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ARRET N°135
N° RG 22/01753 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GSX5
[O]
C/
[X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 21 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01753 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GSX5
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 16 juin 2022 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.
APPELANT :
Monsieur [W] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, et pour avocat plaidant Me Lala RAZAFY de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
INTIME :
Monsieur [D] [X]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6] – MAROC
[Adresse 5]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER – THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS substitué par Me Jean-Louis GRANDON, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
Sur assignation de la Caisse du Grand Ouest des congés du BTP, le tribunal de commerce d’Angers a ouvert par jugement réputé contradictoire du 4 janvier 2017 le redressement judiciaire de M. [D] [X], artisan maçon, en fixant la date de cessation des paiements au 1er octobre 2016.
Par jugement réputé contradictoire du 8 mars 2017, la juridiction consulaire a converti cette procédure en liquidation judiciaire.
M. [X] a relevé appel de ces deux décisions.
Par deux arrêts du 4 juillet 2017, la cour d’appel d’Angers a confirmé l’un et l’autre de ces jugements.
Soutenant que maître [W] [O], qui était son conseil dans ces deux procédures d’appel, avait engagé sa responsabilité professionnelle à son égard en manquant à ses obligations dans le cadre de sa contestation du principe même de l’ouverture d’une procédure collective, [D] [X] l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Poitiers, par acte du 28 juillet 2020, pour le voir condamner à lui payer 985.166,36 euros en réparation de son préjudice, outre 4.000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] a saisi le juge de la mise en état par voie d’incident de conclusions arguant d’irrecevabilité cette action pour défaut de qualité à agir du demandeur au motif, tiré de l’article L.641-9 du code de commerce, que le jugement prononçant la liquidation judiciaire de M. [X] avait emporté dès son prononcé le dessaisissement de celui-ci dans l’administration et la disposition de ses biens jusqu’à la clôture de la procédure, et qu’une telle action, en raison de son caractère patrimonial, n’était pas de celles qui échappaient au périmètre du dessaisissement, de sorte qu’elle ne pouvait être engagée que par le liquidateur judiciaire, lequel n’avait pas entendu l’exercer ni s’y associer.
M. [X] a soutenu en réponse que son action revêtait un caractère personnel et non patrimonial justifiant qu’il puisse l’exercer seul, dès lors qu’elle se rattachait au mandat qu’il avait donné à l’avocat de s’opposer à l’ouverture d’une procédure collective à son endroit.
Par ordonnance du 16 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers a déclaré recevable l’action engagée contre maître [W] [O] par M. [D] [X] et a condamné M. [O] aux dépens de l’incident, sans indemnité de procédure.
Pour statuer ainsi, il a retenu que les exigences du procès équitable commandaient de déduire de l’article L.641-9 du code de commerce que la règle du dessaisissement qu’il édicte ne visait pas l’action en réparation des préjudices que son auteur considère avoir subis en raison de l’ouverture de la procédure collective, et que le débiteur qui agit aux fins de réparation du chef même de l’ouverture de la procédure collective exerce nécessairement à ce titre un droit propre quand bien même il s’agit d’une action patrimoniale.
[W] [O] a relevé appel le 11 juillet 2022.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 28 octobre 2022 par M. [O]
* le 3 novembre 2022 par M. [X].
[W] [O] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée, et statuant à nouveau de déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action engagée le 28 juillet 2020 par M. [X] à son encontre, et de condamner celui-ci aux dépens de première instance et d’appel afférents à l’incident ainsi qu’à lui verser 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle les termes de l’article L.641-9 du code de commerce, et fait valoir que le juge de la mise en état a dénaturé ce texte en y ajoutant une condition qu’il ne prévoit pas, relative à l’objet de l’action exercée, alors que l’unique critère posé tient à la nature patrimoniale ou personnelle de l’action considérée, et qu’il est de jurisprudence établie qu’une action en responsabilité, dont l’objet est indemnitaire, est une action patrimoniale, comme telle atteinte donc par la règle du dessaisissement, peu important le fait générateur de cette action.
Il fait valoir que si le liquidateur judiciaire est en effet dessaisi par le jugement du 7 septembre 2022 publié le 20 du même mois au BODACC qui a clôturé pour insuffisance d’actif la procédure collective, cette circonstance est sans incidence sur l’appréciation de la recevabilité de l’action, engagée le 28 juillet 2020 par un débiteur en liquidation judiciaire.
[D] [X] demande à la cour :
-de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance querellée
-en tout état de cause, de dire qu’étant redevenu maître de ses biens, la question de la mise en cause du liquidateur est devenu sans objet
-et de condamner M. [O] aux dépens et à 4.000euros d’indemnité de procédure.
Il maintient que son action relève de celles personnelles au débiteur visées au dernier alinéa de l’article 641-9 du code de commerce, puisqu’elle ne met pas en cause la responsabilité de l’avocat dans une procédure initiée en cours de liquidation, par exemple contre un créancier ou un débiteur, mais dans une procédure où il défendait les intérêts propres du débiteur qui conteste la demande d’ouverture de la procédure collective dont il fait l’objet.
Il fait valoir que c’est ce qu’a considéré le liquidateur judiciaire, qui le lui a écrit.
Il estime inconcevable que le liquidateur judiciaire doive exercer une action contre l’avocat qui oeuvrait pour infirmer le jugement d’ouverture et donc pour qu’il ne soit pas désigné, ce qui reviendrait pour le liquidateur à être juge et partie puisqu’une telle action implique nécessairement que le liquidateur aurait lui-même dû dire au tribunal ou au juge commissaire que la liquidation n’avait pas lieu d’être.
Il ajoute qu’à suivre l’argumentation de maître [O], la responsabilité de l’avocat qui assiste un débiteur ne pourrait jamais être recherchée.
Il indique que l’arrêt de la cour d’appel de Douai dont se prévaut le demandeur à l’incident ne fait pas jurisprudence d’autant qu’il n’est pas définitif puisqu’il est frappé d’un pourvoi.
Il fait valoir que sa liquidation judiciaire est désormais clôturée en vertu d’un jugement du tribunal de commerce d’Angers du 7 septembre 2022, de sorte qu’il est redevenu maître de ses biens, et que la question de la mise en cause du liquidateur est sans objet.
L’ordonnance de clôture est en date du 7 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l’article L.641-9, alinéa 1er, du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Selon son troisième alinéa, le débiteur accomplit les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l’administrateur lorsqu’il en est désigné.
L’action en responsabilité contre son avocat du débiteur dessaisi poursuit une finalité patrimoniale.
Le droit propre du débiteur de contester le prononcé de sa liquidation judiciaire en exerçant une action contre son liquidateur ou en présence de celui-ci, ne s’étend pas à la mise en cause de la responsabilité de l’avocat auquel il avait donné mandat de contester la procédure collective.
La circonstance que le liquidateur judiciaire de M. [X] a exprimé un avis contraire par courrier à l’avocat de ce dernier le 28 décembre 2021 est sans incidence sur ce constat.
L’irrecevabilité du débiteur légalement dessaisi à exercer une action en responsabilité contre son avocat ne contrevient pas aux exigences de l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que les droits et actions afférents à cette action à finalité patrimoniale peuvent être exercés, en l’occurrence par le liquidateur judiciaire.
L’action introduite par M. [X] contre M. [O] est donc irrecevable.
L’existence du droit d’agir en justice s’appréciant à la date de la demande introductive d’instance et ne pouvant être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures (cf Cass. Com. 06.12.2005 P n°04-10287), il est sans conséquence sur le présent litige que la procédure de liquidation judiciaire de M. [X] ait fait l’objet en cours d’instance d’appel d’une clôture pour insuffisance d’actif.
Ainsi, par infirmation de l’ordonnance déférée, M. [X] doit être dit irrecevable en son action en responsabilité contre M. [W] [O].
Il supportera donc les dépens d’incident de première instance et d’appel, ainsi que les dépens de l’instance.
L’équité justifie de ne pas mettre d’indemnité de procédure à sa charge.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
INFIRME l’ordonnance entreprise, rendue le16 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers, sauf en ce qu’elle dit n’y avoir lieu à allocation d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile
statuant à nouveau :
DÉCLARE M. [D] [X] irrecevable en son action à l’encontre de M. [W] [O]
CONDAMNE M. [D] [X] aux dépens de première instance et d’appel, incluant les dépens d’incident
DÉBOUTE M. [O] de sa demande d’indemnité de procédure.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,