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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 25 MAI 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00654 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3E5
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
La SELASU CABINET COLL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 6] dans un litige l’opposant à :
Madame [R] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne,
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 20 Avril 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Après avoir décidé d’engager une procédure de divorce par consentement mutuel avec son époux, Mme [R] [E] a chargé la Selasu Cabinet Coll de la défense de ses intérêts.
A ce titre, en date du 07 février 2019, Mme [R] [E] et la Selasu Cabinet Coll ont signé une convention d’honoraires prévoyant notamment un forfait de 1.200 euros.
Les époux ont signé un acte reçu par notaire afin de régler les aspects patrimoniaux du divorce, lequel a été transmis à leur avocat respectif le 27 septembre 2021.
Un projet de convention de divorce a été rédigé par la Selasu Cabinet Coll, dont la dernière version ne satisfaisait toujours pas sa cliente, qui l’a alors déchargée de sa mission.
Après avoir été saisi par Mme [R] [E] d’une demande de contestation des honoraires réglés à hauteur de 1.200 euros toutes taxes comprises à la Selasu Cabinet Coll, suivant une décision en date du 07 décembre 2021, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] a ramené le montant de ceux-ci à 400 euros hors taxes et a condamné l’avocat à restituer à son client la somme de 600 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2021, outre les frais de signification éventuels.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 21 décembre 2021, la Selasu Cabinet Coll, avocat, a formé un recours à l’encontre de cette décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées par le greffe à l’audience du 20 avril 2023, par courriers recommandés datés du 07 février 2023, dont elles ont signé les accusés de réception respectivement les 09 et 13 février suivants.
Lors de cette audience, elles ont comparu et ont été entendues.
Dans un premier temps, la Selasu Cabinet Coll a demandé l’infirmation de la décision du bâtonnier, sollicitant que lui soit accordé le bénéfice de ses conclusions écrites remises au greffe aux termes desquelles elle a demandé à cette juridiction de fixer ses honoraires dus par Mme [R] [E] à 3.175 euros.
Puis, elle a proposé de ramener sa demande aux 1.000 euros ( hors taxes ) déjà réglés par Mme [R] [E] en sorte qu’aucun paiement ni restitution n’ait lieu d’être entres les parties qui en resteraient là.
Mme [R] [E], qui avait en premier lieu sollicité la confirmation de la décision du délégataire du bâtonnier, a finalement accepté de fixer le montant des honoraires à hauteur de ce qu’elle avait payé à la Selasu Cabinet Coll.
Puis, l’affaire a été mise en délibéré pour que la décision soit rendue le 25 mai 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.
En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à l’espèce, ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.’
Cependant, le dessaisissement de l’avocat avant la fin du litige rend, en principe, inapplicable la convention d’honoraires initialement conclue (Cf . Cass. 2ème Civ., 7 avril 2011, pourvoi n°10-17069), sous réserve des stipulations spécialement prévues dans cette hypothèse.
Reste que conformément à l’article 10, alinéa 4, de la loi précitée du 31 décembre 1971, en l’absence de convention applicable ou à de défaut de signature d’une convention , l’avocat ne saurait être privé du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271, 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459 et 2ème Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709).
L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier.
Mais, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier le bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf si celles-ci étaient manifestement inutiles, ce qui s’entend d’une inutilité telle qu’elle épuise tout débat, toute discussion sur les diligences en cause, viciées dès leur origine.
En tout état de cause, l’inutilité des diligences ne peut se déduire de ce qu’elles n’ont pas conduit à la mise en ‘uvre effective de la procédure.
Enfin, dès lors que cette procédure vise exclusivement à trancher la contestation portant sur le montant des honoraires, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, fût-ce à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. Ils ne peuvent donc pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.
Il n’est pas discuté que le recours formé par la Selasu Cabinet Coll est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
Saisi par Mme [R] [E] d’une demande de remboursement des honoraires versés à la Selasu Cabinet Coll, le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 5] a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant en particulier :
‘1°) Sur la clause de dédit et l’application de la convention d’honoraires
La Selasu CABINET COLL fournit dans son argumentaire plusieurs arrêts de la Cour de cassation, mais il est difficilement compréhensible qu’elle ne fasse pas référence à l’ordonnance de la Cour d’appel de PARIS Pôle 2 – Chambre 6 du 27 novembre 2020.
Celle-ci précise que les clauses du dédit, telles qu’elles apparaissent dans des conventions similaires ” apparaissent totalement disproportionnées avec les diligences et déséquilibrées au détriment de X en ce sens qu’il n’est nullement prévu, en cas de dessaisissement anticipé par l’avocat, une cause de dédit en faveur du client. II convient dans ses conditions de réputées non écrites ces deux clauses’par application de l’article 241-1 du Code de la consommation qui est d’ordre public “.
II sera fait application de cette jurisprudence et les honoraires seront fixés conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, celles de l’article 10 modifié du décret du 12 Juillet 2005, de l’article 11.2 du Règlement Intérieur National en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété, des faits constatés, ainsi que des diligences accomplies et vérifiées.
Il est à noter que la Selasu CABINET COLL, qui se réclame avec force et vigueur de cette convention d’honoraire, a demandé à sa cliente d’en sortir: si elle rédigeait une nouvelle version de la convention, elle émettrait une nouvelle facture.
Or, les article 1103 et 1104 du Code civil rappellent que les conventions doivent être exécutés de bonne foi et que ” les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. La convention d’honoraire représente pour tant pour l’avocat que pour le client un risque réciproque et la Selasu CABINET COLL n’était aucunement en droit de solliciter un honoraire complémentaire.
2° Sur les diligences effectuées par la Selasu CABINET COLL
Aucune des parties n’a communiqué les pièces de procédure et il est donc difficile d’apprécier les diligences de la Selasu CABINET COLL.
Cette dernière indique, dans un courriel à sa cliente du 19 décembre 2019 avoir produit déjà deux versions de la convention et dans son argumentaire qu’elle a rédigé au moins trois versions de l’acte.
Elle précise qu’il s’agit de refontes complètes de la convention, qu’elle ne fournit pas en pièces jointes, ce qui interdit au Juge de l’honoraire de vérifier ce point et d’apprécier le travail réel de l’avocat.
On peut s’étonner de cette notion de refonte complète dans la mesure où les détails du divorce sur le plan patrimonial sont réglés par la convention notariée et la rédaction de la convention de divorce, en collaboration avec le confrère adverse ne pouvait porter que sur des mesures simples, les époux étant, semble-t-il, dans le cadre d’une procédure conjointe.
La convention précise que, ” de manière générale ” le forfait couvre un rendez-vous, l’étude du dossier, la saisine de la juridiction le cas échéant, la rédaction d’un jeu d’écriture en réponse le cas échéant, l’assistance à une audience.
On peut donc estimer que la Selasu CABINET COLL a accompli moins de la moitié des diligences prévues à la convention d’honoraires.
Les honoraires de la Selasu CABINET COLL peuvent donc être fixés à la somme de 400 € HT.
Compte tenu de la somme de 1 000 € HT versée à titre de provision, le montant des honoraires dus par la Selasu CABINET COLL à Madame [R] [E] se monte à la somme de 600 € HT que la Selasu CABINET COLL devra régler à sa cliente avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier statuant en fixation d’honoraires, soit le 24 juin 2021.
Le payement des sommes dues sera assorti de la TVA au taux de 20 % somme à laquelle viendront s’ajouter les frais de signification de la présente décision, s’il y a lieu.
Il n’y a pas lieu d’accorder à la Selasu CABINET COLL de sommes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.’.
”’
A hauteur d’appel, alors qu’il est apparu que la convention d’honoraires signée par les deux parties ne pouvait pas être appliquée à raison du dessaisissement de l’avocat avant le terme de la mission qui lui avait été confiée, en sorte qu’il convenait de fixer le montant des honoraires en fonction du temps passé aux diligences, revendiqué par l’avocat à hauteur de 10 heures 58 à raison de plusieurs rendez-vous avec le client, des échanges avec l’avocat adverse, de l’étude des pièces du dossier, de l’élaboration de plusieurs versions du projet de convention de divorce, les parties sont finalement convenues de fixer à 1.000 euros hors taxes le montant des honoraires dus, cette somme ayant déjà été réglée.
Compte tenu de ce qui précède, la décision du bâtonnier sera infirmée et le montant des honoraires de la Selasu Cabinet Coll fixé à 1.000 euros hors taxes, somme qui a déjà été réglée.
Sur les demandes accessoires :
Les dépens seront mis à la charge de la Selasu Cabinet Coll, chaque partie conservant à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a exposés.
Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Fixe le montant de la rémunération de la Selasu Cabinet Coll à hauteur de 1.000 euros hors taxes, étant constaté que cette somme a déjà été réglée;
Condamne la Selasu Cabinet Coll aux dépens ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE