempli sa mission, l’expert judiciaire commis a établi son rapport le 30 novembre 2015.
En lecture de ce rapport d’expertise judiciaire, M. [T] [L] a saisi le 22 avril 2020 le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-20/01597 rendu le 2 mai 2022 dans l’instance opposant M. [T] [L] à M. [N] [W], à la SAS BROSSETTE, devenue société DISTRIBUTION SANITAIRE CHAUFFAGE (DSC), et à la SAS ELM LEBLANC, anciennement BOSCH THERMOTECHNOLOGIE, a :
– prononcé la mise hors de cause des sociétés BROSSETTE et ELM BLANC (anciennement BOSCH THERMOTECHNOLOGIE) ;
– condamné M. [W] à payer au profit de M. [L] :
* en application des articles 1792 et suivants du Code civil et à concurrence de 80 % de responsabilité (les 20 % restants étant à la charge du maître de l’ouvrage), la somme de 24.519,04 € TTC au titre de travaux de reprise de travaux litigieux d’installation de chauffage, outre indexation sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter du 23 octobre 2021 ;
* la somme de 1.600,00 € en réparation de son préjudice de jouissance ;
* une indemnité de 3.000,00 € en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [L] de ses autres demandes indemnitaires ;
– rappelé l’exécution provisoire de droit de la décision ;
– condamné M. [W] aux entiers dépens de l’instance, devant comprendre les frais de la procédure ayant donné lieu à la procédure de référé et à la mesure d’expertise judiciaire susmentionnées.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 27 juin 2022, le conseil de M. [W] a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant sur la mise hors de cause des sociétés BROSSETTE et BOSCH THERMOTECHNOLOGIE et sur l’ensemble des condamnations pécuniaires prononcé à son encontre.
‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 2 février 2023, M. [N] [W] a demandé de :
– [à titre principal];
– débouter M. [L], la société DSC (venant aux droits de la SAS BROSSETTE) et la SAS ELM LEBLANC (anciennement SAS BOSCH THERMOTECHNOLOGIE) de toutes demandes contraires aux présentes ;
– déclarer M. [L] mal fondé en son appel incident en ce qu’il tend à écarter toute responsabilité de sa part ;
– déclarer M. [W] bien fondé en son appel ;
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions frappées d’appel ;
– déclarer M. [L] irrecevable et mal fondé en ses demandes ;
– débouter M. [L] de ses demandes contraires ;
– à titre subsidiaire ;
– juger n’y avoir lieu à mise hors de cause de la société DSC (venant aux droits de la SAS BROSSETTE) et de la SAS ELM LEBLANC (anciennement SAS BOSCH THERMOTECHNOLOGIE) ;
– opérer un partage de responsabilité entre M. [L], la société DSC (venant aux droits de la SAS BROSSETTE) et la SAS ELM LEBLANC (anciennement SAS BOSCH THERMOTECHNOLOGIE) ;
– juger que M. [W] ne saurait être tenu qu’aux seules conséquences des malfaçons qui pourraient lui être imputées (absence de disconnecteur, d’entrée d’air, de raccordement aux eaux usées, de calorifuge, de protection électrique) ;
– [en tout état de cause];
– allouer à M. [W] une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laisser les dépens à la charge de M. [L].
‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 14 novembre 2022, M. [T] [L] a demandé de :
– au visa des articles 1792 et suivants du Code civil ;
– juger recevable et bien fondé l’appel incident formé par M. [L] ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause la société BROSSETTE et la Société BOSCH et retenu une part de responsabilité à l’égard de M. [L] ;
– statuant à nouveau ;
– débouter M. [N] [W], la société BROSSETTE et la société ELM LEBLANC de l’ensemble de leurs demandes ;
– juger responsable des désordres affectant l’installation de chauffage M. [W] pour avoir réalisé l’installation, la société BROSSETTE pour avoir vendu des équipements inadaptés et la société BOSCH pour avoir failli à son obligation de conseil ;
– juger que M. [L] ne porte aucune part de responsabilité et le mettre hors de cause ;
– condamner in solidum M. [W], la société BROSSETTE et la Société BOSCH à payer à M. [L] les sommes suivantes :
* la somme de 16.925,22 € [au titre du préjudice de reprise], avec indexation sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter d’un devis d’entreprise du 23 octobre 2021 (M. [O]) ;
* la somme de 8.758,75 au titre de la reprise des dégâts occasionnés par les différents sinistres , avec indexation sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter d’un devis d’entreprises (FG Menuiseries) du 20 octobre 2019 ;
* la somme de 8.000,00 € au titre du préjudice de jouissance et du préjudice financier, avec intérêt de retard au taux légal à compter de la date de l’assignation ;
* la somme de 3.000,00 € au titre des dégâts occasionnés ;
* une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [W], la société BROSSETTE et la Société BOSCH à payer à M. [L] aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et le coût de l’expertise judiciaire ;
‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 15 décembre 2022, la société DISTRIBUTION SANITAIRE CHAUFFAGE (DSC), anciennement SAS BROSSETTE, a demandé de :
– au visa des articles 1792 et suivants du Code civil ;
– [à titre principal] ;
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 2 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
– en conséquence ;
– débouter M. [W] de toutes ses demandes à l’encontre de la société DSG ;
– débouter M. [L] de toutes ses demandes à l’encontre de la société DSG ;
– à titre subsidiaire, condamner M. [W] et M. [L] ainsi que la société ELM LEBLANC à garantir la société DSG de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;
– [en tout état de cause] ;
– condamner M. [W] ou toutes parties succombantes, à payer à la société DSG une indemnité de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [W] ou toutes parties succombantes, aux entiers dépens de l’instance.
‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 16 décembre 2022, la SAS ELM LEBLANC, anciennement société BOSCH THERMOTECHNOLOGIE, a demandé de :
– au visa des articles 1103, 1231-1 et suivants, 1353, 1641 et 1792 du Code civil, ainsi que des articles 6 et 9 du code de procédure civile ;
– à titre principal, confirmer le jugement rendu le 2 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en toutes ses dispositions ;
– à titre subsidiaire ;
– dire et juger que les préjudices allégués par M. [L] sont injustifiés ;
– en conséquence ;
– débouter M.[L] de toute ses demandes formées à l’encontre de la société ELM ;
– débouter toute partie de toutes demandes qui seraient formées à l’encontre de la société ELM ;
– en tout état de cause ;
– condamner M. [W] ou tout autre succombant à verser à la société ELM une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [W] ou tout autre succombant aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Paul Jaffeux, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 4 avril 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 3 juin 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 10 septembre 2024, par mise à disposition au greffe.
Il convient préalablement de constater que M. [W] ne conteste pas matériellement avoir contracté avec M. [L] en ce qui concerne l’installation de chauffage et de production d’eau sanitaire litigieuse, même si aucun contrat écrit n’a été versé aux débats par les parties et que le matériel de chauffage été directement acheté par M. [L].
Il résulte des dispositions de l’article 1792 du Code civil que « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. / Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. » et notamment des précisions apportées par les dispositions de l’article 1792-1 du Code civil qu’« Est réputé constructeur de l’ouvrage : / Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ; / (‘) ».
Par ailleurs, l’article 1792-2 du Code civil dispose que « La présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. / Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. ».
Enfin, l’article 1792-4-1 du Code civil dispose que « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article. ».
En application des dispositions de l’article 1792-6 du Code civil, il n’est d’abord pas contestable que les travaux litigieux ont été tacitement réceptionnés par le maître d’ouvrage, à défaut de réception formalisée entre les parties après livraison de l’ouvrage, en raison de la prise de possession des lieux par ce dernier après paiement intégral de la facture du 23 juillet 2012 qui lui a été délivrée par le locateur d’ouvrage. La réception tacite des travaux doit en conséquence être fixée à la date du 23 juillet 2012.
Par ailleurs, à compter de la date précitée du 23 juillet 2012 de réception tacite des travaux, eu égard au délai de moins de dix ans qui s’est écoulé entre d’une part la date de l’assignation afférente à celle du 3 mars 2015 de l’ordonnance de référé ayant ordonné la mesure d’expertise judiciaire et d’autre part entre la date du 30 novembre 2015 de dépôt du rapport d’expertise judiciaire et celle du 22 avril 2020 d’assignation au fond, M. [L] se trouve dans le délai décennal d’épreuve pour rechercher la responsabilité civile de M. [W] et des sociétés DSG et ELM au visa des dispositions précitées des articles 1792 et suivants du Code civil à l’occasion des travaux litigieux.
En l’espèce, l’examen du rapport d’expertise judiciaire du 30 novembre 2015 de M. [I] [C] amène notamment à constater et à retenir que :
‘ les travaux litigieux qui ont été facturés le 23 juillet 2012 ont notamment consisté en la fourniture et l’installation d’un dispositif de chauffage par circulation d’eau chaude et de production d’eau chaude sanitaire au moyen d’une chaudière à bois à chargement manuel équipée d’un dispositif d’évacuation des fumées, d’un ballon d’eau chaude (avec résistance électrique fonctionnant hors période de chauffe) et d’un kit d’appoint ;
‘ M. [L] a confirmé qu’il souhaitait une chaudière pouvant contenir des bûches de un mètre pour des raisons de commodité et qu’il avait lui-même effectué la mise en service de la chaudière en octobre 2012 ;
‘ M. [W] a confirmé qu’il avait lui-même réalisé le montage de l’installation litigieuse, incluant notamment la production de chauffage, la distribution hydraulique et les émetteurs de chaleur, ayant en outre effectué une mise sous pression des réseaux hydrauliques en fin de chantier ;
‘ M. [W] a
‘ un premier réseau de fumisterie a été aménagé, constitué d’une gaine ‘simple peau’ et présentant au moins deux coudes à 90° pour accéder au chapeau de toiture, cet ensemble de tuyaux ayant été affecté de microfissures dues à des effets d’oxydation de goudron par l’intérieur, avec des traces rougeâtres et des symptômes de surchauffe et de futur départ d’incendie, ayant passé dans un conduit de cheminée en subissant un écrasement et un étranglement et contenant à l’intérieur une importante quantité de goudron issue de la condensation des gaz de combustion ;
‘ consécutivement deux départs d’incendie survenus le 28 novembre 2013 et le 14 juillet 2014, ce réseau de fumisterie a été déconnecté de la chaudière pour être remplacé par un nouveau conduit rigide ‘double peau’ isolé, présentant également des traces rougeâtres prononcées au niveau du clapet modérateur de tirage et constituant des symptômes de début d’incendie, le tracé de ce réseau de fumisterie comprenant quatre dévoiements équivalant à deux coudes à 90° (maximum autorisé) ;
‘ le chapeau de toiture est goudronné du fait de la condensation des fumées, marqué par par une importante quantité de suie ;
‘ il existe de nombreux défauts d’installation : absence de disconnecteur, absence d’entrée d’air neuf dans le local technique dans lequel est installée la chaudière, absence de raccordement des soupapes de sécurité vers les eaux usées, présence de vanne d’isolement man’uvrables sur les vases d’expansion, absence de calorifuge sur les réseaux de chauffage et d’eau chaude sanitaire, absence de protection électrique, inadaptation de la chaudière en fonction des caractéristiques du ballon tampon 2330 litres (ballon d’hydro-accumulation), inaccessibilité du kit anti-condensation et d’autres éléments hydrauliques pour effectuer des opérations de maintenance, absence de système de régulation analogique ou numérique, augmentation du risque de fuites au niveau des raccords à glissement du fait de l’utilisation de tubes PER et d’une température d’eau au-dessus de 65°, absence d’un rapport de mise en service, absence de bilan thermique de la maison, absence de note de calcul du volume tampon en fonction du nombre de chargements, absence d’analyse de combustion lors de la mise en service ;
‘ la régulation sur le circuit de chauffage ne permet pas de maîtriser la température de départ d’eau en fonction des besoins, alors que la première installation de la gaine d’évacuation des gaz de combustion n’était pas conforme ;
‘ les départs de feu s’expliquent par un fonctionnement au ralenti de la chaudière en raison du fait que le ballon tampon est sous-dimensionné par rapport à la puissance dégagée par la chaudière, générant du bistre et des risques de départs de feu ;
‘ il existe par ailleurs un risque important d’intoxication au monoxyde de carbone en l’absence d’un dispositif d’arrivée d’air neuf spécifique dans le local technique contenant la chaudière ;
En l’occurrence, il n’est d’abord pas sérieusement contestable que l’absence de maîtrise de régulation de la température d’eau chaude sanitaire et d’eau de chauffage constatée par l’expert judiciaire au regard de l’ensemble du dispositif installé, le risque récurrent d’incendie résultant de condensats des fumées et de dépôts de bistre dans la chaudière et les circuits d’évacuation du fait de la nécessité de fonctionnement au ralenti de la chaudière afin de se mettre en adéquation avec le sous-dimensionnement du ballon tampon par rapport à sa puissance ainsi que le risque important d’intoxication des personnes au monoxyde de carbone du fait de l’inexistence d’un dispositif d’arrivée d’air neuf dans le local technique contenant la chaudière à bois rendent l’ensemble de cet élément d’équipement à usage de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, en partie dissociable et en partie indissociable, totalement impropre à sa destination.
En lecture du rapport d’expertise judiciaire, la faute en incombe en premier lieu à M. [W], même s’il n’est pas le fournisseur de la chaudière et l’installateur du dispositif d’évacuation des fumées :
– pour avoir accepté d’installer un ballon tampon de 2330 litres dans des conditions inadaptées au fonctionnement et à la puissance de la chaudière et avec pour conséquences particulièrement graves de provoquer des risques de départ d’incendie du fait de ce sous-dimensionnement de volume tampon contraignant à un fonctionnement de la chaudière au ralenti qui provoquent des accumulations de condensats de fumées et de bistre à l’intérieur de la chaudière et dans le circuit d’évacuation des fumées ;
– pour avoir de ce fait procéder à l’installation litigieuse sans effectuer les calculs nécessaires pour éviter ce sous-dimensionnement et faire en sorte que celle-ci soit compatible avec le volume à chauffer, alors qu’il s’avère au contraire que cette chaudière est d’une puissance démesurée par rapport au volume à chauffer et que cette surpuissance continue d’occasionner des risques d’incendie ;
– pour avoir accepté d’aménager cette chaudière à bois à chargement manuel dans un local technique dépourvu de toute arrivée d’air frais et constituant dès lors un risque potentiellement mortel et permanent d’intoxication au monoxyde de carbone pour les servants de cette chaudière à combustion de bois et chargement manuel et pour l’ensemble des occupants de la maison ;
– pour avoir entravé sinon empêché les opérations de maintenance de l’ensemble ou en tout cas d’une partie significative du dispositif de chauffage du fait de l’inaccessibilité du kit anti-condensation ainsi que d’un certain nombre d’autres éléments hydrauliques ;
– pour avoir augmenté les risques de fuite d’eau du fait d’une température d’eau au-dessus de 65° en faisant en outre choix de tubes PER qui se dilatent au niveau des bagues à glissement ;
– pour avoir fourni un dispositif de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire dans des conditions ne permettant pas en définitive de maîtriser la température de départ d’eau en fonction des besoins.
M. [W] est indéniablement un professionnel spécialisé dans les installations de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, même s’il exerce ses activités à titre individuel dans le cadre d’une auto-entreprise. Il ne pouvait donc méconnaître les conditions dans lesquelles il a commis les fautes précédemment mentionnées. De plus, compte tenu de l’existence de ces fautes portant directement sur l’installation du matériel de chauffe qui ont été déterminantes et majeures dans la survenance des désordres de dangerosité de l’ensemble du dispositif de chauffage et l’absence de maîtrise des températures d’eau produites, les fautes de non-conformité aux règles de l’art ayant pu porter sur le tracé et la confection du premier réseau de fumisterie actuellement remplacé deviennent sans incidences sur la situation de persistance de ces désordres. Enfin, en sa qualité de professionnel des installations de chauffage, il ne justifie pas avoir mis en garde M. [L] du risque d’excès de puissance et d’impropriété qui pouvait résulter de la volonté particulière de ce dernier de disposer d’une chaudière lui permettant de mettre des bûches d’un mètre.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de M. [W].
Il n’est pas contesté que la société BROSSETTE/DSG, même si elle s’est vue commander et régler directement le matériel litigieux par M. [L], a livré ce matériel sans aucune intervention de pose, de dimensionnement, d’étude thermique et de mise en service par le seul intermédiaire de M. [W] qui est un professionnel de l’installation de dispositifs de chauffage. Ce distributeur de matériels spécifiques n’était donc tenu d’aucune obligation particulière de conseil à l’égard de M. [W] ayant été son seul interlocuteur.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a écarté la responsabilité de la société DSG.
La société ELM objecte à juste titre, d’une part qu’aucun vice interne à la chaudière n’a été décelé et d’autre part qu’elle n’a eu aucun rapport contractuel direct avec M. [L] en qualité de fabricant de cette chaudière dont la distribution a été assurée par la société BROSSETTE. Elle n’était donc effectivement redevable d’aucune obligation d’information et de conseil ni d’aucune étude préalable des volumes à chauffer envers M. [L] avec lequel elle n’a eu aucun contact ou envers la société BROSSETTE, elle-même professionnelle dans ce secteur d’activité. De plus, le fait qu’un représentant de la société ELM se soit le cas échéant déplacé sur le chantier n’est pas en soi révélateur d’une intervention de ce fabricant dans le chantier de pose. M. [L] ne formule au demeurant aucun développement à l’appui de ses imputations de responsabilité qu’il porte également à l’encontre de la société ELM.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a écarté la responsabilité de la société ELM.
Le premier juge a retenu une part de responsabilité à concurrence de 20 % à l’encontre de M. [L] pour immixtion fautive du maître d’ouvrage. En l’occurrence, dans l’hypothèse où l’installation du premier dispositif de fumisterie aurait été effectuée par M. [L], il importe de constater que ce premier dispositif de fumisterie a été ensuite déposé et remplacé par un second dispositif au sujet duquel l’expert judiciaire n’a émis aucune critique particulière. De plus, le fait que M. [L] ait eu pour exigence particulière un foyer de combustion pouvant contenir des bûches faisant 1 mètre de long ne peut être considéré comme une immixtion dans l’opération de construction dans la mesure où il appartenait exclusivement à M. [W], professionnel spécialisé dans les installations de chauffage, d’étudier la faisabilité technique de cette demande particulière en fonction des volumes à chauffer et d’informer son client du caractère irréaliste et disproportionné de celle-ci. En tout état de cause, si M. [L] a émis en tant que client une préférence sur un type de chaudière, seule incombait à M. [W], en tant que professionnel, le choix de mettre en ‘uvre la chaudière adéquate.
Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé en ce qu’il a imputé une part de responsabilité, à hauteur de 20 %, à M. [L], l’entière responsabilité incombant au contraire à M. [W].
La meilleure solution réparatoire apparaît être celle du changement de la chaudière surdimensionnée à des fins d’adéquation avec le ballon tampon et le reste du dispositif de chauffage, une chaudière 31,5 kW au maximum pouvant convenir aux besoins de M. [L] selon l’expert judiciaire. M. [L] produit un devis d’entreprises SARL [O] Chauffage du 11 octobre 2019 faisant mention d’une chaudière d’une puissance de 25 kW et pouvant recevoir des bûches de 50 cm pour un montant total de 16.925,22 € TTC en comptant divers autres éléments d’installation. M. [W] sera donc condamné à payer au profit de M. [L] la somme précitée de 16.925,22 € au titre de son préjudice de reprise, ce qui amène à infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a fixé cette condamnation pécuniaire à la somme totale de 24.519,04 €. Cette condamnation pécuniaire sera indexée sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter de la date du 11 octobre 2019 d’établissement de ce devis.
Il n’est pas démontré au terme des débats que M. [W] ait effectué l’installation du premier réseau de fumisterie ayant été ensuite déposé en raison de deux départs d’incendie. Aucun élément ne permet par ailleurs d’imputer la survenance de ces deux incendies au seul fonctionnement de la chaudière alors que l’expert judiciaire a relevé un certain nombre de malfaçons dans la pose de ces conduits d’évacuation de fumée avec des aspects d’écrasement et d’étranglement à l’intérieur du conduit de cheminée. De plus, M. [L] ne justifie d’aucune facture de ramonages périodiques de ces conduits d’évacuation de fumée, alors que l’expert judiciaire a constaté la présence d’importants condensats de fumée et de bistre à l’intérieur de ces conduits, mettant en évidence un manque d’entretien de la part de l’utilisateur. Il verse enfin un devis de réfection de son parquet pour un montant total de 8.758,75 €, établi à la date du 20 octobre 2019, soit près de cinq années après la survenance du second départ de feu. Dans ces conditions, faute de preuves quant à l’imputabilité de la survenance de ces sinistres au seul fonctionnement de la chaudière litigieuse, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a retenu cette créance distincte à hauteur du montant précité de 8.758,75 €.
Le préjudice de jouissance souffert par M. [L] a été exactement évalué à la somme de 2.000,00 € (avant partage de responsabilité). Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé sur ce chef, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du 22 avril 2020 de l’assignation.
Le préjudice financier allégué par M. [L], dans le cadre d’une demande globalisée avec le préjudice de jouissance pour un montant total de 8.000,00 €, n’est accompagnée d’aucune pièce justificative et ne fait l’objet d’aucun décompte récapitulatif et détaillé de créance. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté ce poste de demande.
Il en est de même en ce qui concerne le préjudice allégué à hauteur de la somme de 3.000,00 € par M. [W], qui n’est accompagnée d’aucune pièce justificative ni d’aucun décompte récapitulatif et détaillé de créance. Ce poste de demande sera en conséquence rejeté.
Le jugement de première instance sera confirmé en ses décisions d’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et d’imputation des dépens de première instance.
Il serait inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de M. [L] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager à l’occasion de cette instance en cause d’appel et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 3.000,00 €, à la charge de M. [W].
Il serait inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société DSC les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance en cause d’appel et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 3.000,00 €, à la charge de M. [W].
Il serait inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société ELM les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance en cause d’appel et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 3.000,00 €, à la charge de M. [W].
Enfin, succombant à l’instance, M. [W] sera purement et simplement débouté de sa demande de défraiement formée au visa de l’article 700 du code de procédure civile et en supportera les entiers dépens, étant rappelé que les frais et dépens afférents à la procédure de référé et à la mesure d’expertise susmentionnées sont déjà intégrés dans les dépens de première instance.
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT.
INFIRME le jugement n° RG-20/01597 rendu le 2 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ce qu’il a :
‘ ORDONNÉ un partage de responsabilité à hauteur de 20 % à l’encontre de M. [T] [L] ;
‘ CONDAMNÉ M. [N] [W] à payer au profit de M. [T] [L] la somme de 24.519,04 € TTC au titre des travaux de reprise, avec indexation sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter du 23 octobre 2021 ;
CONFIRME ce même jugement en ses autres dispositions.
Statuant de nouveau.
CONDAMNE M. [N] [W] à payer au profit de M. [T] [L] :
‘ la somme de 16.925,22 € TTC au titre des travaux de reprise, avec indexation jusqu’à parfait paiement sur l’indice BT-01 du coût de la construction à compter du 11 octobre 2019 ;
‘ les intérêts de retard au taux légal afférents à la condamnation pécuniaire prononcée en première instance au titre du préjudice de jouissance à hauteur de la somme de 2.000,00 € (et non 1.600,00 €), jusqu’à parfait paiement à compter du 22 avril 2020 ;
‘ une indemnité de 3.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [N] [W] à payer au profit de la société DISTRIBUTION SANITAIRE CHAUFFAGE (DSC) et de la SAS ELM LEBLANC une indemnité de 3.000,00 € chacune , en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE M. [N] [W] aux entiers dépens de l’instance.
Le greffier Le président