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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 31 OCTOBRE 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2022, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00010 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBG4Z
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [Z] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Lucile AUBERTY JACOLIN de l’ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J114
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Monsieur [N] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume AKSIL de la SCP LINCOLN AVOCATS CONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0293 substitué à l’audience par Me Garderes Nicolas
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 06 Octobre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 31 Octobre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par un courrier en date du 15 avril 2019, M. [N] [T] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une réclamation concernant le montant des honoraires versés à Me [Z] [W] qu’il considérait excessifs et injustifiés.
Il exposait notamment avoir chargé Me [Z] [W] de la défense de ses intérêts alors qu’il rencontrait des difficultés avec les autres actionnaires de la société Technilab, dont il était le président et directeur technique salarié, ainsi que l’actionnaire principal, signant à cette fin, le 1er mars 2016, une convention d’honoraires avec cette avocate.
Il précisait que dans le cadre de cette convention et pour le traitement du dossier, Me [Z] [W] avait émis, de mars 2016 à février 2017, huit notes d’honoraires, pour un montant total de 63.480 euros qu’il avait acquittées.
Il indiquait que le 30 octobre 2017, concernant un contentieux prud’homal à mettre en ‘uvre à la suite du licenciement pour inaptitude dont il avait fait l’objet le 14 février 2017, il avait signé avec ce conseil, un avenant n°1 à ladite convention d’honoraires, s’acquittant ensuite d’une somme de 3.960 euros, outre 360 et 180 euros payés au cabinet GR avocats associés de Nantes, avocat postulant.
Il évoquait un second avenant à ladite convention, signé le 30 mai 2018, concernant une procédure de faute inexcusable qu’il entendait engager au tribunal des affaires de sécurité sociale, à l’encontre de la société Technilab, au titre duquel il n’avait jamais reçu la facture des honoraires plus tard réclamés par Me [Z] [W] à hauteur de 4.800 euros.
Il précisait que la compagnie d’assurances AIG, auprès de qui il avait souscrit une police responsabilité des dirigeants (n° RD00302963C), était intervenue, dans le cadre du sinistre unique enregistré sous la référence 3934837423fr, pour la prise en charge de ses frais de défense relatifs aux procédures au tribunal de commerce de Nantes, au tribunal de grande instance de Nantes en matière pénale dans une affaire suivie par Me [R] [F] et liée à un contentieux fiscal résolu, AIG ayant exclu de sa couverture tout le volet social. Il chiffrait à 55.320 euros le montant des honoraires remboursés par AIG pour les honoraires de Me [Z] [W], sans compter les honoraires réglés directement à cette avocate par AIG pour un montant total de 97.356 euros, AIG ayant aussi payé directement au cabinet AXLO, mandaté par et pour Me [Z] [W] la somme de 1.848 euros.
Selon ses calculs, le montant total des honoraires réclamés par Me [Z] [W] s’établissait à 187.895 euros dont il avait réglé 88.690 euros et dont AIG avait payé directement à Me [Z] [W] la somme de 99.204 euros.
Enfin, il indiquait avoir été informé brutalement par courriel en date du 6 mars 2019 de l’abandon par Me [Z] [W] de toutes ses missions, celle-ci l’informant qu’elle renonçait à le représenter dans les différents contentieux en cours.
Il contestait le montant de ces honoraires en faisant valoir qu’il n’avait pas été destinataire des factures envoyées directement à AIG, pas plus qu’il n’avait été informé précisément de l’ensemble des des diligences accomplies, ajoutant que la décision d’abandonner en l’état les procédures prud’homales et devant le tribunal des affaires de sécurité sociale avaient pour effet de rendre injustifiés les montants engagés à ces titres.
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Par lettres recommandées en date du 23 avril 2019, dont M. [N] [T] et Me [Z] [W] ont respectivement accusé réception le 25 avril 2019, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats a convoqué ceux-ci à venir s’expliquer devant-lui le 28 mai 2019.
Les parties ainsi convoquées ont toutes deux comparu devant le délégataire du bâtonnier, qui a reçu leurs observations respectives.
Dans ce cadre, M. [N] [T] a demandé le remboursement par Me [Z] [W] de sommes qu’il estimait indûment perçues par elle, soit :
‘ 52.900 euros hors taxes correspondant aux huit factures de provision,
‘ 41.100 euros hors taxes correspondant aux factures des 22 juin et 19 juillet 2017,
‘ 14.532,50 euros hors taxes correspondant au paiement partiel de la facture du 4 septembre 2018 d’ un montant de 21.300 euros,
‘ 5.300 euros correspondant aux factures des 15 décembre 2017 et 12 janvier 2018.
Il a encore sollicité du délégataire du bâtonnier qu’il dise que n’étaient pas dues les factures actuellement non réglées et notamment celles du 6 mai 2019 pour un montant hors taxes de 75.050 euros.
En réponse, Me [Z] [W] a sollicité le rejet des demandes adverses, totalement injustifiées selon elle, et que lui soient allouées les sommes suivantes :
‘ 75.050 euros hors taxes à titre d’honoraires,
‘ 5.062,50 euros hors taxes correspondant au montant des débours, faisant l’objet de sa facture complémentaire du 6 mai 2019,
‘ le solde impayé par AIG de sa facture du 4 septembre 2018,
‘ 1.200 euros hors taxes au titre de sa facture du 11 juin 2018,
‘ 200 euros hors taxes au titre des frais dans le dossier prud’homal
‘ 12.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la nécessité de consacrer 40 heures à la préparation de sa défense.
Elle confirmait avoir assisté M. [N] [T] entre le 24 février 2016 et le 6 mars 2019, date à laquelle elle avait estimé devoir mettre fin à sa mission, le dossier principal concernant les difficultés qui l’opposaient au comité de direction de la société Technilab.
Elle faisait valoir qu’elle avait effectué un travail considérable, dans un premier temps pour répondre aux multiples demandes présentées à M. [N] [T] par le comité de direction, puis la nouvelle direction après sa révocation.
Elle précisait avoir eu en charge la gestion générale du dossier dans tous ses aspects, alors que d’autres avocats étaient intervenus dans les domaines spécifiques, en droit des sociétés, en droit fiscal et enfin en droit pénal.
Elle indiquait que jusqu’au 28 octobre 2016, M. [N] [T] lui avait réglé sept appels de provision sans exprimer la moindre réserve, ayant parfaitement conscience de la sous-facturation dont il bénéficiait et rappelait qu’en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge de l’honoraires ne peut réduire le montant des honoraires de l’avocat, s’il a accepté le paiement et le montant de ces honoraires une fois le service rendu.
Elle faisait valoir que la compagnie d’assurance AIG était intervenue dans le cadre d’une garantie des chefs et dirigeants d’entreprise dont bénéficiait M. [N] [T], en considération de ses diligences et de l’importance de celles-ci, et ce jusqu’au mois de juillet 2018, où avait été atteint le plafond de la garantie, soit 250.000 euros.
Elle faisait état de nombreuses diligences qui n’avaient jamais été facturées.
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Par une décision contradictoire en date du 17 décembre 2019, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
– fixé à la somme de 94.000 euros hors taxes (quatre-vingt-quatorze mille euros) le montant total des honoraires dus à Me [Z] [W] par M. [N] [T] dans le cadre des diligences accomplies à son profit;
– constaté le règlement déjà intervenu de la somme de 142.512,50 euros hors taxes au titre des honoraires ;
– dit qu’en conséquence Me [Z] [W] devra restituer à M. [N] [T] la somme de 48.512,50 euros hors taxes à titre d’honoraires, outre la taxe sur la valeur ajoutée, acquittée au taux de 20 %,
– dit que les frais éventuels de signification de la présente décision seront à la charge de Me [Z] [W] ;
– débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées en date du 18 décembre 2019, avec demandes d’avis de réception, respectivement signés le 23 décembre 2019 par M. [N] [T] et par Me [Z] [W].
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, posté le 3 janvier 2020, Me [Z] [W] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.
Par un courrier daté du 23 novembre 2020, complémentairement, Me [Z] [W] a précisé que son recours portait sur l’ensemble des chefs du dispositif de la décision entreprise, mais non pas sur la recevabilité de sa demande reconventionnelle, indiquant qu’en tant que de besoin, elle se désistait de tout recours au titre de la recevabilité de sa demande reconventionnelle portant sur la facture n° 2019151 du 6 mai 2019.
Par lettres recommandée en date du 20 décembre 2021, dont les avis de réception ont été signés le 29 janvier 2022 par M. [N] [T] et le 31 janvier 2020 par Me [Z] [W], les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l’audience du 5 avril 2022.
Aux audiences des 5 avril et 13 septembre 2022, l’affaire a été renvoyée contradictoirement, jusqu’à l’audience du 6 octobre suivant, date à laquelle elle a été retenue alors que les parties étaient représentées par leurs conseils respectifs.
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Lors de l’audience, Me [Z] [W] a sollicité le bénéfice des demandes énoncées dans ses conclusions écrites (récapitulatives n°2 déposées au greffe le 31 août 2022) qu’elle a reprises et soutenues, sollicitant de cette juridiction qu’elle :
– infirme la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris du 17 décembre 2019;
et, statuant à nouveau,
– juge M. [N] [T] irrecevable en ses demandes concernant la facture n°18/01-017 libellée au nom de la société LF Expertise et réglée par cette dernière et, en conséquence, le déboute de sa demande de remboursement de la somme de 2.000 euros hors taxes correspondant à cette facture;
– juge M. [N] [T] irrecevable en sa demande de restitution de sommes versées par AIG, et, en conséquence, le déboute de sa demande de restitution de la somme de 108.512,50 euros hors taxes à titre d’honoraires;
– juge M. [N] [T] mal fondé en sa demande tendant à voir fixer le montant total des honoraires dus à Me [Z] [W] au titre du dossier principal à 30.000 euros hors taxes;
– prenne acte de ce que M. [N] [T] reconnaît les sommes dues au titre du dossier prud’homal l’opposant à Technilab, à hauteur de 4.000 euros hors taxes, par application de l’avenant n°1 à la convention d’honoraires, signé le 30 octobre 2017;
– juge, en conséquence, que M. [N] [T] reste devoir la somme de 1.000 euros hors taxes soit 1.200 euros toutes taxes comprises à Me [Z] [W] au titre de ce dossier, en application de l’avenant n°1 à la convention d’honoraires, signé le 30 octobre 2017, et le condamne à verser cette somme à Me [Z] [W] ;
en toute hypothèse,
– juge M. [N] [T] mal fondé en toutes ses autres audiences et l’en déboute;
– condamne M. [N] [T] à verser à Me [Z] [W] 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
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En réponse, se référant à ses conclusions écrites qu’il a soutenues, M. [N] [T] a demandé à cette juridiction de :
– confirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du 17 décembre 2019, en ce qu’elle a dit que Me [Z] [W] devra restituer à M. [N] [T] une partie des sommes versées à titre d’honoraires, outre la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au taux de 20%, et qu’elle a débouté Me [Z] [W] de sa demande de règlement de la note d’honoraire n°2019151 du 6 mai 2019 et de sa demande de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– infirmer partiellement la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats en ce qu’elle a fixé à la somme de 94.000 euros hors taxes le montant total des honoraires dus par M. [N] [T] à Me [Z] [W] ;
– fixer à la somme de 34.000 euros hors taxes le montant total des honoraires dus par M. [N] [T] à Me [Z] [W], dont 30.000 euros hors taxes au titre du dossier principal, correspondant à 100 heures de travail au taux horaire de 300 euros hors taxes outre 4.000 euros hors taxes correspondant à l’honoraire forfaitaire convenu au titre du dossier prud’homal;
– condamner en conséquence Me [Z] [W] à restituer à M. [N] [T] la somme de 108.512,50 euros hors taxes à titre d’honoraires, outre la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au taux de 20 %, 142.512,50 euros hors taxes ayant été perçus par Me [Z] [W] (139.512,50 euros hors taxes au titre du dossier principal outre 3.000 euros hors taxes au titre du volet prud’homal ;
– condamner Me [Z] [W] à la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouter Me [Z] [W] de toutes ses demandes.
Au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré en vue de prononcer la décision le 31 octobre 2022.
SUR CE
La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties qui ont toutes deux été représentées lors de l’audience où l’affaire a été plaidée.
Il n’est pas discuté que le recours de Me [Z] [W] est recevable, pour avoir été formé dans les délais requis.
Le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris rappelle qu’en matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991 doit être appliquée.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En cas d’interruption de la mission de l’avocat avant son terme, ce dernier a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.
En effet, lorsque la mission de l’avocat n’a pas été menée jusqu’à son terme et qu’il y est mis fin avant que ne soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, la convention d’honoraires initialement conclue devient inapplicable et les honoraires dus à l’avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l’article 10 précité de la loi du 31 décembre 1971 (cf. Cass. 2ème Civ., 9 avril 2009, n 05-13.977, Bull. n 90 ; Cass. 2ème Civ., 7 octobre 2010, n°09-69.067 ; Cass. 2ème Civ., 25 février 2010, n° 09-13.191 ; Cass. 2ème Civ., 16 juin 2011, n°10-20.551).
En particulier, comme le prévoit l’article 10 de ladite loi, il convient alors de tenir compte pour déterminer les honoraires ‘ selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’.
Reste que le juge de l’honoraire ne peut pas le réduire dès lors que le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention, dès lors que le paiement est intervenu librement et en toute connaissance de cause.
En outre, le paiement effectué à titre provisionnel ne constitue pas un obstacle à la réduction des honoraires puisqu’il ne constitue pas un paiement après service rendu.
En tout état de cause, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier.
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Au cas présent, après avoir recueilli les observations des parties et examiné les pièces soumises par celles-ci, pour se déterminer, le bâtonnier de l’ordre des avocats a relevé qu’ont été acquittées à titre de provision, c’est-à-dire sans indication aucune des diligences accomplies, des sommes pour un total de 40.900 euros hors taxes, sept factures émises de février à octobre 2016, qui ne furent jamais suivies d’une note d’honoraires correspondante, comportant un état descriptif des diligences accomplies, de leurs dates, de leurs durées et de leurs valorisations respectives.
Il a constaté que la première facture d’honoraire au sens strict du terme avait été émise le 28 février 2017 pour la période courant depuis le 1er novembre 2016 et ne comportait aucune valorisation individualisée des diligences accomplies pour un total de 21 heures.
La même constatation était opérée par le bâtonnier pour les factures subséquentes lesquelles n’étaient accompagnées d’aucune description suffisamment précise, puisqu’il s’agit de descriptions génériques suivies d’un total d’heures sans affectation à telle ou telle diligences.
Ainsi, au total, le bâtonnier de l’ordre des avocats a encore relevé que pour 52.900 euros hors taxes, plus de 37% des montants facturés et encaissées et pendant une année, ont été émises sept demandes de provisions non accompagnées de quelque information que ce soit quant aux diligences accomplies et qui ne furent pas suivies de factures d’honoraires, pour 44.100 euros, plus de 31 % des montants facturés et encaissés, et pendant la seconde année, ont été émises deux des factures ne faisant état que d’une durée globale travaillée sans affectation aux diligences concernées, et pour 44.000 euros hors taxes, un tiers des montants facturés et encaissés, et durant la dernière année, ont été émises quatre des factures non adressées au client et affectées des mêmes insuffisance que les précédentes.
Compte tenu des constatations ci-avant rappelées et qui ne peuvent qu’être partagées par le magistrat délégataire du Premier président à l’examen des factures dont s’agit, Me [Z] [W] ne pouvait pas soutenir que M. [N] [T] serait irrecevable à contester les honoraires acquittés après service rendu.
Outre le fait que des sommes, en tout pour 44.100 euros, n’ont été acquittées qu’à titre provisionnel, il ne peut qu’être retenu l’absence d’informations détaillées quant aux diligences revendiquées comme ayant été accomplies par Me [Z] [W].
La reconstitution de son activité, opérée a posteriori par Me [Z] [W] et pour les besoins de la procédure en contestation d’honoraires n’est pas de nature à modifier ce constat. Il n’est dès lors aucunement démontré que M. [N] [T] aurait réglé ces sommes en toute connaissance de cause.
De plus, il est constant que Me [Z] [W] a directement adressé six factures pour 88.080 euros hors taxes en tout, dont 44.100 euros en 2017 et 43.980 euros en 2018, à l’assureur protection juridique de son client, sans qu’il soit justifié que ce dernier ait été mis en mesure de les vérifier et d’y consentir.
C’est donc bien l’ensemble des prestations effectuées et la facturation correspondante que se devait d’examiner le bâtonnier de l’ordre des avocats pour se déterminer. A hauteur d’appel, il en est de même, compte tenu des demandes des parties et dans la limite de celles-ci.
Alors qu’il est constant que les missions confiées successivement par M. [N] [T] à Me [Z] [W] n’ont pas été menées à leur terme, il convient de fixer le montant des honoraires dus à Me [Z] [W] en fonction du travail qu’elle a accompli et, le cas échéant, en prenant en compte sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu.
Pour apprécier la réalité de ses diligences, Me [Z] [W] fait valoir qu’elle produit désormais toutes les pièces permettant d’évaluer l’ampleur de son travail, outre un état récapitulatif de 27 pages, soulignant que le bâtonnier n’a pas disposé de ces éléments. Elle met en avant le nombre de pièces, qui ont nécessairement dues être lues, étudiées et exploitées et conteste les critiques adverses quant à l’évaluation du temps passé.
M. [N] [T] conteste essentiellement l’évaluation du temps passé avancée par Me [Z] [W], qu’il qualifie de démesurée. S’appuyant sur certaines des évaluations de ses diligences par Me [Z] [W], qu’il critique, il estime que le montant de la rémunération retenu par le bâtonnier dépasse nettement celui correspondant au peu de diligences réellement accomplies.
S’agissant du temps consacré au dossier, celui-ci paraît comme étant adéquat compte tenu des enjeux. Il convient également de relever qu’il en est justifié par la production d’une feuille de temps détaillée, le client se contentant pour sa part d’une contestation d’ordre général.
A l’examen des prétentions de Me [Z] [W] quant au temps passé, il apparaît que celles-ci sont disproportionnées comme l’a constaté le bâtonnier de l’ordre des avocats.
Celui-ci a, en effet, marqué son étonnement quant au nombre d’heures rattachées à l’élaboration de diverses écritures, plus de cent heures en août et septembre 2016, soit plus de 30.000 euros hors taxes, pour l’assignation devant le tribunal de commerce de Nantes, et cent quarante-sept heures en mars, avril, mai et juin 2017, soit plus de 44.000 euros hors taxes, pour les premières conclusions en réplique, étant observé qu’elles n’ont pas été régularisées sous le nom de Me [Z] [W] mais sous celui d’un autre conseil qui a facturé aussi son travail pour au moins 14. 653 euros.
Il s’est encore étonné de la facturation correspondant aux conclusions récapitulatives préparées pour l’audience du 24 septembre 2018, qui auraient nécessité la majeure partie, mais on ne sait exactement combien, des soixante et onze heures facturées le 4 septembre pour 21.300 euros hors taxes.
Le magistrat délégataire du Premier président considère que, comme l’a justement relevé le bâtonnier, les durées de temps passé revendiquées sont incompatibles avec la nature et la difficulté des demandes respectives des parties et de leurs fondements, s’agissant d’une action ut singuli tendant à la condamnation d’actionnaires pour gestion de fait portant sur un nombre limité de décisions ou d’actes, et d’une défense à demande reconventionnelle en remboursements de diverses sommes résultant prétendument de fautes ou d’abus de biens sociaux assez simples (frais de déplacements par exemple), d’autant que les faits et documents avaient pour la plus part déjà été examinés dans le cadre de l’assistance initiale dans le cadre des questions du comité de direction, ou l’étaient par d’autres avocats dans le cadre de la plainte pénale dont M. [N] [T] ou encore le contrôle fiscal faisait l’objet.
En effet, comme l’a souligné à juste titre le bâtonnier, les problématiques juridiques identifiées dans ces affaires n’excédent pas ce que rencontre usuellement un avocat d’expérience dans ce genre de procédure. Ainsi, l’action ut singuli est familière aux avocats spécialisés en droit des sociétés, comme l’était Me [G] consultée sur ce point et qui a facturé ses prestations, la recevabilité de l’intervention forcée n’est pas non plus de nature à augmenter considérablement les durées travaillées, pas plus que l’exception éventuelle tenant à la procédure pénale.
C’est pourquoi, faute de caractère exceptionnel des points sur lesquels ont été prétendument effectuées des recherches approfondies, doctrinales et jurisprudentielles, notamment sur les fautes susceptibles d’être imputées à un dirigeant, le temps passé facturé apparaît largement exagéré.
C’est dans ces conditions et fort de ces constats, que le magistrat délégataire du Premier président ne peut que partager, à l’examen des pièces qui lui sont soumises, que le bâtonnier a pu retenir que la somme de 90.000 euros hors taxes, correspondant à 300 heures de travail au taux horaire de 300 euros hors taxes, d’un avocat d’expérience, revendiqué par Me [Z] [W] semblait rémunérer à suffisance les travaux effectués par cette dernière au titre de l’assistance juridique de M. [N] [T].
C’est encore de façon pertinente que le bâtonnier a évalué à 4.000 euros hors taxes le montant des honoraires devant revenir à Me [Z] [W] au titre du contentieux prud’homal, en retenant le temps passé par celle-ci pour élaborer des conclusions
Alors qu’il apparaît que ce faisant le bâtonnier a fait une juste appréciation des honoraires devant revenir à Me [Z] [W] pour l’ensemble de ses diligences, à hauteur en tout de 94.000 euros, sa décision sera en conséquence confirmée sur ce point.
Or, il n’est pas discuté que le total des honoraires que Me [Z] [W] a perçus s’établit à 142.512,50 euros hors taxes.
Me [Z] [W] prétend que M. [N] [T] serait irrecevable à obtenir la restitution de cette somme qui a été payée par l’assureur garantissant sa protection juridique, lequel serait subrogé dans ses droits. Elle soutient encore que la restitution serait de nature à enrichir sans cause M. [N] [T].
Elle invoque également les dispositions de l’article L. 127-8 du code des assurances qui dispose que : ‘Le contrat d’assurance de protection juridique stipule que toute somme obtenue en remboursement des frais et des honoraires exposés pour le règlement du litige bénéficie par priorité à l’assuré pour les dépenses restées à sa charge et, subsidiairement, à l’assureur, dans la limite des sommes qu’il a engagées.’.
Il n’est cependant pas contestable que Me [Z] [W] a perçu un excédent d’honoraires de 48.512,50 euros hors taxes (142512,50 € – 94000 €), qu’il lui appartient donc de restituer.
Dès lors qu’il n’est pas justifié de la subrogation de l’assureur dans les droits de M. [N] [T], que la compagnie AIG n’est pas intervenue dans les débats et n’ a pas été appelée en cause, la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats quant à la restitution de cette somme de 48.512,50 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée, à M. [N] [T] doit aussi être confirmée.
Les dépens seront mis à la charge de Me [Z] [W].
La solution du litige eu égard à l’équité commande d’accorder à M. [N] [T] une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile qui sera fixée à 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance rendue contradictoirement, prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Condamne Me [Z] [W] aux dépens d’appel ;
Condamne Me [Z] [W] à payer à M. [N] [T] une somme de deux mille cinq cents (2.500) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE