M. et Mme [F] ont engagé la société Swim Garden pour construire une piscine avec abri, pour un montant de 85 033 euros. Le permis de construire a été déposé en décembre 2010. M. [R], assuré par la MAAF, a réalisé des travaux autour de la piscine pour 5 513,49 euros. Le carrelage a été posé par [C] [Z] pour 966,37 euros. Une facture finale a été émise en août 2011, indiquant que le chantier était réceptionné sans réserve.
Des problèmes sont survenus, notamment un affaissement et des fissures dans le carrelage, entraînant une expertise amiable et des réparations prises en charge par Swim Garden. En novembre 2018, de nouvelles fissures ont été signalées, conduisant à une nouvelle expertise en 2019. M. et Mme [F] ont saisi le tribunal en février 2020 pour demander une expertise judiciaire. Le tribunal a rendu un jugement en novembre 2022, condamnant Swim Garden et MAAF à indemniser M. et Mme [F] pour un total de 70 251,70 euros, incluant des frais de réparation et des préjudices. Swim Garden a interjeté appel en janvier 2023. La cour a rouvert les débats en mai 2024, et les parties ont présenté leurs conclusions. Swim Garden a demandé l’infirmation du jugement, tandis que M. et Mme [F] ont demandé sa confirmation. MAAF a également demandé la réformation du jugement. La cour a confirmé certaines condamnations, modifié d’autres, et a fixé le partage de responsabilité entre M. [R] et Swim Garden. Les deux sociétés ont été condamnées à indemniser M. et Mme [F] pour des montants spécifiques et à se garantir réciproquement. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N° 186
N° RG 23/00421
N° Portalis DBVL-V-B7H-TOEG
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Juin 2024
devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. SWIM GARDEN (SWIM GARDEN EVERBLUE)
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 6] [Localité 1]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Thibault DE PIMODAN de la SELARL BLACKSTONE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Madame [T] [F] née [H]
née le 04 Septembre 1951 à [Localité 8]
[Adresse 4] [Localité 2]
Représentée par Me Hélène DAOULAS HERVE de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Monsieur [N] [F]
né le 09 Août 1946 à [Localité 7]
[Adresse 4] [Localité 2]
Représenté par Me Hélène DAOULAS HERVE de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
S.A. MAAF ASSURANCES
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5] [Localité 3]
Représentée par Me Caroline DUSSUD de la SCP LARMIER – TROMEUR-DUSSUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Suivant devis en date du 21 novembre 2010, M. et Mme [F] ont confié à la société Swim Garden la construction d’une piscine de 10m x 5m avec abri comprenant l’obtention du permis de construire, pour un montant de 85 033 euros TTC.
Le permis de construire a été déposé le 17 décembre 2010.
M. [R], assuré par la MAAF, a été chargé de l’implantation de la plage autour de la piscine, de la préparation du sol et de la dalle en béton pour un coût de 5 513,49 euros TTC facturé aux époux [F].
[C] [Z] (aujourd’hui décédé) a posé le carrelage pour un coût de 966,37 euros facturé à la société Swim Garden.
Une facture finale a été établie le 12 août 2011 par la société Swim Garden, mentionnant que ‘le règlement de la facture officialise la réception du chantier sans réserve’.
Suite à un affaissement du niveau des terres contre la rive du dallage de 7cm et l’éclatement et la fissure des joints du carrelage sur une distance de 7m sur la grande longueur du bassin et de 1,50 m de longueur sur la largeur de l’arceau de l’abri, une expertise amiable a été réalisée par M. [W], et la reprise du dallage, du carrelage et des travaux d’infrastructure ont été pris en charge par la société Swim Garden.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2018, les époux [F] ont fait part à la société Swim Garden de l’apparition de nouvelles fissures sur les carreaux de la margelle de la piscine. M. [W] a réalisé une nouvelle expertise amiable suivant une visite du 26 juin 2019 et rendu son avis le 18 juillet 2019.
Par acte d’huissier du 14 février 2020, M. et Mme [F] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Quimper aux fins d’expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 8 juillet 2020.
En l’absence de consignation de la somme de 7 500 euros sollicitée par l’expert M. [S] pour faire réaliser une étude géotechnique, celui-ci a remis ses quatre notes d’expertise à la juridiction « en l’état » le 9 décembre 2021.
Par actes d’huissier des 4 et 9 août 2021, M. et Mme [F] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Quimper la société Swim Garden et la société MAAF Assurances, assureur de M. [R] en indemnisation de leurs préjudices.
Par un jugement en date du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire a :
– condamné in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances à payer à M. et Mme [F] les sommes de :
– 68 251,70 euros au titre des travaux de réparation, avec indexation sur l’indice BT01, l’indice de base étant celui en vigueur le 12 mai 2022 ;
– 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum la société Swim Garden et la société MAAF Assurances aux dépens comprenant les frais d’expertise ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
La société Swim Garden a interjeté appel de cette décision le 19 janvier 2023, intimant M. et Mme [F] et la société MAAF Assurances.
Par arrêt du 16 mai 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats avec rabat de l’ordonnance de clôture et sursis à statuer sur l’ensemble des demandes invitant les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le rapport de M. [P] du 9 juin 2022.
L’instruction a été clôturée le 4 juin 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 3 juin 2024, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et 461 et suivants du code de procédure civile, la société Swim Garden demande à la cour de :
À titre principal,
– juger la société Swim Garden recevable et bien fondée en son appel ;
– infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2022 en toutes ses dispositions à l’encontre de la société Swim Garden ;
– débouter les époux [F] et la société MAAF Assurances de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
À titre subsidiaire, si la cour retient la responsabilité décennale des constructeurs,
– juger que la société Swim Garden démontre que son intervention est étrangère à la survenance des désordres ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il engage la responsabilité in solidum de la société Swim Garden à l’égard des époux [F] ;
– condamner la société MAAF Assurances à garantir la société Swim Garden de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre;
À titre infiniment subsidiaire,
– juger le montant des travaux réparatoires à la somme maximum de 17 270,03 euros TTC ;
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu le devis présenté par les époux [F] et condamné solidairement la société Swim Garden à leur payer la somme de 68 251,70 euros ;
– débouter les époux [F] et la MAAF Assurances de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause et rectifiant l’omission de statuer affectant le jugement,
– condamner solidairement les époux [F] et/ou la MAAF Assurances à payer à la société Swim Garden la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le prix du rapport d’expertise privé de M. [P], soit 1 272 euros, et condamner solidairement les époux [F] et/ou la MAAF Assurances aux entiers dépens, dont les frais de référé et d’expertise ;
Dans tous les cas,
– condamner la partie succombant à payer à la société Swim Garden la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions en date du 27 mai 2024, M. et Mme [F] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel ;
– condamner solidairement ou l’un à défaut de l’autre, la société Swim Garden et la MAAF assureurs de M. [R], à payer la somme de 68 251 euros au titre des travaux de reprise ;
– dire que la somme devra être indexée sur l’indice BT01 à la date du jugement à intervenir ;
– condamner solidairement ou l’un à défaut de l’autre, la société Swim Garden et la MAAF assureurs de M. [R], à payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
– condamner les mêmes sous les mêmes conditions, solidairement ou l’un à défaut de l’autre à payer les dépens, dont les frais d’expertise et 8 500 euros au titre de l’article 700 de première instance ;
– condamner les mêmes sous les mêmes conditions à payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– recevoir M. et Mme [F] en leur appel incident ;
– condamner la société Swim Garden et la MAAF assureur de M. [R], à payer la somme de 557, 90 euros au titre des mesures provisoires de sécurité ;
– débouter la société Swim Garden et la MAAF de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement, sur le chiffrage,
Si la cour estimait ne pas avoir suffisamment d’éléments,
– ordonner une expertise complémentaire et demander à l’expert son avis sur les devis proposés au titre des réparations.
Dans ses dernières conclusions en date du 29 mai 2024, la société MAAF Assurances demande à la cour de :
– réformer en tout point le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 22 novembre 2022 ;
Statuant de nouveau,
À titre principal,
– débouter les époux [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société MAAF Assurances ;
À titre subsidiaire,
– condamner la société Swim Garden à garantir la société MAAF Assurances de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre ;
– condamner la société Swim Garden à payer à la société MAAF Assurances la somme de 5 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les désordres
Sur l’existence des désordres et leurs origines
À titre liminaire, il convient de constater que les notes de M. [S] ont été déposées « en l’état » suite au défaut de règlement par M. et Mme [F] de la consignation supplémentaire demandée par l’expert. Si ces notes n’ont pas la valeur probante d’un rapport d’expertise judiciaire, elles seront utilisées à titre de renseignement lorsque les éléments fournis par l’expert ont été discutés contradictoirement et sont corroborées par d’autres éléments du dossier (3e Civ., 21 octobre 2015, n° 14-25.145).
M. et Mme [F] produisent également deux expertises amiables de M. [W] des 26 décembre 2012 et 18 juillet 2019 et a été débattu devant la cour le rapport du 9 juin 2022 de M. [P], expert privé de la société Swim Garden.
Sur le carrelage
M. [S] a constaté au niveau des différents côtés de la piscine un décollement des margelles en liaison avec le carrelage des plages, avec fissuration desdites margelles par endroits, ou décollement du support le long du bassin du côté Est, le long de la façade Est ainsi que localement au Sud et un tassement en extrémité de la plage à côté de la maison (entre la plage et la terrasse de la maison) d’environ 2cm.
Ces constatations ne sont pas contestées.
M. [S] indique que ces fêlures, brisures, décollements sont situés en limite entre les bajoyers du bassin et les plages et sont consécutifs au fait que les margelles ne couvrent pas totalement la tête des bajoyers, le carrelage étant posé à la fois sur la tête des bajoyers et sur la plage.
Si M. [W] dans son premier rapport, a conclu à l’absence de défaut de pose du carrelage, il a indiqué dans le second que le mouvement de remblai périphérique aurait produit des désordres sous une autre forme, sans doute moins importants si le premier rang de carreau n’avait pas chevauché le bord supérieur de la corniche de la piscine et se serait limité à des délitements ou des fissures au droit des joints.
M. [P] corrobore que cette disposition (carrelage chevauchant le joint entre la plage et le bajoyer) favorise des ruptures pas tassement différentiel, mais aussi du fait de la dilatation horizontale entre ces deux supports.
Il est ainsi démontré des manquements dans la pose du carrelage qui ont participé à sa fissuration.
-les tassements
Il résulte des notes de l’expert judiciaire et des expertises amiables que la société Swim Garden a fait procéder au remblaiement des fouilles autour de la piscine sur une largeur de 20 à 30 cm avec du gravier et du sable.
Il est démontré par les factures n°25 et 27 des 21 et 30 avril 2011 de M. [R] qu’il a réalisé l’implantation autour de la piscine avec un décaissement à la pelle, qu’il a procédé à la préparation et au compactage autour de la piscine puis à l’empierrement sur 17 cm et au compactage puis a réalisé une dalle en béton armé. Ces travaux sont illustrés par la photographie en page 6 du rapport de M. [P].
Il s’ensuit que M. [R] a mis en ‘uvre un hérisson d’environ 150 cm de longueur surplombant le sol existant sur environ 120 cm ainsi que la couche de remblai réalisée par la société Swim Garden d’une largeur de 20 à 30 cm, située entre la paroi du bassin et le terrain existant comme l’illustre le schéma de M. [P] page 7 de son rapport, approuvé par M. et Mme [F].
M. [S] a constaté un tassement de la plage au droit de la terrasse de la maison de l’ordre de 2cm. Il a émis l’hypothèse que l’insuffisance de compactage du remblai soit à l’origine de ce tassement. En l’absence de consignation des maîtres de l’ouvrage pour réaliser l’étude de sol sollicitée, il n’a pu infirmer ou confirmer cette éventualité.
M. [W] a également observé que la rupture de ligne de la margelle s’est produite en limite de fouille en excavation et émis l’avis que le mouvement était lié à l’affaissement du remblai périphérique réalisé par la société Swim Garden.
En revanche, M. [P] a exclu après avoir réalisé des calculs de déformation que le sol remonté sur une largeur de 20 à 30 cm a tassé et entrainé le dallage, ce qui reviendrait à dire que le dallage n’a aucune raideur et qu’il suit tout mouvement même sur de très faibles portées. Il a précisé que les calculs même pessimistes ne permettent en aucune façon d’accréditer la thèse du défaut de remblaiement en rive qui provoque un versement de plage.
Il a conclu que compte tenu des tassements en rive du bassin, le support a consolidé les défauts de pose du carrelage.
En l’absence de critique des calculs de résistance réalisés par M. [P] et des hypothèses non vérifiées par M. [S] et M. [W] du défaut de compactage du remblai par la société Swim Garden, il ne peut être retenu que le remblai réalisé par le pisciniste est insuffisamment tassé. En revanche, il est établi que le fond de forme du maçon était insuffisamment compacté et trop instable pour recevoir le carrelage.
Sur la nature des désordres
Il n’est pas discuté que les travaux ont été réceptionnés au paiement de la dernière facture le 15 août 2011, celle-ci mentionnant que son règlement officialise la réception du chantier sans réserve.
Selon l’article 1792 du code civil tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Le tribunal a retenu la nature décennale des désordres au motif que les fissures et désaffleurements engendraient un risque de blessures pour les personnes et rendaient l’ouvrage impropre à sa destination.
La société Swim Garden et la MAAF contestent cette qualification. Le pisciniste soutient, d’une part, que les margelles sont des éléments détachables de l’ouvrage qui relèvent de la garantie biennale et, d’autre part, que le désaffleur ne peut pas provoquer de blessures.
Sur le premier point, la garantie de bon fonctionnement est inapplicable, le carrelage étant un élément inerte qui ne fonctionne pas.
M. et Mme [F] ont confié à la Swim Garden l’entier projet comprenant notamment le montage complet du dossier de permis de construire, avec terrassement, fouilles en excavation par engins mécaniques, décapage des terres pour plages/terrasse, fourniture et remblaiement autour de la piscine de graviers et sable 0,5, déplacement des terres sur site, ceinture pourtour supérieur en béton armé pour support margelles outre la construction de la piscine et sa mise en service.
Il ressort des trois rapports d’expertise que les travaux ont ainsi consisté en la construction de la piscine, des plages, du local technique et de la mise en ‘uvre d’un abri. Ces travaux ont été réalisés suivant des techniques habituelles de construction.
Les plages de la piscine ont elles-mêmes nécessité un terrassement et le coulage d’une dalle avant la pose du carrelage scellé sur chappe, ainsi que cela résulte de notes de M. [S], des expertises amiables et des photographies. Les plages carrelées constituent ainsi un ouvrage et une partie d’ouvrage.
Sur le deuxième point, M. [S] a indiqué dans sa note aux parties n°3 (page1), qu’un tassement rendant impropre à sa destination l’ouvrage ne peut être toléré. Il précise « que dans le cas où un joint aurait été mis en ‘uvre (ce qui n’est pas le cas ici) entre tête de bajoyer et dalle le DTU 13-3 aurait toléré un désaffleur de 5mm. »
M. [W] a émis l’avis que le désaffleur des carreaux est un risque de blessures aux pieds.
Même M. [P], saisi par la société Swim Garden, a estimé qu’en matière de carrelage une brisure avec désaffleur constitue un risque de coupure des pieds et est donc constitutive d’une impropriété à destination.
Par une attestation du 6 mai 2023 illustrée de photographies, M. [X], témoigne avoir subi des coupures profondes par l’arête des carreaux céramiques cassés en plusieurs endroits sur le pourtour du bassin.
Il résulte des constations de l’expert judiciaire comme des experts amiables, des photographies et du témoignage que les désaffleurs de 3 à 5 mm constatés proviennent de fissures qui ont fracturé les joints ou les carreaux, que les arrêtes de ces fissures sont coupantes, ce qui est illustré par la photographie 909 du rapport de M. [W], et entrainent tant des risques de coupures que de chutes des personnes. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’appelante, en l’absence de joint, un désaffleur de 5mm n’est pas tolérable. Ces désordres rendent, ainsi que l’a retenu à juste titre le tribunal, l’ouvrage impropre à sa destination. La nature décennale du désordre est démontrée.
Sur les responsabilités
La société Swim Garden
La Swim Garden considère que la seule cause des désordres est l’absence de joint de fractionnement et que le mouvement de la chape a eu des conséquences sur l’ouvrage de la piscine en raison de ce défaut. Elle soutient que M. [R] est le seul responsable des désordres.
Il résulte du contrat que le pisciniste a endossé l’ensemble des opérations de construction, de la conception à l’achèvement des travaux et notamment la maîtrise d »uvre avec la direction et la surveillance des travaux.
Le courriel du 11 novembre 2010 adressé par la société Swim Garden à M. [F] mentionne que le pisciniste « était là pour vous aider à tous les stades du projet de l’avant-projet à la livraison de la piscine. » Détaillant dans ce même document la planification du chantier, il y inclut la réalisation des plages/séchage.
La société Swim Garden apparait comme maitre d »uvre sur le procès-verbal du 9 juin 2011.
Il est encore noté la mention « suivi de l’intégralité des travaux par [J] [E]» de la société Swim Garden sous le tableau récapitulatif du projet conçu par le pisciniste en dernière page du second rapport amiable de M. [W].
La circonstance que les devis et factures soient adressés aux maîtres de l’ouvrage est inopérante, le maître d »uvre n’ayant pas de relations contractuelles avec les entrepreneurs.
Ces documents confirment la maîtrise d »uvre de l’ensemble de l’opération, dont la mise en ‘uvre des plages, par la société Swim Garden. Dès lors sa responsabilité décennale est engagée.
M. [R]
Il a été démontré que le fond de forme réalisé par M. [R] a contribué au tassement différentiel en lien de causalité avec les fissures et cassures du carrelage. La responsabilité décennale de plein droit de M. [R] qui l’a réalisé est engagée.
Sur l’indemnisation
Le tribunal a fixé le montant des travaux de reprise à la somme de 68 251,70 euros sur la base du devis établi par la société Desjoyaux Piscine en date du 12 mai 2022, produit par M. et Mme [F], lequel n’a été examiné, compte tenu de sa date, que par M. [P]. Il comprend la dépose de toute la plage et recréé une couche de forme en gravillon toute hauteur ainsi qu’un dallage en fibre d’épaisseur 10cm puis un sol reconstitué.
La société Swim Garden soutient que les travaux réparatoires du devis Desjoyaux ne correspondent pas aux préconisations de l’expert. Elle reproche aux époux [F] de n’avoir pas consigné la somme de 7 500 euros qui aurait permis de procéder à l’étude géotechnique et de choisir entre une reprise en sous-‘uvre par injection par simple joint de séparation entre les têtes de bajoyers et la plage. Elle considère que les travaux consistent à la dépose de l’existant et une nouvelle réalisation dans les mêmes conditions que le projet initial. Elle demande que le coût des réparations ne soit pas supérieur à 17 270,03 euros TTC, pour une reprise sous dalle par injection conformément au devis AGP du 14 avril 2023 qu’elle produit et communique également un devis daté du même jour de 5 026,03 euros pour la réalisation d’un joint de fractionnement entre la piscine et la terrasse ainsi que la reprise des désordres.
M. et Mme [F] répliquent que les devis produits ne sont pas de nature à gérer le risque lié au sol et à la qualité du support de la terrasse carrelée qui doit supporter l’abri qui s’est disloqué, ajoutant que le bassin est désormais fuyard.
En premier lieu, la cour constate que M. et Mme [F] ne produisent aucun constat et analyse technique de l’abri. Leur expert privé, M. [W], avait constaté lors de son premier rapport avant la reprise des désordres par la société Swim Garden en 2009, le désalignement des arches tubulaires en aluminium.
S’agissant de la réapparition des désordres après ces travaux réparatoires ni M. [W] dans son deuxième rapport ni M. [S] n’évoquent d’affaissement de l’abri. La dépose repose de celui-ci pour un coût de 22 600 euros n’est donc pas justifié.
En deuxième lieu, M. [W] dans son second rapport préconise dans le cadre de la solution maximum de refaire le sol carrelé des margelles en créant un joint de construction au droit du bord supérieur de la corniche PVC de la piscine et le remplissage des éventuels vides sous le dallage à la périphérie du bassin par l’injection de résine.
Il propose une solution moins importante si l’on considère que le mouvement du remblai a atteint son maximum en huit ans.
M. [P] estime que le devis est particulièrement élevé et invérifiable en l’absence d’indication des quantités. Il indique qu’il peut être envisagé une solution d’injection et de reprise de plage ou encore de murets enterrés contre les parois du bassin qui supporteraient la rive du dallage.
En l’absence de justificatifs d’évolution des désordres depuis les constats de M. [W] et M. [S], les époux [F] sont mal fondés à proposer la reprise complète des plages qui n’a pas été envisagée par les experts.
Enfin, les fuites du bassin par les buses invoquées par les maîtres de l’ouvrage sont sans rapport avec le litige, qui ne concerne pas la piscine.
Au regard de ce qui précède et afin d’éviter la réitération du désordre, l’injection de résine pour consolider le support, la mise en ‘uvre d’un joint de fractionnement et la pose du carrelage conformément aux règles de l’art seront ordonnés à défaut de preuve de ce que ces reprises seraient insuffisante faute d’étude du sol dont les maîtres de l’ouvrage n’ont pas fait l’avance.
Ces travaux sont devisées 17 270,03 euros TTC par la société AGP somme à laquelle il convient d’ajouter celle de 956 euros TTC pour la réalisation d’un joint de fractionnement, soit un total de 18 226,03 euros TTC actualisée en fonction de l’indice BT01 entre le 14 avril 2023 date du devis et l’indice le plus proche de la date de l’arrêt.
Il sera également fait droit à la demande de remboursement des époux [F] des lés de gazons synthétiques placés en protection du sol fissuré pour un montant de 557,90 euros TTC.
La société Swim Garden et la MAAF seront condamnées in solidum au paiement de ces sommes à M. et Mme [F]. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le préjudice de jouissance
Les maîtres de l’ouvrage qui ont pu continuer à jouir de la piscine en réalisant une protection du carrelage avec des lés de gazon synthétique ont été justement indemnisés de la gêne subie à hauteur de 500 euros.
La demande d’augmentation du montant de l’indemnisation à la somme de 5 000 euros est rejetée et le jugement confirmé.
Sur les recours en garantie
La société Swim Garden, qui a conçu l’ouvrage, aurait dû préconiser une étude de sol avant la conception et réalisation des travaux, étude nécessaire ainsi que le rappellent l’expert judiciaire et les deux experts amiables, celle-ci permettant d’analyser les tassements prévisibles à venir des remblais sous dallage et de la dalle des plages. Cette étude était également importante pour la Swim Garden qu’elle a, comme le rappelle M. [S], mis en ‘uvre les arceaux de l’abri sans connaitre la résistance du support.
La direction et surveillance des travaux par le pisciniste dans le cadre de sa maîtrise d »uvre a également été insuffisante.
Sa faute est prépondérante.
Le partage de responsabilité sera ainsi fixé comme suit :
-Swim Garden : 60%
-M. [R] : 40%
La société Swim Garden et la MAAF seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions de l’ensemble des condamnations, frais irrépétibles et dépens compris. Le jugement est infirmé.
Sur les frais
La société Swim Garden sollicite la rectification d’une omission matérielle en ce que le tribunal l’a débouté de ses demandes plus amples et contraires sans le reprendre dans son dispositif.
C’est par une erreur de plume que le tribunal n’a pas repris au dispositif le rejet des demandes plus amples ou contraires de la société Swim Garden. Il convient de rectifier le jugement en ce sens.
La Swim Garden demande l’infirmation de cette décision et la condamnation solidaire des époux [F] et/ou de la MAAF au paiement de la somme de 1 272 euros du coût de l’expertise amiable de M. [P].
Succombant à la procédure, sa demande sera rejetée. Le jugement rectifié sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont infirmées.
La société Swim Garden et M. [R] seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [F] la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Le surplus des demandes au titre des frais irrépétibles est rejeté.
La cour,
Rectifie l’erreur matérielle qui affecte le dispositif du jugement entrepris
Dit qu’il y sera ajouté les mots :
« Déboute la société Swim Garden de ses demandes plus amples ou contraires »
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances à payer à M. et Mme [F] les sommes de :
– 500 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la société Swim Garden et la société MAAF Assurances aux dépens comprenant les frais d’expertise,
-débouté la société Swim Garden de sa demande en paiement de la somme de 1 272 euros,
L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances à payer à M. et Mme [F] la somme 18 226,03 euros TTC actualisée en fonction de l’indice BT01 entre le 14 avril 2023 et l’indice le plus proche de la date de l’arrêt au titre des travaux réparatoires,
Condamne in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances à payer à M. et Mme [F] la somme de 557,90 euros au titre de la protection des plages de la piscine,
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
-M. [R] : 40%
-la société Swim Garden : 60%
Condamne la société Swim Garden et la MAAF à se garantir réciproquement dans ces proportions,
Condamne in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances à payer à M. et Mme [F] la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne in solidum la société Swim Garden et la MAAF Assurances aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, Po/ Le Président empêché,
N. MALARDEL