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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 09 MARS 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00204 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOJJ
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
La SCI [J]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Nathalie COLIGNON-BERTIN, avocat au barreau de SOISSONS
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Jérôme POUGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 09 Février 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant courrier recommandé du 10 juillet 2020, Me [K] [I], avocate inscrite au barreau de Paris, a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une demande de fixation des honoraires dus par sa cliente la société civile immobilière (SCI) [J] à hauteur de 8.293,99 euros hors taxes, correspondant à un honoraire de résultat prévu par la convention.
Après avoir recueilli les observations des parties et une première décision de prorogation du 06 novembre 2020, par une décision réputée contradictoire du 11 mars 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
‘ fixé à la somme de 2.000 euros hors taxes le montant total des honoraires de diligence dont leur règlement a été constaté;
‘ fixé à la somme de 8.293,99 euros hors taxes le montant des honoraires de résultat dus par la SCI [J] à Me [K] [I];
‘ condamné en conséquence la SCI [J] à verser à Me [K] [I] la somme de 8.293,99 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée aux taux de 20 %, de la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que des frais éventuels de signification de la décision ;
‘ prononcé l’exécution provisoire de la décision.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées, dont celle distribuée le15 mars 2021 à la SCI [J].
Par courrier recommandé du 12 avril 2021, la SCI [J] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.
Par lettres recommandées en date du 22 novembre 2022, les parties ont été convoquées par le greffe à l’audience du 09 février 2023.
A cette audience, les parties ont comparu.
”’
Entendue, la SCI [J] a fait valoir qu’elle avait eu recours aux services de l’avocat pour deux dossiers qui l’opposaient à la BNP Paribas.
Elle a précisé que le premier litige avait été réglé par transaction, sans intervention de l’avocat, tandis que pour le second, celui-ci était intervenu non pas pour le compte de la SCI [J] mais pour le compte des cautions, qui ne sont pas dans la convention d’honoraire.
La SCI [J] a indiqué que l’honoraire forfaitaire avait été payé et n’était pas en litige, mais qu’elle contestait devoir un honoraire de résultat de 2,5 %.
Selon elle, le second litige concernait seulement les comptes bancaires des cautions et elle n’était pas partie à l’instance, comme en attestait le jugement du juge de l’exécution.
Rappelant être seule signataire de la convention d’honoraires, elle a considéré ne pas pouvoir être engagée pour des diligences ayant profité uniquement aux cautions.
Subsidiairement, elle a demandé de revoir le montant de honoraire de résultat, alors que l’assiette à prendre en compte pour le calcul devait être ramené à 140.000 euros.
Elle a demandé que lui soit accordée une indemnité de 3.500 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
”’
En réponse, Me [K] [I] a rappelé que la société civile immobilière avait contracté deux prêts, l’un pour l’achat des murs et l’autre pour des travaux, seul le second étant concerné par le présent litige.
Elle a précisé qu’ensuite d’un commandement visant la SCI [J] et les cautions, M et Mme [J], une saisie attribution avait été faite, M [J] la consultant dans ces circonstances en lui disant qu’il ne pouvait plus dormir.
Me [K] [I] a fait valoir que dans le délai d’un mois dont elle disposait pour saisir le juge de l’exécution, elle a analysé le dossier et a soulevé la prescription de la créance, avec succès, ce qui bénéficiait à la fois aux cautions et au débiteur principal, qui n’étaient plus dès lors tenus au paiement de la somme de 331.000 euros. Elle a souligné que le client était élogieux jusqu’au moment de payer et là, il a refusé.
Elle a demandé une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 09 mars 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement alors que les parties ont toutes deux comparu à l’audience.
Il n’est pas discuté ni discutable que le recours interjeté par la SCI [J] est recevable, pour avoir été formé dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
”’
En matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, les règles prévues par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la profession d’avocat doivent recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En application de l’article 1103 du code civil et de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, lorsqu’un honoraire de résultat a été prévu par une convention, il ne peut être réclamé que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable (cf. Cass 2ème civ. 31 mars 2022 20-16.709).
Par ailleurs, l’article 1355 du code civil énonce : ‘ L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’.
En l’espèce, il résulte de la décision attaquée, que le bâtonnier de l’ordre des avocats a retenu notamment que :
‘Les honoraires de diligence, réglés à hauteur de 2.000 euros HT ne sont pas contestés et seront validés.
La demande et la contestation ne concernent que l’honoraire de résultat basé sur l’issue de l’affaire relatif au prêt immobilier souscrit par la SCI [J].
Seuls les éléments s’y référant seront analysés.
Un contrat de mission et de rémunération a été signé entre Me [I] et la SCI [J] le 23 février 2017.
Selon ce contrat, la mission de l’avocat était déterminée ainsi ” concerant le prêt immobilier, l’avocat aura pour mission d’examiner les possibilités de contester l’acte de prêt et les possibilités judiciaires. Notamment, l’avocat devra donner son avis sur l’opportunité de saisir le juge de l’exécution ” (art. 1).
L’article 8 est rédigé comme suit :
” En cas de succès d’une action et d’effacement en tout ou partie de la dette, un honoraire complémentaire de 2,5% de l’économie réalisée sur la créance de la banque pourra être sollicité par l’avocat “.
La convention prévoit donc expressément un honoraire de résultat et a été signée par la cliente qui est donc réputée avoir compris les termes et accepter les modalités.
En date du 3 mars 2017, les cautions de la SCI [J] ont été destinataires d’un procès-verbal de saisie-attribution pour un montant total détaillé dans l’acte de 331.459,46€. Ce montant incluant le capital dû, les intérêts de retard, les frais et les coûts des actes d’huissiers.
Le 23 mars 2017, Me [I] a saisi le Juge de l’exécution près du tribunal de grande instance de Soissons. Son assignation comporte deux axes : prescription de l’action et la nullité du cautionnement.
L’acte, rédigé sur 12 pages, fait état d’un important travail d’analyse et de recherches juridiques sur ces éléments en effet assez techniques.
S’en sont suivis des échanges avec l’avocat adverse et deux jeux de conclusions supplémentaires (en réponse et récapitulatives).
Par jugement du 24 novembre 2017, le JEX a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la banque par procès-verbal de 3 mars 2017 jugeant que la créance de la banque n’était plus exigible car éteinte par l’effet de la prescription depuis le 20 septembre 2013. Le résultat de la procédure a donc été obtenu et la décision est devenue définitive, en l’absence d’appel.
La SCI [J] estime que ce montant ne saurait être retenu pour base de calcul de l’honoraire de résultat au motif que celui-ci serait erroné et que la dette envers la banque, compte-tenu des remboursements, ne saurait excéder 140.000€. Toutefois, celle-ci ne verse aucun élément pouvant attester de tels propos.
Par ailleurs, l’action sur la détermination de la dette envers la banque et contestation d’une éventuelle erreur, ne relevant pas de la compétence du Bâtonner en matière de fixation des honoraires. Il en est de même s’agissant de la perte de chance de saisir le tribunal correctionnel.
La contestation de la SCI [J] ne porte pas sur le taux appliqué (2,5%) par la convention, tout à fait raisonnable par rapport aux pratiques habituelles du Barreau, mais sur l’assiette de calcul.
Par ailleurs, il est d’usage qu’un honoraire de résultat puise être fixé selon le profit réalisé ou des pertes évitées.
Me [I] verse la totalité des éléments qu’elle vise dans sa saisine faisant preuve de la quantité et qualité de travail fourni, et notamment, l’assignation devant le JEX et les conclusions en réponse sur de nombreuses pages, faisant état des arguments juridiques qui ont été retenus par le juge.
Il n’est pas contesté que par son intervention, Me [I] a évité à la SCI [J] et les cautions, une saisie-attribution sur le montant visé par le PV, à savoir 331.459,46€. Il est par ailleurs normal que la dette totale incluait non seulement le principal du prêt, mais aussi les intérêts et les frais annexes.
Ainsi, l’article 8 de la convention d’honoraire trouve son application, l’honoraire de résultat devant être fixé par ” l’économie réalisée sur la créance de la banque “, ce qui est bien le cas.
Le calcul de Me [I] est donc fondé: 2,5% de la somme de 331.459,46€, donnent en effet la somme sollicitée par l’avocat de 8.293,99€ HT.
Enfin, la SCI [J] avait parfaitement compris la portée de cet article et n’avait pas d’observations quant aux modalités de calcul puisqu’en date du 23 février 2017, M.[J], le gérant de la SCI, écrivait à son avocat ” vous trouverez en pièce jointe le contrat de mission dument signé. Concemant le pourcentant de 2,5% nous attirons votre attention sur le fait que nous n’avons pas de trésorerie d’avance “.
Et pourtant dans un autre courriel, relatif à l’autre volet du dossier relatif au prêt mobilier, M. [J] écrivait ” voici en pièce jointe la signification de la vente. Et oui, faut vraiment rentre en contact avec BNP, nous avons trouvé les fonds 50000€ “.
Enfin, les derniers échanges entre Me [I] et sa cliente portent sur la communication de la décision du JEX du 29 novembre 2017 et, en absence de réponse du client, la relance sur le règlement des factures (courriel du 7 février 2020).
Visiblement, après obtention de la mainlevée et un jugement favorable, la SCI [J] a cessé de répondre.
