Responsabilité de l’Avocat : 25 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02046

·

·

Responsabilité de l’Avocat : 25 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02046
Ce point juridique est utile ?

Ordonnance n 15

————————-

25 Mai 2023

————————-

N° RG 22/02046 –

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTPQ

————————-

[L] [G]

C/

S.A.S. AVODES, représentée par Me Sébastien FOUCHERAULT

————————-

Ordonnance notifiée aux parties le :

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d’honoraires d’avocat

Rendue le vingt cinq mai deux mille vingt trois

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois février deux mille vingt trois par Monsieur Didier DE SEQUEIRA, président de chambre, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d’appel de POITIERS, conformément à son ordonnance en date du 1er décembre 2022, assisté de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.

ENTRE :

Madame [L] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

DEMANDEUR en contestation d’honoraires,

D’UNE PART,

ET :

S.A.S. AVODES

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Sébastien FOUCHERAULT substitué par Me Sébastien REY, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

DEFENDEUR en contestation d’honoraires,

D’AUTRE PART,

ORDONNANCE :

– Contradictoire

– Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– Signée par Monsieur Didier DE SEQUEIRA, président de chambre, agissant sur délégation de la première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par lettre enregistrée le 19 octobre 2021, Madame [L] [G] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Deux-Sèvres d’une contestation des honoraires facturés par la SAS AVODèS, laquelle a formé une demande de taxation, à titre reconventionnel, d’un montant de 1 515 euros hors taxes, soit 1 818 euros toutes taxes comprises.

Par décision en date du 17 juin 2022, le bâtonnier a taxé les honoraires restant dus à la SAS AVODèS à la somme de 515 euros hors taxes, soit 618 euros toutes taxes comprises.

La décision du bâtonnier a été notifiée à Madame [L] [G] le 28 juin 2022, laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 19 juillet 2022.

L’affaire, appelée une première fois à l’audience du 20 octobre 2022, a été renvoyée à la demande des parties à l’audience du 15 décembre 2022, puis à l’audience du 23 février 2023.

Madame [L] [G] expose avoir confié la défense de ses intérêts à Maître Sébastien FOUCHERAULT dans la perspective de l’appel d’une ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Elle indique avoir signé une convention d’honoraires sous la contrainte et soutient avoir dénoncé ladite convention dans le délai de rétraction de 14 jours.

Madame [L] [G] indique avoir réglé les deux premières factures de provision émises par son avocat pour un montant de 678 euros toutes taxes comprises et avoir refusé de régler la dernière facture de provision, d’un montant de 1 140 euros toutes taxes comprises.

Elle indique avoir été informée du seul tarif d’une consultation, d’un montant de 76 euros.

Madame [L] [G] estime que les honoraires de Maître Sébastien FOUCHERAULT sont excessifs au regard des diligences accomplies et conteste la qualité de travail de ce dernier, soutenant qu’il aurait manqué à ses obligations déontologiques.

Elle indique ne pas vouloir payer le montant des honoraires réclamé et sollicite l’infirmation de la décision du bâtonnier ainsi que la réparation de son préjudice.

La SAS AVODèS a formé appel incident de la décision du bâtonnier selon conclusions adressées à la cour le 13 octobre 2022.

Elle expose avoir été mandatée par Madame [L] [G] dans le cadre de deux dossiers, l’un concernant l’appel d’une ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse et l’autre concernant un litige l’opposant à son fils.

Elle indique avoir informé sa cliente que la consultation sur les chances de succès d’une procédure d’appel engendrait des honoraires de l’ordre de 600 euros toutes taxes comprises, mais que les diligences accomplies se seraient finalement révélées plus importantes à la demande de Madame [L] [G], l’incitant à présenter une convention d’honoraires, laquelle a été régularisée le 31 août 2020.

La SAS AVODèS indique que l’attitude de Madame [L] [G] l’a conduite à refuser de poursuivre toute diligence au-delà de la dernière consultation adressée le 3 septembre 2020.

Elle fait valoir que les diligences accomplies ont nécessité 8 heures 30 de travail sur la base d’un taux horaire de 200 euros hors taxes, tel que prévu aux termes de la convention d’honoraires.

Elle estime que c’est à tort que le bâtonnier de l’ordre des avocats des Deux-Sèvres a fait application d’un taux horaire de 180 euros hors taxes.

La SAS AVODèS consent à limiter ses demandes d’honoraires à la somme de 1 515 euros hors taxes, soit 1 818 euros toutes taxes comprises, sur laquelle il convient d’imputer la somme déjà réglée par Madame [L] [G], laquelle resterait redevable de la somme de 1 140 euros toutes taxes comprises.

La SAS AVODèS conclut au rejet des demandes de Madame [L] [G].

Elle sollicite la réformation de la décision du bâtonnier en ce qu’elle a limité le montant des honoraires restant dus par sa cliente à la somme de 618 euros toutes taxes comprises et la condamnation de Madame [L] [G] à lui payer la somme de 1 140 euros toutes taxes comprises en règlements de ses honoraires.

En cours de délibéré, par courrier recommandé en date du 8 avril 2023, reçu au greffe le 12 avril 2023, Madame [L] [G] a adressé à la cour de nouvelles écritures accompagnées de pièces.

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Selon l’article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel qui est saisi par l’avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d’un mois à compter de la notification de la décision.

En l’espèce, la décision du bâtonnier a été notifiée à Madame [L] [G] le 28 juin 2022, laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 19 juillet 2022.

Le recours de Madame [L] [G] est donc recevable et régulier en la forme.

Sur les pièces et observations écrites produites en cours de délibéré :

En l’absence d’une quelconque demande de la cour à Madame [L] [G] de produire un quelconque document ou de présenter des observations écrites en cours de délibéré, les pièces et observations écrites produites par cette dernière le 12 avril 2023 seront rejetées.

Sur le fond :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Sur la convention d’honoraires :

Il résulte de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

En l’espèce, Maître Sébastien FOUCHERAULT, membre de la SAS AVODèS, a notamment été mandaté par Madame [L] [G] dans la perspective de l’appel d’une ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Une convention d’honoraires a été signée par les parties, laquelle prévoit un honoraire sur la base d’une tarification horaire fixée à 200 euros hors taxes de l’heure outre un forfait de frais de dossier de 100 euros hors taxes.

Madame [L] [G] soutient que Maître Sébastien FOUCHERAULT aurait usé de menaces pour la forcer à signer la convention d’honoraires.

À cet égard, il convient de constater que Madame [L] [G], qui a la charge de la preuve du vice du consentement, ne fournit aucun élément au soutien de son allégation d’une signature sous la contrainte.

Madame [L] [G] invoque en outre les dispositions du code de la consommation relatives à la vente à distance, soutenant s’être régulièrement rétractée de la convention d’honoraires qu’elle a signée.

Cependant, il y a lieu de constater qu’en l’espèce la convention d’honoraires ne répond pas à la définition du contrat à distance telle que posée par le code de la consommation, à savoir un « contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestations de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ». En effet, il est établi, au regard des pièces versées aux débats et des déclarations des parties, que deux rendez-vous physiques se sont tenus entre Madame [L] [G] et son avocat avant la signature de ladite convention, de sorte qu’il ne saurait être considéré que Madame [L] [G] se serait régulièrement rétractée de la convention d’honoraires qu’elle a signée.

Sur la responsabilité de l’avocat :

Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité civile de l’avocat à l’égard de son client lié au manquement à son devoir de conseil et d’information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l’avocat et non de l’évaluation des honoraires.

Ainsi les reproches de Madame [L] [G] concernant l’absence de respect par Maître Sébastien FOUCHEREAU de ses obligations déontologiques n’ont pas lieu d’être pris en considération dans le cadre de la présente instance, d’autant que ce moyen ne vient au soutient d’aucune prétention.

Dès lors, les griefs invoqués par Madame [L] [G] ne sauraient justifier une réduction des honoraires de l’avocat.

Sur les honoraires facturés :

Il ressort des pièces produites et des explications des parties que Maître Sébastien FOUCHERAULT a accompli les diligences suivantes :

l’ouverture du dossier,

l’examen de l’ordonnance et des pièces ;

la tenue de deux rendez-vous physiques et d’un rendez-vous téléphonique ;

la rédaction de deux consultations juridiques détaillées ;

des échanges de courriers avec sa cliente.

Les honoraires facturés s’établissent à la somme de 1 515 euros hors taxes, soit 1 818 euros toutes taxes comprises, correspondant à 8 heures 30 de travail sur la base d’un taux horaire de 200 euros hors taxes.

Comme le relève à bon droit le bâtonnier, le taux horaire de 200 euros hors taxes appliqué est supérieur à celui pratiqué habituellement par les barreaux de province, de sorte qu’il y a lieu de retenir un taux horaire de 180 euros hors taxes pour évaluer le montant des honoraires dus par Madame [L] [G].

Enfin, conformément à ce qu’a retenu le bâtonnier, les diligences accomplies justifient que soit retenu un temps total de travail de 6 heures au lieu des 8 heures et 30 minutes facturées.

En conséquence, les honoraires de la SAS AVODèS s’établiront à la somme de 1 080 euros hors taxes, soit 1 296 euros toutes taxes comprises, correspondant à 6 heures de travail sur la base d’un taux horaire de 180 euros hors taxes, sur lesquels Madame [L] [G] a réglé la somme de 565 euros hors taxes, soit 678 euros toutes taxes comprises.

L’ordonnance du bâtonnier sera en conséquence confirmée et les honoraires restant dus à la SAS AVODèS seront taxés à la somme de 565 euros hors taxes, soit 618 euros toutes taxes comprises.

Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombant à la présente instance, Madame [L] [G] en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Didier DE SEQUEIRA, statuant par délégation de la première présidente, par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Déclarons le recours de Madame [L] [G] recevable et régulier en la forme ;

Rejetons les pièces et observations écrites produites par Madame [L] [G] le 12 avril 2023, en cours de délibéré,

Confirmons l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Deux-Sèvres en date du 17 juin 2022 ;

En conséquence,

Taxons les honoraires restant dus à la SAS AVODèS par Madame [L] [G] à la somme de 565 euros hors taxes, soit 618 euros toutes taxes comprises ;

Enjoignons à Madame [L] [G] de payer à la SAS AVODèS la somme de 618 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires restant dus ;

Condamnons Madame [L] [G] aux dépens.

Le greffier, Le président de chambre,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x