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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 20 AVRIL 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00358 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6NV
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Jeanne BELCOUR, Greffière présente lors des débats et de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
La SELARL CABINET [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me LOYSEAU DE GRANDMAISON Florent, avocat au barreau de PARIS, toque E2146
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Monsieur [G] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Catherine CANU-PITOIS, avocat au barreau de ROUEN
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 23 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 20 Avril 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par un courrier daté du 11 février 2021, adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, M. [G] [C] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une demande de restitution intégrale des honoraires versés à Me [S] par sa mère à hauteur de 42.000 euros, dans les termes suivants : ‘Suite à une déconvenue, avec Maître [S], avocat inscrit au barreau de Paris, je me permets, avec l’accord de ma mère et mon frère, de vous envoyer ce dossier ci-joint, afin que vous puissiez résoudre notre problème.’.
Dans un courrier complémentaire joint, comportant dix pages, non daté et signé par le même M. [G] [C], celui-ci indiquait avoir fait, conjointement avec sa mère [D] [T] épouse [C] et son frère [P] [C], le choix de Me [S] dont une plaquette d’information sur internet le disait ‘expert en succession internationale’, alors qu’eux-mêmes étaient confrontés à une succession difficile, celle de son père [L] [C], décédé le [Date décès 1] 2008 pendant ses vacances, dans son village de naissance en Croatie et dont les biens étaient situés dans ce pays.
Il précisait que son frère [P] avait assisté à une réunion chez un notaire en Croatie où il avait été fait état d’une donation de tous les biens de son père au profit de [R] [C], dont il avait tout de suite remarqué en examinant le document que la signature y étant apposée n’était pas celle de leur père, ce qu’il avait signalé au notaire.
Il décrivait les démarches entreprises par Me [S] qui avait engagé une procédure pénale en France, successivement au [Localité 5] et à [Localité 6] afin de contester la donation, les qualifiant d’erronées et inutiles, alors qu’elles avaient abouti à une irrecevabilité.
Il estimait avoir été abusé ainsi que sa mère et son frère par cet avocat du fait de leur méconnaissance du droit et de leur vulnérabilité.
Il ajoutait qu’ils avaient certes, signé une convention, mais que celle-ci était fantaisiste, truffée d’erreurs avec des honoraires très excessifs, non justifiés par de réelles diligences, au surplus inutiles.
Le courrier visait d’autres pièces jointes, soit trois factures de Me [S], des échanges de courriels dans trois dossiers, la convention d’honoraires, l’irrecevabilité et la confirmation de l’irrecevabilité.
”’
Après avoir recueilli les observations des parties, par une décision contradictoire rendue le 24 juin 2021, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris a :
‘ pris acte de l’intervention volontaire de Mme [D] [C], en tant que demandeur à la procédure;
‘ fixé à la somme de 9.000 (neuf mille) euros hors taxes, soit 10.800 (dix mille huit cents) euros toutes taxes comprises, le montant total des honoraires dus à la selarl Cabinet [M] [S];
‘ constaté le règlement de 42.000 euros toutes taxes comprises, effectué par les consorts [C];
‘ condamné, en conséquence, la selarl Cabinet [M] [S] à restituer aux consorts [C], la somme de 31.200 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et à payer les frais d’huissier de justice, en cas de signification de la présente décision, outre la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ce, conformément aux dispositions de l’article 277 du décret du 27 novembre 1991;
‘ débouté les parties de toutes autres demandes complémentaires ou plus amples
‘ prononcé l’exécution provisoire de la présente décision.
Cette décision a fait l’objet d’une notification par voie postale suivant courrier du 24 juin 2021, dont la Selarl Cabinet [M] [S] a accusé réception le 20 juin 2021.
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 28 juin 2021, expédiée par la Selarl Cabinet [M] [S], cet avocat a formé, auprès du Premier président de cette cour, un recours à l’encontre de ladite décision.
Des convocations ont été adressées le 13 décembre 2022 aux parties par le greffe afin qu’elles comparaissent à l’audience du 05 janvier 2023, lors de laquelle l’affaire a été renvoyée à la demande de l’appelant ayant excipé d’une raison de santé.
Lors de l’audience du 23 mars 2023 à laquelle le renvoi avait été ordonné, les parties, toutes représentées, ont comparu et ont soutenu leurs conclusions écrites respectives remises au greffe dont ils ont demandé le bénéfice.
”’
Aux termes de ses conclusions auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la Selarl Cabinet [M] [S] a demandé à cette juridiction de :
à titre principal
‘ annuler en toutes ses dispositions la décision du bâtonnier du 24 juin 2021;
‘ débouter Mme [D] [C] de son intervention volontaire et M. [G] [C] de ses demandes;
‘ renvoyer M. [G] [C] à mieux se pourvoir;
à titre subsidiaire
‘ réformer intégralement la décision du bâtonnier de Paris du 24 juin 2021;
‘ rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de M. [G] [C] comme irrecevables en raison de l’absence d’intérêt à agir au jour de la saisine du bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris;
‘ déclarer Mme [C] irrecevable en son intervention volontaire à titre accessoire compte tenu de l’irrecevabilité de la demande principale;
‘ en conséquence, prononcer l’irrecevabilité de la contestation du 23 février 2021 et constater en conséquence, l’absence d’effet dévolutif de l’appel;
‘ débouter les demandeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions;
à titre infiniment subsidiaire
‘ réformer intégralement la décision du bâtonnier de Paris du 24 juin 2021;
‘ constater la validité de la convention d’honoraire en ce qu’elle a été signée par les deux parties le 28 juin 2018;
‘ déclarer incompétent le Bâtonnier pour connaître, même à titre incident, de la demande de M. [G] [C] tendant à la réparation d’une faute professionnelle de l’avocat par voie de remboursement intégral du montant de ses honoraires;
‘ en conséquence, débouter Mme [D] [C] de son intervention volontaire et M. [G] [C] de ses demandes;
‘ renvoyer M. [G] [C] à mieux se pourvoir ;
à titre plus subsidiaire encore
‘ réformer intégralement la décision du bâtonnier de Paris du 24 juin 2021;
‘ constater que la demande en réduction des honoraires payés par Mme [D] [C] est irrecevable dès lors que l’ensemble des honoraires contestés ont été payés en application de la convention d’honoraires du 28 juin 2018, à réception des factures correspondantes, sans la moindre contestation;
‘ en conséquence, rejeter comme irrecevable la contestation d’honoraires formulée par les consorts [C] à l’encontre des sommes versées par Mme [D] [C], après services rendus, à la Selarl Cabinet [M] [S] au titre de la facture 18/087 du 07 juin 2018 d’un montant de 6.875€ HT, la facture récapitulative n°18/078 d’un montant de 21.250€ HT réglée les 03 et 10 juillet 2018, la facture n°18/117 de 13.750€ HT en solde de la convention d’honoraires, réglée le 05 septembre 2018;
‘ débouter Mme [D] [C] de son intervention volontaire et M [G] [C] de ses demandes;
à titre superfétatoire
‘ réformer intégralement la décision du bâtonnier de Paris du 24 juin 2021;
‘ fixer les honoraires dus à la Selarl Cabinet [M] [S] à la somme de 35.000 euros HT;
‘ constater le règlement des sommes conformément à la convention d’honoraire en date du 28 juin 2018;
‘ en conséquence, débouter Mme [D] [C] de son intervention volontaire et M. [G] [C] de ses demandes;
en tout état de cause
‘ condamner M. [G] [C] et Mme [D] [C] à payer à la Selarl Cabinet [M] [S], solidairement, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.
”’
Aux termes de leurs conclusions auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. [G] [C] et Mme [D] [C] ont demandé à cette juridiction de :
‘ déclarer irrecevables les moyens de nullité soulevés par le Cabinet [M] [S] en ce qu’il s’agit de demandes nouvelles;
‘ dire recevable et bien fondée l’intervention volontaire de Mme [D] [C];
‘ déclarer M. [G] [C] et Mme [D] [C] recevables à agir en contestation d’honoraires;
‘ dire que bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris est compétent pour connaître de la demande en contestation d’honoraires formulée devant lui;
‘ constater qu’il n’existe aucune convention d’honoraires valable régularisée par les deux parties;
‘ déclarer recevable et bien fondée la demande en réduction d’honoraires payés par M. [G] [C] et Mme [D] [C];
‘ confirmer en toutes ses dispositions la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en date du 24 juin 2021;
‘ condamner la Selarl Cabinet [M] [S] à restituer à [D] et [G] [C] la somme de 31.200 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision du 24 juin 2021 et à payer les frais d’huissier de justice;
‘ débouter la Selarl Cabinet [M] [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
‘ condamner la Selarl Cabinet [M] [S] au règlement d’une indemnité procédurale de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Les parties comparantes entendues dans leurs demandes, l’affaire a été mise en délibéré au 20 avril 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement alors que les parties ont comparu.
En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53- 6°) de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En cette matière, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 06 août 2015, applicable à l’espèce, ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.’
En outre, la procédure spéciale ainsi mise en ‘uvre n’étant applicable qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats, le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs.
Dès lors, ils ne peuvent pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.
De même, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier le bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf s’il est démontré que celles-ci auraient été manifestement inutiles.
Au cas d’espèce, conformément aux dispositions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité qui prévoient que le délai de recours à l’encontre de la décision du bâtonnier est d’un mois, il n’est pas discuté ni discutable que le recours de la Selarl Cabinet [M] [S] est recevable, pour avoir été formé dans les délais requis.
Cet avocat a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [G] [C] qu’il convient d’examiner en premier lieu.
Contrairement à ce que M. [G] [C] et Mme [D] [C] ont soutenu, le moyen de saurait être écarté comme nouveau alors que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Selon l’article 31 du code de procédure civile ‘L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’.
S’agissant de la procédure spéciale instituée pour trancher les contestation d’honoraires, il ne peut y être recouru que par le client et l’avocat.
Or, la Selarl Cabinet [M] [S] soutient que seule Mme [D] [C] serait sa cliente alors qu’elle seule a contracté avec l’avocat et a signé la convention d’honoraires, ce qui n’est pas le cas de M. [G] [C]. La Selarl Cabinet [M] [S] en déduit que, contrairement à M. [G] [C], seule Mme [D] [C] avait vocation à saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats.
Mais, les parties, qui ont été expressément invitées à faire valoir leurs observations sur ce point, s’opposent sur cette question, sans qu’il soit possible au vu des pièces produites de déterminer clairement l’identité du ou des clients, ce d’autant que M. [G] [C] a précisé dans un premier temps avoir saisi la Selarl Cabinet [M] [S], conjointement avec Mme [D] [C] et son frère [P] [C], lequel n’a pas été appelé dans la cause.
Alors qu’est élevée dans ces termes une contestation relative au client et débiteur de l’honoraire, laquelle ne relève pas de la compétence du juge de l’honoraire, il incombe à cette juridiction de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction de droit commun compétente pour apprécier cette question afférente à la détermination du débiteur des honoraires et afin de savoir qui avait la qualité de client.
Par voie de conséquence, en application des articles 49 et 378 du code de procédure civile, il sera ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction compétente, dans les conditions précisées au dispositif ci-après.
Il y a lieu de réserver les autres demandes ainsi que les frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes présentées par les parties, jusqu’à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur la détermination du ou des débiteurs des honoraires et du ou des clients de la Selarl Cabinet [M] [S];
Invite les parties à saisir la juridiction compétente pour trancher cette question préalable ;
Prononce la radiation de l’affaire dans l’attente de l’accomplissement de ces diligences par les parties ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Réserve toute autre demande des parties et réserve les frais et dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE