Responsabilité décennale et assurance : Clarification des obligations en matière de construction

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Responsabilité décennale et assurance : Clarification des obligations en matière de construction

Monsieur [L] [G] a signé un contrat avec la SASU Ekonomair, présidée par Madame [B] [D], pour la livraison et la pose d’un portail, d’un portillon et d’une clôture. Un devis de 27 468,33 euros a été accepté le 27 octobre 2016, et le montant total a été réglé le 8 avril 2017. Suite à des désordres constatés après les travaux, une expertise amiable a révélé la nécessité de refaire l’intégralité des travaux de maçonnerie. La SASU Ekonomair a été placée en liquidation judiciaire le 8 février 2018, sans assurance de garantie décennale. Monsieur [G] a déclaré ses créances pour 30 000 euros, mais le liquidateur a indiqué qu’aucune répartition ne serait possible. Une expertise judiciaire a été ordonnée, et Monsieur [G] a assigné Madame [B] [D] en justice pour obtenir réparation. Le tribunal a condamné Madame [B] [D] à verser 30 500 euros à Monsieur [G] pour préjudice économique, tout en déboutant ses autres demandes. Madame [B] [D] a interjeté appel de ce jugement. Monsieur [G] est décédé le 1er mai 2023, et ses héritiers ont pris part à l’instance. Madame [B] [D] demande la réforme du jugement, tandis que les héritiers de Monsieur [G] réclament des indemnités supplémentaires. La clôture de la procédure a été prononcée le 6 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/03115
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/03115 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUPU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 MAI 2020

TJ DE NARBONNE

N° RG 19/01215

APPELANTE :

Madame [B] [D]

née le 20 Septembre 1981 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004813 du 04/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIME :

Monsieur [L] [G],

né le 27 Mars 1937 à [Localité 14]

décédé le 01 Mai 2023 à [Localité 13]

INTERVENANTS :

Madame [J] [A] veuve [G], ès qualités d’ayant droit de [L] [G] décédé

née le 27 Septembre 1940 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

et

Madame [B] [G] épouse [S], ès qualités d’ayant droit de [L] [G] décédé

née le 28 Mars 1966 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

et

Monsieur [F] [G], ès qualités d’ayant droit de son père prédécédé [K] [G], lui-même ayant droit de [L] [G] décédé

né le 30 Novembre 1998 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

et

Monsieur [V] [G], ès qualités d’ayant droit de [L] [G] décédé

né le 21 Février 1969 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3] (QC)

[Adresse 3]

CANADA

Représentés par Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-

JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 27 juin 2024 et prorogée au 19 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [G] a conclu un contrat avec la SASU Ekonomair dont Madame [B] [D] était la présidente, contrat ayant pour objet la livraison et la pose d’un portail, d’un portillon et d’une clôture.

Le 27 octobre 2016 un devis pour un montant de 27 468,33 euros a été établi et accepté.

Le prix des travaux a été intégralement réglé le 8 avril 2017.

Monsieur [G] prétendant subir des désordres faisant suite à la réalisation desdits travaux, une expertise amiable, réalisée par le cabinet Saretec, a été diligentée, laquelle conclut à la nécessité de détruire et de refaire l’intégralité des travaux de maçonnerie.

Par jugement du 8 février 2018, la SASU Ekonomair a fait l’objet d’une liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Monsieur [G], autorisé par ordonnance en date du 28 mai 2018, a déclaré ses créances à hauteur de la somme de 30 000 euros. Cependant, le liquidateur judiciaire lui a indiqué que la SASU Ekonomair n’a pas souscrit à une quelconque assurance de garantie décennale et qu’à l’issue de la procédure collective aucune répartition ne serait possible.

Par ordonnance de référé du 29 août 2018, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à Monsieur [O] [Z], lequel a rendu son rapport le 3 janvier 2019.

Par acte d’huissier de justice en date du 21 octobre 2019, Monsieur [G] a assigné Madame [B] [D] devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de voir réparer le préjudice subi du fait de ce défaut d’assurance.

Par jugement contradictoire du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Narbonne a notamment :

– condamné madame [B] [D] à payer à monsieur [L] [G] la somme de 30 500 euros indexée sur l’indice BTO1 du mois de janvier 2019 au titre de son préjudice économique ;

– débouté monsieur [L] [G] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, du préjudice de jouissance et du préjudice financier ;

– débouté monsieur [L] [G] de sa demande de condamnation de madame [B] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné madame [B] [D] aux entiers dépens de l’instance, y compris les frais des expertises amiables et judiciaires.

Par déclaration d’appel enregistrée au greffe en date du 28 juillet 2020, madame [B] [D] a régulièrement interjeté appel du jugement susvisé, l’acte d’appel précisant les chefs de jugement critiqués.

Monsieur [L] [G] est décédé le 1er mai 2023 et ses héritiers, madame [J] [A] veuve [G], madame [B] [G] épouse [S] ainsi que messieurs [F] et [V] [G] sont intervenus volontairement à l’instance.

Par ses conclusions enregistrées au greffe en date du 09 octobre 2023, Madame [B] [D] demande à la cour de réformer le jugement rendu le 28 mai 2020 en toutes ses dispositions et notamment, en ce qu’il retient sa faute engageant sa responsabilité civile délictuelle, pour n’avoir pas souscrit, pour le compte de la société dont elle était présidente, une assurance décennale, et de :

– débouter monsieur [L] [G] et ses héritiers de toutes leurs demandes ;

– condamner mesdames [J] et [B] [G], et messieurs [F] et [V] [G], en leur qualité d’héritiers de monsieur [L] [G], aux entiers dépens.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe en date du 01 décembre 2023, mesdames [J] et [B] [G], et messieurs [F] et [V] [G], en leur qualité d’héritiers de monsieur [L] [G] demandent à la cour de les accueillir en leur intervention volontaire ès qualités d’héritiers de Monsieur [L] [G] décédé le 1er mai 2023, de réformer pour partie le jugement du 28 mai 2020 rendu par le tribunal judiciaire et de :

– condamner Madame [B] [D] à verser aux consorts [G]:

‘ 30 500 euros indexés sur le BT01 du mois de janvier 2019 en indemnisation du préjudice matériel ;

‘ 500 euros par mois à compter du 8 avril 2017, jusqu’au jour du versement de l’indemnité réparant le préjudice matériel augmenté de 6 semaines en indemnisation de son préjudice de jouissance et moral ;

‘ 2 427,15 euros au titre du préjudice financier ;

‘ 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus de l’indemnité allouée en première instance ;

– condamner madame [B] [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 06 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément fait référence aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS :

Sur l’intervention volontaire de mesdames [J] et [B] [G] et messieurs [F] et [V] [G]

Monsieur [L] [G] étant décédé et ayant laissé pour lui succéder mesdames [J] et [B] [G] et messieurs [F] et [V] [G], l’intervention volontaire de ces derniers sera accueillie.

Sur la faute de madame [B] [D]

Le tribunal a retenu la faute de madame [D] détachable de ses fonctions de gérant d’une société chargée de la construction d’ouvrages, madame [D] s’étant abstenue intentionnellement de souscrire à une assurance.

L’appelante, défaillante en première instance, fait valoir que sa société était couverte par une assurance de responsabilité décennale, par la compagnie Groupama pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 puis du 1er janvier au 31 décembre 2017 et ce alors que les travaux ont été commandés le 24 février 2017 et soldés le 8 avril 2017. Elle soutient que les travaux objets du litige sont parfaitement garantis s’agissant de travaux de menuiserie extérieure et travaux accessoires.

Les consorts [G] estiment quant à eux que madame [D] a failli à ses obligations, les travaux portant sur la construction du muret des clôtures, la fourniture et pose des clôtures, la fourniture et pose d’un portail automatique, la fourniture et pose d’un portillon, l’exécution des raccordements du portail automatique, la fourniture et pose d’un visiophone et l’exécution du crépi du muret des clôtures.

La société Ekonomair était assurée auprès de la compagnie Groupama au titre de sa responsabilité décennale pour les activités de :

Métier charpentier bois hors traitement curatif du bois,

Métier couvreur,

Métier menuisier extérieur hors traitement curatif du bois (pièces 3 et 4 de l’appelante).

Or, il résulte des pièces du dossier, et notamment du devis (pièce 1 des intimés) du rapport d’expertise judiciaire (pièce 10 des intimés) que les travaux litigieux ont porté sur des travaux de fourniture et pose d’un portail, d’un portillon et de clôtures.

Ils relèvent par conséquent de l’activité « métier menuisier extérieur », lequel comprend notamment des travaux accessoires ou complémentaires, notamment en termes d’alimentation électrique (page 3 des attestations d’assurance).

Dans ces conditions, la société était bien assurée pour les travaux litigieux en responsabilité décennale et aucune faute ne peut être utilement reprochée à madame [B] [D] de ce chef.

Le jugement sera par conséquent infirmé et les consorts [G] seront déboutés de leurs demandes.

Sur les dépens

Eu égard à l’issue du litige, les consorts [G], qui succombent, seront déboutés de leur demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Accueille madame [J] [A] veuve [G], madame [B] [G] épouse [S], monsieur [F] [G] et monsieur [V] [G] en leur intervention volontaire ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne ;

Déboute madame [J] [A] veuve [G], madame [B] [G] épouse [S], monsieur [F] [G] et monsieur [V] [G] de l’ensemble de leurs demandes ;

Condamne madame [J] [A] veuve [G], madame [B] [G] épouse [S], monsieur [F] [G] et monsieur [V] [G] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,


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