Embauche et Contrat de TravailM. [W] a été embauché par la Sarl [Y] Frères en tant que technicien d’entretien de maintenance à compter du 2 novembre 2006, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective applicable à son emploi est celle des cidres, jus de fruit, vins et spiritueux. Arrêt de Travail et LicenciementM. [W] a été placé en arrêt de travail à partir du 5 janvier 2009 et a reçu la reconnaissance d’une invalidité de catégorie 2 en 2012. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, comme indiqué dans une lettre datée du 23 mai 2012. Saisine du Conseil de Prud’hommesLe 13 novembre 2020, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, demandant des dommages et intérêts pour préjudices financier et moral, en raison du manquement de son ancien employeur à ses obligations d’information sur la prévoyance. Jugement du Conseil de Prud’hommesPar un jugement rendu le 21 mars 2023, le conseil a rejeté la fin de non-recevoir liée à la prescription de l’action et a condamné la société [Y] Frères à verser à M. [W] 40 226 euros pour préjudice financier, 1 500 euros pour préjudice moral, ainsi que 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile. La société a été déboutée de sa demande reconventionnelle. Appel de la Société [Y] FrèresLe 21 avril 2023, la société [Y] Frères a interjeté appel du jugement, contestant plusieurs points, notamment la prescription de l’action et les montants des dommages-intérêts accordés à M. [W]. Elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de déclarer l’action de M. [W] prescrite. Arguments de M. [W]Dans ses écritures du 5 octobre 2023, M. [W] a demandé à la cour de confirmer le jugement du 21 mars 2023, soutenant qu’il n’avait pas été informé des prestations complémentaires auxquelles il avait droit, en raison du manquement de son employeur à ses obligations d’information. Débat sur la PrescriptionLa cour a examiné la question de la prescription, notant que le salarié soutenait que son action n’était pas prescrite car il n’avait pris connaissance des Faits permettant d’exercer son droit qu’en 2019. Cependant, la cour a constaté que le salarié était en mesure de connaître ses droits dès la rupture de son contrat de travail. Décision de la CourLa cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant les demandes de M. [W] irrecevables en raison de la prescription. Elle a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de Procédure civile et a condamné M. [W] aux dépens de première instance et d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°2024/272
N° RG 23/01459 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PMTQ
CB/CD
Décision déférée du 21 Mars 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( F 20/01578)
S.LOBRY
Section Industrie
S.A.R.L. [Y] FRERES ‘LA MAISON DES VINS’
C/
[D] [W]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
*
ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
*
APPELANTE
S.A.R.L. [Y] FRERES ‘LA MAISON DES VINS’
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »
Monsieur [D] [W]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédérique BELLINZONA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , C.BRISSET, présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
M. DARIES, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
M. [W] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 2006 par la Sarl [Y] Frères en qualité de technicien d’entretien de maintenance.
La convention collective applicable est celle des cidres, jus de fruit, vins, spiritueux.
M. [W] a été placé en arrêt de travail à compter du 5 janvier 2009. Il a bénéficié de la reconnaissance d’une invalidité de catégorie 2 en 2012.
M. [W] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement selon lettre du 23 mai 2012.
Le 13 novembre 2020, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de condamnation de son ancien employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation de préjudices financier et moral causé par le manquement de l’employeur à ses obligations en matière d’information sur la prévoyance.
Par jugement de départition du 21 mars 2023, le conseil a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,
– condamné la société [Y] Frères, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [W] les sommes suivantes :
– 40 226 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier né du manquement de l’employeur à ses obligations d’information relative à la prévoyance collective et de mise en ‘uvre de cette dernière,
– 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral né de ce même manquement,
– débouté la société [Y] Frères de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
– condamné la société [Y] Frères à payer à M. [W] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
– condamné la société [Y] Frères aux éventuels dépens.
Le 21 avril 2023, la société [Y] Frères a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.
Dans ses dernières écritures en date du 21 juillet 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société [Y] Frères demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 21 mars 2023, en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,
– condamne la société [Y] Frères à payer à M. [W] les sommes suivantes :
– 40 226 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier né du manquement de l’employeur à ses obligations d’information relative à la prévoyance collective et de mise en ‘uvre de cette dernière,
– 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né de ce même manquement,
– débouté la société [Y] Frères de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
– condamné la société [Y] Frères à payer à M. [W] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
– condamné la société [Y] Frères aux éventuels dépens,
En conséquence statuant à nouveau,
– juger que l’action de M. [W] est prescrite,
Sur le fond, débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à faire droit aux demandes de M. [W], il conviendra de les rapporter à de plus justes proportions,
– limiter le montant du préjudice à de plus justes proportions au regard de la prescription, de la notion de perte de chance et du comportement du salarié,
En tout état de cause :
– condamner M. [W] à payer à la société [Y] Frères la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle invoque en premier lieu l’irrecevabilité de l’action en raison de sa prescription. Elle affirme que le salarié a eu connaissance de ses droits attachés au régime de prévoyance collective à la date de la conclusion du contrat de travail.
Dans ses dernières écritures en date du 5 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [W] demande à la cour de :
– rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
– confirmer le jugement du 21 mars 2023 en ce qu’il a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,
– dit et jugé que la société [Y] Frères a engagé sa responsabilité par manquements à ses obligations contractuelles particulièrement ses obligations de loyauté et d’information,
– condamné la société [Y] Frères à payer à M. [W] les sommes suivantes :
– 40 226 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,
– 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
Y ajoutant,
– condamner la société [Y] Frères à la condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Il soutient qu’il n’a pas pu bénéficier des prestations complémentaires à ses indemnités journalières pour maladie et à sa pension d’invalidité en raison du défaut d’information de son employeur qui était tenu de mettre en place une prévoyance collective conformément aux dispositions de la convention collective applicable.
La clôture de la Procédure a été prononcée selon ordonnance du 13 septembre 2024.
Devant la cour, l’employeur reprend la fin de non-recevoir soulevée devant les premiers juges et tirée de la prescription de l’action de son adversaire.
Les parties placent le débat sur le terrain de la prescription biennale en considération de demandes découlant de l’exécution du contrat de travail et que ce sont donc les dispositions de l’article L. 1471-1 al 1 du code du travail qui s’appliquent. Toutefois, c’est la prescription quinquennale qui doit s’appliquer en considération d’une action qui est en réalité personnelle ou mobilière de sorte que le régime de l’article 2224 du code civil est pertinent. (Soc 26 juin 2024 22-17240)
C’est le point de départ du délai qui fait en réalité débat entre les parties. En effet, le salarié, pour s’opposer à la fin de non-recevoir, fait valoir que ce n’est qu’en 2019 à l’occasion de la transmission de son relevé de carrière que la Carsat lui a fait part de son étonnement. Il en déduit que c’est à ce moment qu’il a été en mesure de connaître les Faits lui permettant d’exercer son droit de sorte que son action, introduite le 13 novembre 2020 n’est pas atteinte par la prescription biennale.
La cour observe tout d’abord comme le fait l’employeur que si le salarié fait état d’un entretien avec un salarié de la Carsat, il n’en justifie pas. La date, au demeurant très approximative de 2019 sans plus de précision, n’est ainsi pas même établie.
Mais surtout, pour s’opposer à toute prescription le salarié fait valoir que l’employeur ne justifie pas lui avoir remis la notice de l’assureur détaillant les garanties de sorte que la prescription ne peut avoir couru.
La cour ne peut suivre cette analyse au regard des éléments produits. Il n’est certes pas justifié de la remise de la notice, étant toutefois observé que l’employeur oppose exactement la circonstance qu’il n’est tenu à la conservation des données de gestion sociale que pendant cinq ans. L’absence de remise de la notice pouvait certes constituer un manquement de l’employeur. Toutefois, ce manquement et ses conséquences ne pouvaient générer une créance indemnitaire que dans les limites de la prescription. Or, celle-ci a commencé à courir du chef de l’absence de remise de la notice au plus tard au jour de la rupture du contrat de travail, mettant fin aux obligations de l’employeur à ce titre, soit le 23 mai 2012.
En outre, le salarié se prévaut expressément des dispositions conventionnelles applicables résultant de l’accord du 14 février 2003 étendu par arrêté du 9 juillet 2003. Ces dispositions lui étaient accessibles étant en outre rappelé que ses bulletins de paie faisaient bien mention d’une cotisation au titre du régime de prévoyance.
Dès lors, le salarié était en mesure de connaître son droit dès l’origine et en toute hypothèse au plus tard au jour de la rupture du contrat de travail. Il ne saurait, au motif pris d’une information donnée par un tiers dont ni la réalité, ni la date ne sont établies faire reporter le point de départ de la prescription en 2019.
Il s’en déduit que l’action intentée le 13 novembre 2020, soit plus de cinq ans plus tard, est bien prescrite. Le jugement sera infirmé en ce sens et les demandes de Monsieur [W] déclarées irrecevables.
Compte tenu de la situation respective des parties, il n’apparaît pas inéquitable que chacune d’elle conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens par elle exposés.
Partie perdante, Monsieur [W] supportera les dépens.
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 21 mars 2023,
Statuant à nouveau,
Déclare les demandes de Monsieur [W] irrecevables,
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,
Condamne Monsieur [W] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C. BRISSET
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