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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 05 OCTOBRE 2022
(n°333/2022, pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20822 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7BS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 18/05209
APPELANTE
SA COLIPAYS REUNION
[Adresse 4]
[Localité 3])
Représentée par Me Louise MURA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198
INTIMEE
SELARL HOAREAU-GIRARD
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450, et assistée de Me Audrey HENANFF, avocate au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, Présidente
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Mme Claire DAVID, Magistrate honoraire juridictionnel
Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 05 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Françoise D’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffier, présente lors de la mise à disposition et à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 18 septembre 2007, la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSS) a notifié à la Sa Colipays Réunion une mise en demeure de payer la somme de 324 496 euros correspondant à un redressement opéré au titre des cotisations sociales et à des majorations de retard pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005.
Cette mise en demeure, valant décision au sens des dispositions du code de la sécurité sociale, faisait suite à un échange intervenu au sujet de ces cotisations à compter du 17 octobre 2006, entre la CGSS et la Selarl Hoarau-Girard, société d’avocats, agissant pour le compte de la société Colipays Réunion.
Par lettre simple datée du 16 novembre 2007 et reçue le 20, la société Colipays Réunion a formé un recours contre cette mise en demeure notifiée le 21 septembre précédent devant la commission de recours amiable (CRA) de la CGSS.
Le 27 novembre 2008, la CRA a déclaré le recours irrecevable en raison de la forclusion intervenue, le recours ayant été formé plus d’un mois après la date de notification de la mise en demeure.
Représentée par la Selarl Hoarau-Girard, la Sa Colipays Réunion a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Saint-Denis de la Réunion.
Par un jugement du 8 décembre 2010, cette juridiction a confirmé la décision de la CRA, jugé valable et définitive la mise en demeure du 18 septembre 2007 et condamné la société Colipays Réunion à payer à la CGSS la somme de 324 496 euros.
La société, toujours représentée par la Selarl Hoarau-Girard a interjeté appel du jugement, lequel a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion du 6 novembre 2012.
C’est dans ces conditions que la Sa Colipays Réunion a assigné la Selarl Hoarau-Girard devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 18 avril 2018 aux fins de voir reconnue sa responsabilité professionnelle.
Par jugement du 2 octobre 2019, ledit tribunal a :
– condamné la Selarl Hoarau-Girard à payer à la Sa Colipays Réunion la somme de 29 211 euros,
avec intérêts aux taux légal à compter du prononcé du jugement,
– condamné la Selarl Hoarau-Girard aux dépens,
– condamné la Selarl Hoarau-Girard à payer la somme de 3 000 euros à la société Colipays Réunion sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 12 novembre 2019, la Sa Colipays Réunion a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 3 janvier 2020, la Sa Colipays Réunion demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
évalué son préjudice à la somme de 29 211 euros,
condamné la Selarl Hoarau-Girard à lui verser la somme de 29 211 euros,
rejeté sa demande tendant à voir condamner la Selarl Hoarau-Girard à lui verser les sommes de 313 681,59 euros en réparation du préjudice matériel et 20 000 euros en réparation des frais et tracas engendrés par les procédures inutiles,
– confirmer le jugement en ce qu’il a écarté l’irrecevabilité soulevée au titre de la prescription de l’action, et s’est reconnu territorialement compétent,
y ajoutant,
– condamner la Selarl Hoarau-Girard à lui verser à titre d’indemnité la somme de 333 681,59 euros en principal, outre les intérêts de droit, soit :
331 681,59 euros au titre du préjudice matériel,
20 000 euros au titre des frais et tracas engendrés par les procédures inutiles,
5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (1ère instance),
– condamner la Selarl Hoarau-Girard à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 28 mars 2020, la Selarl Hoarau-Girard, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter la Sa Colipays Réunion de l’ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
à titre subsidiaire,
– ramener le préjudice allégué par la Sa Colipays Réunion à de plus justes proportions,
– la condamner à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Me [K] [I], associé de la Selas [I] et associés.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2022.
SUR CE,
Sur l’application de l’article 47 du code de procédure civile
Le tribunal a relevé pour juger que ce moyen devait être écarté, tout en omettant de le mentionner dans le dispositif du jugement rendu, que la demande de renvoi fondée sur l’article 47 du code de procédure civile constitue une exception de procédure devant être soulevée avant toute défense au fond et que la société défenderesse a évoqué ce moyen de défense sans en tirer de conséquence procédurale ni formuler aucune prétention.
L’intimée, bien que sollicitant l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, ne formule aucune demande de renvoi de l’affaire sur ce fondement dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’est pas saisie d’une demande à ce titre.
Sur la prescription de l’action
Le tribunal a déclaré l’action de la société Colipays Réunion non prescrite et a omis de le mentionner dans le dispositif de ses conclusions.
La société Hoarau-Girard, bien que sollicitant l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, ne demande pas à la cour, dans le dispositif de ses conclusions qu’elle déclare l’action de la société Colipays Réunion irrecevable pour être prescrite et ne forme aucune argumentation à ce titre de sorte que la cour n’est pas saisie d’une demande à ce titre.
Sur la responsabilité de l’avocat
– sur la faute
Le tribunal a considéré que :
– la société Hoarau-Girard était chargée de la défense des intérêts de la société dans le cadre du redressement de la CGSS relatif aux cotisations sociales des années 2003 à 2005, en amont de ce redressement, mais également à l’occasion des recours exercés à sa suite,
– elle a reconnu dans une lettre du 2 avril 2015 adressée au bâtonnier qu’elle n’avait pas saisi la CRA dans le délai d’un mois prévu à l’article R 142-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, de sorte que le manquement à l’obligation de diligence est caractérisé et sa responsabilité exposée.
L’appelante demande la confirmation du jugement sur ce point.
La société Hoarau-Girard répond que la société Colipays Réunion a saisi la CRA sous la plume de son dirigeant suivant lettre du 16 novembre 2007 que la CGSS a communiquée dans le cadre de la procédure litigieuse devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion de sorte que le grief articulé à son encontre n’est pas établi.
La société d’avocats se prévaut inutilement du fait que le recours a été formé par la société Colipays Réunion représentée par son gérant alors qu’elle ne conteste pas qu’elle assistait cette société avant même l’envoi de la mise en demeure de la CGSS ni le fait retenu par les premiers juges selon lequel dans sa déclaration de sinistre du 2 avril 2015 au bâtonnier de l’ordre, la Selarl Hoarau-Girard a reconnu avoir ‘commis une faute en ne saisissant pas la commission dans le délai d’un mois’.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu une faute de la société Hoarau-Girard pour ne pas avoir intenté de recours dans le délai d’un mois prévu à peine de forclusion.
– sur le préjudice et le lien de causalité
Le tribunal a considéré que :
– le manquement de la société Hoarau-Girard a privé la société Colipays Réunion d’un examen de ses demandes par la CRA et à tout le moins par le TASS et le cas échéant par la cour d’appel et les chances de voir le redressement opéré remis en cause doivent être appréciées,
– s’agissant de l’indemnité compensatrice de congés payés qui aurait dû être versée aux travailleurs saisonniers, à l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule au profit du président de la société et des diverses sommes versées à quatre salariés, réintégrés dans l’assiette des cotisations à l’occasion du redressement, la société Colipays Réunion n’a versé aucune pièce à l’appui de son analyse selon laquelle le redressement n’était pas fondé,
– quant à la réintégration de l’intégralité des rémunérations versées, compte tenu du fait que l’activité de la société ne consiste pas en la création d’un produit nouveau mais, au regard des divergences d’interprétation de la notion d’activité industrielle pour l’application, au bénéfice de la société des dispositions de l’article L752-3-1 du code de la sécurité sociale, la société Colipays Réunion démontre avoir subi une perte de chance d’obtenir la remise en cause du redressement, laquelle est cependant réduite et doit être fixée à un taux de 10%,
– le préjudice moral au titre des tracas et soucis générés par les procédures judiciaires inutiles est constitué.
L’appelante fait valoir que :
– la CGSS lui a adressé un redressement au motif que son activité correspondait à de la vente par correspondance et non à une activité de transformation susceptible d’être considérée comme une activité industrielle ouvrant droit aux exonérations de charges et autres avantages,
– ses chances de succès dans sa contestation du redressement étaient très élevées, au vu des pièces qu’elle a produites tant devant le TASS que devant la cour d’appel, démontrant qu’elle pouvait bénéficier de ces exonérations de cotisations patronales prévues par les dispositifs LOOM et LOPOM, la CGSS ayant commis une erreur grossière,
– le travail d’expertise réalisé par M. [J] démontre que l’activité est loin d’être une simple vente par correspondance, qu’elle a entrepris une démarche industrielle aboutissant à la mise en place d’ un système complexe alliant la récolte des fruits, leur acheminement, leur conservation et leur conditionnement, lequel lui a permis de bénéficier de subventions à partir de fonds européens destinés aux activités industrielles,
– concernant la cotisation relative à l’indemnité de congés payés pour les personnes recrutées en CDD, elle faisait valoir que son activité de conditionnement de fruits étant fortement impactée par les saisons et qu’elle avait recours à des emplois saisonniers pour des durées de travail extrêmement courtes de sorte qu’il avait été prévu contractuellement de ne pas verser d’indemnité compensatrice et qu’elle ne pouvait être tenue de verser des cotisations sur des sommes non réglées,
– la cotisation relative à un avantage en nature n’était pas due puisque le véhicule de la société avait un usage exclusivement professionnel (trajet domicile-travail),
– elle sollicite en réparation, au titre de sa perte de chance très sérieuse de ne pas subir de redressement une indemenité de 333 681,59 euros soit 313 681,59 au titre du préjudice matériel, 20 000 euros au titre des frais et tracas.
La Selarl Hoarau-Girard répond que :
– s’agissant de la privation de la possibilité de faire valoir son argumentation, le préjudice doit s’analyser en une perte de chance et la société Colipays Réunion n’établit pas qu’elle avait des chances d’obtenir satisfaction devant la CRA ou les juridictions saisies,
– si la commission de recours gracieux a rejeté le recours pour forclusion, elle a confirmé à titre superfétatoire la décision de son inspecteur qui avait procédé à la réintégration des cotisations des rémunérations versées sur la période de 2003 à 2005 au taux du régime général,
– M. [J] a été mandaté par la société appelante en qualité d’expert et son rapport, rédigé dans des termes généraux, est insuffisant pour emporter la conviction,
– le préjudice n’est démontré ni dans son principe ni dans son montant,
– l’appelante ne rapporte pas la preuve qu’elle pouvait échapper aux redressements de sorte que le lien de causalité entre le préjudice et la faute n’est pas démontré,
– si le principe d’une perte de chance est retenu, l’indemnisation ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
L’avocat ayant commis des manquements à son obligation de diligence est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec les manquements commis.
Lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d’une voie d’accès à une commission de recours amiable et au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l’événement dont elle a été privée était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d’une telle perte de chance excluant toute indemnisation. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit reconstituer fictivement le débat manqué par la faute de l’avocat, à l’aune des dispositions légales qui avaient vocation à s’appliquer ainsi que des pièces en débat.
La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Si la CRA a déclaré irrecevable le recours de la société Colipays Réunion en raison de sa forclusion, elle a, de manière surabondante, rappelé les positions de l’inspecteur de recouvrement et celles de la société et confirmé la mise en demeure, considérant que l’inspecteur avait à bon droit procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations des rémunérations versées pour la période de 2003 à 2005 au taux du régime général.
La société Colipays Réunion ne rapporte donc pas la preuve d’une perte de chance d’obtenir une modification du redressement envisagé de la part de la commission de recours amiable si son recours avait été déclaré recevable.
Il y a lieu, en revanche, d’examiner si au vu de la motivation de la décision de la CRA, la société appelante aurait eu des chances devant le tribunal des affaires sociales ou la cour d’appel d’obtenir une réduction du montant du redressement ou même son annulation.
Lors du contrôle de comptabilité l’inspecteur de recouvrement de la CGSS a effectué des redressements au titre de quatre rubriques et il ressort de la décision de la CRA que le débats s’est posé en ces termes :
1) l’assiette minimum des cotisations en cas de contrats saisonniers
L’inspecteur a considéré qu’en application de l’article R 242-1 du code de la sécurité sociale, l’indemnité compensatrice de congés payés doit être soumise à cotisation et ce, même en l’absence de son versement.
La société Colipays a répondu que compte-tenu de la durée de travail de certains saisonniers oscillant entre quelques jours ou quelques heures, elle avait prévu contractuellement de ne pas verser cette indemnité compensatrice et estimé ne pas devoir cotiser pour une indemnité non versée.
La CRA a considéré qu’en vertu des dispositions du code du travail, l’indemnité de congés payés est due dans tous les cas de résiliation du contrat de travail, à l’exception du licenciement pour faute grave, que la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la clause par laquelle l’employeur se réserve de modifier la loi est nulle, le salarié ne pouvant valablement renoncer aux droits qu’il tient de la loi, que l’indemnité compensatrice de congés payés prévue à l’article L 122-3-3 du code du travail due à la rupture des contrats à durée déterminée relevait du dispositif législatif de sorte que l’employeur ne pouvait y déroger et était soumise à cotisations même en cas de non versement.
La société Colipays Réunion qui reprend strictement la même argumentation ne justifie d’aucun moyen de droit de nature à contredire le raisonnement juridique tenu par la CRA et n’établit donc pas avoir perdu une chance d’éviter le redressement à ce titre.
2) l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule
L’inspecteur a relevé que la société possédait un véhicule de tourisme de marque BMW mis à la disposition du PDG sans qu’il fasse l’objet d’un chiffrage en nature. Rappelant qu’en application de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations, il a procédé à un redressement.
La société Colipays Réunion a soutenu que la condition visée par ce texte n’était pas remplie puisque le véhicule de la société avait un usage exclusivement professionnel et qu’il n’y avait pas mise à disposition à titre permanent du véhicule puisque le PDG n’était présent sur l’Ile que 15 jours par mois et que le véhicule, mis à la disposition de la société était restitué pendant les périodes de congés et de repos hebdomadaire et qu’enfin, l’économie de frais réalisée s’agissant du trajet domicile-travail ne constituait pas un avantage en nature puisque l’utilisation du véhicule était nécessaire à l’activité professionnelle, il n’était pas utilisé à des fins personnelles et l’usage de transports en commun n’était ni courant ni habituel à la Réunion.
Rappelant les textes applicables, un arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels et une circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 prévoyant la nécessité de mentionner par écrit la restitution du véhicule pendant les repos hebdomadaires et congés et les conditions nécessaires pour qu’aucun avantage en nature ne soit constitué par l’économie de frais réalisée par le salarié lorsqu’il utilise le véhicule pour les trajets entre son domicile et son lieu de travail, la CRA a considéré que la restitution du véhicule n’était pas retracée dans un document écrit et que la preuve que les trois conditions cumulatives prévues s’agissant des trajets domicile-lieu de travail étaient réunies n’était pas démontrée, pour en déduire que l’utilisation du véhicule faite par le dirigeant du véhicule acquis par la société ne pouvait que constituer un avantage en nature qui devait être réintégré dans l’assiette des cotisations.
La société Colipays Réunion n’apporte aucun élément de nature à venir contredire l’interprétation ainsi faite des textes applicables et n’établit donc pas avoir perdu une chance d’éviter le redressement à ce titre.
3) les primes diverses
L’inspecteur a relevé que diverses sommes ont été versées à des salariés sans être soumises à cotisations alors qu’il ne s’agissait ni de frais professionnels ni de dommages et intérêts, en contravention avec les dispositions de l’alinéa 1 de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale.
Le redressement à ce titre n’a pas été contesté devant la CRA et les juridictions judiciaires et la société Colipays Réunion n’invoque aucun moyen à ce titre.
4) l’application des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociales prévues par la loi d’orientation pour l’outre-mer (LOOM) et la loi programme pour l’outre-mer (LOPOM)
L’inspecteur a considéré que la société Colipays Réunion ne pouvait pas bénéficier de l’exonération à 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale sur la fraction de rémunération versée n’excédant pas la limite de 130 % du SMIC horaire réservée aux employeurs de certains secteurs d’activités exposés à la concurrence dont celui de l’industrie, aux motifs que l’activité de la société ne correspond pas au code NAF attribué (158V Industries alimentaires NCA lequel comprend notamment la fabrication de préparation pour entremets, d’aromes alimentaires, de soupes, etc… ) mais plutôt à la vente par correspondance (VPC) de colis composés de produits de l’île de la Réunion et qu’aucune opération de transformation n’était réalisée sur les produits achetés, les seules opérations réalisées concernant le conditionnement des produits, notamment pour la conservation des fruits.
La société Colipays Réunion a fait valoir que :
– le reclassement de son activité en VPC s’est fait sur le seul fait de la présence d’un call center,
– son activité diffère de la VPC puisque les ‘ colipays’ sont des produits manufacturés, résultant de la création, la conception et la fabrication au sein d’un processus de production industriel révolutionnaire, novateur et unique au monde,
– selon un arrêt du 27 juillet 2005, le conseil d’Etat a estimé que le caractère industriel d’un établissement dépend du critère prédominant lié à l’importance des moyens matériels mis en oeuvre,
– elle a obtenu une aide régionale dans le cade d’un programme de subventions européennes accordée au titre de l’aide au projet de développement industriel relatif à une industrialisation de sa production et son process de conditionnement a été breveté par l’INPI selon trois critères cumulatifs dont celui d’être industriel dans son objet, son application et son résultat.
La CRA a considéré que selon la circulaire d’application du dispositif légal exposé, la référence au code NAF n’est qu’une présomption simple qui peut être renversée par la preuve contraire et que la société réceptionne des fruits, fleurs et produits manufacturés qu’elle traite et conditionne en vue de leur exportation sous 48 heures sans les transformer de sorte que la qualification d’industrie ne peut être retenue.
La société Colipays Réunion a développé la même argumentation devant le TASS et la cour d’appel de Saint-Denis.
Elle produit devant la cour un rapport de M. [J], expert près la cour d’appel de Paris, qui décrit la chaîne de conditionnement des fruits et les techniques de conditionnement mises au point portant sur les barquettes et le film d’emballage utilisés pour en conclure que les équipements et matériels jouent un rôle prépondérant dans l’élaboration des coffrets et dans ‘la transformation des produits consommables à court terme en produits consommables à moyen/long terme, faisant donc bien du concept Colipays un process industriel de production’.
Cependant, ce rapport daté 2 décembre 2010 est trop tardif pour avoir été présenté au TASS qui a rendu son jugement le 8 décembre suivant, ne figure pas dans les pièces produites devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion et n’a été transmis au cabinet Hoarau-Girard que le 21 octobre 2014, ainsi qu’il ressort de la lettre que l’appelante lui a adressée à cette date.
Ses conclusions, peu convaincantes au demeurant, sur l’activité de transformation des produits permettant de retenir une qualification d’activité industrielle, n’ont pas été soumises aux juridictions saisies et ne peuvent être retenues pour apprécier la perte de chance.
L’activité de la société est une activité de récolte de fruits et de conditionnement et transport de fruits, fleurs et produits finis qui n’entre pas dans un processus de transformation et ne correspond pas à la définition classique de l’activité industrielle, laquelle ne peut être déduite du seul code NAF attribué à l’activité par l’INSEE.
Alors que la jurisprudence du Conseil d’Etat citée concerne la distinction entre un établissement public industriel et un établissement public commercial et n’apparaît guère transposable aux sociétés commerciales dont le contentieux relève des juridictions judiciaires, seuls l’octroi d’aides concernant un projet de développement industriel relatif à une industrialisation de la production de la société et l’obtention d’un brevet de l’INPI s’agissant de la technique de conditionnement sont des arguments en faveur d’une qualification de l’activité exercée comme une activité industrielle pour l’application de l’exonération en litige.
Au vu de ces seuls éléments, les premiers juges ont fixé de manière pertinente cette perte de chance d’obtenir l’annulation du redressement à 10 % du montant du redressement opéré à ce titre soit 267 115 euros et fixé l’indemnité due par la société Hoarau-Girard à la somme de 26 711 euros (267 115 x 10 %).
Le non respect par la société d’avocats du délai de recours a généré des frais et tracas au titre de procédures judiciaires inutiles, ce qui a nécessairement causé un préjudice à la société appelante dont l’indemnisation a été justement évaluée à la somme de 2 500 euros en réparation de son seul préjudice moral, faute de justification des frais engagés et le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d’appel doivent incomber à la société Hoarau-Girard, appelante incidente dont la faute professionnelle est confirmée en appel.
Aucune considération d’équité ne justifie, cependant, sa condamnation au paiement d’une indemnité de procédure au bénéfice de la société Colipays Réunion sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la Selarl Hoarau-Girard aux dépens,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Sa Colipays Réunion.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,