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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/00544 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PVBT
O R D O N N A N C E
N° 2022 – 552
du 26 Décembre 2022
SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L’ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE
dans l’affaire entre,
D’UNE PART :
Monsieur [G] [U]
né le 16 Août 1990 à [Localité 4] (SÉNÉGAL)
de nationalité sénégalaise
retenu au centre de rétention de [Localité 3] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,
Comparant, assisté par Maître Jauffré CODOGNES, avocat commis d’office
Appelant,
et en présence de [D] [B], interprète assermenté en langue wolof,
D’AUTRE PART :
1°) PRÉFET DU VAR
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non représenté
2°) MINISTÈRE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Patrice GELPI, conseiller à la cour d’appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Floriane HAUDRY, greffier placé,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Vu les dispositions des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’arrêté du 21 décembre 2022 notifié à 18h50, de PRÉFET DU VAR portant obligation de quitter le territoire national sans délai et ordonnant la rétention de Monsieur [G] [U], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 21 décembre 2022 de Monsieur [G] [U], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
Vu la requête de Monsieur [G] [U] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 22 décembre 2022 ;
Vu la requête de PRÉFET DU VAR en date du 22 décembre 2022 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [G] [U] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu l’ordonnance du 23 Décembre 2022 à 12h58 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :
– rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [G] [U],
– ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [G] [U] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 22 décembre 2022,
Vu la déclaration d’appel faite le 23 Décembre 2022, par Maître Jauffré CODOGNES, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [G] [U], transmise au greffe de la cour d’appel de Montpellier le même jour, à 18h28,
Vu les télécopies adressées le 23 Décembre 2022 à PRÉFET DU VAR, à l’intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l’audience sera tenue le 26 Décembre 2022 à 14 H 30,
L’avocat et l’appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d’audience de la cour d’appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l’entretien, en la seule présence de l’interprète , et ce, sur le temps de l’audience fixée, avec l’accord du délégué du premier président de la cour d’appel de Montpellier
L’audience publique initialement fixée à 14 H 30 a commencé à 14h21
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de [D] [B], interprète, Monsieur [G] [U] confirme son identité telle que mentionnée dans l’ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Je suis Monsieur [G] [U], je suis né le 16 Août 1990 à [Localité 4] au SÉNÉGAL. Je suis de nationalité sénégalaise. Je n’ai pas de famille en France. Toute ma famille est au Sénégal. ‘
L’avocat, Me [O] [X] développe les moyens de l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a rejeté la requête de contestation de la régularité du placement en rétention et prolongé le maintien en rétention de l’étranger.
Monsieur le représentant de PREFET DU VAR ne comparait pas mais a fait parvenir un mémoire tendant à voir confirmer l’ordonnance déférée.
Assisté de [D] [B], interprète, Monsieur [G] [U] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l’audience : ‘ Non c’est bon. ‘
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l’appel :
Le 23 décembre 2022, à 18h28, Maître Jauffré CODOGNES, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [G] [U] a formalisé appel motivé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 23 Décembre 2022 notifiée à 12h58, soit dans les 24 heures de la notification de l’ordonnance querellée, qu’ainsi l’appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l’appel :
1) Sur la décision de placement en rétention administrative
– Concernant la régularité des notifications judiciaires et administratives
[G] [U] conteste tout d’abord la régularité de sa garde à vue aux motifs :
* D’une part, que le procès-verbal de son audition ne mentionne pas la possibilité offerte à l’avocat qui l’assistait de poser des questions, ce qui constitue une violation de l’article 63-4-3, alinéa 2, du code de procédure pénale.
Ces dispositions énoncent : « A l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal […] ».
Il ne résulte donc aucunement de ce texte qu’obligation est faite aux enquêteurs procédant à l’audition d’un mis en cause de rappeler à son avocat qu’il a le droit de poser des questions, ce qui serait pour le moins paradoxal dès lors qu’il relève précisément de la responsabilité de l’avocat d’assister son client, notamment en posant les questions que bon lui semble.
Par ailleurs, [G] [U] prétend que l’officier de police judiciaire ayant procédé à son audition n’a pas permis à son avocat de poser des questions. La preuve de cette affirmation ne saurait résulter de la seule absence de mention en fin d’audition que l’avocat a été invité à poser des questions. Dès lors ce moyen relève de la pure allégation et apparaît d’autant moins fondé qu’il est certain qu’une telle obstruction n’aurait pas manqué de conduire l’avocat à formuler des observations en fin de procès-verbal, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
En conséquence, c’est à juste titre que l’ordonnance déférée a considéré que ce motif de nullité n’était pas fondé.
* D’autre part, que la notification de ses droits au cours de la garde à vue a été réalisée sans le truchement d’un interprète et qu’il a été mentionné dans les procès-verbaux d’audition et de fin de garde à vue que ces derniers étaient lus par Monsieur [U] lui-même, alors qu’il ne sait ni lire ni écrire le français.
Il est constant qu’aucun interprète n’a été requis, en cours de garde à vue, pour assister Monsieur [U]. Il est également établi que les procès-verbaux d’audition et de notification de fin de garde à vue de Monsieur [U] mentionnent : « Lecture faite par lui-même », alors que le procès-verbal de notification de ses droits lors de son placement en garde à vue indique qu’il ne sait ni lire ni écrire.
Nonobstant ces incohérences regrettables dans ces documents, il n’est pas établi que ces irrégularités ont fait grief à Monsieur [U] dès lors que :
– ces procès-verbaux mentionnent également qu’il lui en a été systématiquement fait notification verbalement en ‘langue française qui comprend’ ;
– la bonne compréhension du français par l’appelant est amplement démontrée par les réponses précises et circonstanciées, dénuées de toute confusion, apportées par celui-ci au cours de sa longue audition ;
– et, surtout, celui-ci a été assisté au cours de sa garde à vue par un avocat qui n’aurait pas manqué de signaler les difficultés de compréhension de son client.
Par ailleurs, c’est à bon droit que le premier juge a relevé le fait que, si à son arrivée au centre de rétention, ses droits subséquents lui ont été notifiés avec l’assistance d’un interprète en langue sénégalaise, cela ne constituait qu’un renforcement de la garantie de sa bonne compréhension de ses droits en qualité de retenu et que cela ne saurait, à lui seul, constituer la preuve de ce que Monsieur [U] n’avait pas été en mesure de comprendre et d’user de ses droits au cours de la garde à vue.
Par conséquent, l’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle a jugé que la procédure judiciaire préalable et la notification des arrêtés préfectoraux subséquents étaient régulières.
– Concernant l’absence de prise en compte de l’état de vulnérabilité
L’article L.741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) indique que la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger.
En l’espèce, l’appelant soutient que, dans sa décision ayant ordonné son placement en rétention administrative, le préfet n’a pas tenu compte de son état de vulnérabilité. Pour en justifier, il produit un certificat médical rédigé le 23 décembre 2022 par le docteur [H] [Z].
Or, ce document se contente de mentionner qu’il a reçu Monsieur [U] en consultation les 7 août et 4 septembre 2020, sans faire mention d’aucune pathologie, ni d’aucune circonstance médicale pouvant caractériser une quelconque vulnérabilité au sens des dispositions précitées.
La cour relève également que Monsieur [U] n’a jamais fait état d’une telle vulnérabilité auprès des services enquêteurs.
Ce moyen, de pure opportunité, apparaît donc totalement dénué de fondement et sera par conséquent rejeté.
– Concernant la mention du caractère suspensif du recours
Dans la notification faite à Monsieur [U] le 21 décembre 2022 à 18h50 de son arrêté de placement en rétention administrative, le préfet du Var indique, par erreur, que le recours dont celui-ci dispose, dans un délai de 48 heures, devant le juge des libertés et de la détention présente un caractère suspensif.
Toutefois, contrairement à ce que soutient Monsieur [U], cette mention erronée n’est aucunement constitutive d’un droit qu’aucun texte légal ou réglementaire ne lui reconnaît.
Ladite erreur matérielle n’a pas davantage causé grief à l’appelant dès lors qu’elle ne l’a pas entravé dans l’exercice de son droit de recours, ni ne l’a davantage incité à l’introduire au risque de lui porter un quelconque préjudice.
Il s’en déduit que la décision querellée doit également être confirmée en ce qu’elle a écarté ce moyen.
2) Sur la prolongation de la rétention administrative
– Concernant la recevabilité de la requête préfectorale sollicitant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [U].
Ce dernier invoque l’absence de formulaire de vulnérabilité affectant selon lui la recevabilité de la requête du préfet.
Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la prise en compte de la vulnérabilité n’a pas pour conséquence de soumettre la régularité de la décision de placement en rétention à l’établissement d’une grille de vulnérabilité, celle-ci n’étant pas prévue par la loi.
Ce moyen sera donc écarté.
– Concernant la motivation de la requête
Monsieur [U] soutient enfin que la requête préfectorale est entachée de nullité dès lors qu’elle ne contient aucun chef de demande et ce, en méconnaissance de l’article 4 du code de procédure civile aux termes duquel l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées dans leur acte introductif d’instance et dans leurs conclusions subséquentes.
Il est vrai que la requête déposée le 22 décembre 2022 par le préfet du Var ne mentionne pas formellement qu’il est sollicité une ‘prolongation de la mesure de rétention administrative’ dont fait l’objet l’appelant.
Cependant, ladite requête, après avoir rappelé les différentes décisions administratives prises à l’encontre de Monsieur [U], puis indiqué que, faute pour celui-ci de disposer de documents d’identité encore valables, un laissez-passer consulaire devait être sollicité auprès du consulat du Sénégal, demande au juge des libertés et de la détention de statuer sur le maintien de celui-ci au centre de rétention administrative ‘sur le fondement des dispositions des articles L.742-1 à L.743-25 du CESEDA’.
Or, ces textes sont exclusivement relatifs aux demandes de prolongation de la mesure de rétention par le juge des libertés et de la détention.
Il s’en déduit que la requête préfectorale satisfait aux exigences de motivation prescrites par l’article 4 susvisé du code de procédure civile, de sorte qu’aucune irrégularité n’est encourue de ce chef, le juge saisi ayant été suffisamment et clairement informé de l’objet de la demande.
L’ordonnance déférée sera donc également confirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
Déclarons l’appel recevable,
Déboutons [G] [U] de l’ensemble de ses moyens ;
Par conséquent :
Confirmons la décision déférée en toutes ses dispositions.
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 26 Décembre 2022 à 17h46.
Le greffier, Le magistrat délégué,