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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 07 OCTOBRE 2022
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2022, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00204 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3PL
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
La S.E.L.A.R.L. [F] & ASSOCIES
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie VIARIS DE LESEGNO de la SELEURL SVL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0166,
Substituée lors de l’audience par Me Guillaume ANGELI, avocat au barreau de Paris
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Madame [G] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en personne,
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition de la décision au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 02 Septembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 07 Octobre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Courant janvier 2018, Mme [G] [S], veuve du réalisateur de cinéma [J] [S], a confié la défense de ses intérêts à la Selarl [F] & associés à l’occasion d’un litige l’opposant à la société de production audiovisuelle du film ‘Mont-Dragon’.
Les parties n’ont pas signé de convention ayant pour objet de régler les honoraires revenant à l’avocat.
Suivant courrier reçu le 24 octobre 2019, Mme [G] [S] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris d’une contestation des honoraires d’un montant total de 12.189,33 euros hors taxes, facturés par Me [T] [F] et Me [V] [X] [L], membres du cabinet [F], à qui elle avait confié le soin d’agir en justice concernant les droits d’auteurs de [J] [S], avant de le dessaisir.
Par une décision contradictoire en date du 27 mai 2020, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
– fixé à la somme de 8 050 € (huit mille cinquante euros) hors taxes le montant total des honoraires dus à la Selarl [F] & associés par Mme [G] [S] sous déduction de la somme réglée de 9 050 € (neuf mille cinquante euros) hors taxes, soit un trop-perçu en sa faveur de 1 000 € (mille euros) hors taxes ;
– constaté le règlement intégral par Mme [G] [S] des débours justifiés pour la somme de 44,60 euros toutes taxes comprises ;
– condamné en conséquence la Selarl [F] & associés à verser à Mme [G] [S] la somme de 1 000 euros (mille euros) hors taxes avec intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de la présente décision, outre la TVA au taux de 20 %, ainsi que les frais d’huissier de justice en cas de signification de la présente décision;
– débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples complémentaires.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées, avec demande d’avis de réception du 5 juin 2020, respectivement signés le 8 juin 2020 pour Mme [G] [S] et le 9 juin 2020 pour la Selarl [F] & associés .
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, posté le 11 juin 2020, la Selarl [F] & associés a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 2 septembre 2022 par courriers recommandés avec demande d’avis de réception adressés le 29 mars 2022.
A cette audience du 2 septembre 2022, les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations, conformes à leurs écritures respectives.
Au terme des débats, la Selarl [F] & associés , représentée par son conseil, sollicite de cette juridiction qu’elle :
* la reçoive, bien fondée en ses demandes ;
* infirme la décision du 27 mai 2020 du bâtonnier de l’ordre des avocats, en ce qu’elle a fixé à la somme de huit mille cinquante euros hors taxes le montant total des honoraires dus par Mme [G] [S] sous déduction de la somme réglée de neuf mille cinquante euros hors taxes, soit un trop perçu en sa faveur de mille euros hors taxes et a condamné en conséquence la Selarl [F] & associés à verser à Mme [G] [S] la somme de mille euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de la présente décision, outre la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les frais d’huissier de justice en cas de signification de la décision;
* statuant à nouveau, juge que l’intégralité des honoraires correspondaient à des diligences effectuées et qu’ils étaient intégralement dus ;
* fixe les honoraires de la Selarl [F] & associés à la somme de 12 150 euros hors taxes au titre des diligences effectuées ;
* dise qu’il n’y a pas lieu au remboursement de la somme de 1 000 euros hors taxes par la Selarl [F] & associés à Mme [G] [S] ;
* en tout état de cause, condamne Mme [G] [S] à régler la somme de 2 900 euros hors taxes, soit 3480 euros toutes taxes comprises au titre de la facture N° 022676 en date du 12 juillet 2019 ;
* condamne Mme [G] [S] aux dépens qui seront recouvrés par la Selarl [F] & associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;
* condamne Mme [G] [S] au versement de la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
A l’appui de ses demandes, devant le magistrat délégataire du Premier président de cette cour, se référant à ses écritures, la Selarl [F] & associés précise que la contestation qu’elle élève porte, en premier lieu, sur le refus par le bâtonnier de Paris de prendre en compte la dernière facture qu’elle a émise au titre des diligences effectuées entre le 15 janvier et 12 juillet 2019, à hauteur de 2 900 euros hors taxes, soit 3 480 euros toutes taxes comprises. Elle précise que les diligences accomplies entre le 12 juillet et le 9 octobre 2019 n’ont pas donné lieu à facturation.
Elle souligne son désaccord avec la décision du bâtonnier en ce que celui-ci a relevé qu’elle avait manqué à son obligation d’information de tenir informée sa cliente concernant les modalités de son intervention et le temps passé sur le dossier.
Au contraire, elle fait remarquer que Mme [G] [S] avait pleinement connaissance des modalités de son intervention, pour avoir bénéficié de ses services dans le cadre d’une mission antérieure, outre qu’elle avait accepté pour cette affaire de régler les factures des 23 mars, 24 avril, 16 mai, 27 juillet, 12 et 29 novembre 2018, ainsi que celle du 17 janvier 2019, avant de contester la dernière en date du 12 juillet 2019, à hauteur de 2 900 euros hors taxes.
La Selarl [F] & associés fait valoir, en second lieu, que le Bâtonnier de l’ordre des avocats a, par une appréciation erronée, fixé à la somme de 8 050 euros hors taxes le montant total des honoraires qui lui étaient dus par Mme [G] [S].
Elle prétend, en effet, que toutes les notes d’honoraires qu’elle a émises, à l’exception de la dernière du mois de juillet 2019, ont été validées et réglées par Mme [G] [S], qui ne saurait en aucun cas les contester a posteriori.
Elle soutient qu’en effet, il est de jurisprudence constante que les honoraires payés librement après service rendu, quand ils ne sont pas contestés par le client, ne peuvent être réduits.
”’
En réponse, s’opposant aux demandes adverses, Mme [G] [S] sollicite :
– la confirmation de la décision dont appel en toutes ses dispositions;
– la condamnation de la Selarl [F] & associés à lui verser une somme de 5.000 euros hors taxes à titre de dommages et intérêts en réparation de l’ensemble des préjudices qu’elle avait subi;
– la condamnation de la Selarl [F] & associés à lui verser une somme de 1.000 euros hors taxes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [G] [S] précise que’elle a fait le choix d’être assistée et représentée par Me [F] car elle le connaissait personnellement et avait toute confiance en lui. Elle indique que lors du premier échange, l’ayant questionné sur le coût de sa prestation, celui-ci lui a répondu de ne pas s’inquiéter, reportant cette discussion à un moment ultérieur.
Elle détaille les échanges noués avec le cabinet d’avocats, évoque son mécontentement d’avoir vu son affaire confiée à un collaborateur ou un associé, outre son dépit à raison du retard pris dans la mise en ‘uvre du procès.
En particulier, elle regrette le recours à deux mesures de médiation successives, comme elle l’a accepté sur les conseils de son avocat, mais ce qui l’a obligée à consigner 1 000 euros à chaque fois, sans résultat, ce pour quoi elle a refusé la proposition d’une troisième médiation.
Elle précise avoir néanmoins continué à payer les honoraires qui lui étaient réclamés, soit trois notes d’honoraires avant que l’assignation n’ait été faite.
Elle relève toutefois que la quatrième facture mentionnait le taux horaire pour la première fois, alors qu’elle n’avait pas obtenu que lui soit établi un devis, obligatoire depuis 2015, et avait en vain demandé un rendez-vous pour sortir de cette ambiguïté.
Elle indique qu’elle a alors décidé de dessaisir son avocat du dossier, lui annonçant son refus de le payer tant qu’elle n’aurait pas établi de facture détaillée, considérant que celle reçue par la suite était totalement fantaisiste.
Elle rappelle avoir saisi le bâtonnier avant la Selarl [F] & associés , exposant ne jamais avoir vu un manque de respect des clients à ce point-là, évoquant les éléments révélés par le journal Libération concernant les pratiques de ce cabinet d’avocats.
Enfin, elle précise solliciter l’octroi de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi, pour avoir été trompée par Me [F].
SUR CE
La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties qui, toutes deux, ont comparu à l’audience.
Il n’est pas discuté que courant janvier 2018, Mme [G] [S], veuve du réalisateur de cinéma [J] [S], a confié la défense de ses intérêts à la Selarl [F] & associés à l’occasion d’un litige l’opposant à la société de production audiovisuelle du film ‘Mont-Dragon’ avant de dessaisir ce conseil, par un courriel daté du 6 septembre 2019.
En matière de contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, il convient de rappeler que doit être appliquée la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre1991.
Dans ce cadre, le bâtonnier et, en appel, le premier président n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier.
En revanche, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
Toutefois, il ne peut pas le réduire dès lors que le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention.
Reste que le paiement doit être intervenu librement et en toute connaissance de cause, ce qui n’est pas le cas pour des honoraires réglés sur présentation de factures qui ne répondent pas aux exigences de l’article L. 441-3 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 26 avril 2019, peu important qu’elles soient complétées par des éléments extrinsèques (cf. Cass. 2ème Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-19.354, publié).
Il en résulte que les factures qui ne précisent pas suffisamment les diligences effectuées par l’avocat peuvent être contestées par le client nonobstant leur paiement après service rendu.
Par ailleurs, le paiement effectué à titre provisionnel ne constitue pas un obstacle à la réduction des honoraires puisqu’il ne constitue pas un paiement après service rendu.
Au cas présent, la Selarl [F] & associés prétend que Mme [G] [S] a été informée des conditions de son intervention lors du premier rendez-vous au cabinet et qu’elle ne pouvait dès lors pas contester les factures qu’elle avait réglées.
Toutefois, alors qu’il est constant qu’il appartient à l’avocat d’informer préalablement son client des conditions de fixation de sa rémunération, la Selarl [F] & associés ne produit aucune pièce de nature à étayer son affirmation en ce sens.
En outre, il ne saurait être sérieusement déduit de ce que cet avocat aurait été chargé par les époux [S] d’une autre affaire, en 2011, soit plusieurs années auparavant, que Mme [G] [S] aurait été de ce fait, informée des conditions de sa nouvelle intervention.
Au contraire, il apparaît que, comme le bâtonnier de l’ordre des avocats l’a relevé, Mme [G] [S] a vainement demandé à plusieurs reprises des précisions sur les modalités de facturation.
De plus, comme a pu encore le relever le bâtonnier de l’ordre des avocats, au vu des pièces en débat, il n’est pas discuté que les trois premières notes d’honoraires des 23 mars, 24 avril et 16 mai 2018 se réfèrent à diverses diligences mais sont taisantes sur le temps passé, comportant des montants globaux, respectivement de 800 euros, 900 euros et 900 euros hors taxes.
En outre, les factures versées correspondent pour partie à des appels de ‘provision sur diligences’.
C’est dès lors à juste titre que le bâtonnier de l’ordre des avocats a pu déduire des éléments qui lui étaient soumis qu’aucun échange préalable n’avait eu lieu entre les parties, à tout le moins sur le mode de détermination des honoraires.
En tout cas, de ce qui précède, il ne peut pas être retenu que Mme [G] [S] se serait acquittée des factures contestées, librement et en toute connaissance de cause.
Aussi, peu important qu’un paiement soit intervenu pour les factures émises par la Selarl [F] & associés, la contestation d’honoraires pouvait parfaitement porter sur celles-ci.
En outre, après avoir invoqué la validation des notes d’honoraires acquittées par Mme [G] [S], pour contester la décision du bâtonnier, la Selarl [F] & associés s’est bornée à prétendre à l’existence d’une ‘pléiade de diligences’ accomplies, sans toutefois articuler de faits plus précis à l’appui de ses prétentions.
Ce faisant, la Selarl [F] & associés a réitéré au soutien de son recours, sans justification complémentaire utile, les moyens dont le bâtonnier a connus et auxquels il a répondu.
Il sera néanmoins observé que c’est par des motifs lui appartenant que le bâtonnier, ayant estimé devoir prendre en compte un manquement de l’avocat à ses obligations d’informer sa cliente et de lui d’adresser systématiquement le détail du temps passé facturable, a cru pouvoir considérer qu’en conséquence, il convenait d’appliquer un abattement légitime de 20 % sur l’ensemble de la facturation, équivalent ainsi au montant de la facture du 12 juillet 2019 pour le montant corrigé de 2500 euros hors taxes.
Reste que, comme le bâtonnier l’a aussi justement retenu, à défaut de convention réglant les honoraires revenant à l’avocat conclue entre les parties, dans de telles circonstances, il y a lieu de se prononcer sur les honoraires contestés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271 et 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459).
Ainsi, force est de relever, comme l’a fait à juste titre le bâtonnier, que les honoraires réclamés comportent notamment des frais de secrétariat juridique et administratif, comptabilisés dans les factures des 24 avril 2018, 12 novembre 2018, 29 novembre 2018, 17 janvier 2019 12 juillet 2019 à hauteur de 1400 euros hors taxes outre des débours pour 44,60 euros toutes taxes comprises, lesquels n’apparaissent aucunement justifiés par les pièces produites au débat.
Pour le surplus, en prenant en compte les critères rappelés ci-avant, tenant à la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et ses diligences, ces motifs se substituant à ceux adoptés par le bâtonnier, le magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris considère que le montant total des honoraires fixé par le bâtonnier à hauteur de la somme de huit mille cinquante euros hors taxes, comme étant dus par Mme [G] [S] à la Selarl [F] & associés, au regard des diligences accomplies par cet avocat, correspond à une juste appréciation et est parfaitement justifié.
Par ailleurs, comme l’a retenu à bon droit le bâtonnier de l’ordre des avocats, la demande formée par Mme [G] [S] tendant à la condamnation de la Selarl [F] & associés à lui payer des dommages et intérêts, à raison de la faute qu’elle impute à celui-ci, ne ressort pas de la compétence du juge de l’honoraire et doit être rejetée.
Par voie de conséquence, la décision sera confirmée quant à son entier dispositif, y étant ajouté les frais de procédure en voie d’appel.
La solution du litige, eu égard à l’équité, commande d’accorder à Mme [G] [S] une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée;
Condamne la Selarl [F] & associés à payer à Mme [G] [S] une indemnité d’un montant de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la Selarl [F] & associés aux dépens;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE