Responsabilité de l’Avocat : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01528

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Responsabilité de l’Avocat : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01528
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Ordonnance n 47

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20 Octobre 2022

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N° RG 22/01528 –

N° Portalis DBV5-V-B7G-GSDW

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S.E.L.A.R.L. [R] [K], représentée par Maître [E], avocate au barreau de Saintes

C/

[X] [M]

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Ordonnance notifiée aux parties le :

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE

Contestation d’honoraires d’avocat

Rendue le vingt octobre deux mille vingt deux

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt deux septembre deux mille vingt deux par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d’appel de POITIERS, assistée de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. [R] [K], représentée par Maître [E], avocate au barreau de Saintes

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume FAUROT de la SELARL FAUROT & ENOS, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

DEMANDEUR en contestation d’honoraires,

D’UNE PART,

ET :

Monsieur [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aurore FORTIER, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR en contestation d’honoraires,

D’AUTRE PART,

ORDONNANCE :

– Contradictoire

– Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par lettre enregistrée le 15 octobre 2021, Monsieur [X] [M] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Saintes d’une contestation des honoraires facturés par la SELARL [R] [K].

Par décision du 17 mai 2022, la bâtonnière de l’ordre des avocats du barreau de Saintes a taxé les honoraires de la SELARL [R] [K] à la somme de 1 991,60 euros toutes taxes comprises et l’a condamné à restituer le trop-perçu à Monsieur [X] [M], soit la somme de 15 632,40 euros.

La décision du bâtonnier a été notifiée à Maître [R] [K] le 19 mai 2022, laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d’appel de Poitiers le 15 juin 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 22 septembre 2022 où la SELARL [R] [K], représentée par Maître [R] [K], substituée par Maître [G] [H], a formé une demande de renvoi, à laquelle Maître Isabelle Fortier-Badonnel, conseil de Monsieur [X] [M] s’est opposée. Elle indique être domiciliée à [Localité 5] et ne pas avoir été informée par Maître [R] [K] de sa demande de renvoi, pour laquelle elle ne justifie d’aucun motif.

La demande de renvoi de Maître [R] [K] a été rejetée par Madame la première présidente.

Monsieur [X] [M], représenté à l’audience par Maître [C] [V], indique avoir confié la défense de ses intérêts à Maître [R] [K] dans le cadre d’une procédure de divorce.

Il expose avoir signé une convention d’honoraires le 13 novembre 2018, laquelle prévoit un honoraire au temps passé à raison d’un taux horaire de 260 euros hors taxes de l’heure.

Monsieur [X] [M] indique avoir réglé la somme de 17 264,40 euros à son avocate et avoir refusé de s’acquitter de la dernière facture adressée par Maître [R] [K], d’un montant de 3 500 euros.

Il sollicite la condamnation de la SELARL [R] [K] à lui payer la somme de 1 900 euros à titre de dommages et intérêt ainsi que 1 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Selon l’article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel qui est saisi par l’avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d’un mois à compter de la notification de la décision.

En l’espèce, le recours de la SELARL [R] [K] est recevable et régulier en la forme.

Sur le fond :

Sur la convention d’honoraires :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Il résulte de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

En l’espèce, Maître [R] [K] a été mandatée par Monsieur [X] [M] dans le cadre d’une procédure de divorce.

Une convention d’honoraires a été régularisée le 13 novembre 2018 par Monsieur [X] [M], laquelle prévoit un honoraire au temps passé à raison d’un taux horaire de 260 euros hors taxes de l’heure, outre un forfait de 130 euros pour l’ouverture du dossier, 15 euros pour la réception des correspondances, 8 euros pour les envois postaux, 0,30 centimes par page copiées, 10 euros de forfait internet et téléphone, 12 euros de télécopie et 13 euros de droit de plaidoirie par audience de plaidoirie. Ladite convention étant assortie d’un honoraire de résultat en fonction du gain pécuniaire obtenu ou de l’économie réalisée.

Sur la responsabilité de l’avocat :

Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité civile de l’avocat à l’égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d’information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l’avocat et non de l’évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.

Sur les diligences accomplies :

Il ressort des éléments du dossier que les diligences accomplies par Maître [R] [K] ont consistés en :

l’assistance de Monsieur [X] [M] en conciliation,

la rédaction de trois assignations en divorce, dont la première, délivrée, n’a pas été enrôlée et la deuxième, fondée sur les articles 233 et 234 du code civil, inapplicables au cas d’espèce ;

la rédaction d’un jeu de conclusions responsives.

La procédure n’a pas été menée à son terme.

Les diligences accomplies par Maître [R] [K] ont été facturées comme suit :

facture n°2018/218 d’un montant de 6 224,40 euros toutes taxes comprises,

facture n°2019/014 d’un montant de 4 200 euros toutes taxes comprises ;

facture n°2019/039 d’un montant de 6 000 euros toutes taxes comprises ;

facture n°2021/123 d’un montant de 3500 euros toutes taxes comprises.

Maître [R] [K] a donc facturé une somme totale de 21 124 euros toutes taxes comprises au titre de ses honoraires, sur laquelle Monsieur [X] [M] s’est acquitté de 17 624 euros toutes taxes comprises.

En l’espèce, au regard des diligences accomplies, de la nature et de la complexité de l’affaire, de la réalité du dossier, des compétences de l’avocat et de la situation de fortune de son client, la facturation de ses honoraires à hauteur de 21 124 euros toutes taxes comprises est manifestement excessive.

Il y a lieu de constater que c’est à juste titre que Madame la bâtonnière de l’ordre des avocats du barreau de Saintes a estimé que les diligences accomplies dans le dossier de Monsieur [X] [M] représentait 12 heures de travail à raison d’un coût horaire de 150 euros, y ajoutant un honoraire pour l’envoi de 31 mails estimé à 1h30 de travail, 130 euros de forfait pour l’ouverture du dossier, 10 euros de forfait internet, 15 euros pour la réception des correspondances, 50 euros de frais de copies et 8 euros pour les envois postaux, conformément aux montants des frais prévus au terme de la convention d’honoraire.

En conséquence, la décision du bâtonnier sera confirmée et les honoraires de la SELARL [R] [K] taxés à la somme de 1 638 euros hors taxes, soit 1 965,60 euros toutes taxes comprises.

Au regard du montant déjà versé par Monsieur [X] [M], la SELARL [R] [K] sera condamnée à lui restituer le trop-perçu, soit la somme de 15 632,40 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Monsieur [X] [M] sollicite la condamnation de la SELARL [R] [K] à lui payer la somme de 1 900 euros de dommages et intérêts.

Monsieur [X] [M] ne présente aucun élément justifiant sa demande de dommages et intérêts, laquelle n’est pas fondée.

Monsieur [X] [M] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Succombant à la présente instance, la SELARL [R] [K] sera condamnée à payer Monsieur [X] [M] la somme de 1 900 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombant à la présente instance, la SELARL [R] [K] en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,

Déclarons le recours de la SELARL [R] [K] recevable et régulier en la forme ;

Confirmons l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Saintes en date du 17 mai 2022 ;

En conséquence,

Fixons à la somme de 1 991,40 euros toutes taxes comprises les honoraires dus à la SELARL [R] [K] par Monsieur [X] [M] ;

Constatons que Monsieur [X] [M] s’est acquitté de la somme de 17 264,40 euros toutes taxes comprises ;

Enjoignons à la SELARL [R] [K] de restituer le trop-perçu à Monsieur [X] [M], soit la somme de 15 632,40 euros ;

Déboutons Monsieur [X] [M] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamnons la SELARL [R] [K] à payer à Monsieur [X] [M] une indemnité de 1 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SELARL [R] [K] aux dépens.

La greffière, La première présidente,

 


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