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N° RG 22/03782 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JHFJ
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 4 AVRIL 2023
DÉCISION DEFÉRÉE :
ordonnance de taxe du bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure du 4 juillet 2022
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [Y] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
DÉFENDEUR AU RECOURS :
Maître [U] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marion AUBÉ, avocat au barreau de l’Eure
DEBATS :
A l’audience publique du 7 février 2023, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d’appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ; après avoir entendu les observations des parties présentes, la première présidente a mis l’affaire en délibéré au 4 avril 2023.
DECISION :
CONTRADICTOIRE
Prononcée publiquement le 4 avril 2023, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signée par Mme LEPRINCE, première présidente et par Catherine CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans le courant de l’année 2020, Me [U] [S] succédant à un confrère, a repris trois dossiers pour le compte de M. [Y] [W]
Me [S] est notamment intervenue au soutien des intérêts de M. [W] dans une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Rouen.
Relativement à cette procédure, Me [S] a adressé à M. [W], par courriel du 27 juillet 2021, un projet de conclusions rédigé.
Par courriel du 28 juillet 2021 M. [W] informe son avocate qu’il souhaite prendre connaissance de la convention d’honoraires afférente au dossier avant de poursuivre la procédure plus avant, laquelle lui est envoyée.
Le 17 août 2021, M. [W] avise Me [S] de son choix de changer de conseil et par conséquent de ne pas signer la convention d’honoraires évoquée.
Le 30 août 2021, trois factures sont émises par Me [S] pour soldes des honoraires dûs au titre du travail effectué dans les trois dossiers qui lui ont été confiés par son client.
Le 21 septembre 2021, Me [S] accuse bonne réception du règlement de deux factures, en revanche, la troisième relative à la procédure de divorce de M. [W] d’un montant de 360’euros TTC est demeurée impayée, et ce malgré les relances de Me [S].
Par requête adressée à l’ordre des avocats de l’Eure le 10 mars 2022, Me [S] a saisi le bâtonnier contre M. [W], aux fins de la taxation de ses honoraires pour un montant total de 360’euros’TTC.
Par décision du 4 juillet 2022, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure a fait droit à la demande et a ordonné le versement par M. [W] à Me [S] de la somme de 360’euros’TTC.
La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, signé par Me [S], le 8’juillet’2022. Le pli destiné à M. [W] est en revanche demeuré non réclamé.
Par signification du 2 novembre 2022, M. [W] a reçu la décision.
Il a déposé un recours contre celle-ci par lettre recommandée avec avis de réception, reçu à la cour d’appel le 24 novembre 2022.
L’audience a été fixée au 7 février 2023.
A l’audience, M. [W] fait valoir l’irrecevabilité’ de l’ordonnance de taxation, il demande le débouté de l’intégralité des demandes Me [S], qu’elle soit condamnée au paiement de la somme de 7 800’euros de dommages et intérêts, à celle 2 000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soutient en substance que Me [S] a failli dans ses mission de conseil et de représentation ; qu’il n’a pas signé la convention d’honoraires en litige relative aux diligences accomplies dans son dossier de divorce ; que le montant réclamé est excessif, et qu’il n’a pas été informé de la procédure en taxation d’honoraires initiée devant le bâtonnier.
Me [S], représentée à l’audience par Me Aubé, demande la confirmation de l’ordonnance rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure du 4 juillet 2022 et la condamnation de M. [W] au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient tout d’abord que M. [W] confond action en responsabilité de l’avocat, et action en contestation d’honoraires. Elle expose ensuite être intervenue à la suite d’un confrère dans la prise en charge de plusieurs dossiers pour le compte de M. [W], que du travail a été accompli dans chacun d’eux, lequel a donné lieu à l’établissement de conventions d’honoraires dont les factures ont été acquittées par l’appelant, exception faite de celle portant sur sa procédure de divorce, en dépit de son montant largement minoré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de l’ordonnance de taxation du bâtonnier
L’article 175 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit :
‘Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois.
L’avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté.
Le bâtonnier, ou le rapporteur qu’il désigne, recueille préalablement les observations de l’avocat et de la partie. Il prend sa décision dans les quatre mois. Cette décision est notifiée, dans les quinze jours de sa date, à l’avocat et à la partie, par le secrétaire de l’ordre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La lettre de notification mentionne, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours.
Le délai de quatre mois prévu au troisième alinéa peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les conditions prévues au premier alinéa’.
L’article 176 du même décret poursuit :
‘La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de recours est d’un mois.
Lorsque le bâtonnier n’a pas pris de décision dans les délais prévus à l’article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit’.
M. [W] demande que soit déclarée ‘irrecevable’ l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure du 4 juillet 2022 au motif que la date de saisine du bâtonnier ne lui a pas été communiquée et que, dès lors il ne lui a pas été possible de vérifier si l’ordonnance de taxation a bien été rendue dans les quatre mois, en respect des dispositions de l’article 175 du décret précité.
Il ajoute au soutien de sa prétention, n’avoir été touché que tardivement, par signification du 2 novembre 2022, tandis que la décision a été rendue le 4 juillet 2022.
Or, la connaissance du point de départ de ce délai est sans effet sur les droits de M. [W].
D’une part, le bâtonnier n’a pas obligation de rendre une décision.
D’autre part, la possibilité de faire appel dans un délai d’un mois à compter de la décision rendue par le bâtonnier, ou en l’absence de décision après l’écoulement d’un délai de quatre mois suivant la saisine, ne vaut que pour autant que la décision a été régulièrement notifiée aux parties, le délai pour exercer le recours partant de la notification à la partie elle-même.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que M. [W] a été invité à formuler ses observations éventuelles, préalablement à la décision du bâtonnier, par courrier du 13 avril 2022, il n’a pas répondu à cette correspondance.
L’ordonnance du bâtonnier a ensuite été notifiée à M. [W] par lettre recommandée avec accusé de réception le 8’juillet’2022. Le pli est demeuré avisé et non réclamé, il a pourtant été envoyé à la même adresse que la convocation à l’audience du premier président, l’accusé de réception ayant été retourné signé par l’appelant.
Il n’est pas contesté que l’ordonnance de taxation a finalement été signifiée à M. [W] le 2 novembre 2022, le délai d’appel commençant alors à courir.
M. [W] a pu interjeter appel dans le délai d’un mois prévu au visa de l’article 176 du décret en exergue.
Ainsi, la notification de la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure à M. [W] est-elle régulière.
La prétention contenue dans le dispositif de l’appelant demandant de ‘dire et juger irrecevable l’ordonnance de taxation du batonnier’, peut être analysée comme un recours en nullité de la dite ordonnance de la part de M. [W] qui n’est pas un professionnel du droit. Elle repose sur un moyen tendant improprement à déclarer ‘irrecevable et nulle’ l’ordonnance de taxation du bâtonnier en raison des éléments ci-dessus exposés.
Considérant ce qui précède, ce moyen devra être écarté comme ne reposant sur aucun fondement en fait et en droit.
Sur les demandes portant sur la responsabilité de l’avocat
Préalablement à toutes considérations au fond, il convient de rappeler que la procédure de contestations en matière d’honoraires et de débours d’avocats prévue à l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires.
Des lors, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement dans l’exercice de sa mission, et il n’est conséquemment pas tenu par les demandes qui s’y rattachent.
En l’espèce, Monsieur [W] soutient avoir été trompé par Me [S], et avoir de plus perdu un client en raison du calendrier de la présente procédure.
Il s’ensuit que de tels moyens échappent à la compétence du juge de l’honoraire qui ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur des allégations concernant le respect par l’avocat de ses obligations.
En conséquence, les développements de M. [W] sur ce point sont inopérants et devront être écartés.
Sur l’étendue du mandat et le montant des honoraires restant dus
L’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu’il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :
‘Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci’.
Il est constant pour qu’une contestation puisse être utilement soumise au premier président en matière d’honoraires d’avocats, que doit être parfaitement établie la qualité de client de l’avocat de celui qui se voit réclamer par ce dernier un honoraire dont le montant, voire le principe lui-même, constitue l’objet du litige.
Il est également constant que si saisi d’une contestation sur l’existence du mandat, le premier président doit surseoir à statuer dans l’attente de la juridiction compétente, tel n’est pas le cas lorsque la contestation porte uniquement sur l’étendue de la mission confiée à l’avocat.
Or, en l’occurrence, la qualité de client de M. [W] est établie. Les échanges entre les parties attestent de la réalité de leur relation client-avocat. M. [W] était accompagné par Me [S] dans trois procédures distinctes pour lesquelles il s’était acquitté de plusieurs factures d’honoraires.
La contestation porte sur la mission confiée par M. [W] à son avocat, Me [S], dans le cadre de sa procédure de divorce. En l’espèce, il n’est pas contesté que le 24 juin 2021, M. [W] adresse par courriel à Me [S], copie de l’assignation en divorce qu’il a reçue ; que le 27 juillet 2021, Me [S] envoie à M. [W] un projet de conclusions rédigé au soutien de ses intérêts dans la procédure de divorce ; que le lendemain M. [W] réclamera la convention d’honoraires dans le cadre de la procédure en divorce, convention qu’il refusera de signer.
Il est donc admis par les parties qu’aucune convention d’honoraires n’a été régularisée à l’occasion de cette procédure. Néanmoins, l’absence de convention ne prive pas l’avocat de son droit à obtenir la juste indemnisation de ses diligences. Il apparait en l’espèce que le montant réclamé au titre de la facture n°2021-08-48, objet du présent litige, soit 360’euros est tout à fait raisonnable au regard des diligences accomplies par Me [S], lesquelles ne sont pas contestées par M. [W].
En conséquence l’ordonnance de taxation du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de l’Eure sera confirmée en ce qu’elle fixe à la somme de 360’euros, outre 40’euros pour l’instruction de la demande, soit un total de 400’euros, le montant des honoraires restant dus par M. [W] à Me [S].
Sur les demandes accessoires
Si le principe de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile est acquis, reste que Me [S] qui n’a pas formulé de demande chiffrée ne peut que se voir déboutée de sa demande.
M. [W], succombant sera condamné aux dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de taxe rendue le 4 juillet 2022 par le bâtonnier de l’ordre des avocats de l’Eure.
Y ajoutant,
Déboute M. [Y] [W] de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [W] aux entiers dépens.
Le greffier, La première présidente,