Responsabilité de l’Avocat : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00503

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Responsabilité de l’Avocat : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00503
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 09 DECEMBRE 2022

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2022, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00503 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUWT

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sonia DAIRAIN, Greffière présente lors des débats et de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [O] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Annabel BOCCARA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0130

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Maître [V] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie DJOLOLIAN, avocat au barreau de PARIS

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 15 Novembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 09 Décembre 2022 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Me [V] [U], avocat inscrit au barreau de Paris, s’est vu confier, courant novembre 2018, la défense des intérêts de M. [O] [Y], neurologue, dans le cadre d’un litige qui l’opposait à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Maine-et-Loire, laquelle lui reprochait diverses anomalies repérées en analysant son activité au titre de l’article L. 315-1-IV du code de la sécurité sociale, concernant 501 dossiers.

Par courrier reçu le 4 février 2020, cet avocat a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande en fixation des honoraires dus par son client M. [O] [Y] à hauteur de 24.000 euros hors taxes, majorés d’une somme de 100 euros à titre de frais de déplacement, ainsi que des honoraires pour le temps consacré à la saisine du bâtonnier, soit au total 24.600 euros hors taxes, dont 14.700 euros avaient déjà été réglés par M. [O] [Y], un solde résiduel en sa faveur d’un montant de 10.800 euros hors taxes lui restant dû.

Le bâtonnier de l’ordre des avocats a accusé réception de la réclamation, suivant courrier adressé sous pli recommandé en date du 24 juin 2020 et a convoqué les parties à une audience fixée au 23 juillet 2020, par-devant son rapporteur.

A l’audience, les parties se sont présentées personnellement, M. [O] [Y] étant assisté d’un conseil.

Après une première décision de prorogation rendue le 2 juillet 2020, suivant décision contradictoire du 4 octobre suivant, le bâtonnier de l’ordre des avocats a ;

‘ fixé à la somme de vingt et un mille (21.000) euros hors taxes le montant total des honoraires dus à Me [V] [U] par M. [O] [Y] ;

‘ constaté des règlements partiels intervenus laissant subsister un solde de six mille trois cents (6.300) euros hors taxes;

‘ condamné M. [O] [Y] à régler à Me [V] [U] la somme de 6.300 euros hors taxes;

‘ dit que cette somme sera majorée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20%, des intérêts au taux légal à compter de date de notification de la décision, de la somme de cent (100) euros à titre de remboursement de frais, ainsi que des frais éventuels de signification de la présente décision si elle s’avérait nécessaire.

Cette décision a été notifiée à M. [O] [Y] et à Me [V] [U] par courriers adressés par lettres recommandées en date du 8 octobre 2020.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, posté le 2 novembre 2020, M. [O] [Y] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.

”’

Par lettres recommandées en date du 17 octobre 2022, dont les accusés de réception ont été signés en date du 18 octobre suivant, les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 15 novembre 2022, date à laquelle elles ont comparu, M. [O] [Y] étant représentées par leurs conseils respectifs.

A l’audience, M. [O] [Y] a demandé le bénéfice de son recours et des conclusions écrites visées par le greffe tendant à :

‘ infirmer la décision du bâtonnier rendue le 4 octobre 2020 ;

Statuant à nouveau :

‘ juger que les diligences accomplies auraient dû être facturées pour un montant de 4.135 euros hors taxes ;

‘ condamner en conséquence Me [V] [U] à rembourser la somme de 10.565 euros hors taxes à M. [O] [Y] ;

‘ condamner Me [V] [U] à payer à M. [O] [Y] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et le condamner aux dépens d’instance.

En réponse, Me [V] [U] a sollicité le bénéfice de ses conclusions écrites remises au greffe tendant à:

‘ fixer à 24.000 euros hors taxes le montant des honoraires dus par M. [O] [Y], outre 100 euros au titre des frais de déplacement;

‘ condamner M. [O] [Y] à verser à Me [V] [U] le montant de 9.300 euros hors taxes, compte tenu de la somme de 14.700 euros déjà réglée, outre 100 euros au titre des frais de déplacement;

‘ à défaut, confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions;

‘ débouter M. [O] [Y] de toutes ses demandes;

‘ dire et juger que la somme allouée sera majorée par la taxe sur la valeur ajoutée accident du travail des intérêts au taux légal à compter de la note d’honoraires du 16 octobre 2019;

‘ condamner M. [O] [Y] à verser à Me [V] [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré pour que l’ordonnance soit prononcée par mise à disposition au greffe dès le 9 décembre 2022.

SUR CE

La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux étant comparantes lors de l’audience.

Il n’est pas discuté, ni discutable que le recours de M. [O] [Y] est recevable, pour avoir été formé dans les délais requis.

En matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, les règles prévues par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 organisant la profession d’avocat doivent recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).

Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

Lorsque qu’une convention ayant pour objet le règlement des honoraires revenant à l’avocat n’a pas été conclue, il y a lieu de se prononcer sur les honoraires contestés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271 et 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459).

L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier.

Refuser de prendre en compte certaines diligences de l’avocat, implique que préalablement en soit constatée leur inutilité manifeste (2e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-10.787, Bull. 2016, II, n° 10 ; 2e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-23.508 ; 2e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-16.131).

De plus, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. Aussi, dans ce cadre, il ne saurait être tiré de conséquence d’un prétendu manquement de l’avocat à son devoir d’information, notamment quant au montant global des honoraires à prévoir.

En l’espèce, comme le bâtonnier de l’ordre des avocats l’a observé, aucune convention n’a été conclue entre les parties afin de déterminer la rémunération à laquelle Me [V] [U] pouvait prétendre à raison de l’accomplissement de sa mission, fût-il partiel ou total.

Toutefois, comme l’a relevé le même bâtonnier de l’ordre des avocats, par un courriel du 19 novembre 2018, les conditions de l’intervention de Me [V] [U] ont été portées à la connaissance de M. [O] [Y] de façon assez explicite, lequel les a acceptés en pleine connaissance de cause, ce qui pouvait être déduit de la réponse qu’il avait apportée à ce courriel.

Ce courriel indique, en effet, clairement que les diligences du cabinet d’avocat sont facturées au temps passé, soit précisément à hauteur de 600 euros hors taxes de l’heure pour les associés et de 300 euros hors taxes pour les collaborateurs.

Il est constant que, comme il y était invité si ces conditions lui convenaient, M. [O] [Y] a réglé la provision sollicitée, suivant une note jointe à ce courriel, à hauteur de 2.400 euros hors taxes, soit 2.880 euros toutes taxes comprises.

M. [O] [Y] conteste la difficulté de l’affaire en faisant valoir que celle-ci n’a pas nécessité d’analyses juridiques ou de recherches jurisprudentielles, les questions techniques ayant été traitées par le client et les experts mandatés. Mais, l’absence de telles investigations peut s’expliquer par la spécialisation et la compétence de l’avocat qu’il a choisi.

C’est ainsi que le bâtonnier de l’ordre des avocats a relevé à juste titre que les taux de rémunération horaire, annoncés et acceptés, apparaissent conformes à l’ancienneté, mais surtout à la compétence notoire de Me [V] [U] en matière de défense des professionnels de santé, peu important à cet égard qu’il ne bénéficie pas d’un certificat de spécialisation puisque celle-ci est unanimement reconnue par les différents intervenants du secteur qu’ils soient avocats, magistrats ou assureurs.

Par ailleurs, comme l’a observé de façon pertinente le bâtonnier de l’ordre des avocats, la teneur dudit courriel est dépourvue de toute ambiguïté et il n’y est aucunement évoqué une éventuelle prise en charge, fût-elle partielle, des honoraires du cabinet par la compagnie d’assurances de M. [O] [Y]. Au demeurant, la prise en charge par l’assureur du client des honoraires de l’avocat ne saurait avoir de conséquence quant à détermination de la rémunération de celui-ci. En tout cas, elle ne peut être l’objet de la procédure de fixation des honoraires et ne ressort, dès lors, pas de le compétence du juge de l’honoraire.

M. [O] [Y] fait valoir que le redressement qui lui avait été notifié par la CPAM porte sur un montant de 9.000 euros, sans rapport avec le montant des honoraires facturés. Cependant, comme l’a retenu, à juste titre, le bâtonnier de l’ordre des avocats les intérêts en jeu ne peuvent se résumer à l’aspect purement financier du redressement puisque des griefs étaient reprochés initialement à M. [O] [Y] dans plus de 500 dossiers et que le risque encouru par lui couvrait de toute évidence une éventuelle interdiction d’exercice.

En tout état de cause, le caractère manifestement inutile des diligences accomplies pour assurer la sauvegarde des intérêts de M. [O] [Y] n’est pas démontré.

M. [O] [Y] conteste le temps passé revendiqué par Me [V] [U] en faisant valoir que les factures mentionnent un temps passé calculé a posteriori et sans précision ce qu’il déduit du fait que les temps indiqués sont à ‘chiffres ronds’. Au contraire, Me [V] [U] soutient que les honoraires facturés sont loin de couvrir tout le temps passé et il s’oppose à toute modération de leur montant.

Comme l’a retenu de façon pertinente le bâtonnier de l’ordre des avocats, au vu des relevés et factures produits, une partie substantielle des diligences revendiquées s’appuie sur des travaux accomplis par des tiers et notamment des confrères médecins, en sorte qu’il apparaît raisonnable de diminuer certaines heures comptabilisées au titre des recherches et rédactions.

Au-delà, les critiques élevées par M. [O] [Y] quant à l’évaluation du temps passé ne sont pas étayées par des pièces probantes, ni ne font l’objet d’une démonstration alors qu’il s’est bornée à procéder par voie de simples affirmations.

Dans ces conditions et au vu des pièces en débat, en considération des motivations pertinentes retenues par le bâtonnier de l’ordre des avocats, lesquelles ne sont pas sérieusement remises en cause par les parties, le magistrat délégataire du Premier président de cette cour confirmera en toutes ses dispositions la décision entreprise.

Les dépens seront mis à la charge de M. [O] [Y], partie perdante.

Il n’apparaît pas contraire à l’équité que les parties conservent à leur charge les frais irrépétibles qu’elles ont cru devoir exposer dans le cadre de cette instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [O] [Y] aux dépens ;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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