Responsabilité de l’Avocat : 3 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03009

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Responsabilité de l’Avocat : 3 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/03009
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N° RG 22/03009 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H4T4

Minute N° : 8M 23/12

Notification par

LRAR aux parties

Copie exécutoire à

Me Feuerbach

le

Le greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

ORDONNANCE DU 03 FEVRIER 2023

Audience tenue par Madame DELNAUD, première présidente de la cour d’appel de Colmar, assistée de Mme HOUSER, greffier

APPELANT :

Monsieur [Y] [T] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant, représenté par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

INTIME :

Maître Jean-Louis FEUERBACH, avocat inscrit au barreau de Strasbourg

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant

DEBATS en audience publique du 13 Décembre 2022

ORDONNANCE CONTRADICTOIRE du 03 Février 2023

prononcée publiquement par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Nature de l’affaire : contestation d’honoraires d’avocat

Maitre [D], avocat inscrit au barreau de Strasbourg, est intervenu au soutien des intérêts de Monsieur [Y] [O], pour l’assister dans différentes procédures.

Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties.

Maitre [D] et Monsieur [O] ont établi le 12 mars 2019 une convention moratoire relative au règlement des honoraires dus suivant factures des 5/9/2017, 24/11/2017, 21/9/2017, 6/8/2018, 6/2/2018, 28/8/2018 et 9/1/2019 et intérêts moratoires, pour un total de 92 443.38 €.

Par requête du 5 novembre 2021 Maître [D] a saisi le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Strasbourg d’une demande d’homologation de la transaction du 12 mars 2019, de donner acte à Monsieur [O] de ses règlements de 35 385.92 € en exécution de cette transaction, et de condamnation de Monsieur [O] au paiement des sommes de 54 534.45 € en principal en deniers ou quittances avec intérêts à compter du 1er janvier 2019, 5 355.54 € à valoir sur les intérêts intercalaires arrêtés au 31 décembre 2018, ces sommes portant intérêts au taux conventionnel annuel de 2.5%. Il sollicite enfin la capitalisation des intérêts, l’exécution provisoire sur la somme de 92 443.38 €, outre la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens.

Par ordonnance du 4 juillet 2022, le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Strasbourg a fixé les honoraires dus par Monsieur [O] à Maitre [D] à la somme de 54 534.45 € et a condamné Monsieur [Y] [O] au paiement de cette somme, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2.5% à compter du 1er janvier 2019, avec imputation des paiements sur les intérêts échus puis sur le capital, le tout capitalisé à compter du 1er janvier 2020, outre la somme de 200 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné l’exécution provisoire de la décision à hauteur de 25 000 €.

Cette décision a été notifiée à Monsieur [Y] [O] le 6 juillet 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juillet 2022 enregistrée au greffe de la cour d’appel de Colmar le 1er aout 2022, Monsieur [Y] [O] a saisi le premier président d’un recours.

Par conclusions du 27 octobre 2022, Maitre [D] a sollicité le rejet du recours formé par Monsieur [Y] [O] et sa condamnation au paiement de la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la procédure abusive et vexatoire outre la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 12 décembre 2022, Monsieur [O] souligne qu’aucune convention d’honoraires n’a été passée et que le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Strasbourg aurait dû relever le défaut d’information, les sommes réclamées étant importantes et Maitre [D] ayant manqué à son obligation de délicatesse, ces éléments devant conduire à l’infirmation de l’ordonnance du Bâtonnier et au rejet des demandes de Maitre [D].

A titre subsidiaire, il sollicite la réduction des honoraires au vu des diligences réellement effectuées, soulignant qu’aucun décompte des sommes perçues conformément à la convention moratoire, à la suite des instances opposant Monsieur [O] au CIC EST, à la Banque Populaire Champagne Alsace

Lorraine, à l’AIARL CMDP de [Localité 5] et à la Caisse d’Epargne d’Alsace n’est produit.

Par conclusions en réplique du 12 décembre 2022, Maitre [D] souligne que Monsieur [O] a reconnu dans le moratoire du 12 mars 2019 devoir les sommes réclamées et qu’il a, par cette convention, expressément renoncé à exciper de tout chef de nullité, fin de non-recevoir ou défense au fond, que cette acceptation est intervenue après service rendu et que des paiements mensuels de 500 € sont intervenus jusqu’au mois d’août 2021. En outre, il a méconnu ses obligations d’information au titre de sa promesse de porte-fort. Il rappelle que le juge des honoraires n’est pas compétent pour connaitre d’un éventuel non-respect des obligations déontologiques et que le défaut de convention d’honoraires n’a pas été critiqué devant le Bâtonnier. Enfin, il précise que Monsieur [O] n’a pas respecté l’exécution provisoire ordonnée.

L’affaire a été retenue à l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle les parties ont exposé leurs prétentions, Monsieur [O] représenté par son conseil reprenant les points soulignés devant le Bâtonnier, en particulier la nullité de la convention du 12 mars 2019, les honoraires disproportionnés et la facturation de la mainlevée d’une hypothèque qui n’a pas été effectuée. Il souligne également l’absence de convention d’honoraires et l’absence de factures. Il sollicite la réduction des honoraires à de plus justes proportions.

Maitre [D] soutient que le recours est irrecevable et mal fondé. Toutes les factures émises entre 2016 et 2019 ont été approuvées. La convention moratoire qui vaut approbation après service rendu doit donc s’appliquer. Il ajoute que les diligences pour la main levée de l’hypothèque ont bien été faites, ce dont il justifie. Enfin s’agissant des autres procédures et de la promesse de porte-fort, il demeure dans l’ignorance des résultats.

MOTIFS

En application de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’un mois.

En l’espèce, l’ordonnance, rappelant ces dispositions réglementaires, a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 juillet 2022 et le recours, dont le délai expirait le 6 août 2022 a été formé par Monsieur [Y] [O] le 29 juillet 2022.

Il convient de le déclarer recevable.

L’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu’il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :

‘Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

L’absence de convention d’honoraires ne prive pas l’avocat de la juste indemnisation de ses diligences, laquelle est alors fixée en tenant compte en application de l’article de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 précitée des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

En l’espèce, les parties n’ont pas conclu de convention d’honoraires. Maitre [D] produit à l’appui de sa demande une « convention moratoire » du 12 mars 2019 valant reconnaissance de dette de la part de Monsieur [O], visant les factures 5/9/2017, 24/11/2017, 21/9/2017, 6/8/2018, 6/2/2018, 28/8/2018 et 9/1/2019 et intérêts moratoires, pour un total de 92 443.38 €.

Sur ce montant, il n’est pas contesté que la somme de 35 385.92 € a été versée par Monsieur [U].

Ainsi que l’a justement relevé le Bâtonnier, Monsieur [O], notaire, n’apporte aucun élément à l’appui de ses affirmations de nullité de la convention. De la même manière, il conteste de façon générale les diligences effectuées, sans justifier de ses allégations et n’apporte aucune critique aux pièces produites par Maitre [D] pour prouver ses diligences dans la procédure relative à l’inscription hypothécaire du CIC EST.

Enfin, le premier président saisi d’une demande de fixation d’honoraires d’avocats n’a pas compétence pour statuer sur la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun. Monsieur [Y] [O] n’est donc pas fondé à invoquer dans le cadre de la présente instance des manquements ou incompétences éventuels, tant sur le plan du devoir d’information que sur les diligences accomplies ou un manquement à la délicatesse.

Il résulte de ces éléments qu’il y a lieu de fixer les honoraires dus par Monsieur [O] à Maitre [D] à la somme de 54 534.45 € restant due suivant la convention signée par les parties, dans les termes de l’ordonnance. Celle-ci sera confirmée.

L’exercice d’un droit de recours ne peut constituer une demande abusive et Maitre [D] ne justifie pas d’un préjudice ; la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Maitre [D] la totalité des frais engagés au cours de la présente instance. Monsieur [O] sera condamné à lui payer la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déclarons l’appel recevable,

Confirmons l’ordonnance du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Strasbourg du 4 juillet 2022 condamnant Monsieur [Y] [O] à payer la somme de 54 534.45 € à Maitre [W] [D], augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2.5% à compter du 1er janvier 2019 avec imputation des versements effectués par Monsieur [O] sur les intérêts échus puis sur le capital, le tout capitalisé à compter du 1er janvier 2020, outre la somme de 200 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Rejetons la demande de dommages et intérêts,

Condamnons Monsieur [Y] [O] à payer à Maitre [D] la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons Monsieur [Y] [O] aux dépens.

La présente ordonnance a été signée par Mme Valérie Delnaud première présidente et Mme Anne Houser, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, La première présidente,

 


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