Responsabilité de l’État face aux manquements dans le service public de la justice : enjeux et conséquences

·

·

Responsabilité de l’État face aux manquements dans le service public de la justice : enjeux et conséquences

Monsieur [D] [I] a été placé sous curatelle renforcée pour 60 mois en mai 2017, avec l’UDAF comme curateur. Il a été impliqué dans plusieurs affaires pénales, dont un vol de vélo en avril 2021, pour lequel il a accepté une peine de quatre mois d’emprisonnement. En mai 2021, il a été condamné à deux mois d’emprisonnement pour recel d’un vélo. En juin 2021, il a volé des téléphones et de l’argent, ce qui a conduit à sa détention provisoire. Il a été déclaré irresponsable pénalement pour ces faits en août 2021, et une hospitalisation sous contrainte a été ordonnée, mais il est resté en détention. En octobre 2021, la cour d’appel a annulé les ordonnances de peine et ordonné sa mise en liberté.

Monsieur [I] a ensuite assigné l’agent judiciaire de l’État en responsabilité, demandant des dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel, en invoquant des fautes lourdes dans la gestion de ses procédures pénales, notamment l’absence d’information de sa curatrice et le manque d’expertise psychiatrique. L’agent judiciaire de l’État a contesté ces allégations, affirmant que les procédures avaient été correctement menées et que les peines étaient exécutoires.

Le tribunal a finalement débouté Monsieur [I] de ses demandes, condamné aux dépens et à verser 1 000€ à l’agent judiciaire de l’État.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
22/13712
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 22/13712
N° Portalis 352J-W-B7G-CYBGV

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Octobre 2022

JUGEMENT
rendu le 11 Septembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Marie FRERET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0980

DÉFENDEUR

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représenté par Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0141

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur Étienne LAGUARIGUE DE SURVILLIERS
Premier Vice-Procureur

Décision du 11 Septembre 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/13712 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYBGV

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoît CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint,
Président de formation

Monsieur Éric MADRE, Juge
Madame Lucie LETOMBE, Juge
Assesseurs,

assistés de Samir NESRI, Greffier lors des débats, et de Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé

DEBATS

A l’audience du 19 Juin 2024, tenue en audience publique

JUGEMENT

– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– Signé par Monsieur Benoît CHAMOUARD, Président, et par Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [I] a fait l’objet d’un jugement de maintien sous curatelle renforcée pour 60 mois le 15 mai 2017. L’UDAF a été désignée comme curateur.

Plusieurs procédures pénales ont été initiées à l’encontre de Monsieur [I].

Ainsi, le 20 avril 2021, Monsieur [I] a volé un vélo appartenant Monsieur [L], en état de récidive légale. Lors de son interpellation, il a déclaré qu’il demeurait chez sa curatrice, que les enquêteurs ne sont pas parvenus à joindre. Il a été déféré devant le procureur de la République de Paris le 21 avril 2021 selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (« CRPC »). Il a accepté la proposition d’une peine de quatre mois d’emprisonnement, homologuée le jour-même par le président du tribunal judiciaire de Paris.

Le 6 mai 2021, Monsieur [I] a recelé un vélo appartenant à une victime non identifiée. Il a été déféré le 7 mai 2021 devant le procureur de la République de Paris selon la procédure de CPRC. Il a accepté une peine de deux mois d’emprisonnement, homologuée par ordonnance du 7 mai 2021.

Le 15 juin 2021, Monsieur [I] a volé deux téléphones portables et la somme de 800€ en espèces appartenant à Monsieur [P]. Placé en garde à vue le même jour, Monsieur [I] a indiqué ne faire l’objet d’aucune mesure de protection juridique ou de sauvegarde. Il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, pour ces faits et des faits du 30 avril 2019, et a été placé en détention provisoire par jugement du 18 juin 2021, suite au renvoi de l’examen de l’affaire.

Le même jour, le procureur de la République mettait à exécution les peines d’emprisonnement prononcées dans le cadre des deux procédures de CRPC.

Le 12 juillet 2021, Monsieur [I] interjetait appel des deux ordonnances de CRPC.

Le 12 août 2021, le tribunal correctionnel déclarait Monsieur [I] irresponsable pénalement pour les faits du 15 juin 2021 et du 30 avril 2019. Il ordonnait son hospitalisation sous contrainte. Aucun appel n’était interjeté contre ce jugement.

L’hospitalisation sous contrainte n’était pas mise en oeuvre, Monsieur [I] restant détenu en exécution des deux peines d’emprisonnement prononcées dans le cadre des CRPC.

Le 26 août 2021, Monsieur [I] déposait une demande de mise en liberté dans les deux affaires.

La cour d’appel de Paris a examiné cette demande et les deux affaires sur le fond le 6 octobre 2021. Elle a annulé les deux ordonnances d’homologation de peine, constaté l’irresponsabilité pénale de Monsieur [I] et ordonné sa mise en liberté.

Par acte du 19 octobre 2022, Monsieur [I] a fait assigner l’agent judiciaire de l’Etat en responsabilité sur le fondement de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire.

Par dernières conclusions du 9 mai 2023, Monsieur [I] demande au tribunal de condamner l’agent judiciaire de l’Etat au paiement de 16 650€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 1 265,04€ en réparation de son préjudice matériel.

Il sollicite également la condamnation de l’agent judiciaire de l’Etat aux dépens et au paiement de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I] reproche à l’Etat des fautes lourdes, ainsi qu’une accumulation de fautes constituant une faute lourde concernant les procédures pénales dont il a fait l’objet.

Il expose que les deux procédures de CRPC ont été menées, alors que sa curatrice n’a pas été avisée des poursuites et de l’audience, manquement constituant une faute lourde en lui-même.

Il précise que les démarches entreprises par les fonctionnaires de police lors de la phase d’enquête sont distinctes de l’information nécessaire du curateur sur les poursuites et la date d’audience. Il souligne que sa mesure de protection était connue du ministère public, puisque les décisions de placement et maintien sous curatelle sont opposables à tous, que le juge des tutelles avait avisé le parquet de ces décisions et que Monsieur [I] avait indiqué lors des garde à vue faire l’objet d’une mesure de protection, information relayée au ministère public par les enquêteurs.

Monsieur [I] reproche également à l’Etat le fait qu’aucune expertise psychiatrique n’a été ordonnée dans les deux procédures de CRPC. Il précise que l’examen médical dont il avait fait l’objet lors d’une précédente garde à vue ne peut suppléer l’absence d’expertise psychiatrique, un examen médical de garde à vue n’étant pas suffisamment fiable pour constituer une expertise au sens de l’article 706-115 du code de procédure pénale et l’avis en question s’exprimant sur sa responsabilité à une date différente de celle des faits.

Il expose qu’aucune enquête de personnalité n’a été réalisée.

Il soutient également que la mise à exécution des décisions des 21 avril et 7 mai 2021 constitue une faute lourde. A défaut d’avoir été portées à la connaissance sa curatrice, ces décisions ne revêtaient pas en effet un caractère définitif et ne pouvaient être portées à l’écrou. Il précise qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mentionné la mesure de protection, compte tenu de l’amoindrissement de ses facultés personnelles. Par ailleurs, le ministère public, indivisible, était nécessairement informé de la mesure de protection, notamment par l’enquête sociale rapide réalisée dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

Il conteste que les deux peines aient été immédiatement exécutoires. En application des articles 495-8, 495-11 et 474 du code de procédure pénale, il estime que la procédure de l’article 723-15 du même code est applicable puisque les décisions d’homologation n’ont pas ordonné son incarcération immédiate.

Monsieur [I] conteste que l’exercice des voies de recours a réparé les fautes commises. Il estime que la jurisprudence visée par l’agent judiciaire de l’Etat n’est pas transposable à sa situation. Il soutient en effet que l’exercice des voies de recours, en l’espèce l’appel, n’ont pas permis d’éviter son incarcération.

Au titre du préjudice et du lien de causalité, Monsieur [I] expose qu’il n’aurait pas accepté les peines proposées sans expertise psychiatrique si sa curatrice avait été informée et qu’il aurait probablement été déclaré irresponsable. Il ajoute qu’en l’absence de ces deux condamnations, il n’aurait probablement pas été placé en détention provisoire dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ; il a donc perdu une chance d’éviter cette incarcération. Il précise que la mise à exécution des peines prononcées dans le cadre des procédures de CRPC a prolongé son incarcération. Il précise avoir ainsi été détenu pendant 3 mois et 19 jours (soit 110 jours au total).

Il explique avoir subi un préjudice moral résultant de l’absence de prise en considération de son handicap, de la souffrance psychique résultant de la détention, qui a aggravé son isolement. Il expose que l’hospitalisation sous contrainte ne peut être comparée à de l’emprisonnement, les établissements pénitentiaires étant inadaptés aux soins ; par ailleurs il a été placé en hospitalisation sous contrainte à compter du 6 octobre 2021, la détention ayant donc de fait prolongé sa privation de liberté. Il souligne que l’article 149 du code de procédure pénale, qui exclut l’indemnisation de la détention provisoire en cas de déclaration d’irresponsabilité n’est pas applicable en l’espèce, le préjudice ne résultant pas d’une détention provisoire.

Monsieur [I] expose enfin qu’il a perçu une allocation adulte handicapé minorée en juillet et août 2021, qui s’est poursuivie en octobre et novembre 2021 en raison du temps pris par la Caisse d’allocations familiales pour prendre en compte son incarcération, lui occasionnant un préjudice matériel.

Par dernières conclusions du 26 mai 2023, l’agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal de débouter Monsieur [I] de ses demandes, de le condamner aux dépens et au paiement de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il demande au tribunal de ramener l’indemnisation de son préjudice moral à 4 000€ et de réduire la somme retenue au titre des frais irrépétibles.

L’agent judiciaire de l’Etat conteste l’existence d’une faute lourde. Il expose que l’avis donné au curateur est soumis au fait que le ministère public ait connaissance de la mesure de protection, condition édictée par l’article D47-14-1 du code de procédure pénale.

Concernant la procédure portant sur les faits du 20 avril 2021, il précise que les enquêteurs ont essayé de contacter la curatrice du demandeur. L’absence d’information de celle-ci lors du déferrement a été corrigée par l’annulation de l’ordonnance de CRPC par la cour d’appel.

Concernant la procédure portant sur les faits du 6 mai 2021, il souligne que les enquêteurs ont effectué les démarches nécessaires et que l’annulation en appel de l’ordonnance corrige l’absence d’information de la curatrice au stade du déferrement.

S’agissant de la procédure de comparution immédiate initiée suite aux faits du 15 juin 2021, l’agent judiciaire de l’Etat rappelle que Monsieur [I] a indiqué aux enquêteurs ne pas faire l’objet d’une mesure de protection. Le procureur de la République n’a donc pas été alerté et ne pouvait donc pas savoir que les deux ordonnances n’étaient pas définitives. Les conséquences de l’absence d’information sur la mesure de protection sont donc imputables au demandeur et aucune faute lourde n’est caractérisée par la mise à exécution des deux condamnations résultant des procédures de CRPC.

L’agent judiciaire de l’Etat ajoute que les deux ordonnances de CRPC prévoyaient que les peines n’étaient pas aménageables et étaient immédiatement exécutoires, en application de l’article 495-11 du code de procédure pénale, ce qui permettait leur mise à exécution avant qu’elles soient définitives. Il souligne que l’article 723-16 du code de procédure pénale permet de ramener des peines à exécution sans convocation devant le juge de l’application des peines. Il relève qu’il n’est pas établi que le tribunal correctionnel statuant le 18 juin 2021 n’aurait pas placé Monsieur [I] en détention provisoire s’il avait été informé que les ordonnances de CRPC n’étaient pas définitives.

L’agent judiciaire de l’Etat précise que la curatrice du demandeur a été informée des condamnations prises à son encontre, comme cela ressort d’un courrier qu’elle a adressé à la maison d’arrêt le 30 juin 2021.

Il ajoute que l’expertise médicale prévue par l’article 706-115 du code de procédure pénale était rendue facultative en matière de CRPC par l’article D47-22 du même code, dans sa version alors applicable. Par ailleurs, une expertise psychiatrique avait été réalisée peu avant les faits. Enfin, l’article D47-25 permet à la chambre des appels correctionnels de remédier à l’absence d’expertise en première instance en ordonnant une telle expertise.

L’agent judiciaire de l’Etat conteste toute faute lourde résultant du délai pris par la cour d’appel pour audiencer les deux affaires jugées en CRPC. Il n’est en effet pas établi que le caractère urgent de l’appel a été signalé à la cour, qui a statué dans les délais prévus par la loi.

A titre subsidiaire et sur les préjudices, l’agent judiciaire de l’Etat expose que la période entre le 18 juin 2021 et le 12 août 2021 est couverte par le mandat de dépôt régulièrement délivré dans le cadre de la comparution immédiate.

Concernant la période ultérieure de 55 jours, l’agent judiciaire de l’Etat précise que le demandeur n’aurait pas recouvré sa liberté sans les fautes alléguées mais aurait été placé en hospitalisation sous contrainte.

Il précise que l’article 149 du code de procédure pénale exclut toute indemnisation d’une détention provisoire en cas de déclaration d’irresponsabilité.

Il conteste le préjudice matériel allégué, exposant que Monsieur [I] ne justifie pas avoir engagé des démarches pour récupérer les sommes litigieuses auprès de la caisse des allocations familiales.

Le 2 juin 2023, le ministère public a indiqué qu’il ne conclurait pas dans cette affaire.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 11 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les fautes lourdes

L’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire prévoit que l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

Les différentes fautes alléguées seront examinées successivement

1.1. Concernant les manquements procéduraux dans les procédures de CRPC

Monsieur [I] reproche au service public de la justice d’avoir mené les deux procédures de CRPC litigieuses :
– sans que sa curatrice ait été avisée des poursuites et de l’audience,
– en l’absence d’expertise psychiatrique,
– sans réalisation d’une enquête de personnalité.

Il résulte des deux procédures pénales que Monsieur [I] avait fait part de sa qualité de majeur protégé, qui était donc connue du ministère public. Les deux procédures ne mentionnent aucune information de la curatrice du demandeur concernant les poursuites et l’audience, ce qui constitue en soi une faute lourde de nature à engager la responsabilité du service public de la justice.

En revanche, l’article D47-22 du code de procédure pénale, dans sa version applicable au moment des faits, rendait facultative la réalisation d’une expertise psychiatrique en cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Il ne ressort pas de la compétence de ce tribunal d’apprécier la légalité de cette disposition réglementaire.
L’absence d’expertise psychiatrique étant conforme à la loi, elle ne peut être constitutive d’une faute lourde.

Par ailleurs, aucune disposition légale ne rend obligatoire la réalisation d’une enquête de personnalité dans les procédures de CRPC.

Seule l’absence d’information de la curatrice du demandeur est donc fautive.

En application toutefois de l’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire, l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l’exercice des voies de recours n’a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué.

En l’espèce, la cour d’appel de Paris a annulé les deux ordonnances d’homologation de peine concluant les procédures de CRPC dans son arrêt du 6 octobre 2021, puis constaté l’irresponsabilité pénale du demandeur et ordonné sa mise en liberté.

Cet arrêt répare les fautes commises dans la poursuite et le jugement de Monsieur [I] dans les deux procédures litigieuses, puisqu’il n’a pas fait l’objet d’une condamnation in fine.

Il ne répare pas toutefois la perte de chance alléguée d’éviter un placement en détention provisoire dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, antérieure à l’arrêt d’appel.

La responsabilité de l’Etat est donc susceptible d’être engagée à ce titre.

L’arrêt ne répare pas non plus l’incarcération effectivement subie par le demandeur en exécution de ces deux jugements. Cette incarcération résulte toutefois non des trois manquements listés ci-dessus, mais de la mise à exécution des deux jugements, examinée ci-dessous.

1.2 Sur la mise à exécution des deux jugements de CRPC

Monsieur [I] reproche au ministère public d’avoir mis à exécution ces deux jugements, alors que ceux-ci n’étaient pas définitifs à défaut de notification à sa curatrice de ces décisions.

Il ressort des pièces produites que les condamnations résultant des deux jugements de CRPC ont été mises à exécution, au sens des articles 707 et suivants du code de procédure pénale, le 18 juin 2021.

En effet, il convient de rappeler que l’article 495-8 du code de procédure pénale prévoit notamment que si le procureur de la République propose une peine d’emprisonnement ferme, il précise à la personne s’il entend que cette peine soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l’application des peines pour que soient déterminées les modalités de son exécution, notamment la semi-liberté, le placement à l’extérieur ou la détention à domicile sous surveillance électronique.

L’article 495-11 dispose quant à lui, dans son deuxième alinéa, que l’ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation. Elle est immédiatement exécutoire. Lorsque la peine homologuée est une peine d’emprisonnement ferme, la personne est, selon les distinctions prévues au deuxième alinéa de l’article 495-8, soit immédiatement incarcérée en maison d’arrêt, soit convoquée devant le juge de l’application des peines, à qui l’ordonnance est alors transmise sans délai.

En l’espèce et dans les deux procédures de CRPC, les procès-verbaux de comparution devant le procureur de la République ne mentionnent aucune mise à exécution immédiate. Les ordonnances d’homologation ne prévoient pas plus d’incarcération immédiate, se contentant d’homologuer la peine et de rappeler que celle-ci ne comporte pas d’aménagement ab initio, ce qui n’exclut pas une saisine du juge de l’application des peines sur le fondement de l’article 723-15 du code de procédure pénale.

Cette analyse est confirmée par le fait que Monsieur [I] n’a, de fait, pas été incarcéré immédiatement.

Les deux peines issues des procédures de CRPC ont donc bien été mises à l’exécution par le ministère public, qui a fait usage de l’article 723-16 du code de procédure pénale, qui permet au ministère public de ramener une peine aménageable à exécution sans attendre de décision du juge de l’application des peines, lorsque la personne condamnée a commis des faits nouveaux ou est incarcérée.

S’il est constant que ces deux peines n’étaient pas définitives, l’article 495-11 du code de procédure pénale prévoit que l’ordonnance d’homologation d’une CRPC est immédiatement exécutoire.

Le ministère public disposait donc de la possibilité de ramener à exécution ces peines, malgré leur caractère non-définitif.

Aucune faute lourde ne résulte donc de cette mise à exécution.

Cette mise à exécution licite fait disparaître toute perte de chance d’éviter l’incarcération dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, ordonnée le même jour que la mise à exécution des décisions et levée antérieurement.

Monsieur [I] sera donc débouté de ses demandes.

2. Sur les autres demandes

Monsieur [I], partie perdante, sera condamné aux dépens, ainsi qu’au paiement de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire de ce jugement est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et par jugement susceptible d’appel,

Déboute Monsieur [D] [I] de ses demandes,

Condamne Monsieur [D] [I] aux dépens,

Condamne Monsieur [D] [I] à payer 1 000€ à l’agent judiciaire de l’Etat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l’exécution provisoire de ce jugement est de droit.

Fait et jugé à Paris le 11 Septembre 2024

Le Greffier Le Président

G. ARCAS B. CHAMOUARD


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x