En dernier lieu, il doit être rappelé que le bâtonnier, saisi en fixation des honoraires, n’a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement argué à son devoir de conseil et d’information ou de tout autre éventuel grief pouvant engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères fixés par la loi et les décrets au regard des diligences accomplies.
Ainsi l’argument tiré d’une perte de chance, qui ne saurait être examiné dans la présente procédure, ne peut aboutir à diminuer les honoraires ni à accorder des dommages intérêts.
En conclusion,
Au regard des éléments ci-dessus rappelés, des arguments de Me [I], des éléments en réponse de la SCI [J] et compte tenu de la convention d’honoraires établie, il convient de fixer le montant des honoraires de résultat au profit de Me [I] à la somme de 8.293,99€ HT avec intérêts au taux légal à compter de la décision.
Le paiement des sommes dues sera assorti de la TVA au taux de 20 %.
La somme de 750 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile sera allouée à la demanderesse, et ce conformément aux dispositions de l’article 277 du décret du 27 novembre 1991, sommes auxquelles viendront s’ajouter les frais de signification de la présente décision s’il y a lieu.’.
Cependant, dès lors que le bâtonnier de l’ordre des avocats a constaté que les honoraires de diligence, réglés à hauteur de 2.000 euros hors taxes n’étaient pas contestés, il n’avait pas à les valider, puis qu’il n’était saisi d’aucun différend à ce titre.
Il n’avait pas davantage à condamner l’une ou l’autre des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, alors que ces dispositions ne s’appliquent que devant les juridictions.
Les constatations du bâtonnier relatives à la convention, intitulée ‘Contrat de mission et de rémunération’ conclue en date du 23 février 2017 entre , d’une part, la SCI [J], d’autre part, Me [K] [I], sont en revanche exactes notamment quant à la définition de la mission confiée à l’avocat et aux sitpulations de l’article 8 quant à l’honoraire de résultat.
Mais, l’application de cette convention pour fixer l’honoraire de résultat à la charge de la SCI [J], contestée par la SCI [J], ne peut pas être retenue, en l’absence de décision irrévocable mettant un terme au litige.
En effet, en l’espèce, c’est à tort que le bâtonnier de l’ordre des avocats a considéré que Me [K] [I] pouvait valablement se fonder sur la convention conclue avec la SCI [J] pour obtenir de celle-ci le paiement d’un honoraire qui résulterait du succès de son travail dans une procédure judiciaire.
A hauteur d’appel, pour preuve du succès de ses diligences, Me [K] [I] invoque, de nouveau, un jugement prononcé le 24 novembre 2017 par le juge de l’exécution de Soissons.
Cette juridiction a notamment ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par procès-verbal du 03 mars 2017 par la BNP [Localité 3] à l’encontre de M. [R] [J] et Mme [Z] [X] épouse [J] entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] pour un montant de 331.759,46 euros.
Certes, il résulte de ce jugement que pour parvenir à adopter ce chef de dispositif, dans ses motivations le juge de l’exécution a retenu que la créance de la société BNP Paribas n’était plus exigible car éteinte par l’effet de la prescription depuis le 20 septembre 2013.
Cependant, le juge de l’exécution n’a aucunement repris son constat dans le dispositif de sa décision, laquelle est dès lors dépourvue de toute portée à cet égard.
En tout état de cause, la même décision est intervenue à l’issue d’une procédure à laquelle la SCI [J] est demeurée étangère, en sorte que celle-ci ne peut pas valablement se prévaloir auprès de la banque de l’autorité de la chose jugée.
En effet, l’assignation ayant introduit cette procédure, telle que rédigée par Me [K] [I], désigne pour seules parties demanderesses, M. [R] [J] et Mme [Z] [X] épouse [J], à l’exclusion de la SCI [J], qui n’a jamais été appelée en la cause.
Il n’est pas, par ailleurs, produit de décision définitive qui constaterait comme éteinte la dette de la SCI [J] et que celle-ci serait à même d’opposer à la banque.
Au demeurant, la mission impartie à Me [K] [I] par la SCI [J], dans le cadre de la convention susdite, ne consistait qu’à étudier et envisager des possibilités d’action et non pas de les entreprendre.
Enfin, il n’est en tout cas pas justifié de diligences qui auraient été entreprises afin d’obtenir une telle décision et donc d’obtenir un résultat au bénéfice de la SCI [J].
Ainsi, en l’absence de diligences ayant abouti à un résultat irrévocable au profit de la SCI [J], Me [K] [I] ne pouvait pas réclamer à cette cliente le paiement d’un honoraire de résultat.
Il suit de ce qui précède que la décision entreprise sera infirmée sur le tout.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de Me [K] [I], partie perdante, sans que l’équité ne commande de lui faire supporter tout ou partie des frais irrépétibles exposés par la SCI [J], dont la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Condamne Me [K] [I] aux dépens d’appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE