Une société peut être forclose en son action, dès lors qu’une clause de forclusion est très fréquente dans les lettres de mission. Cette dernière ne porte pas atteinte au droit au procès équitable ; elle est reconduite tacitement comme les autes clauses de la lettre de mission, et a vocation à s’appliquer à l’ensemble du contentieux pouvant surgir entre l’expert-comptable et son client notamment ce litige sur les frais d’honoraires, le défaut de conciliation devant l’ordre des experts comptables, étant inopérant à cet égard.
1. Attention à respecter les délais de prescription prévus dans les contrats, notamment en matière de responsabilité civile, pour éviter la forclusion de votre action. 2. Il est recommandé de bien vérifier les clauses contractuelles, telles que la clause de préavis, afin de s’assurer de respecter les obligations contractuelles et d’éviter des litiges ultérieurs. 3. Il est conseillé de conserver une correspondance écrite claire et précise avec votre cocontractant pour éviter toute contestation ultérieure sur les modalités de résiliation ou d’exécution du contrat. |
Sommaire → Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre la société [Z] A. et la société SB Expert, concernant des honoraires facturés par cette dernière pour des prestations comptables. La société [Z] A. a résilié la lettre de mission en raison de prestations ne correspondant pas à ses attentes et a demandé le remboursement d’une partie des honoraires. Le tribunal de commerce de Perpignan a condamné la société SB Expert à rembourser une partie des honoraires, mais a rejeté la demande de préjudice moral de la société [Z] A. La société SB Expert a fait appel de ce jugement, contestant les motifs de la condamnation. La société [Z] A. a également formé un appel incident, demandant une indemnisation pour préjudice moral et conteste les motifs de la société SB Expert. L’affaire est en attente de jugement suite à l’ordonnance de clôture datée du 23 janvier 2024.
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→ Les points essentielsRecevabilité de l’action de la société [Z] ALa société [Z] A a engagé une action contre la société SB Expert pour contestation et restitution d’honoraires d’expertise comptable. Cependant, cette action a été jugée forclose car elle a été introduite plus de trois mois après que la société SB Expert a contesté la facturation litigieuse. Demande reconventionnelle au titre du non-respect du préavisLa société SB Expert reproche à la société [Z] A de ne pas avoir respecté le préavis de 3 mois pour la résiliation du contrat. Cependant, la société [Z] A avait annoncé la cessation de la mission au 30 juin 2019 et la société SB Expert n’a jamais demandé l’exécution du préavis, donc sa demande est rejetée. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Code civil
– Code de commerce Article du Code civil cité : Article 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Article du Code de commerce cité : Article L243-1 : « Les experts-comptables sont tenus de souscrire une assurance garantissant leur responsabilité civile professionnelle dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. » |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
– Me Arnaud TRIBILLAC de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 19 MARS 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/02401 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PM6R
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 AVRIL 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2021J00120
APPELANTE :
S.A.S. SB EXPERT prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant
INTIMEE :
Société [Z].A prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Arnaud TRIBILLAC de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 23 Janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Février 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
Par lettre de mission, M. [S] [Z], entrepreneur individuel ayant comme activité les travaux de menuiserie sur bois et PVC, a confié à la SARL Ricard & Associés son organisation comptable, soit une mission de présentation des comptes annuels et l’établissement des déclarations fiscales afférentes.
Cette lettre de mission a été transférée à la SAS SB Expert lorsqu’elle a racheté la société Ricard & Associés.
Par lettre du 1er mai 2019, la SARL [Z] A., immatriculée au RCS de Perpignan et dont M. [S] [Z] est le gérant, a informé la société SB Expert de son souhait de résilier la lettre de mission à compter du 30 juin 2019, ses prestations ne correspondant pas à ses attentes.
Par lettre du 5 août 2020, la société [Z] A. a informé l’ordre des experts comptables du différend qui l’opposait à la société SB Expert, concernant notamment une dernière note d’honoraires complémentaires envoyée du 12 novembre 2019 d’un montant de 9 344 € TTC.
Le 30 novembre 2020, l’ordre des experts comptables a dressé un constat de carence, la société SB Expert n’ayant pas comparu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2021, le conseil de la société [Z] A. a sollicité le remboursement par la société SB Expert d’un montant de 4 200 euros facturé selon elle à tort, en rappelant les manquements qu’elle lui reprochait.
Par exploit du 14 avril 2021, la société [Z] A. a assigné la société SB Expert en paiement, laquelle a attrait en la cause la société Verspieren.
Par jugement contradictoire du 19 avril 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a :
– déclaré recevable et bien fondée l’action de la société [Z] A. à l’encontre de la société SB Expert,
– condamné la société SB Expert à payer à la société [Z] A., la somme de 4 268,71 euros à titre de restitution d’honoraires,
– débouté la société [Z] A. de sa demande au titre du préjudice moral,
– déclaré irrecevable l’action de la société SB Expert contre la société Verspieren, et l’a déboutée de toutes ses demandes,
– et condamné la société SB Expert à payer à la société [Z] A., la somme de 1 000 euros et 500 euros à la société Verspieren au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 3 mai 2022, la société SB Expert a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 18 mai 2022, elle demande à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil :
– de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
à titre principal
– de déclarer irrecevable comme forclose l’action engagée par la société [Z] A. ;
à titre subsidiaire
– de constater que l’appelante n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, et, en conséquence, de débouter la société [Z] A. de l’intégralité de ses demandes,
à titre reconventionnel, et en tout état de cause,
– de condamner la société [Z] A. à lui verser les sommes suivantes :
– 2 336 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du non-respect des modalités contractuelles de dépôt de préavis, cette somme devant produire intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– et 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de son appel, la société SB Expert fait valoir sur le fond du litige les moyens suivants :
– Les honoraires facturés ont été réglés par la société [Z] A qui n’a émis aucune contestation dans un délai d’un an puisqu’elle ne prouve pas la réception de la lettre de contestation dont elle se prévaut, qui de surcroît n’est pas datée.
– Le montant facturé, dont la différence avec le montant prévu dans la lettre de mission a été préalablement expliqué par lettre adressée à la société [Z] A, est par ailleurs justifié par une charge de travail accomplie, et non comprise dans ladite lettre de mission.
– La rupture de la relation contractuelle à l’initiative de la société [Z] A n’a été motivée ni par le mode de facturation des honoraires ni par les manquements reprochés.
– La société [Z] A est défaillante à rapporter la preuve des manquements qu’elle lui reproche.
– Les diligences accomplies justifient une surfacturation qui n’est pas contraire à la lettre de mission puisque celle-ci prévoyait un forfait de base pouvant être modulé en fonction de divers facteurs soit en l’espèce, l’augmentation du chiffre d’affaires de la société [Z] A. qui engendre des écritures comptables et des vérifications supplémentaires, l’inscription d’un nouveau salarié, les démarches nécessaires à réaliser auprès du centre de gestion agréé, le non-respect de la société [Z] A de son obligation de coopération en ne transmettant pas des documents comptables indispensables à l’exécution de la mission.
– En application de l’article 5 de la lettre de mission stipulant un délai de préavis de 3 mois, elle est en droit de demander la réparation de son préjudice constitué par la perte d’un client, habituellement indemnisable à hauteur de 25% des honoraires dus pour une année d’exercice comptable puisque dans sa lettre du 1er mai 2019, la société [Z] A mentionne une rupture effective au 30 juin 2019.
Par conclusions du 11 août 2022, formant appel incident, la société [Z] A demande à la cour au visa de l’article 1231-1 du code civil :
– de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société SB Expert à lui verser la somme de 4 268 euros en restitution des honoraires versés à tort,
– à titre incident, de réformer la décision entreprise qui a rejeté sa demande au titre d’un préjudice moral subi, et condamner la société SB Expert à lui verser une somme de 2 000 euros de ce chef,
– et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile applicable en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société [Z] A expose en substance les moyens suivants :
– La clause intitulée « Responsabilité » étant applicable seulement en matière de responsabilité civile, son action, fondée sur la prescription quinquennale de droit commun, est recevable.
– La société SB Expert n’a pas satisfait à la clause « Différends » prévue dans l’annexe 3 de la lettre de mission et à l’article 19 du code de déontologie des experts-comptables en ne lui proposant pas un mode de résolution amiable des litiges.
– La société SB Expert lui a indument facturé des frais correspondants à la création d’un nouveau salarié puisque ces opérations avaient déjà été réalisées, ce salarié étant déjà présent lors de la cession, ainsi que des prestations à un prix non convenu dans la lettre de mission puisque même en raison de l’augmentation des comptables, la surfacturation au titre du volume des prestations n’aurait pas dû excéder 215,33 euros, la hausse du chiffre d’affaires n’a pas d’incidence sur la facturation finale et le chiffre d’affaires de 190 000 euros mentionné dans la lettre de mission n’étant stipulé qu’à titre indicatif.
– La prestation intitulée « spécificité dossier CGA66 » à hauteur de 1 500 euros, n’est prévue ni dans la lettre de mission initiale ni dans un avenant, et la société SB Expert est défaillante à rapporter la preuve d’avoir accompli ces démarches pour l’exercice 2019 et elle ne l’a pas informée du besoin de réaliser de telles démarches auprès du centre de gestion agréé.
– La société SB Expert est défaillante à rapporter la preuve des lettres de relance qu’elle lui aurait adressées à propos d’un problème de transmission de documents comptables.
– Elle n’a jamais reconnu le bien-fondé de la surfacturation, et le paiement des honoraires litigieux ne saurait être considéré comme une reconnaissance implicite. À l’opposé, elle a fait part à plusieurs reprises à la société SB Expert, par lettres ou par e-mails, de son mécontentement.
– La société SB Expert n’a pas respecté ses obligations professionnelles de diligences et de résultat en ne transmettant ni le rapprochement bancaire à la date du 30 juin 2019 ni les documents comptables demandés au centre de gestion agréé.
– Elle a subi un préjudice moral indemnisable puisqu’elle a dû effectuer des tâches qui ne relevaient pas de sa compétence et s’est vue solliciter à diverses reprises par le greffe du tribunal de commerce concernant le dépôt des comptes annuels.
– Elle n’a pas à indemniser la société SB Expert d’un quelconque préjudice au titre de l’absence du respect du préavis de trois mois puisque la société SB Expert est défaillante à rapporter la preuve d’un préjudice. La clause stipulant le préavis ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de celui-ci, et les manquements de la société SB Expert justifient la rupture de la mission.
L’ordonnance de clôture est datée du 23 janvier 2024.
Sur la recevabilité de l’action de la société [Z]. A
Attendu que la clause « Responsabilité » des conditions générales du contrat de prestation de services comptables stipule que :
« La responsabilité civile du membre de l’Ordre pouvant résulter de l’exercice de ses missions comptables, fait l’objet d’une assurance obligatoire dont le montant de garantie minimum est fixé par décret.
Toute demande de dommages et intérêts ne pourra être produite que pendant une période de cinq ans commençant à courir le 1er jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être introduite dans les 3 mois suivants la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre » ;
Attendu qu’en l’espèce, l’action dirigée par la société [Z] A. contre la société SB Expert en contestation et en restitution d’honoraires d’expertise comptable payés, motifs pris d’ inexécutions contractuelles dans l’exercice de sa mission comptable est une action contractuelle concernant le dernier exercice clos au 30 juin 2019 ;
Attendu que cette action de nature indemnitaire a été engagée le 14 avril 2021 par la société [Z] A, deux ans après la réception de la note d’honoraires litigieuse, et plus de trois mois après la lettre du 5 août 2020 par laquelle l’intimée contestait cette facturation, date à laquelle elle a nécessairement connu le sinistre allégué ;
Attendu qu’elle est donc forclose en son action, étant observé que la clause de forclusion, fréquente dans les lettres de mission, ne portant pas atteinte au droit au procès équitable ; qu’elle est reconduite tacitement comme les autes clauses de la lettre de mission, et qu’elle a vocation à s’appliquer à l’ensemble du contentieux pouvant surgir entre l’expert-comptable et son client notamment ce litige sur les frais d’honoraires, le défaut de conciliation devant l’ordre des experts comptables, étant inopérant à cet égard ;
Attendu que la fin de non-recevoir soulevée par la société SB Expert doit donc être accueillie, et que le jugement déféré qui a fait droit aux prétentions de la société [Z] A doit être réformé sur ce point ;
Sur la demande reconventionnelle au titre du non-respect du préavis,
Attendu que la société SB Expert reproche au tribunal d’avoir rejeté sa demande de condamnation de la société [Z] A. à lui verser la somme de 2 336 euros à titre d’indemnité de résiliation pour non-respect du préavis de 3 mois;
Qu’il convient de relever que la société [Z] A. ne lui oppose pas, fût-ce à titre subsidiaire, le bénéfice de la prescription ;
Mais attendu que la société SB Expert, dans sa correspondance et la note d’honoraires du 12 novembre 2019, prend acte et qu’elle est convenue de la cessation de sa mission au 30 juin 2019 annoncée le 1er mai 2019 sans jamais solliciter l’exécution plus avant de la mission et du troisième mois de préavis; qu’elle ne peut dès lors prétendre à un trimestre de prestations ;
Attendu qu’en conséquence, la société SB Expert a été justement déboutée de sa demande tendant à l’octroi de dommages et intérêts de ce chef ;
La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société SB Expert de sa demande reconventionnelle dirigée contre la société [Z] A,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable comme prescrite l’action en restitution d’honoraires engagée par la société [Z] A contre la société SB Expert,
Dit que chacune des parties supportera la charge ses dépens, et que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,