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N° RG 22/02473 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3XQ
Minute N° : 8M 34/2023
Notification par
LRAR aux parties
Copie exécutoire à
la SCP LEXARES
Copie à :
Me Mai
Me Harter
le
Le greffier,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
ORDONNANCE DU 05 MAI 2023
Audience tenue par Madame DELNAUD, première présidente de la cour d’appel de Colmar, assistée de Mme HOUSER, greffier, en présence de Mme GABRIEL, greffier stagiaire
APPELANTE :
Madame [N] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante, assistée de Me Thibault MAI, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEE :
S.C.P. LEXARES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat au barreau de COLMAR
DEBATS en audience publique du 21 Mars 2023
ORDONNANCE CONTRADICTOIRE du 05 Mai 2023
prononcée publiquement par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Nature de l’affaire : contestation d’honoraires d’avocat
La SCP LEXARES, société d’avocats inscrits au barreau de Mulhouse, est intervenue au soutien des intérêts de Madame [N] [W], pour la conseiller dans le cadre d’une procédure de divorce.
Une convention d’honoraires a été préparée par la SCP LEXARES, mais n’a pas été signée par les parties.
La SCP LEXARES a établi une note de frais et honoraires définitive n° 2392 d’un montant de 1 200 € TTC le 14 septembre 2021.
Le 4 février 2022, Madame [W] a saisi le Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Mulhouse d’une demande de contestation d’honoraires.
Par ordonnance du 3 juin 2022, le Bâtonnier a déclaré Madame [W] recevable en sa contestation, mais mal fondée et a fixé les honoraires dus à la SCP LEXARES par Madame à la somme de 1 200 € TTC.
La décision a été notifiée à Madame [W] le 13 juin 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2022, enregistrée au greffe de la cour d’appel de Colmar le 29 juin 2022, Madame [W] a formé un recours.
Elle fait valoir qu’initialement, elle a mandaté Maître [S] pour son divorce et qu’elle a été informée postérieurement du transfert de son dossier sans son consentement à Maître [J] avec qui elle n’a eu aucun entretien physique ou téléphonique.
Elle indique que son conseil n’a pas respecté sa volonté d’opter pour un divorce à l’amiable en saisissant le tribunal judiciaire de Mulhouse ; que si elle a utilisé les termes ‘demande’ et ‘assigner’ dans différents courriels, elle n’en connaissait pas leur définition juridique et que cela ne signifiait pas qu’elle souhaitait porter sa demande devant un juge. Elle ajoute avoir communiqué les coordonnées de l’avocat de son époux afin qu’un divorce amiable puisse être préparé et que ni Maître [S] ni Maître [J] n’ont jamais donné suite à ses appels alors qu’elle a cherché à mettre fin à ce quiproquo. Elle indique qu’elle accepte de s’acquitter des honoraires au titre du rendez-vous de 45 minutes avec Maître [S] d’un montant de 264€.
Par conclusions du 12 décembre 2022, Maître Mai, représentant Madame [W], soutient qu’aucun mandat n’a été donné pour une assignation en divorce puisque l’appelante souhaitait procéder à la mise en ‘uvre d’un divorce par consentement mutuel par acte d’avocat et non un divorce judiciaire, ce qu’elle a d’ailleurs rappelé dans son mail du 30 août 2021 en expliquant vouloir un ‘divorce à l’amiable’. Madame [W] a ainsi toujours fait preuve de bonne foi et a tenté à plus d’une reprise de contacter son conseil pour faire part de sa demande et les prétendues diligences accomplies, faites sous couvert d’urgence, en l’absence d’une convention d’honoraires signée, dépassent largement le mandat accordé à Maître [S].
En outre, le montant des honoraires est contesté en ce que Maître [J] n’a pas pris contact avec l’appelante, que la demande déposée sans mandat fait à peine 3 pages et ne relève pas d’une complexité particulière
puisque Madame [W] n’a pas d’enfant en commun avec son ex-époux, aucun bien à partager et ne forme aucune demande de pension alimentaire. Elle souligne que Madame a des revenus modestes à hauteur de 1 007,95€ et qu’au mois d’août 2021, ses revenus s’élevaient à hauteur de 767,36 € perçus à titre d’indemnité Pôle Emploi.
Il est demandé l’infirmation de l’ordonnance du Bâtonnier et le rejet des demandes de la SCP LEXARES.
Par conclusions en date du 20 février 2023, Maître Harter, représentant la SCP LEXARES, sollicite la confirmation de l’ordonnance du 3 juin 2022 et la condamnation de Madame [W] à payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens. Il expose que Madame [W] a mandaté la société d’avocats LEXARES, de sorte qu’elle a confié la représentation de ses intérêts à l’ensemble des avocats y exerçant et qu’il n’y pas eu de transfert de dossier. Madame [W] a bénéficié d’un rendez-vous de 45 minutes puis a adressé de nombreux mails. Il ajoute que la SCP LEXARES n’avait aucun intérêt à privilégier une procédure contentieuse et que c’est à travers un échange par mail que Madame [W] a fait évoluer sa demande en employant à de multiples reprises les termes ‘demandes’ et ‘d’assignations’ ; qu’il n’est nullement besoin d’être juriste afin de savoir que ces termes vont dans le sens de la saisine d’un tribunal, d’autant plus que dans son mail, Madame [W] fait part de son souhait d’introduire une action récursoire au travers de la procédure de divorce.
Maître HARTER rappelle que Madame [W] s’est tournée vers un autre conseil dans le cadre d’une procédure de divorce classique devant le Tribunal Judiciaire de Mulhouse, qu’il en découle donc que Madame souhaitait effectivement que soit introduite une procédure de divorce contentieuse, que s’agissant des honoraires sollicités au titre des diligences réalisées, la longueur d’un acte n’est aucunement un critère pertinent pour en apprécier l’efficacité et que le projet d’acte introductif d’instance rédigé était suffisant à saisir la juridiction compétente. Il souligne enfin que Madame [W] a sollicité de son conseil qu’il agisse en urgence, qu’elle avait accepté de payer des honoraires à hauteur de 960 € de sorte qu’elle pouvait manifestement s’acquitter de cette somme et que la somme de 1 200 € n’est pas particulièrement plus élevée étant observé que Madame [W] dispose des capacités financières de s’entourer d’un conseil à la présente procédure d’appel, alors que la représentation n’est pas obligatoire.
L’affaire a été retenue à l’audience du 21 mars 2023, à laquelle les parties ont repris les éléments de leurs conclusions.
MOTIFS
En application de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’un mois.
En l’espèce, l’ordonnance, rappelant ces dispositions réglementaires, a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 juin 2022 et le recours a été formé par le demandeur le 27 juin 2022.
Il convient de le déclarer recevable.
L’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu’il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :
‘Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
En l’espèce, Madame [W] a consulté Maitre [S] le 15 juillet 2021 et un projet de convention lui a été adressé par mail du 13 septembre 2021. Madame [W] n’a pas souhaité le signer.
L’absence de convention d’honoraires ne prive pas l’avocat de la juste indemnisation de ses diligences, laquelle est alors fixée en tenant compte en application de l’article de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 précitée des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Le premier président saisi d’une demande de fixation d’honoraires d’avocats n’a pas compétence pour statuer sur la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun. Madame [W] n’est donc pas fondé à invoquer dans le cadre de la présente instance des manquements ou incompétences éventuels, tant sur le plan du devoir d’information que sur les diligences accomplies.
Il est constant que Madame [W] a sollicité la SCP LEXARES et a eu un rendez-vous avec Maitre [S] le 15 juillet 2021. Si son dossier a par la suite été suivi par Maitre [J], aucun transfert n’est intervenu, les deux avocats travaillant au sein de la même société.
La SCP LEXARES, qui souligne dans ses écritures que Madame [W] « a fait évoluer ses demandes » et « fait évoluer la procédure en divorce classique », ne conteste pas que le premier entretien concernait un divorce par consentement mutuel.
Si les courriels adressés par Madame [W] mentionnent les termes de « demande » et « assignations » (notamment dans le mail du 15 août 2021) qui impliquent une procédure judiciaire, force est de constater qu’ils mentionnent également la précision « j’opte pour un divorce à l’amiable » (notamment dans le mail du 20 aout 2021).
Il résulte de ces envois une très grande ambigüité et la SCP LEXARES d’une part ne produit aucun mail démontrant des échanges pour éclaircir le contenu du mandat et d’autre part ne conteste pas qu’en dépit de la
demande de Madame [W], il n’a pas été donné suite à la demande d’échange téléphonique.
Le fait que la procédure de divorce soit en cours ne démontre pas la volonté de Madame [W] en septembre 2021 d’introduire une procédure contentieuse, dès lors que l’introduction de la demande en justice a pu avoir pour conséquence de rendre vaine toute volonté de démarche amiable conjointe.
Par suite, il convient de limiter les honoraires dus à la SCP LEXARES à la rémunération correspondant au mandat pour le rendez-vous du 15 juillet 2021 et les échanges de mail et par téléphone avec le secrétariat, soit un total de 2 heures 30 de travail. Le cout horaire de 204 € TTC est conforme aux usages et à la situation de Madame [W], et les honoraires dus seront fixés à 510 € TTC.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
Déclarons l’appel recevable,
Infirmons l’ordonnance du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Mulhouse du 3 juin 2021,
Statuant à nouveau,
Fixons le montant des honoraires dus par Madame [W] à la SCP LEXARES à la somme de 510 € TTC ;
Disons que Madame [W] doit payer à la SCP LEXARES la somme de 510 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Rejetons toute autre demande ;
Condamnons Madame [W] aux dépens.
La greffière, La première présidente,