Votre panier est actuellement vide !
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ARRET DU 22 FEVRIER 2023
(N° /2022, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00067 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMED
Décision déférée à la Cour : Décision du 13 Novembre 2019 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS – RG n° 211/318025
APPELANTE
Madame [J] [D] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Léonore BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1085 substituée à l’audience par Me Ludivine VERWEYEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1085
INTIME
Maître [A] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Sandra NOYELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0213
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Agnès TAPIN, Magistrate honoraire désignée par décret du 24 décembre 2021 du Président de la République aux fins d’exercer des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M Michel RISPE, Président de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère
Mme Agnès TAPIN, Magistrate honoraire
Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Mis en délibéré au 14 décembre 2022, puis le délibéré a été prorogé au 19 janvier 2023, puis au 27 janvier 2023 et au 22 février 2023.
– signé par M Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
Début janvier 2016, Madame [J] [D] [W] a confié la défense de ses intérêts à Maître [A] [Y], après qu’un jugement de divorce a été prononcé le 03 novembre 2015 par le TGI de Nanterre, et l’a déboutée de ses demandes de prestation compensatoire et de dommages et intérêts. Me [Y] a interjeté appel dudit jugement devant la cour d’appel de Versailles.
La dit cour d’appel a rendu son arrêt le 08 décembre 2016.
Mme [W] a dessaisi Me [Y] début septembre 2017.
Par lettre remise en mains propres le 18 mars 2019, Me [Y] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande de fixation de la totalité de ses honoraires à la somme de 55.222,81 € HT dont 14.166,67 € ont été payés par Mme [W].
Par décision contradictoire en date du 13 novembre 2019, la déléguée du bâtonnier a :
– fixé à la somme de 48.210 € HT le montant total des honoraires dus à Me [Y] par Mme [W], sous déduction de la somme réglée à hauteur de 14.166,67 € HT, soit un solde d’honoraires de 34.043,33 € HT,
– dit, en conséquence, que Mme [W] devra verser à Me [Y] la somme de 34.043,44 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 11 décembre 2017, outre la TVA au taux de 20 % en vigueur à l’époque des diligences et de la facturation et les débours justifiées pour la somme de 632,31 € HT, ainsi que les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la décision, outre la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ce, conformément à l’article 277 du décret du 27 novembre 1991,
– rejeté toutes autres demandes.
La décision a été notifiée aux parties par lettres RAR en date du 14 novembre 2019 dont Me [Y] a signé l’AR le 15 novembre 2019. La lettre adressée à Mme [W] est revenue portant la mention « pli avisé, non réclamé ».
Par lettre RAR en date du 09 décembre 2019, Mme [W] a exercé un recours contre la décision.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 10 mai 2022 par lettres RAR en date du 10 février 2022. L’affaire a été renvoyée successivement aux audiences du 13 octobre 2022 puis du 28 octobre 2022.
A cette dernière audience Mme [W], représentée par son avocate, a demandé oralement et conformément à ses écritures remises ce jour à là, de :
– réformer la décision déférée,
– déclarer irrecevables les demandes relatives au règlement d’un honoraire de résultat et à tout le moins mal fondées,
– fixer le montant total des honoraires et frais dus à Me [Y] à la somme de 20.706,46 € TTC, dont il conviendra de déduire les provisions versées à hauteur de 17.000 € TTC soit une somme restant due de 3.706,46 € TTC,
– débouter Me [Y] de l’ensemble de ses demandes,
– la condamner à lui verser la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Après avoir expliqué qu’elle avait conclu un forfait de 20.000 € d’honoraires avec Me [Y] pour exercer la mission confiée, Mme [W] soutient que :
– elle est dans une situation financière très difficile, ayant été expulsée du domicile conjugal, et être domiciliée au CCAS de [Localité 4] ;
– l’honoraire de résultat réclamé par Me [Y] n’est pas dû ;
– au début de la mission confiée à Me [Y], elles ont été d’accord pour que les honoraires de diligences au temps passé de celle-ci soient fixés à la somme forfaitaire de 20.000 € ;
– contrairement à ce que dit le bâtonnier, il n’existe aucun accord après « service rendu » sur la facture du 16 décembre 2016 ;
– Me [Y] ne l’a pas informée au fur et à mesure de l’exécution des diligences, malgré cette obligation lui incombant ;
– enfin Me [Y] a multiplié inutilement les diligences et surévalué le temps passé de celles-ci.
Me [Y] a demandé oralement et conformément à ses écritures visées par Mme la greffière de :
– dire que le recours formé par Mme [W] contre la décision du bâtonnier est non soutenu,
– en tout état de cause, la débouter de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Me [Y] fait valoir que :
– elle est intervenue pour le compte de Mme [W] dans un dossier de divorce complexe et chronophage entre le 07 janvier 2016 et le 04 septembre 2017, date à laquelle elle l’a dessaisie ;
– elle justifie avoir reçu 25 volumes de pièces de la part de Mme [W] représentant plusieurs mètres linéaires ;
– elle a informé oralement et par mail Mme [W] qu’elle facturait ses honoraires au temps passé, ayant d’ailleurs offert fin février 2016 d’appliquer un taux horaire de 265 € HT au lieu de 350 € HT ;
– Mme [W] a donné son accord par mail au paiement d’un honoraire de résultat de 3 % HT sur le montant de la prestation compensatoire en sus des honoraires au temps passé;
– elle a effectué de très importantes diligences pendant cette période, ayant mobilisé les moyens de son cabinet pour traiter prioritairement ce dossier qui avait débuté en 2011, et s’étant rendue particulièrement disponible pour recevoir la cliente ;
– ses très nombreuses diligences ont été utiles et efficaces puisque Mme [W] a obtenu une prestation compensatoire dont elle avait été déboutée en première instance, d’un montant de 250.000 € ainsi que des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; pour ce résultat, elle a effectué un important travail de recherche sur la composition du patrimoine mobilier et immobilier de l’ex-époux qui le dissimulait ;
– la première note d’honoraires, accompagnée d’un relevé détaillé de diligences, a été payée après services rendus pour 64 heures de temps passé ;
– la seconde note d’honoraires concerne 102,20 heures de travail de Me [Y], et 19,10 heures de travail de sa collaboratrice Me [P] [H] ;
– Mme [W] n’a pas payé le solde de la première facture d’honoraires de diligences, ni la totalité de la deuxième facture de ces honoraires, et refuse de payer l’honoraire de résultat pourtant réclamé par l’avocate par courriers des 11 décembre 2017 et 31 mai 2018.
SUR CE
1 ‘ Le recours de Mme [W] qui a été effectué dans le délai d’un mois prévu par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007, est recevable.
Sur les honoraires de diligences :
2 ‘ Les parties sont d’accord sur le fait que Me [Y] est intervenue pour défendre Mme [W] dans une procédure d’appel d’un jugement de divorce prononcé par le juge aux affaires familiales du TGI de Nanterre le 03 novembre 2015, à compter du 17 décembre 2015 suite à leur premier RDV (cf la pièce 0 de Mme [W]), mais reporté au 07 janvier 2016 (sur la première note d’honoraires et dans les écritures de l’avocate), jusqu’au 04 septembre 2017, date à laquelle Mme [W] l’a dessaisie (cf sa pièce 11 ) pour confier son dossier à un autre avocat.
3 ‘ Aucune convention d’honoraires n’a été signée par les parties, et plus particulièrement n’a été proposée par l’avocate à Mme [W] alors que l’obligation d’une telle proposition existe pour les avocats qui interviennent dans des procédures de divorce depuis le 1er janvier 2013, par application de l’article 14 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 qui modifie l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Il est en effet indiqué au quatrième alinéa de ce dernier article modifié :
« L’avocat est tenu de conclure avec son client une convention d’honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans. »
Il n’est pas plus justifié par Mme [W] qui le soutient pourtant, qu’un forfait de 20.000 euros d’honoraires a été convenu entre les parties. Elle ne produit aucune pièce le prouvant, que ce soit un échange de courriers ou de courriels.
Enfin, il ne peut être retenu que la première facture émise par Me [Y] le 16 décembre 2016 est due par Mme [W] « pour services rendus », sans examiner en détail les diligences énumérées par l’avocate, dès lors que cette note d’honoraires, établie un an après la première diligences effectuée par Me [Y] le 17 décembre 2015, répond aux critères permettant de confirmer la décision du bâtonnier sur ce point. Il a effet dit que cette première facture était due par Mme [W] sans réduction pour « services rendus ».
Cette note d’honoraires, certes détaille sur trois pages les diligences que Me [Y] déclare avoir réalisées entre le 07 janvier 2016 et le 17 mars 2016, ainsi que les frais engagées par elle pour Mme [W], mais aucune diligence décrite n’est affectée d’un temps passé. Seul « le temps consacré au dossier » est indiqué en deuxième page, c’est à dire 64 heures, avec le taux horaire. Il n’est pas fait état du nombre d’heures passées à analyser les pièces de Mme [W], et de l’adversaire, à recevoir Mme [W] en RDV, à rédiger les conclusions, lire celles de l’adversaire ‘
Cette absence d’information, essentielle pourtant pour la cliente, qui est une consommatrice au sens défini par le code de la consommation, afin de pouvoir vérifier les diligences facturées par l’avocate, conduit à infirmer le bâtonnier sur ce point, et à la cour, de vérifier toutes les diligences invoquées par l’avocate par rapport aux pièces produites par les parties dans la présente instance, pour fixer ses honoraires.
4 – Il s’ensuit qu’en l’absence de convention d’honoraires (l’honoraire de résultat réclamé par Me [Y] étant examiné dans la partie suivante du présent arrêt), et pour fixer ceux de Me [Y] il convient de faire application de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par l’article 51 V de la loi n° 2015-990 du 06 août 2015, applicable en l’espèce eu égard à la date du début de la mission confiée à l’avocat, et disant notamment que :
«Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »
5 – Les griefs de Mme [W] qui renvoient à la responsabilité de l’avocat dans l’accomplissement de sa mission ne relèvent pas de l’appréciation du bâtonnier, ni du premier président statuant dans le cadre des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, mais de la compétence exclusive du juge de droit commun.
Ces dispositions constantes valent pour les critiques de Mme [W] sur les moyens soulevés par Me [Y] pour critiquer l’arrêt de la cour d’appel sur le montant de la prestation compensatoire, et la manière dont l’avocate a travaillé.
6 ‘ Cela étant posé, Me [Y] a adressé les deux notes d’honoraires suivantes à Mme [W] (cf les pièces 2 et 20 de la cliente ) :
-la première en date du 16 décembre 2016 (comprenant trois pages) pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016, couvrant 18 diligences soit au total 64 heures au taux horaire de 265€ HT, soit 16.960 € HT, ainsi que les frais payés par l’avocate pour le compte de la cliente de 295,38 € HT ;
-la seconde en date du 12 juillet 2017 (comprenant cinq pages) pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2016, couvrant 47 diligences qui représentent :
*102 heures 2 au taux horaire de 265 € HT pour Me [Y],
*19 heures 1 pour une collaboratrice Me [P] [H] au taux horaire de 225 € HT,
soit une somme totale d’honoraires de 31.380,50 € HT, ainsi que les frais payés par l’avocate pour le compte de la cliente de 336,93 € HT.
Selon l’addition de ces deux notes d’honoraires, le montant total réclamé par Me [Y] au titre de ses honoraires, comprenant ceux de sa collaboratrice, s’élève à la somme de 48.340,50 € HT ( 16.960 € + 31.380,50 € ).
Enfin, dans sa fiche de diligences de sept pages remise au bâtonnier (cf la pièce 12 de Mme [W]), Me [Y] a détaillé toutes les diligences qu’elle a déclaré avoir effectuées pour le compte de Mme [W] comprenant : les RDV, l’étude du dossier, les recherches, les diverses démarches, les procédures avec l’assistance et la représentation de la cliente devant la cour d’appel, les travaux écrits, les entretiens téléphoniques pour mémoire, les lettres et courriels reçus et adressés, et l’audience de plaidoiries. Ces diligences sont la reprise de celles décrites dans les deux notes d’honoraires précitées, et toujours sans que soit précisé le temps passé pour chaque diligence.
Me [Y] a également décrit dans cette fiche la difficulté du dossier, selon elle. Elle y a estimé le nombre d’heures de travail consacrées au suivi du dossier à 185 heures 20 sur une période courant de janvier 2016 à septembre 2017. Elle a donc réclamé pour un taux horaire de 265 € HT un montant total d’honoraires de 48.350 €, et des frais de 632,31 € HT. Enfin elle a reconnu que Mme [W] lui avait déjà payé la somme totale de 17.000 € TTC.
Le bâtonnier a, dans sa décision déférée, minoré le montant total des honoraires dûs à Me [Y] à la somme de 48.210 € HT que Me [Y] a accepté oralement à l’audience et dans ces dernières écritures. Il convient donc de retenir celle-ci comme base d’examen et de calcul des diligences effectuées par Me [Y] et sa collaboratrice.
Enfin, il est reconnu par les parties que Mme [W] a payé à Me [Y] la somme totale de 17.000 € TTC correspondant à trois provisions successives de 5.000 € versés le 1er avril 2016, de 6.000 € payés le 30 juillet 2016 et de 6.000 € TTC payés en novembre 2016 au moment de la plaidoirie devant la cour d’appel.
Me [Y] réclame, en conséquence, le paiement de la différence entre le montant total des honoraires de 48.210 € HT, soit 57.852 € TTC, en appliquant le taux de TVA de 20 %, et les provisions payées par Mme [W] de 17.000 € TTC (c’est à dire 14.166,67 € HT), soit un solde de 40.852 € TTC, c’est à dire 34.043,33 € HT, somme retenue par le bâtonnier.
7 ‘ Pour vérifier le temps passé pour exercer sa mission, il y a lieu de se reporter aux diligences que Me [Y] a effectuées, avec sa collaboratrice Me [P] [H] pendant la période considérée, c’est à dire du 7 janvier 2016 au 31 décembre 2016, et qui sont justifiées par les pièces produites par les parties (cf pièces 0 à 18 de Mme [W], et 1 à 22 de Me [Y]).
Les diligences de Me [Y] et de sa collaboratrice ont été principalement les suivantes :
– des RDV avec la cliente,
– l’envoi et la réception de mails de la cliente et du confrère adverse,
– la signification de l’appel de Mme [W] devant la cour d’appel de Versailles,
– la lecture et l’analyse du jugement déféré du TGI de Nanterre et des pièces de Mme [W] qui représentent plus de 2 mètres de hauteur comme Me [Y] en justifie avec trois photographies ;
– la lecture et l’analyse des conclusions et des pièces de l’adversaire ;
– la rédaction des trois jeux de conclusions pour Mme [W] avec des recherches juridiques ;
– la préparation du dossier de plaidoiries et remis à la cour d’appel ;
– l’audience de plaidoiries ;
– la lecture de l’arrêt ;
– l’aide apportée à Mme [W] pour qu’elle choisisse un avocat au Conseil pour faire un pourvoi contre l’arrêt.
Le bâtonnier a justement critiqué les diligences suivantes revendiquées par l’avocate au vu des pièces produites par les parties :
– trois jeux de conclusions sont produites au lieu des quatre revendiquées par l’avocate ;
– il convient de minorer le temps retenu pour la totalité des mails envoyés et reçus.
A ces critiques motivées du bâtonnier, la présente cour d’appel émet les suivantes sur les diligences facturées par Me [Y] :
– il est surprenant que cette dernière, et sa collaboratrice, soient intervenues pour corriger et compléter les conclusions plus d’une vingtaine de fois entre le 1er juillet et le 2 novembre 2016, selon la seconde facture, soit pendant 4 mois ;
– aucune pièce ne justifiant les entretiens téléphoniques facturés à la conservation des hypothèques, avec le greffe ‘ il convient de réduire le temps passé les concernant ;
– l’avocate ne justifie pas avoir reçu sept fois Mme [W] à son cabinet ; sont donc retenus les cinq RDV reconnus par la cliente ;
– il existe des « doublons » dans la liste des diligences comme l’a justement relevés Mme [W]:
*le « travail d’investigation » sur le patrimoine de l’ex-époux figure tant dans la partie « étude du dossier » que dans la rubrique « recherches » ;
*la déclaration sur l’honneur de Mme [W] est citée dans la rubrique « démarches diverses » et dans celle « autres travaux d’écritures » ;
– cette déclaration sur l’honneur a été mise en forme par Me [Y], mais c’est bien Mme [W] qui a fourni tous les éléments de faits avec les pièces justificatives, et a participé à sa rédaction. Les mails produits par les parties attestent des envois très nombreux de pièces par Mme [W]. 6 heures 30, retenus par l’avocate, est un temps excessif pour établir cette déclaration ;
– il n’est nullement justifié dans la présente instance des divers travaux écrits mentionnés dans les deux factures comme « notes de travail », « tableaux de synthèse » ;
– enfin certes de très nombreux mails ont été échangés entre Mme [W] et Me [Y], soit plusieurs centaines, mais il ressort de leur lecture que Me [Y] n’envoyait que des mails très courts qui ne prenaient pas 5 à 10 minutes de rédaction, et que ceux de Mme [W] étaient très souvent destinés à adresser des pièces, accompagnées d’un message plus long que ceux de l’avocate.
Pour une avocate se déclarant spécialiste et habituée des procédures de séparation et de divorce, le dossier de Mme [W] présentait certes deux difficultés puisque celle-ci n’avait pas obtenu en première instance une prestation compensatoire ni l’indemnisation de son préjudice résultant des conditions de la rupture du lien conjugal. Mais le reste des demandes de Mme [W] et de son époux ne présentait pas de difficultés juridiques particulières, concernant des points habituellement étudiés par des avocats spécialisés en droit de la famille.
Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments concernant les diligences effectuées par les deux avocats, et la difficulté relative du dossier de Mme [W], il est justifié de fixer le temps de travail de chacune à :
* 115 heures pour Me [Y],
*et 15 heures pour sa collaboratrice
8 ‘ Le taux horaire réclamé par Me [Y] de 265 € HT, accepté par Mme [W] par mail en réponse du 29 février 2016, apparait raisonnable au vu de la notoriété de celle-ci inscrite au barreau de Paris depuis plusieurs années.
Le taux horaire de 225 € HT réclamé pour la collaboratrice, inférieur à celui de Me [Y], n’est pas excessif, ni contesté par Mme [W].
Ils sont donc retenus tous les deux.
9 ‘ Le montant total des frais payés par Me [Y] pour le compte de Mme [W] au cours de sa mission n’a pas été contesté par cette dernière. Il correspond, pour la première note d’honoraires au coût des consultations auprès d’infogreffe et de la conservation des hypothèques, s’élevant à la somme de 295,38 € HT, et pour la seconde note d’honoraires au coût des 33 consultations auprès des mêmes organismes et du tribunal de commerce, s’élevant à la somme de 336,93 € HT.
C’est donc une somme totale de 632,31 € HT qui est retenue au titre des frais dus par Mme [W], en confirmant ainsi la décision déférée de ce chef.
10 ‘ La situation de fortune de Mme [W] qui en justifie, est obérée (cf ses pièces 21 à 31) bien qu’elle ait perçu une prestation compensatoire de 250.000 €, des dommages et intérêts de 1.500 €, et des contributions mensuelles à l’entretien et l’éducation de ses trois filles, soit 700 € pour [U] et pour [V], chacune, et 900 € pour [K] depuis le 1er septembre 2016, selon l’arrêt de la cour d’appel du 8 décembre 2016 qui a infirmé le jugement du TGI de Nanterre.
En effet, Mme [W] qui habitait au domicile conjugal situé à [Localité 4] dont son ex-époux était seul propriétaire, en a été expulsée le 12 août 2019 par le préfet des Hauts de Seine, après un jugement d’expulsion rendu par le juge d’instance de Courbevoie le 5 mars 2018.
Mme [W] a à sa charge tous les enfants du couple, dont une fille reconnue handicapée, et pour lesquels l’ex-époux n’a pas payé la contribution mensuelle à leur entretien et leur éducation pendant plusieurs années.
Mme [W] qui justifie avoir perçu des revenus nets imposables de 14.371 € en 2020, et de 20.276 € en 2021, perçoit au moins depuis octobre 2020, et encore en septembre 2022, diverses allocations versées par la CAF d’un montant mensuel se situant entre 1.400 € et 1.800 € nets imposables. Ces allocations sont notamment la PaJe, l’allocation de soutien familiale, les allocations familiales sous conditions de ressources, et une prime d’activité majorée.
Elle a enfin élu officiellement domicile au CCAS de [Localité 4] du 1er janvier au 14 juillet 2021.
11 ‘ Au vu de tous ces éléments, les honoraires au temps passé dus par Mme [W] à Me [Y] au titre des diligences justifiées dans son dossier de procédure de divorce devant la cour d’appel à la somme de 30 s’élèvent à la somme de 33.850 € HT, comprenant 30.475 € HT ( pour Me [Y] 115 heures x 265 € HT, et, pour la collaboratrice 15 heures x 225 € HT) dont il convient de déduire le paiement total de 14.166,67 € HT, ce qui représente un solde de 19.693,33 € HT, soit 23.619,99 € TTC en appliquant le taux de TVA de 20 %.
Eu égard à “la situation de fortune” de Mme [W] fortement obérée, il est justifié de la condamner en conséquence à verser à Me [Y] le solde des honoraires de diligences de 22.000 € TTC. La décision déférée est infirmée de ce chef.
12 – Non contestée ni remise en cause par les parties, la condamnation aux intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 11 décembre 2017 des honoraires et des frais dûs par Mme [W] à Me [Y], est confirmée.
Sur l’honoraire de résultat :
13 – Mme [W] soutient que :
– à défaut de demande préalable de règlement d’honoraires auprès des clients et de l’existence d’une difficulté subséquente, la saisine du bâtonnier en recouvrement d’honoraires est mal fondée ; Me [Y] n’a adressé aucune note d’honoraires concernant le règlement d’un honoraire de résultat ;
– en tout état de cause, il n’y a pas eu d’accord donné de manière libre et éclairée sur cet honoraire : elle s’est sentie forcée d’accepter la proposition de Me [Y] ;
– la condamnation de son ex-époux à lui payer une prestation compensatoire de 250.000 € est un résultat bien moins favorable qu’il n’y paraît, et, au jour de la saisine du bâtonnier le 18 mars 2019, l’ex-époux n’avait versé aucune somme à ce titre.
Me [Y] répond que :
– Mme [W] a exprimé un accord murement réfléchi pour l’honoraire de résultat ;
– elle demande l’application de l’article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;
– le résultat obtenu dans l’intérêt de Mme [W] est définitif et irrévocable ; le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles ayant été rejeté, l’honoraire de résultat est donc bien exigible ;
– bien que Mme [W] ait accepté un honoraire de résultat de 3 % HT du montant de la prestation compensatoire le 9 août 2016, elle a limité sa demande à 3 % TTC (soit 7.500 € TTC), en consentant un nouveau geste commercial à sa cliente.
14 ‘ Il résulte l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir un honoraire de résultat convenu en son principe, après service rendu.
Il est par ailleurs constant que si l’honoraire de résultat ne peut être valablement stipulé qu’avant que le résultat ne soit obtenu, l’accord entre les parties sur l’existence d’un tel honoraire peut avoir lieu après la réalisation de diligences par l’avocat.
15 ‘ En l’espèce, il est acquis qu’aucune convention n’a été signée par les parties.
Cependant, il résulte d’un échange de courriels entre elles en date du 09 août 2016 (cf la pièce 2 de l’avocate), bien antérieurs à l’arrêt de la cour d’appel du 08 décembre 2016 faisant partiellement droit aux demandes de Mme [W], que Me [Y] a demandé explicitement à celle-ci « d’accepter [qu’elle] reçoive un honoraire de résultat de 3 % HT sur le montant de la prestation compensatoire, en sus du taux horaire que nous avons convenu … ». Mme [W] lui a rapidement répondu qu’elle comprenait ce que demandait Me [Y], et « ‘ vous avez mon accord … » après lui avoir dit « j’ai une question : Pouvez vous dans ce cadre m’assister dans le volet lié au fisc lié à l’indemnité d’occupation ‘ »
Il apparaît ainsi que, malgré le défaut de signature d’une convention, un honoraire de résultat a été convenu par les parties en son principe, Mme [W] n’ayant émis, contrairement à ce qu’elle prétend, aucune réserve sur la demande de l’avocate. Elle n’a mis aucune condition quand elle a écrit « vous avez mon accord » qui répondait à la question posée par Me [Y] sur le versement par elle d’un honoraire de résultat.
La décision déférée est donc confirmée de ce chef.
16 ‘ Enfin, le montant de 7.500 € TTC réclamé à ce titre, au lieu de 7.500 € HT, est justifié dès lors que la prestation compensatoire a été fixée par la cour d’appel à 250.000 €.
La décision déférée est également confirmée sur ce montant.
Sur les autres demandes :
17 ‘ Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés dans la présente instance. Elles sont déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, Mme [W] qui succombe, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant après débats publics, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition par le greffe,
Infirme partiellement la décision en date du 13 novembre 2019 rendue par le bâtonnier de Paris,
Statuant à nouveau,
Vu l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée,
Fixe les honoraires de diligences dus par Mme [J] [D] [W] à Me [A] [Y] à la somme totale de 33.850 € HT, 40.620 € TTC, pour la mission exercée entre le 07 janvier 2016 et le 04 septembre 2017,
Constatant que Mme [J] [D] [W] a versé à Me [A] [Y] la somme totale de 17.000 € TTC,
Condamne Mme [J] [D] [W] à payer à Me [A] [Y] le solde d’honoraires de 22.000 € TTC avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt, concernant notamment le paiement des frais de 632,33 € HT, soit 758,79 € TTC, et de l’honoraire de résultat de 7.500 € TTC (soit 6.250 € HT), et des intérêts assortissant ces condamnations,
Condamne Mme [J] [D] [W] aux dépens,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT