Responsabilité des acteurs de la construction : enjeux de l’expertise et des troubles de voisinage

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Responsabilité des acteurs de la construction : enjeux de l’expertise et des troubles de voisinage

Contexte de l’Affaire

La société IMMOLOC [Localité 11] a lancé un projet de construction sur plusieurs parcelles cadastrées, visant à réhabiliter et construire un bâtiment de stockage, des boxes de stationnement, ainsi que des bureaux. Le permis de construire a été accordé le 22 juin 2022. Pour mener à bien ce projet, IMMOLOC a engagé la société AXESS ILE DE FRANCE NORD pour des études préalables et un contrat de promotion immobilière.

Litige avec les Voisins

Des propriétaires voisins, désignés comme consorts [K], [R], [A], [J], [N], [P], [D], [T] et [G], ont signalé des troubles anormaux du voisinage et ont assigné IMMOLOC pour obtenir la désignation d’un expert. Une ordonnance de référé a été rendue le 3 août 2023, désignant une experte, Madame [X] [U], et cette décision a été étendue à la société AXESS ILE DE FRANCE NORD par une ordonnance du 16 avril 2024. Les opérations d’expertise sont en cours.

Actions de la Société AXESS ILE DE FRANCE NORD

Le 3 juillet 2024, AXESS ILE DE FRANCE NORD a assigné la société AGENCE FRANC et la société MAF pour rendre communes les ordonnances d’expertise. AXESS soutient avoir régularisé un contrat de maîtrise d’œuvre de conception avec AGENCE FRANC, et conteste la mise hors de cause de cette dernière, affirmant que la responsabilité de l’architecte peut être engagée même sans présence sur le chantier.

Position de l’AGENCE FRANC

L’AGENCE FRANC a demandé le rejet de la demande d’AXESS, arguant que son rôle se limitait à la conception et à l’obtention du permis de construire, sans intervention sur le chantier. Elle souligne qu’elle n’a pas de pouvoir d’intervention sur site et ne peut donc être tenue responsable des troubles signalés par les riverains.

Décision du Tribunal

Le tribunal a décidé de ne pas faire droit à la demande de mise hors de cause de l’AGENCE FRANC, considérant qu’il est prématuré d’apprécier les responsabilités. Les opérations d’expertise ont été déclarées communes et opposables à l’AGENCE FRANC et à la MAF. Le tribunal a également ordonné que l’expert convie ces sociétés à la prochaine réunion d’expertise pour qu’elles puissent présenter leurs observations.

Conclusion et Dépenses

Les dépens ont été laissés à la charge de la demanderesse, AXESS ILE DE FRANCE NORD, et la décision a été prononcée par la Première Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de Versailles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/01077
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
22 OCTOBRE 2024

N° RG 24/01077 – N° Portalis DB22-W-B7I-SFIK
Code NAC : 54G
AFFAIRE : Société AXESS ILE DE FRANCE NORD C/ S.A.S. AGENCE FRANC, Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF

DEMANDERESSE

Société AXESS ILE DE FRANCE NORD
S.A.S. au capital de 1.000€, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 893 123 299, dont le siège est [Adresse 10] – [Localité 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Maître Jean-Philippe LORIZON de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L 301, Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

DEFENDERESSES

La Société AGENCE FRANC,
Société par actions simplifiée au capital de 1 980 000,00€, immatriculée au RCS sous le numéro 502 319 304, dont le siège social est situé [Adresse 2], [Localité 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Me Dominique TOURNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 263, Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF,
Société d’assurances mutuelles, le numéro de SIREN est 784 647 649, dont le siège social est situé [Adresse 1] [Localité 9], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
es qualité d’assureur de la société AGENCE FRANC,
défaillante

Débats tenus à l’audience du : 24 Septembre 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 24 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

FAITS ET PROCEDURE

La société IMMOLOC [Localité 11] a entrepris une opération de construction sur les parcelles cadastrées section AY n° [Cadastre 4], AY [Cadastre 5] et AY [Cadastre 6], situées au [Adresse 3] à [Localité 11]. Les travaux portent sur la réhabilitation et la construction d’un bâtiment de stockage, de boxes de stationnement et la réhabilitation de bureaux bâtis existants. Le permis de construire a été obtenu le 22 juin 2022. Pour la réalisation de cette opération, la société IMMOLOC [Localité 11] a confié à la société AXESS ILE DE FRANCE NORD, le 22 décembre 2022, une convention d’études préalables, et le 10 février 2023, un contrat de promotion immobilière.

Faisant état de troubles anormaux du voisinage, les consorts [K], [R], [A], [J], [N] [P], [D], [T] et [G], propriétaires de pavillons voisins de l’opération de la société IMMOLOC [Localité 11] l’ont assignée notamment aux fins de désignation d’un expert, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé du 3 août 2023 (RG 23/900), désignant Madame [X] [U], rendue commune à la société AXESS ILE DE FRANCE NORD par ordonnance du 16 avril 2024 (RG 24/59). Les opérations d’expertise sont toujours en cours.

Par acte de Commissaire de Justice délivré le 3 juillet 2024, la société AXESS ILE DE FRANCE NORD a assigné la société AGENCE FRANC et la société MAF pour leur voir rendre communes les ordonnances précédemment intervenues et les opérations d’expertise.

Elle maintient sa demande aux termes de ses conclusions, faisant valoir qu’elle a le 10 février 2022, dans le cadre de la négociation d’un contrat de promotion, régularisé pour le compte du Maître d’ouvrage un contrat de maîtrise d’œuvre de conception avec l’AGENCE FRANC, assurée auprès de la MAF. Elle conteste les arguments de mise hors de cause de l’AGENCE FRANC, rappelant que la notion de voisin occasionnel a été abandonnée par la jurisprudence, laquelle recherche désormais la relation directe entre les troubles subis et les missions confiés, notamment pour retenir la responsabilité de l’architecte de conception qui n’occupe pas matériellement le fonds voisin, soulignant que la responsabilité de l’architecte est régulièrement retenue par les juges du fond, à tout le moins pour avoir manqué à l’obligation de conseil, et que dans le cadre de sa mission de conception, l’architecte peut être responsable de troubles subis par les fonds voisins des chantiers sur lesquels ils travaillent en amont de l’édification, c’est-à-dire au niveau de la conception des ouvrages, et il importe donc peu que l’architecte de conception n’ait pas été présent sur le chantier. Elle dispose donc d’un intérêt légitime à voir l’AGENCE FRANC et la MAF participer aux opérations d’expertise.

La société AGENCE FRANC conclue au débouté de la demande vu la seule intervention de l’agence FRANC limitée à la conception et l’obtention du permis de construire, vu l’absence de toute intervention sur site tant sur les travaux que sur le chantier mis en cause par les riverains, vu l’autorisation d’urbanisme dûment obtenue et définitive depuis juin 2022, en l’absence de motif légitime, et sollicite de condamner la demanderesse au paiement d’une somme de 1800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

Elle relève que les riverains se plaignent du chantier engagé par la société IMMOLOC, mais que toutefois, l’agence FRANC n’a qu’une mission de conception, amplement achevée depuis 2022, s’agissant de l’obtention du permis de construire, sans donc quelconque pouvoir d’intervention sur site, et ne peut donc répondre d’un quelconque trouble au regard des riverains, à supposer ces travaux engagés ; elle n’a aucune maîtrise du chantier ni de l’opération et n’est intervenue qu’en tant qu’architecte pour compte de la société AXESS, et non IMMOLOC ou SODEVAL, et exclusivement pour la conception, soit jusqu’au permis de construire exclusivement ; elle n’est en rien maître d’ouvrage, ni voisin occasionnel, n’ayant aucune mission d’exécution, de suivi ou de direction des travaux.

La MAF n’est pas représentée.

La décision a été mise en délibéré au 22 octobre 2024.

MOTIFS

En application de l’article 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Il sera rappelé par ailleurs que la juridiction des référés peut, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’elle a précédemment ordonnée en référé. Pour ce faire, il est nécessaire, et suffisant, conformément aux conditions prévues par ce texte, qu’il existe un motif légitime de rendre l’expertise commune à d’autres parties que celles initialement visées.

En l’espèce, au vu des pièces visées en annexe de l’assignation, il convient de faire droit à la demande dans les conditions qui seront détaillées au dispositif de la présente décision.

La mise hors de cause de la société AGENCE FRANC apparaît prématurée au regard de l’appréciation des responsabilités qui relèvent de la compétence du juge du fond.

Les dépens seront mis à la charge de la demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versialles, statuant en qualité de Juge des référés, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe après débats en audience publique :

Rejetons la demande de mise hors de cause de la société AGENCE FRANC,
Déclarons communes et opposables à la société AGENCE FRANC et la société MAF les opérations d’expertise confiées à Mme [X] [U] par ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Versailles du 3 août 2023 (RG 23/900), rendue commune par ordonnance de référé du 16 avril 2024 (RG 24/59),

Disons que la société AXESS ILE DE FRANCE NORD communiquera l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert,

Disons que l’expert devra poursuivre sa mission après avoir mis la société AGENCE FRANC et la société MAF en mesure de présenter leurs observations sur les opérations auxquelles il a déjà été procédé,

Disons que l’expert devra convoquer la société AGENCE FRANC et la société MAF à la prochaine réunion d’expertise, au cours de laquelle elles seront informées des diligences déjà accomplies et invitées à formuler leurs observations,

Laissons les dépens à la charge de la demanderesse.

Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le Greffier La Première Vice-Présidente

Virginie DUMINY Gaële FRANÇOIS-HARY


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