Responsabilité décennale et subrogation : enjeux d’une indemnisation suite à un sinistre incendiaire dans un contexte de travaux de rénovation.

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Responsabilité décennale et subrogation : enjeux d’une indemnisation suite à un sinistre incendiaire dans un contexte de travaux de rénovation.

Les époux [G] possédaient une maison acquise en 2014 et ont réalisé des travaux de fumisterie et de rénovation de toiture sans maîtrise d’œuvre. En octobre 2016, un incendie s’est déclaré lors de l’utilisation d’un poêle installé, causant des dommages importants. L’expert de leur assurance a estimé le préjudice à 200 000 euros. La société Pacifica, leur assureur, a assigné plusieurs entreprises et assureurs en responsabilité, demandant le remboursement des dommages. Des expertises judiciaires ont été ordonnées, et plusieurs procédures ont été engagées, notamment en raison de la mise en redressement judiciaire de la SARL JG Renov. Les demandes de chaque partie ont été examinées, et le tribunal a finalement condamné la SARL JG Renov et la SA Aviva Assurances à payer une somme de 259 603,57 euros à la SA Pacifica, tout en fixant cette créance au passif de la procédure collective de JG Renov. Des frais d’expertise et des indemnités ont également été attribués.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Dijon
RG
18/02691
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de DIJON

2ème Chambre

MINUTE N°

DU : 15 Octobre 2024

AFFAIRE N° RG 18/02691 – N° Portalis DBXJ-W-B7C-GMCZ

Jugement Rendu le 15 OCTOBRE 2024

AFFAIRE :

SA PACIFICA

C/

[Y] [B]
S.A.R.L. JG RENOV
S.A. AVIVA ASSURANCES
S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES
S.A. COUVERTURE DIJONNAISE
GAN ASSURANCES
S.A. AXA

ENTRE :

La SA PACIFICA, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 352 358 865, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par Maître Jean-françois MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocats au barreau de DIJON plaidant

DEMANDERESSE

ET :

1°) La SARL JG RENOV, immatriculée au RCS de DIJON sous le numéro 441 882 939, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, en liquidation judiciaire suivant jugement du Tribunal de commerce de DIJON en date du 16/11/2021
dont le siège social est sis [Adresse 10]

représentée par Me Alain RIGAUDIERE, avocat au barreau de DIJON plaidant

2°) La SELARL MJ & ASSOCIES, prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL JG RENOV, dont le siège social est sis [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice : Me [L]
dont le siège social est sis [Adresse 5]

défaillante

3°) La SA AVIVA ASSURANCES, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 306 522 665, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Marie-Laure THIEBAUT de la SELARL THIEBAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de DIJON plaidant

4°) La SARL COUVERTURE DIJONNAISE, immatriculée au RCS de DIJON sous le numéro 442 237 293, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS, avocats au barreau de DIJON plaidant

5°) Le GAN ASSURANCES, pris en sa qualités d’assureur de la SA COUVERTURE DIJONNAISE, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 063 797, prise en son agence sise [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 9]

représentée par Me Laurent CHARLOPIN, avocat au barreau de DIJON postulantet par Me CAPERON substituant Me Patrice PIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant

6°) La SA AXA FRANCE IARD, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 722 057 460, prise en son agence sis [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Stéphane CREUSVAUX de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocats au barreau de DIJON plaidant

DEFENDEURS

ET ENCORE :

Monsieur [Y] [B]
né le 12 Octobre 1986 à [Localité 11]
de nationalité Française
Directeur d’agence bancaire, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Emilie CAVIN-CHATELAIN, avocat au barreau de DIJON postulant et par Me Jennifer KNAFOU de la SELARL KL2A KNAFOU & LOUPPE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS plaidant

PARTIE INTERVENANTE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

DEBATS :

Présidente : Madame Aude RICHARD, Vice-présidente
Assesseurs : Madame Laetitia TOSELLI, Vice-Présidente
: Madame Sabrina DERAIN, Juge

Greffier : Madame Catherine MORIN en présence de Madame [Z] [A], Greffier stagiaire

En audience publique le 05 mars 2024 ;

Les avocats des parties ont été entendus ou ont déposé leur dossier de plaidoiries conformément à l’article 799 du Code de procédure civile ;

DELIBERE :

– au 18 juin 2024 et prorogé au 15 octobre 2024
– Mêmes Magistrats

JUGEMENT :

– prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe du Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– Réputé contradictoire
– en premier ressort
– rédigé par Laetitia TOSELLI
– signé par Aude RICHARD Présidente et Catherine MORIN Greffière principale, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrée le
à
Maître Stéphane CREUSVAUX de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE-CREUSVAUX
Me Emilie CAVIN-CHATELAIN
Me Laurent CHARLOPIN
Me Jennifer KNAFOU
Maître Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCATS
Maître [H] [C] de la SCP [C] ET ASSOCIES
Me Patrice PIN
Me Alain RIGAUDIERE
Maître [S] [L] de la SELARL [L] ET ASSOCIES

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Les époux [G] sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 7], construite dans les années 1970 et acquise en 2014. Ils sont assurés en assurance multirisques habitation auprès de la société Pacifica.

En 2014, ils ont confié, sans maîtrise d’oeuvre, des travaux de fumisterie à la société SA Renovation, et à la société JG Renov. Ces travaux consistaient en la fourniture et la pose d’un poêle de marque JOTUL I 520 Vitre latérale par la société SA Rénovation et en la réalisation de divers travaux comprenant notamment un tubage de cheminée par la société JG Renov.

Les travaux ont été effectués pendant l’été 2014 puis réceptionnés sans réserve et les factures définitives réglées intégralement par les époux [G], les 4 août 2014 au profit de la SA Renovation pour un montant de 1 716 euros TTC et 26 août 2014 au profit de la société JG Renov pour un solde de 10 516, 22 euros TTC.

Au printemps 2016, les époux [G] ont fait réaliser sans maîtrise d’oeuvre des travaux de rénovation de la toiture de leur domicile par la société Couverture Dijonnaise. Ces travaux comprenaient le remplacement de la couverture bac acier par une couverture en zinc ainsi que l’isolation des combles par la pose de laine de roche. Les travaux ont été réceptionnés par les époux [G] sans réserve et ont fait l’objet d’un règlement intégral par facture datée du 27 mai 2016 pour un montant de 21 569,59 euros TTC.

Fin septembre 2016, les époux [G] ont fait réaliser un ramonage de leur conduit de cheminée par M. [U] [I], artisan sous-traitant de la société JOTUL. La facture de cette intervention a été réglée le 29 septembre 2016 pour un montant de 115 euros TTC.

Le dimanche 9 octobre 2016, alors que le dispositif de chauffage Jotul était en cours d’utilisation pour la première fois depuis la réalisation des travaux d’isolation et de ramonage, un incendie s’est déclaré au domicile des époux [G], causant d’importants dégâts par destruction de la charpente ainsi que de la couverture du bâtiment. En outre, des dommages importants ont affecté l’espace intérieur de l’habitation des époux [G] du fait de la propagation de l’incendie et des moyens mis en oeuvre pour son extinction.

Le 11 octobre 2016, M. [X] [M], expert mandataire de l’assurance des époux [G] s’est rendu sur les lieux du sinistre pour dresser un premier rapport d’expertise déplorant les dommages et préjudices subis par les époux [G]. Ce premier rapport chiffre le préjudice estimatif des époux [G] à la somme de 200 000 euros.

Par ordonnance de référé rendue le 29 mars 2017, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon a ordonné une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. [T].

Par ordonnance d’incident du 28 juin 2017, le juge de la mise en état a étendu les mesures d’expertise de M. [T] à la SARL JC Elec, à la SMABTP, ainsi qu’à la Compagnie Gan Assurances, ès qualités d’assureur responsabilité civile décennale présumé de la SA Couverture Dijonnaise.

Par ordonnance du 26 juillet 2017, le juge de la mise en état a étendu les mesures d’expertise de M. [T] à la SA Axa France IARD ès qualités d’assureur responsabilité civile et décennale de la SA Couverture Dijonnaise, ainsi qu’à M. [Y] [B], agent d’assurance pour le compte de Gan Assurances.

Le 29 janvier 2018, M. [T] a déposé son rapport définitif d’expertise par voie électronique au greffe du tribunal judiciaire de Dijon.

Par exploits d’huissier du 5 septembre 2018, la SA Pacifica a, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, fait assigner la SARL JG Renov et son assureur Aviva Assurances, la SA Couverture Dijonnaise, ainsi que Gan Assurances et Axa France IARD, aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme principale de 266 103, 28 euros correspondant au montant chiffré des dommages subis par les époux [G], outre 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à régler les dépens. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 18/02691.

M. [Y] [B] est intervenu volontairement à la procédure par conclusions notifiées électroniquement le 18 octobre 2018.

Par ordonnance du 17 juin 2019, le juge de la mise en état, saisi d’un incident par la SARL JG Renov qui estimait que le tribunal de commerce était compétent, a notamment reconnu la compétence du tribunal judiciaire de Dijon pour connaître de l’instance introduite par la SA Pacifica et condamné la société JG Renov aux dépens de l’incident.

Par jugement du 26 novembre 2019 du tribunal de commerce de Dijon, la SARL JG Renov a été placée en redressement judiciaire. La SELARL MJ & Associés a été désignée en qualité de représentant des créanciers.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 décembre 2019, reçue le 6 décembre, la SA Pacifica a déclaré sa créance entre les mains de la SELARL MJ & Associés, représentant des créanciers de la SARL JG Renov.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2020, reçue le 15 janvier 2020, la société Couverture Dijonnaise a déclaré sa créance entre les mains de la SELARL MJ & Associés, représentant des créanciers de la SARL JG Renov.

Par exploit d’huissier du 29 janvier 2020, la SA Pacifica a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Dijon la SELARL MJ & Associés, ès qualités de représentant des créanciers de la SARL JG Renov en redressement judiciaire, afin de voir notamment fixer sa créance de 266 103,28 euros dans la procédure collective de la société JG Renov. Cette procédure a été enregistrée au rôle du tribunal judiciaire de Dijon sous le numéro RG 20/00407.

Par ordonnance du 9 juin 2020, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures, désormais appelées sous le numéro RG 18/02691.

Par ordonnance du 14 septembre 2020, le juge de la mise en état a constaté le désistement d’incident de communication de pièces de M. [B] et de la société Gan Assurances.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la SARL JG Renov le 23 novembre 2021.

Par acte d’huissier du 2 février 2022, la SA Pacifica a appelé en la cause la SELARL MJ & Associés ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL JG Renov, afin de voir notamment fixer sa créance de 266 103,28 euros dans la procédure collective de la société JG Renov. Cette procédure a été enregistrée au rôle du tribunal judiciaire de Dijon sous le numéro RG 22/00283.

Par ordonnance du 3 mars 2022, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures, désormais appelées sous le numéro RG 18/02691.

La clôture de la procédure a été ordonnée par décision du juge de la mise en état du 9 janvier 2024.

Par suite de l’audience collégiale du 5 mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024. Le délibéré a été prolongé au 17 septembre 2024, puis de nouveau prorogé au 15 octobre 2024 pour contrainte de service.

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Par conclusions notifiées électroniquement le 14 avril 2021, la SA Pacifica demande au tribunal de :
– constater son désistement à l’encontre de la SA Axa France IARD,
et, sur le fondement des articles 1792 et 1240 du code civil et de l’article L. 511-1 du code des assurances, de :
– condamner in solidum la SA Aviva Assurances Assurances, la SARL Couverture Dijonnaise, la SA Gan Assurances et M. [B] à lui payer la somme principale de 266 103,28 euros,
– condamner les mêmes à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire,
– fixer la créance de SA Pacifica dans la procédure collective de la SARL JG Renov à hauteur de 266 103, 28 euros,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

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Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2021, la SARL Couverture Dijonnaise demande au tribunal de :
à titre principal, sur le fondement de l’article 1792 du code civil :
– dire et juger que les ouvrages de couverture et d’isolation réalisés par elle ne sont atteints d’aucun vice de construction et d’aucun désordre susceptible d’entraîner l’application de la garantie décennale,
– dire et juger que les travaux d’isolation et de couverture exécutés par elle n’ont aucun lien de causalité direct et certain avec l’incendie survenu le 9 octobre 2016,
– dire et juger inapplicables les principes de la responsabilité décennale à son égard,
– ordonner sa mise hors de cause,
à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1240 et 1998 et suivants du code civil :
– dire et juger que l’incendie litigieux provient des fautes commises par la SARL JG Renov dans l’exécution de ses travaux de fumisterie,
– dire et juger que la SARL JG Renov est entièrement responsable de l’incendie du 9 octobre 2016,
– fixer sa créance dans le passif du redressement judiciaire de la SARL JG Renov à la somme de 266 103,28 euros à titre principal et à la somme de 20 000 euros au titre des frais et dépens,
– condamner la société Aviva Assurances Assurances à la garantir de toutes les condamnations en principal, intérêt et frais susceptibles d’être prononcées contre elle,
à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause :
– dire et juger que la compagnie Gan sera tenue de garantir les conséquences financières de son éventuelle responsabilité,
– dire et juger que M. [B] a engagé sa responsabilité contractuelle et subsidiairement sa responsabilité délictuelle,

– condamner in solidum la compagnie Gan et M. [B] à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais susceptibles d’être prononcées contre elle,
– condamner la partie succombante, la compagnie Pacifica, la société Aviva Assurances, la Compagnie Gan Assurances et/ou M. [B] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même partie succombante en tous les dépens lesquels seront recouvrés au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

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Par conclusions notifiées électroniquement le 26 mai 2021, la SARL JG Renov demande au tribunal de :
– dire et juger la SA Pacifica mal fondée en ses demandes dirigées à son encontre et l’en débouter,
– débouter la société Couverture Dijonnaise de sa demande en garantie,
– subsidiairement, condamner la compagnie d’assurances Aviva à la garantir de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre, tout en observant que le chiffrage des dommages n’est pas opposable à la société JG Renov,
– condamner la SA Pacifica à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.

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Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2022, la SA Aviva Assurances demande au tribunal, sur le fondement des articles 1382 anciens et suivants du code civil, de :
à titre principal :
– dire et juger que la responsabilité de la société JG Renov ne peut être retenue, l’imputabilité du sinistre aux travaux de ce constructeur n’étant pas établie,
– dire et juger que les garanties du contrat d’assurance ne sont pas mobilisables, les travaux de JG Renov relevant d’une activité non garantie,
– en conséquence, mettre hors de cause la SA Aviva Assurances,
à titre subsidiaire :
– condamner in solidum la société Couverture Dijonnaise et son assureur Gan Assurances à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées contre elle tant en principal, dommages intérêts, frais et accessoires,
– dire que la franchise du contrat d’assurance de la société JG Renov doit être prise en charge par l’assurée s’agissant des dommages matériels,
en tout état de cause :
– condamner la société Pacifica ou qui de mieux le devra à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux dépens avec faculté pour Maître [L], ès qualités, de bénéficier des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2022, la société Gan Assurances demande au tribunal de :
à titre principal :
– débouter la SA Pacifica et la Société Couverture Dijonnaise de leur demande de condamnation présentée à son encontre, en l’absence de police d’assurances,
– dire que l’attestation litigieuse n’a été remise aux époux [G] et à Couverture Dijonnaise que postérieurement au sinistre,

– débouter la SA Pacifica, la société Couverture Dijonnaise, M. [B], la société JG Renov et la société Aviva Assurances de leurs demandes de condamnations à son encontre,
à titre subsidiaire :
– condamner in solidum M. [B], sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil et subsidiairement 1240 du code civil, la société Couverture Dijonnaise, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la société JG Renov et son assureur la société Aviva Assurances, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à la garantir de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires,
– condamner la société Pacifica ou toutes autres parties succombantes à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Pacifica ou toutes autres parties succombantes aux entiers dépens.

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Par conclusions notifiées électroniquement le 17 février 2023, M. [B] demande au tribunal, sur le fondement des articles 9, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, 328 et suivants du code de procédure civile, L. 121-12 du code des assurances, 1231-1, 1353, 1346-1 et 1379 du code civil, de :
– déclarer son intervention volontaire recevable et bien fondée,
– juger que la compagnie Pacifica n’établit pas la preuve du paiement fait à ses assurés,
– juger que la compagnie Pacifica ne justifie pas d’une subrogation à son encontre sur le fondement de l’article L. 121-12 du code des assurances,
– en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de la Compagnie Pacifica,
sur le fond,
– juger que la société Couverture Dijonnaise ne rapporte pas la preuve qu’il serait à l’origine de “l’attestation d’assurance” qu’elle produit en pièce n° 3,
– juger que la photocopie de “l’attestation d’assurance” qu’elle produit en pièce n° 3 n’a pas valeur probante,
– juger que la SA Couverture Dijonnaise ne rapporte pas la preuve d’une faute qui lui serait imputable présentant un lien de causalité avec le préjudice allégué,
– juger que la compagnie Gan Assurances ne rapporte pas la preuve de sa faute dans l’exécution de son mandat d’agent général,
– juger qu’il n’est pas établi que sa faute présente un lien de causalité avec le préjudice allégué,
en conséquence,
– débouter les sociétés SA Couverture Dijonnaise, Pacifica ainsi que toutes autres les parties de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
– débouter la Compagnie Gan Assurances de son appel en garantie dirigé à son encontre,
en tout état de cause,
– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant aux entiers dépens.

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Par écritures notifiées par voie électronique le 11 août 2021, la Société Axa France IARD conclut :
– au rejet de toutes les demandes de condamnations formées à son encontre,
– à sa mise hors de cause,
– à la condamnation de la société Aviva Assurances à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– à la condamnation de la société Pacifica ou de toutes autres parties succombantes aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Creusvaux, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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La SELARL MJ et Associés, assignée à personne morale le 2 février 2022, ès qualités de liquidateur de la société JG Renov, n’a pas constitué avocat.

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En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS :

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, “Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée”.

La SELARL MJ et Associés, ès qualités de liquidateur de la société JG Renov, n’ayant pas constitué avocat, le présent jugement sera réputé contradictoire car susceptible d’appel.

A titre liminaire :

Il y a lieu de constater et de déclarer régulière l’intervention volontaire de M. [B].

Par ailleurs, la société JG Renov avait notifié des conclusions avant l’ouverture d’une procédure collective à son encontre. Or, la SELARL MJ et Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JG Renov, n’a pas constitué avocat. Il en résulte que les moyens de défense et prétentions formulés dans les écritures précédemment notifiées par la société JG Renov, qui était elle-même représentée par un conseil, mais non reprises par son liquidateur, ne peuvent saisir le tribunal.

En outre, la demande subsidiaire de fixation d’une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société JG Renov formulée par la société Couverture Dijonnaise est irrecevable à défaut d’avoir été signifiée par celle-ci au liquidateur de la société JG Renov ès qualités.

I/ Sur la qualité à agir de la compagnie Pacifica à l’encontre de M. [B] :

La SA Pacifica soutient qu’elle a qualité à agir puisqu’en tant qu’assureur elle se trouve subrogée, c’est-à-dire substituée, dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers. Elle ajoute que la subrogation produit un effet translatif, si bien que la créance est transmise au subrogé qui prend la place du subrogeant dans ses droits et actions. Elle indique produire la lettre d’acceptation sur indemnité régularisée par les époux [G] ainsi que la quittance subrogative et les justificatifs de règlements. Enfin, elle fait valoir que le juge de la mise en état avait déjà reconnu son droit d’agir, si bien que la fin de non recevoir doit être rejetée.

M. [B] prétend que la compagnie Pacifica est irrecevable à agir faute de justifier de sa qualité à agir dès lors qu’elle n’établit pas la preuve du paiement effectif d’une indemnité de 266 103,28 euros aux époux [G]. Elle ajoute que la simple quittance subrogative datée du 20 juillet 2018 porte sur la somme de 259 603,57 euros et qu’elle ne démontre pas la réalité du paiement de l’indemnité aux assurés en application du contrat d’assurance. À tout le moins, M. [B] considère que l’action est irrecevable dans son quantum en raison de la différence des deux sommes.
M. [B] fait également valoir que la subrogation fondée sur l’article L. 121-12 du code des assurances dont se prévaut la SA Pacifica ne peut trouver application à son égard puisqu’en tant qu’agent d’assurances, il n’est pas “le tiers qui, par son fait, a causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur” prévu par cet article. Il en déduit ainsi que la SA Pacifica n’est pas subrogée à son encontre.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, “constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée”.
Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
D’après l’article L. 121-12 alinéa 1er du code des assurances, “l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur”.

Il est établi qu’en cas de paiements partiels, la subrogation peut valablement intervenir non à l’occasion de chacun de ces règlements, mais lors du règlement du solde (cf 1ère civile, 27 novembre 1985). Le paiement étant un fait juridique, la preuve du paiement réalisé par l’assureur peut en être rapportée par tous moyens (cf 2ème civile, 9 déc. 2021, n° 20-15.571).

En l’espèce, le juge de la mise en état n’a pas déjà tranché la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SA Pacifica.
Dans leur lettre d’acceptation sur indemnité signée le 26 octobre 2017, les époux [G] indiquent être en accord avec le montant de l’indemnité fixée par expertise à la somme de 266 103,28 euros TTC et accepter de subroger l’assureur dans leurs droits et actions à concurrence des indemnités, “sous réserve d’encaissement de ces sommes”. Cette lettre ne fait ainsi pas preuve d’un paiement effectif. En revanche, le document interne à l’assureur faisant état de 15 paiements réalisés entre le 10 octobre 2016 et le 18 octobre 2017, comportant chacun un montant et un numéro de paiement ainsi que l’indication du bénéficiaire (les assurés ou le tiers qui a réparé le dommage), pour un montant total de 259 603,57 euros, constitue bien la preuve des paiements. En outre, une quittance subrogative, en date du 20 juillet 2018, est établie par les époux [G], pour un montant total de 259 603,57 euros, correspondant donc à la somme totale versée par l’assureur sur le fondement du contrat d’assurance. Dans cette quittance subrogative, les époux [G] acceptent notamment de subroger Pacifica dans tous leurs droits et actions à concurrence de cette indemnité.
Il en résulte que la SA Pacifica a qualité pour agir à l’encontre des responsables du dommage mais que son recours subrogatoire ne pourra prospérer qu’à concurrence de la somme de 259 603,57 euros.

Cependant, l’article L. 121-12 du code des assurances reconnaît à l’assureur, qui a versé l’indemnité d’assurance, une subrogation dans les droits et actions de son assuré contre le tiers responsable. Or, il n’est pas contesté que M. [B] n’est en aucune façon le tiers responsable de l’incendie de la maison des époux [G]. Le recours subrogatoire exercé à son encontre par l’assureur est donc irrecevable, faute d’intérêt à agir contre lui.

II/ Sur le désistement d’instance et d’action de la compagnie Pacifica à l’encontre de la SA Axa France IARD :

Aux termes de l’article 394 du code de procédure civile “le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance”.
Il résulte en outre de l’article 395 alinéa 1er de ce même code que “le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur (…)”.

La SA Pacifica explique se désister de son action à l’encontre de la SA Axa France IARD qui justifie avoir résilié le contrat d’assurances de la société Couverture Dijonnaise.

La SA Axa France IARD rappelle avoir déjà, dans ses précédentes conclusions, intitulées “conclusions d’acceptation de désistement”, accepté le désistement d’instance et d’action de la société Pacifica à son profit, lequel se trouve parfait.

Il convient donc de le constater.

Par ailleurs, aucune demande n’étant plus formulée à son encontre, il y a lieu de mettre la SA Axa France IARD hors de cause selon sa demande.

III/ Sur la demande de condamnation in solidum des sociétés Aviva Assurances, Couverture Dijonnaise et Gan Assurances au paiement de la somme de 266 103,28 euros et sur la demande de fixation de cette somme au passif de la liquidation de la société JG Renov :

La compagnie Pacifica se prévaut des conclusions de l’expert, lequel a déterminé les causes de l’incendie et établi les responsabilités, pour solliciter son indemnisation. Aussi considère-t-elle que la stabilité du conduit aurait dû être assurée par la société JG Renov tout comme la distance au feu de 8 cm en passage de la toiture qui n’a pas été respectée. Elle en déduit que la responsabilité décennale de la SARL JG Renov dans le sinistre est engagée. Elle ajoute que celle de la société Couverture Dijonnaise l’est également pour avoir pu déplacer le conduit de fumée, être intervenue sur un conduit non conforme et n’avoir pas préconisé les éléments permettant à l’ouvrage d’être conforme aux performances exigées par la RT 2012. Elle rappelle enfin avoir indemnisé les époux [G] à hauteur d’une somme totale de 266 103,28 euros TTC. La compagnie Pacifica soutient que la garantie décennale s’applique tant lorsqu’il s’agit d’une rénovation totale de la toiture et de sa charpente, que lorsqu’il s’agit de l’installation d’un insert sur existant si la défectuosité de cet élément d’équipement est à l’origine d’un incendie ayant détruit intégralement une maison d’habitation.

La Société Couverture Dijonnaise conteste toute responsabilité dans la réalisation du sinistre. Elle indique que la responsabilité de plein droit du constructeur est engagée à la condition que le vice affecte l’ouvrage qu’il a réalisé

et qu’il est alors nécessaire d’établir un lien de causalité entre les travaux de couverture et d’isolation qu’elle a réalisés et le sinistre survenu le 9 octobre 2016. Or, elle estime que l’expertise ne démontre aucun vice dans les travaux de couverture et d’isolation qu’elle a exécutés et qui ont été réalisés conformément aux règles de l’art. Elle souligne que ces travaux ne sont pas intervenus dans la réalisation de l’incendie. Elle prétend que c’est à tort que sa responsabilité a été retenue par l’expert pour être intervenue sur un conduit de fumée présentant une non-conformité et pour n’avoir pas préconisé un support de l’isolant, un coffrage ou une coquille isolante. Elle réplique ainsi que la pose d’une coque isolante incombait à la société JG Renov lors de la pose du conduit puisqu’elle est expressément préconisée par le fabricant, que le support d’isolant n’est pas nécessaire puisqu’aucun isolant n’a été mis en œuvre dans l’emprise de la hotte et que la vérification des défauts de conformité du tubage n’entrait pas dans ses attributions, de telle sorte que son absence ne peut lui être reprochée car elle est étrangère à sa spécialité et qu’elle n’est pas intervenue sur le conduit. Elle conteste toute intervention sur le conduit de fumée qu’elle indique n’avoir ni déposé, ni déplacé, se contentant de reposer l’embase d’étanchéité par clouage sur le chevronnage, qui se situe au niveau de la couverture et non du plafond, point d’ignition localisé par l’expert. Elle souligne que l’expert émet une simple hypothèse non corroborée par des éléments techniques en supposant qu’à l’occasion des travaux de couverture le conduit ait pu être déplacé. La société Couverture Dijonnaise conteste toute responsabilité dans l’incendie du seul fait que ce dernier soit survenu quelques mois après les travaux de couverture. Elle estime donc devoir être mise hors de cause. Mais elle insiste sur le fait que l’incendie trouve son origine dans les fautes d’exécution et de conception commises par la société JG Renov qui n’a pas respecté la verticalité du conduit, ni la distance au feu réglementaire en traversée du plafond, ni le système de fixation assurant la stabilité du conduit et qui n’a pas mis en œuvre la protection prévue par le fabricant.

La société Aviva Assurances soutient que l’imputabilité des désordres aux travaux réalisés par la société JG Renov n’est pas rapportée par le demandeur, si bien que sa responsabilité ne peut être retenue. Elle souligne en outre que le conduit de fumée n’était plus dans son état initial après les travaux de couverture effectués par la société Couverture Dijonnaise qui l’a déposé et reposé.

A/ Sur la nature, l’origine et la qualification du désordre :

Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
D’après l’article 1792-2 de ce même code, “la présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage”.

Il était constant depuis 2017 que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (cf 3ème Civ, 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640 ; 3ème Civ, 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323).

La personne tenue à garantie est soit le constructeur d’origine lorsque l’élément d’équipement impropre est d’origine, soit l’installateur de cet élément sur existant (cf 3ème Civ, 26 octobre 2017, pourvoi n° 16-18.120, publié).

Il a ensuite été précisé que les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant et rendant l’ouvrage impropre à sa destination ne relevaient de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvaient leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner (cf 3ème Civ,13 juillet 2022, pourvoi n° 19-20.231).
Il a pu être considéré qu’un désordre affectant l’insert ayant causé un incendie ayant intégralement détruit l’habitation rendait l’ouvrage dans son ensemble impropre à destination (cf 3ème Civ, 7 mars 2019, n° 18-11.741).
Cependant, cette jurisprudence établie a fait l’objet d’un revirement aux termes duquel, si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs. La jurisprudence nouvelle s’applique aux instances en cours dès lors qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la sécurité juridique ni au droit d’accès au juge (cf 3ème Civ, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.694).

En l’occurrence, il doit être considéré que, dès lors que la SA Pacifica a fondé son action sur la seule responsabilité décennale, sans envisager la responsabilité contractuelle des constructeurs, vraisemblablement au regard de la jurisprudence établie depuis 2017, l’application de la nouvelle jurisprudence à la présente instance porterait une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique. Il sera donc fait application de l’ancienne jurisprudence.

L’expert a relevé dans son rapport qu’un incendie s’était développé dans le comble entre le plafond de briques suspendu à une grille à plafond et le voligeage qui supporte la couverture en zinc. Cet incendie a affecté “la toiture (charpente et couverture)” de la maison, ainsi que “les locaux sous-jacents” qui ont été souillés par les fumées et l’eau d’extinction (page 15 du rapport d’expertise). Il explique que l’incendie s’est développé après ignition de la solive de la grille à plafond en pied de conduit de fumée, entre plafond du séjour et voligeage de couverture au droit de la bride murale (page 29). L’incendie s’est développé à l’extérieur du conduit de fumée dans la hauteur du comble et de sa partie basse (page 26), au pied de ce conduit en raison du contact du conduit et de la solive. Ainsi, l’incendie constitue le désordre ; il a pris au pied de l’élément d’équipement destiné à fonctionner, à savoir le tubage du poêle, qui s’est trouvé en contact avec la solive qui s’est enflammée sous l’effet de la chaleur ; il rend l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination puisque la maison a brûlé et qu’il n’est plus possible d’y vivre ; il relève donc de la responsabilité décennale des constructeurs.

B/ Sur les responsabilités :

En l’espèce, il a été fourni, et installé, par la SA Rénovation, qui n’est pas dans la cause, un poêle JOTUL I 520 vitre latérale d’une puissance de 12 kW, selon facture numéro 201408-001 du 4 août 2014. La société JG Renov a réalisé le “tubage de cheminée comprenant fourniture et pose de tubage double peau et sortie toit (le raccordement et le plat a été réalisé par l’entreprise SA rénovation ce qui explique la moins-value)” pour 2 920 euros hors-taxes, outre TVA à 10 %, selon facture numéro 080-08-2014, qui annule et remplace la facture numéro 058-06-2014 qui était relative à un précédent devis du même numéro.
La société JG Renov a donc la qualité de constructeur par application de l’article 1792-1 du code civil, s’agissant d’une société liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage et concernée par le désordre revêtant un caractère décennal. En effet, la société JG Renov, en réalisant le tubage et en le faisant passer entre les pièces de la charpente, est intervenue sur cet élément d’équipement que constitue l’installation d’un chauffage au bois comprenant poêle et tubage.
L’expert relève que la distance de sécurité au feu de 8 cm n’a pas été respectée par la société JG Renov puisque le point d’ignition est décrit sur un élément combustible (page 38). En effet, la solive s’est trouvée en contact avec le tubage. Il ajoute qu’elle n’a pas mis en oeuvre les accessoires prévus par le fabricant, notamment le cadre de centrage pour assurer le passage du tube de fumée en respectant les distances au feu, les réhausses et la coque rigide isolante au passage du plafond (pages 38 et 13). Il retient également que la stabilité du conduit devait être assurée par cette société (page 53) et qu’il n’a pas trouvé de trace des tirefonds qui auraient permis cette stabilité par la fixation de la bride à la solive (page 55).
Ainsi, la cause du dommage, à savoir le contact du tubage avec la solive, se situe dans la sphère d’intervention de la société JG Renov. Il lui est donc imputable. De plus, cette dernière ne justifie d’aucune cause étrangère, dès lors qu’une intervention ultérieure d’un artisan sur le tubage n’est pas imprévisible, ce dernier devant notamment être régulièrement ramoné.
Il en résulte que la responsabilité de la société JG Renov se trouve engagée de plein droit.

En revanche, la cause du dommage ne se situe pas dans la sphère d’intervention de la société Couverture Dijonnaise. En effet, cette dernière est intervenue sur la toiture, et le point d’ignition n’est pas localisé en passage de toiture mais de plafond (page 30). De plus, l’expert n’établit pas avec certitude l’imputabilité du désordre à la société Couverture Dijonnaise. En effet, s’il considère que la société Couverture Dijonnaise est intervenue sur le conduit de fumée pour remettre en place l’abergement, ce que celle-ci dément fermement, il retient deux possibilités d’intervention qui n’ont pas les mêmes conséquences en terme de possibilité de déplacement du tubage : “soit en dégrafant le dernier tube de fumée soit en déposant le chapeau pare-pluie” (page 48).
L’expert n’a émis qu’une hypothèse, contestée, quant au rôle causal d’un éventuel déplacement du conduit suite à l’intervention de la société Couverture Dijonnaise : “ à cette occasion, le conduit de fumée a pu être déplacé” (page 48).
En outre, le ramoneur est aussi intervenu avec certitude sur le conduit de fumée, après les travaux réalisés par la société Couverture Dijonnaise et avant la remise en service du poêle. A ce titre, l’expert a noté que “si la stabilité du conduit de fumée est assurée, le ramonage est réalisé sans déplacement des tubes de fumée. (…) La stabilité du conduit doit être assurée par JG Renov” (page 53). Il y a lieu de constater que cette affirmation se trouve transposable à l’intervention de la société Couverture Dijonnaise. Ainsi, malgré la chronologie des travaux, l’expert

ne démontre pas l’imputabilité du désordre à la société Couverture Dijonnaise qui n’est intervenue qu’en qualité de couvreur et non de spécialiste en fumisterie.

Il en résulte que la responsabilité de la société Couverture Dijonnaise ne peut être engagée de plein droit sur le fondement de la responsabilité décennale. Il convient donc de la mettre hors de cause, conformément à sa demande.

Dès lors, il y a lieu de constater que les demandes principales et subsidiaires formulées par les parties à l’encontre de la société Couverture Dijonnaise, ainsi, en conséquence, que celles formulées à l’encontre de la société Gan Assurances, seront rejetées.

C/ Sur la garantie de la SA Aviva Assurances :

La garantie de la SA Aviva Assurances est recherchée par la société Pacifica, laquelle agit à son encontre en recours subrogatoire et conteste toute exclusion de garantie, considérant que la compagnie d’assurances garantit au titre de son contrat “les conduits de fumée et de ventilation à usage domestique et individuel”.

La subrogation spécifique du droit des assurances n’interdit pas à l’assureur de se prévaloir de la subrogation légale conventionnelle de l’article 1346-1 du code civil, duquel il résulte que “la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
Cette subrogation doit être expresse.
Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens”.

La société Pacifica peut donc solliciter le remboursement de l’indemnisation versée aux époux [G] auprès de la SA Aviva Assurances sur ce fondement.

La société anonyme d’assurances Aviva rappelle toutefois que la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur et estime, au vu du devis, que les conditions particulières, qui excluent les constructions de cheminée avec inserts, ne permettent pas de mobiliser les garanties du contrat d’assurance souscrit par la société JG Renov.

La société Aviva Assurances garantit, selon les conditions particulières de son contrat “multirisque construction”, “les travaux suivants liés à la fumisterie :
– construction, réparation et entretien d’âtres et foyers ouverts à usage domestique hors four et cheminée industriels, foyers fermés, inserts et ramonage,
– conduits de fumées et de ventilation à usage domestique et individuel”.
Or, il convient de rappeler, comme cela a été indiqué supra, que la SA Rénovation, qui n’est pas dans la cause, a fourni et installé un poêle JOTUL I 520 vitre latérale d’une puissance de 12 kW, selon facture numéro 201408-001 du 4 août 2014. La société JG Renov, quant à elle, a réalisé le “tubage de cheminée comprenant fourniture et pose de tubage double peau et sortie toit (le raccordement et le plat a été réalisé par l’entreprise SA rénovation ce qui explique la moins-value)”, selon facture numéro 080-08-2014, qui annule et remplace la facture numéro 058-06-2014 qui était relative à un précédent devis

du même numéro. La société JG Renov n’a donc pas procédé à la “construction”, ni à la “réparation”, ni encore à “l’entretien” de ce poêle (qui n’est ainsi pas une cheminée fermée avec insert), mais elle a installé un “conduit de fumée (…) à usage domestique et individuel”.
Il en résulte que l’activité réalisée est bien garantie.

La SA Aviva Assurances, qui doit sa garantie à son assuré en application du contrat d’assurance souscrit, est donc tenue, in solidum avec ce dernier, à l’indemnisation de la SA Pacifica.
La demande de mise hors de cause de la société Aviva Assurances sera dès lors rejetée.

D/ Sur l’indemnisation :

Il a déjà été indiqué supra qu’en raison du montant de la quittance subrogative, le recours subrogatoire de la SA Pacifica s’exerçait dans la limite de 259 603,57 euros.

La SA Aviva Assurances et la société JG Renov sont donc tenues in solidum de payer à la SA Pacifica la somme de 259 603,57 euros.

Ainsi, dans le cadre de l’action subrogatoire exercée par la société Pacifica, il y a lieu de fixer la créance de 259 603,57 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société JG Renov. En outre, la société Aviva Assurances, assureur de la société responsable du dommage, doit être condamnée à verser à la société Pacifica la somme exposée en indemnisation de ce dommage, soit 259 603,57 euros.

Il sera rappelé qu’aucun plafond ni franchise n’est opposable au tiers lésé en matière d’assurance obligatoire. En conséquence, la franchise contractuelle de l’assuré, égale à 20 % du sinistre avec un minimum de 1 500 euros et un maximum de 7 500 euros, n’est pas opposable à l’assureur qui exerce son recours subrogatoire. En revanche, la société Aviva Assurances est fondée à opposer sa franchise contractuelle à la société JG Renov, son assurée.

IV/ Sur les demandes accessoires :

La société Aviva Assurances et la société JG Renov perdant le procès, elles sont tenues in solidum aux dépens de l’instance comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire.
Ainsi, la société Aviva Assurances sera condamnée aux entiers dépens, comprenant notamment les frais de l’expertise judiciaire, lesquels seront également fixés au passif de la procédure collective de la société JG Renov.

Il convient d’admettre les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Aviva Assurances et la société JG Renov seront en outre tenues in solidum de verser à la société Pacifica la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Cette somme sera donc fixée au passif de la procédure collective de la société JG Renov et la société Aviva Assurances sera condamnée à la payer à la société Pacifica.

L’équité commande par ailleurs de condamner la société Aviva Assurances à verser à la SA Axa France IARD, contre laquelle elle a maintenu des demandes pendant un temps malgré le désistement de la société Pacifica, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande également de condamner la société Pacifica à verser à M. [B] la somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en revanche de rejeter le surplus des demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, sera ordonnée au regard de l’ancienneté de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

– CONSTATE l’intervention volontaire de M. [Y] [B] à l’instance ;

– CONSTATE que le tribunal n’est saisi d’aucun moyen de défense ni d’aucune prétention émanant de la société JG Renov ;

– DIT que la demande subsidiaire de fixation d’une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société JG Renov, formulée par la société Couverture Dijonnaise, est irrecevable ;

– DIT que le recours subrogatoire de la SA Pacifica est limité à la somme de 259 603,57 euros ;

– DIT que le recours subrogatoire engagé par la SA Pacifica à l’encontre de M. [Y] [B] est irrecevable pour défaut de qualité à agir ;

– CONSTATE le désistement d’instance et d’action de la SA Pacifica à l’encontre de la SA Axa France IARD et le déclare parfait ;

– MET hors de cause la SA Axa France IARD ;

– REJETTE les demandes principales et subsidiaires formulées par les parties à l’encontre de la société Couverture Dijonnaise et de la société Gan Assurances ;

– MET hors de cause la société Couverture Dijonnaise ;

– REJETTE la demande de mise hors de cause de la société Aviva Assurances ;

– DIT que la société JG Renov et la SA Aviva Assurances sont tenues in solidum de payer à la SA Pacifica la somme de 259 603,57 euros (deux cent cinquante neuf mille six cent trois euros et cinquante-sept centimes) ;

– FIXE cette somme de 259 603,57 euros (deux cent cinquante neuf mille six cent trois euros et cinquante-sept centimes) au passif de la procédure collective de la société JG Renov ;

– CONDAMNE la SA Aviva Assurances à verser à la société Pacifica la somme de 259 603,57 euros (deux cent cinquante neuf mille six cent-trois euros et cinquante-sept centimes) au titre de son recours subrogatoire ;

– DIT que la franchise contractuelle du contrat liant la société Aviva Assurances à la société JG Renov n’est pas opposable à la société Pacifica ;

– DIT que la société Aviva Assurances est fondée à opposer sa franchise contractuelle à la société JG Renov, son assurée ;

– DIT que la société Aviva Assurances et la société JG Renov sont tenues in solidum aux entiers dépens de l’instance comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire ;

– FIXE au passif de la procédure collective de la société JG Renov les dépens de l’instance comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire ;

– CONDAMNE la société Aviva Assurances aux dépens comprenant notamment les frais de l’expertise judiciaire ;

– ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– DIT que la société Aviva Assurances et la société JG Renov sont tenues in solidum de verser à la société Pacifica la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– FIXE au passif de la procédure collective de la société JG Renov cette somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société Aviva Assurances à verser à la société Pacifica la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société Aviva Assurances à verser à la SA Axa France IARD la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– CONDAMNE la société Pacifica à verser à M. [Y] [B] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– REJETTE le surplus des demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ORDONNE l’exécution provisoire ;

– REJETTE le surplus des demandes.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Greffier et la Présidente.

Le Greffier La Présidente


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