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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 03 JANVIER 2023
N° 2023/ 03
Rôle N° RG 19/10173 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEPNM
[N] [W] [J]
[D] [Y] épouse [J]
C/
[O] [L]
[Z] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Layla TEBIEL
Me Rémi JEANNIN
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03132.
APPELANTS
Monsieur [N] [W] [J]
né le 30 Septembre 1946 à FORBACH (57)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Grégory KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [D] [Y] épouse [J]
née le 29 Avril 1950 à L’HOPITAL (57)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Grégory KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Maître [O] [L], demeurant [Adresse 1]
plaidant par Me Rémi JEANNIN de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sophie REDDING TERRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Maître [Z] [B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Thomas D’JOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nicolas SIROUNIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Louise DE BECHILLON, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 5 février 1999, la SCI Miraphisa a donné en location à M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] un appartement dépendant d’une villa située à [Adresse 2].
La société bailleresse a notifié le 29 juin 2004 aux époux [J] un congé pour vendre comportant une offre d’acquisition de l’ensemble de la villa, pour un montant de 686.000 euros.
Un protocole d’accord a été signé le 25 février 2005 entre les époux [J] et l’agence ERA Mediterrannée Immobilier aux termes duquel l’agence immobilière reconnaissait avoir reçu de leur part des informations précises et prédominantes qui ont aidé à la vente des appartement-villas et leur versait une rémunération d’apporteur d’affaires d’un montant de 10 000 euros tandis que les époux [J] s’engageaient à quitter le logement le 8 avril 2005.
Les époux [J] ont ensuite saisi le tribunal d’instance d’Antibes afin de voir prononcer la nullité du congé qui leur avait été délivré par la SCI MIRAPHISA, au visa de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
Par jugement rendu le 31 mars 2006, le tribunal d’instance d’Antibes les a déboutés de leurs demandes.
Par exploit en date du 9 août 2006, les époux [J] ont alors fait citer la SCI MIRAPHISA et la SCI KALOO, acquéreur du bien qu’ils occupaient précédemment, aux fins de voir prononcer l’annulation de la vente conclue entre elles.
Le tribunal de grande instance de Grasse, par jugement rendu en date du 27 novembre 2009 a débouté les époux [J] de l’ensemble de leurs demandes, considérant que, si la société bailleresse avait manqué à ses obligations tendant à notifier au preneur les nouvelles conditions de la vente, celle-ci n’en était pour autant pas entachée de nullité.
Les époux [J] ont interjeté appel de ce jugement et, aux termes d’un arrêt rendu le 25 mars 2011, la cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement déféré, puis a déclaré irrecevable l’action intentée par les appelants au motif qu’ils se contentaient de demander que le bien leur soit proposé à la vente dans les mêmes conditions qu’à la SCI KALOO sans proposer de se substituer à l’acheteur et de procéder à l’achat du bien aux conditions de la vente querellée et ne démontraient pas leur capacité à acquérir ce bien.
Les époux [J] ont formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt et la 3ème Chambre Civile de la cour de cassation, par arrêt rendu le 14 novembre 2012, a cassé et annulé la décision considérant « que la seule méconnaissance du droit de préemption que le locataire tient de la Loi elle-même suffit à rendre recevable son action destinée à faire respecter ce droit ».
L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel d’Aix en Provence autrement composée.
Devant la juridiction de renvoi, la SCI KALOO a pour la première fois soulevé l’irrecevabilité des demandes présentées par les époux [J] faute de justification de la publication au Service de la Publicité Foncière de leur assignation ou tout acte de procédure subséquent, et ce, au visa de l’article 30-5 du décret n°55-22 du 4 janvier 1959.
Par arrêt sur renvoi en date du 13 mars 2014, la cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé le jugement rendu le 27 novembre 2009 par le tribunal de grande instance de Grasse en ce qu’il a débouté les époux [J] de leur demande et statuant à nouveau, a déclaré irrecevable leur demande en annulation de la vente faute de justification de la publication au service chargé de la publicité foncière.
Pourvoi a été formé à l’encontre de cette décision, qui a été rejeté par arrêt du 16 juin 2015 par la 3ème chambre civile de la cour de cassation.
Par exploit d’huissier délivré en date du 25 mars 2016, les époux [J] ont assigné Me [L], avocat postulant, et Me [B], avocat plaidant, en responsabilité civile professionnelle et en indemnisation consécutive.
Par jugement rendu le 6 juin 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a :
– rejeté les prétentions de M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J],
– rejeté la demande indemnitaire de M. [L],
– condamné M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] à payer à Me [L] et à Me [B] chacun la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 25 juin 2019, M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 3 mars 2020, M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] demandent à la cour de :
– dire et juger recevable leur appel à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 6 juin 2019,
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter Me [O] [L] de son appel incident,
– à titre principal, condamner solidairement Me [B] et Me [L] à leur verser la somme de 529 729,38 euros, soit 90% de la somme de 588 588,20 euros, et la somme de 13.795,88€ soit 90% de la somme de 15.238,76€,
– à titre subsidiaire, condamner solidairement Me [B] et Me [L] à leur verser la somme 13.795,88€ soit 90% de la somme de 15.238,76€ et la somme 20.000 euros au titre de leur préjudice moral,
En tout état de cause,
– condamner Me [B] et Me [L] à leur verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et cause d’appel.
Ils font valoir que Me [L] a manqué à son obligation de diligence en ne déposant les imprimés en vue de l’enregistrement de ses conclusions à la publicité foncière que 6 jours avant l’audience, alors que la procédure était déjà clôturée.
Ils estiment donc avoir perdu une chance d’obtenir gain de cause dans leur action en annulation de la vente, et estiment cette perte de chance importante puisqu’ils étaient en capacité de se porter acquéreurs, justifiant des prêts personnels qu’ils avaient obtenu en vue de cette acquisition.
Ils sollicitent donc la réparation due à l’absence de respect des formalités, soit une perte de chance les ayants conduits à exposer la somme de 130 588,20 euros au titre des frais de logement, la somme de 1 788,20 euros au titre de frais de déménagement, et une perte de chance de bénéficier d’une plus value sur le bien de 458 000 euros, ce bien étant désormais entre 655 000 et 724 000 euros.
Ils estiment que ce manquement formel est en lien direct avec ces préjudices.
Ils ajoutent que si ce procès était voué à l’échec,comme le concluent les intimés, leur avocat a commis une faute en engageant cette action et sollicitent la condamnation de leurs conseils à leur indemniser les sommes auxquelles ils ont été condamnés, au titre des frais irrépétibles et des dépens dans ces différentes instances, soit 15.238,76 euros.
En réponse aux écritures adverses, ils indiquent qu’aucune tentative amiable n’a jamais été envisagée ou n’est démontrée qui aurait justifié de de pas procéder à cette publication, que s’agissant d’une fin de non recevoir qui peut être soulevée à tout stade de la procédure, le fait qu’elle ne soit soulevée qu’en appel n’exonère pas davantage l’avocat plaidant, et enfin, qu’il lui appartenait de vérifier que Me [L] avait bien procédé à cette formalité.
Ils ajoutent que Me [B] ne justifie pas de l’accomplissement des formalités de publicité, la seule copie des conclusions portant mention des références de publication en cours de délibéré n’ayant pas été non plus retenue par la cour.
Sur la perte de chance, ils exposent avoir signé le protocole aux termes duquel ils s’engagent à quitter le locement et à renoncer à solliciter l’annulation du congés avec la société ERA IMMOBILIER, dont ils disent avoir appris après qu’elle était en charge de la vente des locaux libres. Ils exposent en outre avoir appris après signature du protocole que la vente a été faite par lots et non en totalité, raison pour laquelle ils ont engagé une procédure relative au non respect de leur droit de préemption.
Ils exposent en outre avoir découvert que la vente totale des trois lots a été effectuée pour un montant de 49 000 euros de moins que l’offre contenue dans le congés qui leur a été adressé.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique en date du 19 décembre 2019, Me [O] [L] demande à la cour de :
– confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a retenu une faute à la charge de Me [L], et
débouter M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] à payer à Me [L] la somme de 8.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] aux entiers dépens d’instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT PUCHOL, qui affirme y avoir pourvu.
Il conteste tout manquement, indiquant avoir produit le justificatif de la publication en cours de délibéré ce dont n’a pas tenu compte la cour dans son arrêt, bien que cette fin de non recevoir pouvait être régularisée jusqu’à ce que le juge statue.
Il conteste toute perte de chance des époux [J] d’obtenir l’annulation de la vente intervenue, alors qu’en l’état du commandement de payer visant la clause résolutoire, les effets de celle-ci étaient acquis définitivement le 28 octobre 2004 avant la délivrance de l’assignation devant le tribunal d’instance d’Antibes, qui a constaté qu’il n’y avait pas lieu à statuer sur la résolution du bail; qu’ils avaient quitté le logement, et qu’ils avaient parfaitement connaissance de ce que la vente se faisait à trois acquéreurs distincts pour avoir perçu une indemnité de 10 000 euros à titre d’apporteurs d’affaires dans le cadre de cette vente.
Il indique que les époux [J] n’ont pas formulé devant la cour de renvoi de volonté de faire valoir leur droit de préemption et d’acquérir le bien objet du litige.
Quant au montant des préjudices allégués, Me [L] en conteste le principe.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique en date du 20 décembre 2019, Me [Z] [B] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Draguignan,
– condamner in solidum M. [N] [J] et Mme [D] [J] née [Y] au paiement d’une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [N] [J] et Mme [D] [J] née [Y] aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Paul Guedj, avocat, sur son affirmation de droit.
Il conteste le manquement qui lui est reproché, exposant qu’il était convenu avec Me [L], avocat postulant, que celui-ci se chargerait des formalités de publication, ce que celui-ci ne conteste pas, de sorte que sa responsabilité disparaît, ayant chargé un autre auxiliaire de justice d’accomplir un acte de procédure de sa compétence.
Il ajoute qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué plus tôt cette formalité dès lors que celle-ci pouvait être régularisée jusqu’à ce que le juge statue.
Il estime qu’aucun manquement n’est en réalité caractérisé puisque Me [L] avait bien procédé à la publication objet du litige comme il en avait été justifié lors de l’audience de plaidoiries devant la cour d’appel d’Aix le 3 février 2014 et qu’il avait adressé mention des références de publication en cours de délibéré; de sorte que la SCI KALOO aurait dû être déboutée de sa fin de non recevoir.
Quant à la perte de chance revendiquée par les appelants, Me [B] expose que leurs demandes n’étant pas fondées elles n’auraient de toutes façons pas prospéré.
Il rappelle qu’ils ont signé un protocole d’accord avec l’agence ERA investie d’un mandat de vente par la SCI MIRAPHISA, dans lequel ils s’engageaient à quitter le logement loué et à renoncer à solliciter l’annulation du congé délivré. Il ajoute qu’en outre, le tribunal d’instance d’Antibes dans son jugement du 31 mars 2006 avait rejeté la demande de nullité du congé formulée par les époux [J].
Enfin, ceux-ci n’apportaient devant le tribunal d’instance aucune garantie de solvabilité suffisante.
Il ajoute que les époux [J], pour avoir été rémunérés en qualité d’apporteurs d’affaire, étaient parfaitement informés que la vente se ferait au profit de trois acquéreurs distincts de sorte qu’ils auraient été nécessairment déboutés.
Enfin, Me [B] estime que la demande subsidiaire s’analyse en une contestation d’honoraires relevant des autorités ordinales et conteste l’existence des préjudices allégués, ajoutant que ses honoraires ont été intégralement réglés par l’assureur en protection juridique des époux [J] qui ne démontrent pas avoir effectué un quelconque paiement.
MOTIFS
Sur le droit à indemnisation des époux [J]
La responsabilité de l’avocat obéit aux règles de droit commun de la responsabilité contractuelle et suppose donc, pour être engagée, la démonstration d’un fait fautif générateur de responsabilité, et d’un préjudice réparable imputable à ce fait.
Il est acquis que l’avocat doit veiller à la défense des intérêts de son client en mettant en oeuvre les moyens adéquats et qu’il lui incombe de prendre toutes les initiatives qu’il juge conformes à l’intérêt de son client.
L’avocat doit par ailleurs effectuer avec diligence les formalités qui lui incombent dans le cadre de son mandat, et cela même si son client ne l’alerte pas sur une urgence particulière.
L’avocat a également un devoir de contrôle, il doit ainsi vérifier que l’action de son client est fondée et que les conditions de recevabilité de la demande sont réunies.
Il est reproché à Me [B] et à Me [L] de ne pas avoir procédé à la publication de leur demande en annulation de la vente objet du litige, conduisant ainsi la cour d’appel, dans son arrêt rendu le 13 mars 2015, à déclarer irrecevable la demande des époux [J].
En effet, aux termes de l’article 28 4° c) du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort doivent obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles.
Me [L],avocat postulant, ne conteste pas que son confrère Me [B], avocat plaidant, l’avait chargé d’assurer cette formalité et s’il admet avoir connu quelques difficultés dans l’exercice de sa mission, considère avoir rempli son office, produisant en ce sens un courrier adressé au président de la chambre le 21 février 2014 accompagnant le justificatif des conclusions enregistrées aux hypothèques le 29 janvier 2014.
Toutefois, le tribunal a justement relevé dans son jugement que ces pièces produites par Me [L] ne comportent aucun cachet de réception de la cour d’appel et qu’il n’est donc pas justifié, malgré ses allégations, que la cour ait eu en mains ces pièces. Ceci est par ailleurs confirmé par l’absence de mention d’un tel dépôt dans l’arrêt du 13 mars 2014.
Il convient donc de retenir un manquement de Me [L] à son obligation de diligence pour n’avoir pas respecté la disposition sus-citée.
Me [B] relève à juste titre que la responsabilité de l’avocat disparaît s’il a chargé un autre auxiliaire de justice d’accomplir un acte de procédure de sa compétence.
Pour autant, la responsabilité de celui qui donne les instructions peut ne pas disparaître complétement s’il a pêché par négligence ou défaut d’informations suffisantes ou n’a pas rappelé dans les délais à son correspondant l’obligation qui était la sienne.
Comme indiqué plus avant, Me [L] évoque quelques difficultés dans l’exercice de sa mission, notamment dues à l’absence d’actualisation des données cadastrales contenues dans les conclusions de Me [B]. L’avocat postulant ne justifie cependant pas de ce fait, ni de ce que ce défaut d’actualisation aurait été la cause du retard de la publication.
Il convient donc d’écarter tout manquement personnel de la part de Me [B].
Le droit à indemnisation suppose, pour être établi, la démonstration d’une perte de chance raisonnable de gagner leur procès par les époux [J], directement causée par le manquement commis par Me [L].
Il leur appartient donc de rapporter la preuve de ce qu’en l’absence de manquement, et donc dans le cas où il aurait été satisfait à l’obligation de publication foncière, la cour d’appel aurait fait droit à leur demande en annulation de la vente du bien intervenue le 2 mai 2005 au profit de la SCI KALOO.
Les époux [J] revendiquent le bénéfice des dispositions de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vente et au droit de préemption du locataire, dont il est acquis que le bénéfice ne peut être invoqué que par des locataires.
Or, le congé litigieux a été délivré le 24 juin 2004 par la SCI Miraphisa, et la résiliation du bail a été acquise le 28 octobre 2004 après délivrance d’un commandement de payer le 28 septembre 2004 en raison des impayés locatifs des époux [J]. Ceux-ci ont donc perdu la qualité de locataires et concomittament le bénéfice de cette disposition.
Par ailleurs, il est justement relevé que par son arrêt rendu le 14 novembre 2012, la troisième chambre civile de la cour de cassation a cassé l’arrêt tendu le 25 mars 2011 en ce qu’il avait considéré irrecevable l’action des époux [J], mais la cour ne se prononce pas sur le bien fondé des demandes, de sorte qu’il ne peut être déduit de cet arrêt une reconnaissance du droit des époux [J], à qui il appartenait, soulevant une nullité relative, de rapporter la preuve d’un grief consécutif à l’irrégularité relevée.
A cet égard, il doit être noté que les époux [J] n’évoquaient pas d’intention expresse de se porter acquéreur dans les conditions de la vente au profit de la SCI KALOO par leurs écritures.
De surcroît, les appelants ont signé un protocole avec l’agence ERA IMMOBILIER en date du 8 avril 2005, intitulé ‘rémunération d’apporteurs d’affaires’ dont il ressort, d’une part, qu’ils avaient connaissance des ventes en cours pour y avoir contribué positivement, qu’ils savaient parfaitement que la vente n’était pas globale mais se faisait au profit de trois acquéreurs distincts, et d’autre partr, qu’ils acceptaient de quitter le logement occupé.
Il importe peu que cette convention ait été signée avec une agence immobilière et non avec la SCI Miraphisa, en ce que la réalité de cet accord n’est pas contestée par les époux [J].
Enfin, ceux-ci échouent à rapporter la preuve de leur capacité financière à assumer cette acquisition, étant rappelé que le contrat de bail a été résilié en raison d’impayés à hauteur de 15 907,52 euros ; qu’il a été relevé à l’occasion d’une procédure de saisie des rémunérations que le couple ne disposait que d’un disponible de 138 euros et que ceux-ci n’ont pu produire qu’une promesse de prêt par particulier, laquelle, datée du 25 février 2011, était dite valable pour une durée de trois mois et renouvelable une fois si le jugement était favorable à l’emprunteur.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les époux [J] ne démontrent pas avoir subi une perte de chance raisonnable d’obtenir gain de cause en l’absence de manquement de Me [L].
Ils seront donc déboutés de leur demande indemnitaire et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande subsidiaire en remboursement des frais et honoraires d’avocats
Les appelants sollicitent à titre subsidiaire la condamnation de leurs conseils d’alors à leur rembourser les honoraires versés à l’occasion des instances évoquées ci-avant, déduisant de celles-ci qu’ils ont exposé des frais inutiles par la faute de leurs avocats.
Si la contestation d’honoraires en tant que telle relève de la compétence des autorités ordinales, il est néanmoins acquis que doit être condamné à réparer l’entier préjudice qui découle du manquement à son devoir de conseil, l’avocat qui a entraîné son client dans des procédures inutiles ou vouées à l’échec.
Il appartient aux époux [J] de rapporter la preuve du lien de causalité entre les frais exposés et le manquement de leur conseil Me [B], ce dernier se déduisant en l’espèce des motifs du présent arrêt.
Me [L] n’étant intervenu qu’en qualité d’avocat postulant en cause d’appel ne peut être tenu au remboursement des honoraires ou dépens réglés par les appelants.
Les époux [J] ont inclus dans leurs écritures à l’occasion de la présente instance un tableau récapitulatif des honoraires et dépens dont ils sollicitent le remboursement, et produisent diverses factures de montants correspondants.
Ils ne produisent néanmoins aucun justificatif de paiement. Tout au plus quelques factures contiennent mention manuscrite d’un numéro de chèque, insuffisante à démontrer que les époux [J] ont réellement réglé les sommes dont ils sollicitent le remboursement.
Par conséquent, échouant à rapporter la preuve de la réalité de leur préjudice, les appelants seront déboutés de leur demande subsidiaire et de leur demande indemnitaire au titre du préjudice moral. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
Succombants, M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] seront solidairement condamnés aux entiers dépens de l’instance, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] seront par ailleurs condamnés à régler à Me [L] et à Me [B] la somme de 2 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en vue de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 6 juin 2019 en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] solidairement aux entiers dépens de l’instance lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [N] [J] et Mme [D] [Y] épouse [J] solidairement à régler à Me [O] [L] et à Me [Z] [B] la somme de 2 500 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT