En 2014, M. et Mme [U] ont construit une maison avec la société Jacques Tertrais développement (JTD), assurée par la société L’Auxiliaire. Les travaux de couverture, d’un montant de 16 501 euros TTC, ont été confiés à la société CGH, qui n’a pas terminé sa prestation et a fait l’objet d’une procédure collective. Une autre société, Ouest Bati sec, aurait achevé les travaux d’étanchéité, mais a également été placée en procédure collective. La réception des travaux a eu lieu le 17 décembre 2015, avec une réserve sur les couvertines.
Des infiltrations ont été constatées, entraînant un premier rapport d’expertise en octobre 2017, suivi d’un second rapport en août 2020, indiquant une aggravation des défauts d’étanchéité. M. et Mme [U] ont obtenu la désignation d’un expert judiciaire en référé en décembre 2020. En avril et mai 2022, ils ont assigné JTD et L’Auxiliaire en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale. Dans leurs dernières conclusions, M. et Mme [U] demandent des réparations financières pour préjudice matériel, coût de l’expertise, préjudice moral, ainsi que des dépens. En réponse, JTD et L’Auxiliaire contestent leur responsabilité et demandent le déboutement des demandes des consorts [U], tout en proposant une réduction de leur quote-part de responsabilité et du quantum du préjudice. L’affaire a été renvoyée devant le tribunal pour plaidoiries le 17 juin 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] – tél : [XXXXXXXX01]
29 Août 2024
1re chambre civile
54G
N° RG 22/03667 – N° Portalis DBYC-W-B7G-JYCH
AFFAIRE :
[G] [U]
[W] [L]
C/
S.A.R.L. JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT (JTD) exerçant sous l’enseigne «INNOV HABITATION»
Société L’AUXILIAIRE
copie exécutoire délivrée
le :
à :
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente
ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président
ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge
GREFFIER : Karen RICHARD
JUGEMENT
avant dire-droit, contradictoire, prononcé par Madame Dominique FERALI, par sa mise à disposition au greffe le 29 Août 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
DEMANDEURS :
Monsieur [G] [U]
et
Madame [W] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Arnaud DELOMEL, barreau de RENNES
DEFENDEURS :
S.A.R.L. JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT (JTD) exerçant sous l’enseigne «INNOV HABITATION»
[Adresse 8]
[Localité 3]
Société d’assurance à forme mutuelle L’AUXILIAIRE
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentées par Me Johanna AZINCOURT de la SELARL AZINCOURT, barreau de RENNES
Faits et procédure
En 2014, M. et Mme [U] ont fait construire une maison sous la maîtrise d’oeuvre de la société Jacques Tertrais développement (la société JTD), assurée par la société l’Auxiliaire.
Les travaux de couverture (marché de 16 501 euros TTC) ont été confiées à la société CGH, assurée par la société Alpha insurances. La société CGH n’a pas terminé sa prestation, en particulier la pose des couvertines, et a fait l’objet d’une procédure collective (son assureur Alpha a également fait l’objet d’une procédure collective).
Une société Ouest Bati sec aurait fini les travaux d’étanchéité. Cette société aurait également fait l’objet d’une procédure collective.
La réception a eu lieu le 17 décembre 2015, avec une « réserve concernant les couvertines sur le toit dans les règles de l’art ».
Suite au constat d’infiltrations, d’un premier rapport d’expertise amiable du 27 octobre 2017 mettant en évidence de multiples défauts d’étanchéité en toiture-terrasse principalement liés aux couvertines d’acrotère, dont la reprise totale est préconisée, et d’un second rapport d’août 2020 constatant l’aggravation du premier désordre, M. et Mme [U] ont obtenu en référé, par ordonnance rendue le 18 décembre 2020 au contradictoire des sociétés JTD et L’Auxiliaire, la désignation de l’expert judiciaire [R] [Z], qui a déposé son rapport le 16 septembre 2021.
Par actes des 29 avril et 9 mai 2022, M. et Mme [U] ont assigné les société JTD et L’Auxiliaire devant le tribunal judiciaire de Rennes en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.
Par dernières conclusions notifiées le 10 2023, M. et Mme [U] demandent au tribunal de :
« Condamner solidairement les sociétés L’AUXILIAIRE et JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT et à verser aux consorts [U] la somme de 42.368,38 euros, en réparation de leur préjudice matériel ; subsidiairement à la somme de 33.566,63 euros.
Condamner solidairement les sociétés L’AUXILIAIRE et JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT à verser aux consorts [U] la somme de 2.951,22 euros, correspondant au coût de l’expertise judiciaire.
Condamner solidairement les sociétés L’AUXILIAIRE et JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT à verser aux consorts [U] la somme de 5.000 euros, en réparation de leur préjudice moral et de jouissance.
Condamner solidairement les sociétés L’AUXILIAIRE et JACQUES TERTRAIS DEVELOPPEMENT à verser aux consorts [U] la somme de 7.000 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamner les mêmes, solidairement, aux entiers dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référés expertise. »
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 4 avril 2023, les sociétés JTD et L’auxiliaire demandent au tribunal de :
« A titre principal,
– CONSTATER l’absence de responsabilité de la Société JACQUES TARTRAIS DEVELOPPEMENT (JTD) au titre de la garantie décennale ;
– DEBOUTER les consorts [U] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire, si la responsabilité de la Société JTD devait être retenue,
– REDUIRE la quote-part de responsabilité à de plus justes proportions et l’a LIMITER à 20% ;
– REDUIRE le quantum du préjudice matériel à de plus justes proportions ;
– CONSTATER que la garantie décennale de la Société L’AUXILIAIRE est acquise ;
DIRE que la Société l’AUXILIAIRE est en droit d’opposer la franchise contractuelle ;
En tout état de cause,
– DEBOUTER les consorts [U] de leur demande au titre de la réparation de leur préjudice moral et de jouissance ;
– CONDAMNER les consorts [U] à la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 CPC ;
– CONDAMNER les consorts [U] aux entiers dépens d’instances, lesquels seront
recouvrés par la SELARL JOHANNA AZINCOURT, conformément aux dispositions de l’article 699 CPC. »
Le 5 octobre 2023, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et renvoyé l’affaire devant le tribunal à l’audience du 17 juin 2024, date des plaidoiries.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leurs moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les articles 8, 13, 16, 442, 444 et 803 du code de procédure civile,
M. et Mme [U] ne fondent leur demande que sur la responsabilité décennale, qui est une responsabilité d’ordre public, que le juge doit retenir, même d’office, si et seulement ses conditions d’application sont réunies.
Si les sociétés JTD et L’Auxiliaire contestent devoir leur garantie décennale en tant que constructeur et assureur décennal, elles ne développent que des moyens relatifs à l’absence de faute du maître d’oeuvre, dont elles seront invitées à préciser la pertinence au regard d’une responsabilité de plein droit.
En revanche, aucune des parties ne s’explique sur la circonstance qu’une réserve a été formulée à la réception concernant les couvertines alors que le désordre résulte, selon le premier expert amiable, principalement de défauts des couvertines et, selon l’expert judiciaire, qui n’a pas procédé à des investigations complémentaires pour déterminer l’origine exacte des infiltrations, de malfaçons dans la mise en oeuvre des travaux d’étanchéité de la terrasse.
Or, il peut être retenu que la garantie décennale n’est pas applicable aux désordres faisant l’objet de réserves lors de la réception (cf. 3e Civ., 29 avril 1987, pourvoi n° 85-18.647, Bulletin 1987 III N° 89).
Le moyen tiré de la réserve à la réception, étant susceptible d’être relevé d’office par le tribunal, le principe de la contradiction oblige ce dernier à rouvrir les débats et révoquer la clôture afin de recueillir les observations des parties et de leur permettre, le cas échéant, aux demandeurs d’invoquer des fondements subsidiaires.
La société L’Auxiliaire sera invitée à préciser à l’encontre de quelle partie elle entend opposer sa franchise contractuelle et, le cas échéant, à préciser ce qui l’autoriserait à opposer au maître de l’ouvrage une franchise contractuelle en cas de garantie décennale.
Les sociétés JTD et L’Auxiliaire seront également invitées à préciser ce qui les autorise à opposer, en matière de garantie décennale, la limitation de la responsabilité du constructeur à la hauteur de sa faute.
Les parties seront invitées à produire l’ensemble des dires et devis qu’elles ont transmis à l’expert judiciaire.
L’expert judiciaire évoque ainsi un devis Ouest bati sec de 2021, alors que cette société est par ailleurs décrite comme ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire.
M. et Mme [U] seront invités à préciser s’ils ont soldé le lot couverture (solde de 2 209,83 euros).
Ordonne la réouverture des débats, la révocation de l’ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état virtuelle du 5 décembre 2024, 9h02, pour conclusions des demandeurs avant le 15 octobre 2024 et des défendeurs avant le 15 novembre 2024.
Le greffier Le président